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Le Moyen Âge, racine de toutes les libertés française

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La pensée fondamentale des travaux historiques d’Augustin Thierry, c’est le redressement de l’erreur qui consiste à croire que le Tiers État est sorti de dessous terre en 1789.

Il établit qu’il est sorti des Communes du Moyen Âge.

« Vers le XIe siècle, dit-il, les classes populaires avaient déjà conquis leurs libertés et en jouissaient pleinement. Il y a des ordonnances royales qui dépassent, sur certains points, les garanties modernes de la monarchie constitutionnelle. Il n’y a point, chez nous, de droits de fraîche date, notre génération doit tous les siens au courage des générations qui l’ont précédée. »

Nous allons voir que c’est dans le vieux sol du Moyen Âge, en effet, que plongent les racines de toutes les libertés dont la France a joui, et même de celles dont elle est privée aujourd’hui. Après le spectacle d’une grande union sociale qu’elle avait donné d’abord, la féodalité devint oppressive.

L’Église n’hésita pas, alors, à se prononcer pour les opprimés, contre les oppresseurs. Elle organisa le peuple par l’association qui, sous le nom de confrérie, éveille la même idée que l’expression moderne de confraternité. Ces associations sont connues sous le nom de la Paix et la Trêve de Dieu, on entendait particulièrement par la Paix, celle où l’on jurait de se protéger mutuellement, de combattre ses violateurs, de défendre les clercs, les femmes, les faibles, les paysans, les marchands.

Tous les hommes, à partir de douze ans, devaient prêter serment à l’association.

« Ce serment, dit M. Demolins, répété d’un bout de la France à l’autre, a rallié le peuple, il a pour lui le droit ; l’Église le lui a dit ; et il a la puissance par l’association. »

Il est désormais à l’abri des entreprises et de la violence des seigneurs. Par la Trêve de Dieu, on entend plus spécialement la suspension d’armes que l’Église parvint à établir pendant les guerres privées du Moyen Âge. C’était l’atténuation d’un mal qu’elle ne pouvait extirper absolument, une espèce de compromis entre l’esprit de foi de cette époque, et l’instinct guerroyant que cet esprit n’avait pu détruire dans ces races d’origine barbare.

Toute hostilité était interdite du mercredi soir au lundi matin, pendant les jours consacrés au service divin, et pendant des périodes plus étendues, comme depuis l’Avent jusqu’à l’Épiphanie (cinq semaines), et depuis la Quinquagésime jusqu’à la Pentecôte (trois mois). C’étaient les trois quarts de l’année enlevés aux luttes armées. Que de haines apaisées, de réconciliations opérées, de meurtres et de maux évités grâce à ces trêves pendant lesquelles la réflexion et les bons sentiments pouvaient se faire entendre !

« Par l’association de la Paix et la Trêve de Dieu, l’Église a organisé, contre la puissance seigneuriale, une agitation pacifique qui s’est manifestée par un nombre considérable de conciles provinciaux, quatre-vingts en un siècle. Non seulement elle appelle dans ses Conciles les évêques, les abbés, les simples prêtres, mais elle convoque à ces assemblées, auxquelles les édifices sacrés ne suffisent plus, et qu’elle tient sous la voûte du ciel, les habitants des villes et des campagnes, les bourgeois et les manants. »

C’est de là que date l’origine des Communes, dont la sécurité et les libertés iront toujours grandissant. Elles étaient des villes placées en dehors du régime féodal proprement dit, ayant des libertés étendues qui en taisaient comme autant de petits États ou de petites républiques. Selon l’expression de César Cantu, la Commune n’était que la famille agrandie.

Le mot commune, adopté en France, dans les Pays-Bas et en Angleterre, était la traduction de communitas comme le mot république, en Italie, était la traduction de res publica. La signification était la même : chose commune et chose publique sont en effet synonymes. Ce fut aux XIe et XIIe siècles que les Communes se formèrent en plus grand nombre. Au XIIIe, elles étaient en pleine prospérité. Il faut lire dans l’ouvrage de M. Demolins la nomenclature des libertés populaires au Moyen Âge, la part qu’y eurent l’Église et les princes chrétiens.

« Municipes restaurés, villes de consulats, villes de communes, villes de bourgeoisie, bourgs et villages affranchis, une foule de petits États plus ou moins complets, d’asiles ouverts à la vie de travail sous la liberté politique et civile ; tels sont, dit-il, les fondements que posa le XIIe siècle. »

Pour faire comprendre l’étendue des libertés municipales au Moyen Âge, libertés supérieures à celles d’aujourd’hui sous la centralisation moderne, Guizot suppose qu’un bourgeois du XIIe ou du XIIIe siècle vienne visiter une de nos villes actuelles.

« Il s’enquiert, dit-il, de ce qui s’y passe, de la manière dont elle est gouvernée, du sort des habitants. On lui dit qu’il y a, hors des murs, un pouvoir qui les taxe comme il lui plaît, sans leur consentement, qui convoque leur milice et l’envoie à la guerre, aussi sans leur aveu. On lui parle des magistrats, du maire, et il apprend avec étonnement qu’ils ne sont pas nommés par les bourgeois de la ville. Il apprend que les affaires de la commune ne se défendent pas dans la commune, qu’un fonctionnaire les administre de loin. On lui dit que les habitants n’ont pas le droit de s’assembler, de délibérer en commun sur tout ce qui les touche. Le bourgeois du XIIe siècle, habitué à toutes ces franchises, reste confondu.

