John Rist estime que la sécularisation et la fragmentation morale en Angleterre découlent de cet événement cataclysmique du XVIe siècle et de l’émergence des théories des droits non-théistes.
Le professeur John Rist, l’un des plus éminents spécialistes actuels de philosophie antique, de littérature classique et de théologie chrétienne primitive, est une figure respectée dans le monde intellectuel catholique. Converti à la foi, cet expert de saint Augustin, de Platon et d’Aristote a occupé la chaire de philosophie du père dominicain Kurt Pritzl à l’Université catholique d’Amérique et est membre à vie de Clare Hall à l’Université de Cambridge. Dans une récente interview, il a expliqué comment la sécularisation et la fragmentation morale de l’Angleterre trouvent leurs racines dans la Réforme protestante et l’essor des théories des droits détachées de toute référence divine.
Selon Rist, l’effondrement du christianisme traditionnel, en particulier du catholicisme, a laissé un vide spirituel et moral. Ce vide a été comblé par un nihilisme de fait, où la capacité à imposer ses désirs prime sur toute morale objective. Cette situation, aggravée par le déclin des intellectuels chrétiens influents et l’échec des idéologies de remplacement, ne laisse que peu d’espoir pour un renouveau à court terme.
La Réforme, point de départ du déclin
Rist souligne que l’Angleterre, première grande puissance semi-industrialisée à devenir majoritairement protestante, a joué un rôle clé dans ce processus. Il cite l’ouvrage The Unintended Reformation de Brad Gregory, qui montre comment la fin de l’uniformité religieuse a conduit à une pluralité de moralités, voire à une absence de morale. La séparation progressive de la morale et du salut, déjà perceptible avant la Réforme, s’est accentuée avec l’émergence des théories des droits modernes, notamment sous l’influence des Pères fondateurs américains.
Ces théories, souvent basées sur des affirmations « évidentes par elles-mêmes » mais non fondées théologiquement, ont contribué à éloigner la société de ses racines religieuses. Thomas Jefferson, par exemple, bien que déiste, a utilisé un langage religieux pour justifier des idées qui, en réalité, minaient les bases de la morale chrétienne. Pour Rist, dans un monde naturaliste, les droits de l’homme ne sont que des « contes de fées », comme l’ont reconnu des penseurs athées tels que Thomas Hobbes et Jeremy Bentham.
La fragmentation morale et le rôle du pouvoir
Rist explique que la perte des vertus objectives, remplacées par des revendications de droits individuels, a conduit à une société où la force prime sur la justice. Dans ce contexte, les parlements démocratiques cèdent souvent leur rôle à des juges, qui deviennent les arbitres de ce qui est « acceptable ». Cette tendance, qu’il qualifie de « lawfare » (guerre juridique), est incarnée par des figures comme le Premier ministre britannique Keir Starmer.
L’effondrement du christianisme traditionnel en Angleterre, en particulier du catholicisme, a laissé un vide que les autres formes de christianisme n’ont pas pu combler. L’église anglicane, dès ses débuts soumise à l’État (érastianisme), était vouée à se fragmenter en courants divergents, allant de l’anglo-catholicisme au calvinisme local. Cette fragmentation a discrédité l’institution, ouvrant la voie au déisme, puis à l’athéisme.
Le rôle des intellectuels catholiques
Rist déplore le déclin des intellectuels catholiques en Angleterre et en Europe. Alors que des figures comme Rowan Williams ont marqué leur époque, les penseurs catholiques influents se font rares. En France, des théologiens de renom tels que Congar, Chenu et Maritain ont laissé un héritage intellectuel impressionnant, mais leurs successeurs sont peu nombreux. Cette absence d’intellectuels engagés a des conséquences profondes, car leurs idées influencent les étudiants, les journalistes et, in fine, la société tout entière.
Un avenir incertain
Face à cette situation, Rist se montre pessimiste. Il estime que l’idée d’un renouveau spirituel dans un avenir proche relève de l’utopie. La perte d’intérêt pour les doctrines religieuses, constamment remises en question, a conduit à une société où le consumérisme et le relativisme moral dominent. La conférence de Lambeth de 1930, qui a autorisé la contraception au sein de l’église anglicane, est un exemple marquant de cette dérive.
Pour Rist, la pilule contraceptive, souvent présentée comme une avancée, a eu des conséquences désastreuses sur la morale, bien au-delà des questions de sexualité. Elle symbolise une société où les désirs individuels priment sur les valeurs traditionnelles.
En conclusion, John Rist voit dans la Réforme le point de départ d’un déclin spirituel et moral qui a conduit l’Angleterre, et plus largement l’Europe, vers une forme de nihilisme. Sans un retour aux racines chrétiennes, en particulier catholiques, il est difficile d’envisager un renouveau. La tâche est immense, mais nécessaire, pour redonner un sens à une société en perte de repères.
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