Chaque année, le Secours Catholique publie son rapport annuel sur l’état de la pauvreté en France. Celui de 2024, intitulé « Prestations sociales : quand la solidarité s’éloigne », met en lumière une réalité alarmante. Loin de se résorber, la pauvreté en France s’aggrave et révèle des failles béantes dans notre système de protection sociale.
Depuis près de 80 ans, le Secours Catholique agit aux côtés des plus démunis. En 2023, plus d’un million de personnes ont frappé à la porte de ses permanences, témoignant d’une précarité toujours plus lourde. Le rapport souligne que la pauvreté, multiple et complexe, touche des visages variés, mais toujours marqués par un déclin inquiétant du niveau de vie.
Les données révèlent que pour les ménages français soutenus par l’association, 94 % perçoivent des prestations sociales, qui constituent 82 % de leurs ressources totales. Cependant, derrière ces chiffres se cache une détérioration constante : les aides essentielles comme le RSA, les allocations chômage ou l’APL deviennent plus difficiles d’accès, victimes de réformes qui restreignent les critères d’éligibilité.
Voici un état des lieux en 10 points clés qui illustrent la réalité accablante de cette situation d’après le rapport du Secours Catholique.
1. Une précarité financière toujours plus marquée
Le niveau de vie médian des ménages aidés par le Secours Catholique s’élève à 555 euros par mois, soit une baisse de 3,3 % par rapport à 2022. Près de 95 % de ces foyers vivent sous le seuil de pauvreté, et 74 % sous le seuil d’extrême pauvreté, un chiffre alarmant comparé à la population générale.
2. Une pauvreté sans ressources
Pour la première fois, un quart des ménages rencontrés (25,4 %) déclarent vivre sans aucune ressource. Ils survivent grâce à la débrouille et au soutien de leurs proches. Cette réalité reflète une dégradation inquiétante de la solidarité sociale et des mécanismes d’insertion économique.
3. Les demandes d’aide alimentaire en tête des besoins
Parmi les aides demandées, 46 % concernent l’alimentation, suivies de l’aide au paiement des factures (loyer, énergie, mobilité). Environ 46,1 % des ménages accompagnés sont en situation d’impayés, majoritairement des familles monoparentales françaises vivant en logement social.
4. L’accès au logement, un défi grandissant
Plus d’un tiers des ménages (35 %) n’ont pas accès à un logement stable, une situation encore plus critique pour les étrangers : 60 % d’entre eux sont sans domicile fixe, contre 14,5 % des ménages français. Cette précarité touche particulièrement les jeunes et les personnes seules.
5. Une pauvreté qui se féminise
Les femmes représentent 56,7 % des personnes rencontrées, et les mères isolées sont les plus touchées, avec une présence trois fois plus importante parmi les aidés que dans la population générale. Ce constat met en lumière les vulnérabilités spécifiques des femmes face aux inégalités économiques et sociales.
6. Les étrangers, première ligne de la précarité
Les étrangers, qui constituent 52 % des ménages accueillis, sont confrontés à des situations extrêmement précaires. Plus de 70 % d’entre eux n’ont pas de statut légal stable, ce qui limite leur accès à l’emploi et aux droits sociaux. Une grande majorité (plus de 50 %) vit sans aucune ressource financière.
7. Une pauvreté qui touche la jeunesse
Un tiers des personnes aidées ont moins de 15 ans, et 61 % sont en âge de travailler. Toutefois, un phénomène de vieillissement lent est observé parmi les bénéficiaires, en décalage avec la population générale. Ce constat souligne la transmission intergénérationnelle de la pauvreté.
8. Des disparités géographiques frappantes
La pauvreté monétaire est particulièrement concentrée en Île-de-France, où les étrangers représentent 80 % des ménages aidés, alors qu’ils ne sont que 33,6 % dans les Hauts-de-France. Ces différences géographiques reflètent le poids des migrations et des difficultés d’intégration dans certaines régions.
9. L’inactivité, un frein à la sortie de la précarité
Parmi les 15-64 ans, 51 % des ménages rencontrés sont inactifs, contre 24 % en population générale. Ce taux inclut les étrangers sans droit au travail, mais aussi des femmes seules et isolées, souvent découragées par des recherches d’emploi infructueuses ou la garde d’enfants.
10. Des emplois précaires insuffisants pour sortir de la pauvreté
Un quart des personnes aidées ont un emploi, mais ces postes restent précaires. Par exemple, le niveau de vie médian des personnes en CDI est de 1 054 euros, bien en dessous du seuil de pauvreté (1 275 euros). Les jeunes, les femmes, et les étrangers sont les plus exposés à ces emplois sous-payés ou non déclarés.
Le constat est sans appel : les obstacles pour accéder aux prestations sociales se multiplient. La dématérialisation des démarches, pourtant présentée comme un progrès, se révèle être un véritable calvaire pour les plus vulnérables. Sans ordinateur ni maîtrise du numérique, beaucoup se heurtent à un mur administratif. Une bénéficiaire témoigne :
« Aujourd’hui, il est quasiment impossible de parler à une personne en face à face. On se retrouve seul face à une machine. »
Cette froideur administrative renforce l’exclusion et laisse nombre de familles dans une détresse sans nom.
Le rapport insiste également sur l’éloignement géographique des services publics. En zones rurales, les fermetures d’écoles, les déserts médicaux et la réduction des effectifs dans les structures comme les CAF ou Pôle Emploi compliquent encore l’accès aux droits. Cette situation pousse les plus fragiles dans un isolement toujours plus profond.
Le Secours Catholique alerte sur le recul de la solidarité nationale, qui devrait être le socle de notre société. Loin de se limiter à une aide matérielle, cette solidarité doit redevenir un lien humain, une main tendue vers ceux qui en ont besoin. L’association appelle les autorités à agir pour simplifier l’accès aux droits, renforcer la proximité des services publics et replacer la personne au centre des dispositifs d’aide.
Source : Secours Catholique, « État de la pauvreté en France 2024« .