Mais la scène change. Un Français du XIXe siècle pénètre dans une ville du Moyen Âge. Il se trouve dans une espèce de place forte, défendue par des bourgeois armés ; ces bourgeois se taxent eux-mêmes, élisent leurs magistrats, jugent, punissent, s’assemblent pour délibérer sur leurs affaires. Tous viennent à ces assemblées. Ils font la guerre pour leur compte contre leurs seigneurs ; ils ont une milice ; en un mot, ils se gouvernent eux-mêmes, ils sont souverains. Le Français du XIXe siècle n’en peut croire ses yeux. »

On voit combien est fausse l’idée qu’on se faisait du Moyen Âge avant que les historiens contemporains eussent redressé les jugements ignorants ou mensongers qui ont fait tant de dupes. Les Communes avaient un maire, des échevins, un sceau, une milice bourgeoise. Elles s’administraient, en un mot, comme nous venons de le voir. La formule de leurs droits était : Scabinatus, collegium, majoratus, sigillum, campana, berfrediis et jurisdictio, c’est-à-dire les droits d’échevinage, de collège, de mairie, de sceau, de cloche, de beffroi et de justice, qui constituaient une véritable autonomie.

Les échevins étaient des officiers municipaux chargés de la police et des affaires de la commune ; le collège était la compagnie de personnes notables revêtues de la même dignité. Le droit de cloche et de beffroi était un moyen d’appel et de ralliement. La royauté vit l’intérêt de la justice et le sien propre à soutenir les Communes et à confirmer leurs franchises et leur indépendance.

Celles-ci n’offraient aucun danger, vu d’accord du gouvernement et des communes. Aujourd’hui, avec les idées révolutionnaires inculquées au peuple, elles seraient dangereuses et impossibles. La guerre civile sortirait de l’autonomie des communes armées. N’est-ce pas déjà la menace qu’a suspendue sur notre tête la Commune de Paris, même non armée ?

L’esprit révolutionnaire et antichrétien est la double maladie de la France actuelle. Peut-être de l’excès du mal naîtra le remède.

« Ceux qui ne sont pas convaincus par la révélation du bien et du vrai, disait le P. Lacordaire, sont quelquefois éclairés par la révélation du mal et du faux. »

Combien, connaissons-nous d’anciens sceptiques et révolutionnaires qui, instruits par l’histoire depuis un demi-siècle, et notamment par les événements contemporains, ne voient de salut politique, pour la France, que dans le retour à la monarchie, de salut social que dans le retour au christianisme et à l’Église son organe !

C’était bien la peine d’attaquer tout cela, depuis un siècle, pour finir par une découverte qui nous ramène à deux choses en honneur au Moyen Âge : l’Église et la monarchie, favorables, l’une et l’autre, à la liberté, audacieusement violée ou hypocritement faussée aujourd’hui. Pendant que les savants et les philosophes raisonnent ou tâtonnent, pour trouver la vérité sociale, la vraie réforme sociale, le chrétien, avec sa boussole, y arrive de plain-pied. Il n’a pas besoin des éclairs des orages pour reconnaître sa route.

Toutefois, il faut bénir ces éclairs lorsqu’ils remettent dans le bon chemin ceux qui n’y étaient pas, comme saint Paul à Damas. M. Thiers fut de ceux-là. Il symbolisa un moment le revirement des esprits auquel nous faisons allusion. Après la Révolution de 1848, dans une lettre célèbre à son ami Madier de Montjau père, il se déclarait éclairé par les événements, et déposait ses préjugés anticléricaux.

Dans la commission de la loi sur l’enseignement, en 1850, il était d’avis, dans son zèle de néophyte, de remettre l’enseignement primaire aux curés. L’évêque d’Orléans et le comte de Falloux refusèrent cette oflre, compromettante pour le clergé, ne voulant que le droit commun dans la liberté. Cette devise fut celle des hommes d’État catholiques, en France et en Belgique, en ce siècle.

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Quinze ans après, dans une réunion mémorable a château d’Augerville, chez M. Berryer, avec MM. de Moutalembert, de Falloux, de Salvandy et Mgr Dupanloup, M. Thiers avait aussi désavoué ce qui, dans ses écrits et dans ses actes, notamment en 1830, avait été opposé au principe de l’hérédité monarchique.

Il avait promis, pour l’avenir, de se vouer à son triomphe.

« J’affirme, dit M. de Falloux, qu’à ce moment, M. Thiers était sincère. »

Peu de temps après, l’ambition le faisait manquer à ses engagements. Lui qui avait dit que la république, en France, conduirait toujours au sang et à l’imbécillité, s’y rallia lorsqu’il put en être le chef.

« Il préféra, dit M. de Falloux dans ses Mémoires, le premier rang au premier rôle. »

Source : Le Moyen âge fut-il une époque de ténèbres et de servitude ? – Georges Romain – 1887

Publié par Napo

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