Louis XVI, souvent méconnu pour sa bienveillance, s’est distingué par son engagement indéfectible envers les plus démunis. Alors que la Révolution française éclatait, ce roi, fidèle à ses valeurs chrétiennes, élaborait des plans ambitieux pour éradiquer la mendicité et offrir un soutien tangible aux plus faibles. Découvrons comment Louis XVI, à travers des actions concrètes et innovantes, a tenté de soulager la misère de son peuple et de promouvoir la justice sociale en France.
La prérogative royale la plus précieuse aux yeux de Louis XVI était d’être le soutien des faibles et la providence des malheureux. On l’accusait parfois de ne pas aimer les nobles. En réalité, il les aimait, mais il désapprouvait leurs extravagances insensées et un luxe offensant pour la misère publique. Il ne parlait qu’avec estime de ceux dont la grandeur bénéficiait aux plus petits, notamment du Duc de Penthièvre, qu’on ne pouvait dire s’il imitait ou inspirait par ses actions bienfaisantes.
Necker, directeur général du Trésor royal en 1776, puis des Finances, malgré des manières qui déplaisaient au roi, parvint à rendre ses services acceptables en flattant cette inclination vertueuse de son maître et en partageant son zèle pour le soulagement des classes pauvres.
Louis XVI, contrairement aux économistes spéculatifs, ne se berçait pas d’illusions sur la possibilité d’éliminer la pauvreté, vue dans l’Évangile comme un état perpétuel nécessaire à l’exercice de la charité chrétienne. Cependant, tout au long de son règne, il chercha les moyens de remédier aux abus de la mendicité errante.
Selon un plan général qu’il venait d’adopter au moment de la Révolution, les riches des villes n’auraient plus à supporter les sollicitations des mendiants ; chaque semaine, la Charité elle-même se serait présentée pour demander, au nom de Dieu, des offrandes pour les malheureux. Les secours auraient été répartis selon la diversité des besoins : dans des hospices et laboratoires communs, à domicile en nourriture, vêtements, matières premières à préparer et surtout à filer pour les manufactures locales. Tout était prévu pour maintenir actifs ceux qui le pouvaient et soulager gratuitement les enfants et les vieillards invalides.
Des résultats encourageants obtenus aux Pays-Bas et dans certaines villes françaises plaidaient en faveur de ces mesures. Le succès de leur mise en œuvre devait être assuré par le zèle pur et désintéressé de la Charité chrétienne, excluant les charlatans modernes de la bienfaisance humaine.
Une fois ce plan rédigé et approuvé, Louis XVI avait décidé de l’expérimenter à Versailles avant de le rendre public. La Révolution éclata, et Versailles, sans résistance, laissa une horde de brigands enlever son bienfaiteur et roi. Louis XVI, pour punir la ville ingrate, aurait pu l’ignorer, mais il oublia seulement son ingratitude et prit d’autres mesures pour soulager les nombreux malheureux nés de son absence.
Le principe de Louis XVI avait toujours été de venir en aide aux pauvres valides en les occupant. Habitué au travail lui-même, il ne s’autorisait jamais un instant d’oisiveté et la craignait tellement pour les autres qu’il préférait que ses aumônes soient le prix d’une occupation stérile plutôt que l’aliment d’une oisiveté dangereuse. Un hiver rigoureux en fournit un exemple émouvant.
La classe des pauvres s’était accrue de celle des ouvriers, que la saison tenait dans l’inactivité. Les curés de Versailles supplièrent le roi d’augmenter ses aumônes ordinaires.
« Rien de plus juste », répondit Louis XVI; « mais il faudrait occuper ce monde-là.
— Sire, tous les travaux sont fermés pour des hommes dont le seul talent est de remuer la terre ou de faire du mortier.
— Ne pourraient-ils pas tailler des pierres, préparer leurs matériaux pour les travaux de printemps ?
— Ces travaux, Sire, ne conviennent pas à tous; et pour la plupart, la terre gelée à trois pieds de profondeur, et couverte de neige, ne laisse aucune ressource.
— Eh bien, en attendant que la terre soit accessible, nous les occuperons à pelleter la neige, car il faut les occuper. »
Ainsi, tous les bras désœuvrés furent mis à ce travail dans le château et les rues de Versailles. Une fois cet atelier de charité organisé, Louis XVI, comme un bon père, alla visiter ses pauvres et, s’arrêtant parmi eux, leur dit :
« Vous pensez peut-être que ce travail est inutile, mais il fait très froid, ce travail vous réchauffe et vous épargne du bois ; il vous distrait de l’ennui, et puis le salaire vient à la fin. Dites-moi, combien vous paye-t-on votre journée?
— Sire, nous avons reçu quinze sous hier.
