Des rapports des âmes du Purgatoire avec l'Église militante
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Des rapports des âmes du Purgatoire avec l’Église militante


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La première question qui se présente, c’est de savoir si les âmes du Purgatoire peuvent se mettre directement en rapport avec nous, et nous apparaître ; au fond c’est la vieille question des revenants qui se pose ici ; et cette question semble bien définitivement tranchée par la négation.

Un éclat de rire universel ne manquerait pas d’accueillir celui qui voudrait la traiter scientifiquement, tant la génération actuelle est habituée à considérer tout cela comme des contes de bonne femme, dont ne s’effrayent plus même les enfants, et il est dur de répondre ainsi par une fin de non-recevoir absolue à l’histoire tout entière, car il ne faut pas se le dissimuler, tous les peuples et tous les siècles croyaient à ces communications d’outre tombe.

Les anciens païens avaient leurs apparitions, tout comme le Moyen Âge catholique, il y a plus : le culte païen tout entier repose sur ces manifestations extraordinaires, et nous voyons, par les anathèmes de la Bible, et par les histoires anciennes, que l’évocation des morts, le culte des mânes fut le grand péché de l’antiquité.

Laissons de côté les Assyriens, les Égyptiens et les Grecs, malgré les témoignages que nous fournissent les ruines de Ninive et de Memphis, voyons ce qui se passait chaque année, chez les Romains : on sait que les Lemuries ou fêtes expiatrices en l’honneur des morts y étaient célébrées religieusement chaque année. Au jour marqué, le Souverain Pontife se rendait processionnellement auprès du gouffre Manal, situé au milieu du champ de Mars, à ce cri sinistre Mundus patet, les morts sortaient en foule du sein de la terre, leurs parents, leurs amis allaient au-devant d’eux, on les conduisait dans les maisons, où un festin était préparé en leur honneur.

La fête finie, on les reconduisait à leur sombre séjour, Or ces rites lugubres existent chez tous les peuples non chrétiens, au XVIe siècle, saint François Xavier les retrouve, identiquement les mêmes, chez les Japonais, et de nos jours, dans ce grand empire chinois, qui couvre un quart du globe, nos missionnaires nous apprennent que les choses se passent encore de même, et que l’évocation des morts, le culte des ancêtres forme à peu près toute la religion de ce peuple extraordinaire.

D’où peut venir une pareille unanimité ? Il n’y a rien là qui attire, au contraire, ces communications avec le monde invisible impriment naturellement la terreur, comment les retrouve- t-on partout ? Qui a fait connaître ces mêmes rites aux anciens Mexicains et à tous les peuples de l’Amérique, chez qui les Espagnols les trouvèrent établis lorsqu’ils débarquèrent sur leurs plages ? Qui les a révélés aux Vaudoux et à ces peuplades abruties du centre de l’Afrique, qui n’ont jamais eu de relations avec les peuples civilisés de l’antiquité ou du monde moderne ? À qui fera-t-on croire que ces milliers d’hommes, vivant sous toutes les latitudes, à des époques si éloignées les unes des autres, ont cru voir, entendre ce qui n’a jamais eu de réalité que dans leur imagination ?

Faisons la part de l’illusion et de la superstition, dans ces manifestations étranges.

De cette universalité de croyance aux apparitions des morts, je crois être en droit de conclure qu’une réalité sérieuse se cache sous ces phénomènes, L’Église ne s’y est pas trompée, également éloignée de la superstition qui croit tout, et du scepticisme qui rejette, sans examen, les faits les mieux prouvés, elle admet en principe l’existence de ces manifestations, et, quand un fait particulier se présente, elle examine la part qu’il faut faire à la supercherie ou à l’illusion démoniaque, si rien de tout cela n’est à craindre, elle admet la réalité de l’apparition, et il le faut bien, car autrement, nous devrions déchirer toutes nos vies de saints, puisqu’à chaque page ces phénomènes s’y reproduisent.

Tantôt ce sont des âmes déjà dans la gloire qui apparaissent pour encourager les survivants ou leur donner des conseils, tantôt ce sont des âmes souffrantes qui viennent solliciter nos prières, plus rarement, ce sont des réprouvés, qui sortent un instant de l’abîme, pour raconter leurs souffrances. En dehors de ces récits, empruntés aux annales de l’Église, il y a la tradition de tous les peuples qui parle de maisons hantées, de bruits étranges, d’apparitions effrayantes.

Si je n’entre pas dans l’étude de ces faits, ce n’est pas que je les rejette en bloc, comme nos beaux esprits modernes, je tiens, au contraire, qu’au milieu de beaucoup de superstitions et d’erreurs, il y a un fond de vérité à la plupart de ces récits, à moins de renverser les lois du témoignage humain, il faut bien avouer que sur tant de faits de ce genre, que l’on raconte, il y en a qui sont parfaitement prouvés, la seule raison qui me force de les passer sous silence, c’est la loi que je me suis imposée, en commençant ce travail, de ne citer que des révélations appartenant à la vie des saints, afin d’écarter tout péril d’illusion.

