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La NDE de Saint Sauve par Saint Grégoire de Tours


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La NDE de Saint Sauve par Saint Grégoire de Tours
Evêque Sauve d’Albi ( Gaule )

Quelques mots sur la mort du bienheureux évêque Sauve

Salvius d’Albi ou (Salvius ou Sauve ou Salvii) (actif vers 580) est un ancien évêque d’Albi en Gaule, entre 574 et 584 environ.

Quoique notre dessein soit de poursuivre l’histoire où nous l’avons laissée dans les livres précédents, la piété réclame cependant auparavant quelques mots sur la mort du bienheureux évêque Sauve (Evêque d’Albi) arrivée, certainement, pendant cette année (584).

Longtemps, comme il le racontait lui-même , il avait vécu au milieu des habitudes du monde, mêlé aux affaires terrestres avec les puissants du siècle. Cependant il ne s’était pas asservi aux passions qui d’ordinaire entraînent les esprits des jeunes gens. Lorsque le souffle de l’esprit divin se fût fait sentir au fond de ses entrailles, abandonnant
les rangs de la milice mondaine, il se retira dans un monastère.

Dévoué à Dieu, il comprit qu’il valait mieux être pauvre avec la crainte du Seigneur, que rechercher les avantages d’un siècle pervers. Il y vécut longtemps soumis aux règles instituées pas les Pères. Puis parvenu a une plus grande force d’esprit et d’âge, à la mort de l’abbé supérieur de ce monastère, il entreprit le soin de faire paître le troupeau, et au lieu de se montrer plus souvent à ses frères pour les diriger lorsqu’il fut élevé en dignité, il se retira encore davantage.

Il chercha une cellule plus secrète ; dans la première, il l’affirmait lui-même, son corps, consumé par un excès d’abstinence, avait changé plus de neuf fois de peau. La dignité d’abbé étant venue le surprendre tandis que,
dans cette humilité, il se livrait aux oraisons et à la lecture, il pensa souvent qu’il lui eût été plus avantageux
de vivre caché parmi les moines que d’être salué en public du titre d’abbé.

Enfin, disant adieu à ses frères et recevant aussi leurs adieux, il se voua à la réclusion et vécut solitaire, dans une plus grande abstinence encore qu’auparavant. Complaisant, charitable envers les étrangers qui venaient à lui, il s’empressait de leur accorder le tribut de ses oraisons et leur administrait avec libéralité les eulogies ! Il guérit souvent par ce moyen un grand nombre de malades. Attaqué lui-même d’une violente fièvre, il gisait privé de respiration sur son lit ; voilà que soudainement la cellule, éclairée d’une grande lumière, fut ébranlée.

Sauve, ayant levé les mains aux cieux en forme d’actions de grâces, rendit l’âme. Les moines, mêlant leurs gémissements à ceux de la mère de leur abbé, emportent le corps du mort, le lavent dans l’eau, le couvrent de vêtements, le placent dans un cercueil, et passent la nuit à gémir et à chanter des psaumes.

Le lendemain matin, la cérémonie des obsèques étant préparée, le corps commença à s’agiter dans le cercueil, et voilà qu’au grand effroi des méchants, Sauve, comme sortant d’un profond sommeil se leva, ouvrit les yeux, étendit les mains et s’écria :

 » O Seigneur miséricordieux ! pourquoi m’as-tu fait revenir dans ces lieux ténébreux de l’habitation du monde lorsque ta miséricorde dans le ciel m’était meilleure que la Vie de ce siècle pervers? « 

Comme tous demeuraient stupéfaits, lui demandant ce que c’était qu’un tel prodige il ne leur répondit rien. Il sortit du cercueil ne sentant plus du tout le mal dont il avait souffert auparavant, et resta trois jours sans boire ni manger.

Le troisième jour, ayant rassemblé les moines et sa mère, il leur dit :

 » Ecoutez, mes très-chers frères, et sachez que tout ce que vous voyez dans ce monde n’est rien ; mais, selon la parole du prophète Salomon, tout est vanité (Ecclésiaste, chap. I, v. 2,). Heureux celui qui mène sur la terre une conduite qui lui fasse mériter de voir la gloire de Dieu au ciel ! « 

Après ces mots, il hésita pour savoir s’il en dirait davantage ou s’il garderait le silence. Comme il se taisait, tourmenté
par les prières de ses frères pour qu’il leur expliquât ce qu’II avait vu, il dit donc :

Lorsqu’il y a quatre jours vous m’avez trouvé mort dans ma cellule ébranlée je fus emporté et enlevé au ciel par des anges, de sorte qu’il me semblait que j’avais sous les pieds, non-seulement cette terre fangeuse, mais aussi le soleil et la lune, les nuages et les astres; on m’introduisit ensuite par une porte plus brillante que ce jour dans une demeure remplie d’une lumière ineffable et d’une étendue inexprimable, dont tout le pavé était resplendissant d’or et d’argent; elle était remplie d’une telle multitude des deux sexes, que, ni en longueur, ni en largeur, les regards ne pouvaient percer la foule.