— C’est peu quand on a une famille ; je verrai si nous pouvons faire mieux. »
Les cris de « Vive le Roi! Vive notre bon Roi! » accueillirent le prince à son arrivée et redoublèrent à son départ ; le lendemain, les ouvriers reçurent vingt sous.
Pendant ce même hiver, Louis XVI fut redevable d’une autre disposition dépendant également de sa charité paternelle. Ses aumônes aux ouvriers ne touchant pas une autre classe qui guette les occasions de gain sur les places publiques, il imagina de les accueillir et les chauffer dans son palais pendant leurs pauses. Des foyers publics furent établis, et le bon prince descendait parfois pour vérifier que ses pauvres ne manquaient pas du bienfait prévu.
Cet exemple unique suscita bientôt l’imitation parmi les grands de la capitale ; tant que dura le froid rigoureux, des feux furent allumés sur les places et devant les palais, où les portefaix et commissionnaires venaient se chauffer, tandis que les communautés religieuses ouvraient de vastes salles pour les ouvriers sédentaires.
Pendant ce même hiver, dans un Conseil où Louis XVI avait arrêté des mesures de secours pour les pauvres, il dit à ses ministres :
« Si nous ne pouvons pas faire tout le bien souhaité, faisons-en assez pour qu’aucun malheureux ne meure de froid ou de misère ; et je m’attends à ce que chacun de vous y apporte le plus grand soin. »
Le Roi fut obéi, témoins les écrivains de l’époque.
« Ces soins généreux rappellent les règnes de Titus et Henri IV. »
On aurait pu remonter moins loin et comparer Louis XVI à lui-même, en 1788 comme en 1784.
Pendant l’hiver rude de cette année, le bois rare à Paris atteignit un prix excessif. Le Roi, sacrifiant l’agrément au soulagement des pauvres, fit abattre des bois près de la capitale pour les distribuer aux pauvres. Un ministre proposa de vendre ce bois à prix modique ; mais Louis XVI, repoussant cette idée, répondit :
« Voudriez-vous vendre mon bois à des malheureux qui manquent de pain ? »
D’après ces dispositions, le lieutenant de police devait se concerter avec les curés de Paris pour dresser un état des ménages pouvant bénéficier de cette aumône royale ; la coupe des bois fut distribuée gratuitement. Ce don généreux ne couvrant pas tous les besoins, Louis XVI décida que chaque jour, une somme de cinq cents louis serait répartie sous la surveillance des curés, en nourriture ou matières premières adaptées à l’industrie des indigents.
Pendant ce même hiver, un officier de chasse rapporta à Louis XVI que les pauvres, désœuvrés, tuaient le gibier à coups de bâtons dans sa capitainerie.
« Ne vois-tu pas, répondit le Prince, que ces malheureux n’ont rien à faire et risquent de n’avoir rien à manger. Tant que ce froid durera, qu’on ne les inquiète pas pour le gibier. »
L’officier répliqua que ce désordre, toléré, pourrait avoir des conséquences pour l’avenir.
« Je ne te dis pas de l’autoriser, mais de l’ignorer. Toi, tu dînes à ton aise ; ne faut-il pas avoir pitié de ceux qui manquent de pain et meurent de froid ? »
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Il serait difficile de lister tous les bienfaits que Louis XVI a distribués au peuple pauvre de Paris durant son règne. Alors que les dons s’étaient réduits au fil du temps, notamment en raison du passage de la charité évangélique à une bienfaisance plus aléatoire, les représentants des pauvres se tournaient toujours vers le roi.
Celui-ci intervenait régulièrement : parfois en payant toutes les amendes de ceux condamnés à neuf francs ou moins, ou en libérant des pères incapables de payer la pension alimentaire de leurs enfants. Il transformait même les cinq cents mille livres prévues pour une célébration de la naissance de sa fille en aumônes, ou il versait un million au Mont-de-Piété pour que les effets des pauvres engagés pour trois louis ou moins leur soient restitués.
Malgré ces actions généreuses, Louis XVI se heurtait à l’ingratitude du peuple et aux calomnies de ses détracteurs alors qu’il continuait à pratiquer ses habitudes charitables même en captivité. Sa sollicitude pour les sujets pauvres était telle qu’elle pouvait être comparée à celle de Saint Louis, pour son zèle et son engagement envers le soulagement des souffrants.
Grâce à ses efforts et à ses réformes, les conditions dans les hôpitaux du royaume s’améliorèrent considérablement sous son règne, avec une attention particulière pour Paris en raison de ses besoins urgents et multiples. Louis XVI exprimait son affection et son dévouement de manière très personnelle, en développant des projets d’aide pour l’Hôtel-Dieu, un lieu abritant un grand nombre de pauvres au cœur d’une ville opulente.
Source : Louis et ses vertus aux prises avec la perversité de son siècle – Abbé Proyart – 1808