Le débat autour de l’asile ecclésiastique en Allemagne, et plus particulièrement à Hambourg, a pris de l’ampleur après que le sénateur à l’Intérieur Andy Grote a vivement critiqué l’Église.
« L’Église ne se place pas au-dessus de la loi« , a-t-il déclaré dans une interview accordée au journal Hamburger Abendblatt. Le sénateur rappelle que l’État allemand accorde aux églises le droit de protéger temporairement les demandeurs d’asile déboutés, en leur permettant de rester dans un lieu sacré pendant que leur dossier est réexaminé par l’Office fédéral des migrations et des réfugiés (BAMF).
Cependant, Grote souligne un problème : lorsque le BAMF rejette de nouveau la demande d’asile, les personnes concernées devraient théoriquement quitter l’asile religieux. Or, ce n’est pas toujours le cas. « Nous respectons le principe de l’asile ecclésiastique« , dit-il, « mais celui-ci n’a de légitimité que si toutes les parties respectent les règles établies.«
L’asile ecclésiastique consiste à offrir une protection à des personnes menacées d’expulsion, notamment dans des cas où leur renvoi pourrait entraîner des situations de détresse ou de danger grave. L’Église intervient souvent lorsque des doutes subsistent quant au traitement du dossier ou lorsque les expulsions sont jugées particulièrement sévères. Cependant, ce système, qui repose sur une tolérance de la part des autorités publiques, ne doit pas être utilisé de manière excessive, selon le sénateur.
Un cas précis a récemment ravivé la controverse : fin septembre, un Afghan de 29 ans, placé sous protection dans une paroisse catholique de Bergedorf, un quartier de Hambourg, a été expulsé vers la Suède. Ce jeune homme avait demandé l’asile en Suède en 2015, mais sa demande avait été rejetée. Après être venu à Hambourg, il avait introduit une nouvelle demande, également refusée par le BAMF, qui a statué que la Suède était compétente pour son cas, conformément aux règles de l’Union européenne sur le traitement des demandes d’asile.
Malgré ce refus, la paroisse catholique avait pris la décision de l’accueillir en asile ecclésiastique. Son dossier a été réexaminé, mais la réponse est restée négative. Finalement, le jeune Afghan a été expulsé, suscitant l’indignation de l’archevêque de Hambourg, Stefan Heße, qui a exprimé son profond regret face à la rupture de l’asile religieux. Dans un message, l’archevêque a insisté sur le fait que l’asile ecclésiastique n’était pas un acte de rébellion contre l’État de droit, mais un geste en faveur de la dignité humaine.
D’un autre côté, la présidente intérimaire du Conseil de l’Église évangélique en Allemagne, l’évêque Kirsten Fehrs, a également exprimé son inquiétude suite à cette expulsion. Selon elle, l’asile ecclésiastique « n’est pas une décision prise à la légère, mais une forme de protection humanitaire« . Elle souligne que ce recours est utilisé dans des situations de vulnérabilité extrême, afin de garantir que les droits de la personne soient pleinement respectés.
Ce débat met en lumière la tension entre la compassion chrétienne et les exigences légales des États modernes. D’un côté, l’Église cherche à protéger ceux qui, à ses yeux, sont menacés de graves dangers. De l’autre, les autorités rappellent que le droit et les règles de l’asile doivent être respectés par tous, y compris par les institutions religieuses.
Ce sujet est délicat. Si l’Église a un devoir de charité et de protection envers les plus faibles, elle ne peut pour autant se soustraire aux lois justes d’un pays. L’asile ecclésiastique est une solution temporaire, mais elle ne doit pas servir à contourner les règles. Il est crucial que ce droit soit exercé de manière responsable, afin de maintenir l’équilibre entre justice et miséricorde. Cependant, il est aussi du devoir des États de faire preuve de compassion et de respect de la dignité humaine, comme le rappelle l’archevêque Heße.