Quand les anges qui nous précédaient nous eurent frayé un chemin parmi les rangs serrés, nous arrivâmes à un endroit que nous avions déjà considéré de loin et sur lequel était suspendu un nuage plus lumineux que toute lumière; on n’y
pouvait distinguer ni le soleil, ni la lune, ni aucune étoile, et il brillait par sa propre clarté beaucoup plus que tous les astres ; de la nue sortait une voix semblable à la voix des grandes eaux.

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Moi, pauvre pécheur, j’étais salué humblement par des hommes en habits sacerdotaux et séculiers, et qui étaient, comme me rapprirent ceux qui me précédaient, des martyrs et des confesseurs que nous adorons ici-bas avec le plus profond respect. M’étant placé dans l’endroit qu’on m’indiqua, je fus inondé d’un parfum d’une douceur excessive, qui me nourrit tellement que je n’ai encore ni faim ni soif.

J’entendis une voix qui disait :

 » Qu’il retourne sur la terre, car il est nécessaire à nos Églises.  »

J’entendais une voix, car on ne pouvait voir celui qui parlait. M’étant prosterné sur le pavé, je dis en gémissant :

 » Hélas! hélas! Seigneur, pourquoi m’as-tu fait connaître ces choses si je devais en être privé ? Voilà qu’aujourd’hui je suis rejeté de devant ta face pour retourner dans un monde fragile, et ne pouvoir plus revenir ici. Je t’en conjure, Seigneur, ne détourne pas de moi ta miséricorde; je te supplie de me laisser habiter ce lieu, de peur qu’après en être sorti je ne périsse. « 

Et la voix qui m’avait parlé dit :

 » Va en paix, car je suis ton gardien jusqu’à ce que je te reconduise ici. « 

Ayant donc laissé mes compagnons, je descendis en pleurant et sortis par la porte par laquelle j’étais entré. A ce discours tous restèrent stupéfaits, et le saint de Dieu se mit à dire avec larmes :

« Malheur à moi oui qui ai osé révéler un tel mystère ! Voilà que le doux parfum dont j’avais été embaumé dans le lieu saint, et qui m’a soutenu pendant trois jours sans boire ni manger s’est éloigné de moi. Ma langue est couverte de blessures déchirantes, et si enflée qu’elle me semble remplir toute ma bouche; et je sais que j’ai déplu à Dieu mon Seigneur en divulguant ces secrets. Mais, Seigneur, tu n’ignores pas que je l’ai fait dans la simplicité de mon cœur et non dans l’orgueil de mon esprit. Je te prie donc de me pardonner, et de ne pas m’abandonner selon ta promesse. « 

Il dit et se tut; puis il pria, mangea et but En écrivant ceci, je crains que quelque lecteur ne le trouve incroyable, selon ce qu’a écrit Salluste (Catilina, III.) dans son histoire:

« Quand il est question de la gloire et du mérite des gens de bien, chacun regarde avec indifférence ce qui lui semble facile, et rejette le reste comme impossible »

J’atteste le Dieu tout-puissant que j’ai entendu dire de la propre bouche de saint Sauve ce que je raconte ici. Longtemps après le saint homme, ayant quitté sa cellule, fut promu à l’épiscopat et ordonné évêque maigre lui. Il remplissait ce ministère, je crois, depuis dix ans lorsqu’une peste s’éleva dans la ville d’Albi.

Déjà la plus grande partie du peuple avait péri, et il ne restait qu’un petit nombre de citoyens. Le bienheureux,
comme un bon pasteur, ne voulut point s’éloigner de ce lieu; mais il exhortait ceux qui restaient à se livrer constamment et avec opiniâtreté à l’oraison et aux veilles, et à s’adonner au bien tant en actions qu’en pensées, disant:

 » Faites ainsi, afin que si Dieu veut vous retirer de ce monde, vous puissiez entrer, non en jugement, mais en repos.  »

Sachant, comme je le crois, par la révélation du Seigneur, qu’il allait être appelé auprès de lui, il disposa son cercueil, lava son corps, revêtit une robe, et le visage tourné vers le ciel, il rendit l’âme en paix. Il était d’une grande sainteté et sans la moindre cupidité, ne voulant jamais avoir d’or.

Source : Saint Grégoire de Tours, Histoire des Francs, Livre 7

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