Pour ceux qui voudraient étudier ces faits plụs en détail, je les renverrai à M. de Mirville, dans son livre des esprits et de leurs manifestations, ou à la mystique de Gorres. En me renfermant dans mon programme, je veux raconter ce qui arriva au grand docteur du Moyen Âge, saint Thomas d’Aquin, il serait dur de rejeter ce grand esprit parmi les gens crédules, qui se laissent prendre à des contes de bonnes femmes.

Voici ce qu’on trouve dans sa vie.

Lorsque saint Thomas était lecteur en théologie à l’Université de Paris, il vit un jour paraître devant lui l’âme de sa sœur, qui venait de mourir au couvent de Capoue, dont elle était abbesse, elle souffrait cruellement pour divers manquements à la vie religieuse, et se recommandait à ses prières, le saint le lui promit, et tint parole, à quelque temps de là, ayant été envoyé à Rome par ses supérieurs, il vit cette chère âme lui apparaître de nouveau, mais cette fois, dans l’extérieur de la gloire, elle venait le remercier de ses suffrages qui avaient hâté sa délivrance.

Familiarisé depuis longtemps avec les choses surnaturelles, le saint ne craignit pas d’entrer en conversation avec l’apparition et de lui demander ce qu’étaient devenus deux de ses frères morts auparavant : Arnould est au Ciel, répondit l’âme, et il jouit d’un haut degré de gloire, pour avoir défendu l’Église et le Souverain Pontife contre les impies agressions de l’empereur Frédéric, quant à Ludolphe, il est encore dans le Purgatoire où il souffre beaucoup, parce que personne ne pense à prier pour lui.

Pour vous, cher frère, une place magnifique vous attend dans le Paradis, en récompense de tout ce que vous avez fait pour l’Église, hâtez-vous donc de mettre la dernière main aux divers travaux que vous avez entrepris, car certainement, vous viendrez bientôt nous rejoindre.

L’histoire rapporte qu’en effet le grand docteur mourut peu de temps après. Un autre jour, le même saint était en prière dans l’église de Saint-Dominique à Naples, il vit venir au-devant de lui frère Romain, qui lui avait succédé à Paris dans la charge de lecteur en théologie. Le saint crut d’abord qu’il venait d’arriver de Paris, car il ignorait sa mort, il se leva donc pour s’informer de sa santé et des motifs de son voyage.

Je ne suis plus sur la terre, lui dit le bon religieux en souriant, j’ai passé quinze jours seulement en Purgatoire, par la miséricorde de notre Dieu, je suis déjà en possession de ma couronne, et je viens par ses ordres vous encourager dans vos travaux.

Suis-je en état de grâce, demanda aussitôt Thomas ?

– Oui, mon frère, et je dois vous dire que vos œuvres sont très agréables à Dieu !

Alors le théologien, rassuré sur son propre état, voulut profiter de l’occasion pour sonder quelques-uns des mystères de la science sacrée, en particulier le mystère de la vision béatifique, mais il lui fut répondu par ce verset du psalmiste Sicut audivimus sic vidimus in civitate Dei nostri (Ce que nous avions entendu, nous l’avons vu dans la cité du Seigneur des armées, dans la cité de notre Dieu), et l’apparition disparut.

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Saint Augustin, cité à cet endroit par le cardinal Bona, incline manifestement vers l’opinion qui attribue les apparitions des âmes aux anges. Après avoir parlé de quelques apparitions de morts aux vivants, et même de vivants à d’autres vivants, après avoir raconté que lui-même, Augustin, étant à Milan, apparut ainsi, sans le savoir, à Eulogius de Carthage, pour lui expliquer un passage difficile du traité de la rhétorique de Cicéron, le grand docteur de l’Église latine conclut en ces termes :

« Pourquoi ne croirions-nous pas que ces choses sont des opérations des anges, lesquelles arrivent par la dispensation de la providence de Dieu ? »

Puis, avec son humilité ordinaire, le saint docteur déclare que pour lui, il ignore comment les choses se passent. Cela, dit-il, est trop haut pour que je puisse y atteindre. Sur quoi le pieux cardinal conclut avec la même humilité et simplicité :

« Si saint Augustin a ignoré ces choses, qui suis-je pour me promettre d’en avoir la connaissance. »

Après cela, il pourra paraître bien impertinent et bien présomptueux d’avoir une opinion, quand ces grands et saints personnages refusent de se prononcer, mais comme une question étant posée, il est impossible d’empêcher l’esprit de l’homme de se porter d’un côté ou de l’autre.

Source : Le purgatoire d’après les révélations des Saints – Abbé Louvet – 1883

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