Depuis des décennies, des camps appelés « camps de sorcières » servent de refuge en Afrique pour les femmes accusées de sorcellerie. Ces lieux, où la dignité humaine est souvent bafouée, sont particulièrement visibles au Ghana, où environ 1 000 femmes, isolées et stigmatisées, vivent à l’écart de leurs communautés, accusées de sorcellerie. Mgr Alfred Agyenta, de la région de Navrongo-Bolgatanga, a récemment dénoncé publiquement cette situation, appelant à dépasser la simple charité pour démanteler cette structure dégradante qui persiste dans son pays.
Un appel à la dignité et à la justice
Lors d’une homélie prononcée le 26 octobre, Mgr Agyenta a exhorté les catholiques à prier et à agir pour la fermeture définitive de ces camps, qui incarnent selon lui une « plaie sur la conscience de tous les Ghanéens ». Il a souligné que la véritable mission chrétienne dépasse les aides ponctuelles et s’engage dans un effort de fond pour supprimer les injustices qui conduisent ces femmes dans de telles situations d’abandon et d’humiliation.
Les camps de sorcières, présents depuis au moins un siècle, accueillent principalement des veuves, des femmes souffrant de maladies mentales, ou des personnes isolées pour diverses raisons. Souvent, les accusations de sorcellerie sont motivées par des intérêts personnels : une veuve, par exemple, peut être accusée pour que ses biens soient saisis par des proches ou des voisins. Une fois installées dans ces camps, ces femmes sont exposées à toutes sortes d’abus : exploitation financière, travail forcé, voire abus physiques et émotionnels.
Un rapport de l’institut Sanneh, publié en juin 2021, a révélé l’absence quasi totale de services publics dans ces camps, en plus d’un manque d’accès aux soins de santé et à l’éducation. Ces conditions inhumaines sont un rappel constant de l’indignité imposée à ces femmes, souvent privées de tout moyen de retrouver une vie normale.
Le gouvernement ghanéen a récemment entrepris des mesures pour contrer cette situation. En juillet 2023, une loi a été adoptée interdisant les accusations de sorcellerie, un progrès significatif après l’indignation générale suscitée par le lynchage public d’une femme de 90 ans, Akua Denteh, en 2020. Cette loi permet théoriquement de poursuivre ceux qui accusent injustement les femmes de sorcellerie, offrant ainsi un espoir de réintégration pour les victimes. Cependant, l’application de cette loi reste lente, ce qui pousse Mgr Agyenta à exprimer son indignation face aux obstacles financiers et politiques qui freinent sa mise en œuvre.
Un plaidoyer pour une prise de conscience
Pour le Mgr Agyenta, la question des camps de sorcières est une question morale : il appelle les responsables politiques et tous les chrétiens à réfléchir à ce qu’ils feraient si une de leurs proches vivait dans de telles conditions. Il interroge les priorités du gouvernement, qui semble reléguer au second plan la dignité humaine et les droits fondamentaux.
« Comment pouvons-nous rester indifférents lorsque le message de l’Évangile nous rappelle si clairement l’inviolabilité de la dignité de chaque être humain ? », a-t-il déclaré avec force. Selon lui, l’Église doit continuer son rôle essentiel en éduquant les esprits et en promouvant les valeurs chrétiennes face à de telles pratiques. Grâce à la lumière de l’Évangile, elle a déjà contribué à éradiquer d’autres croyances néfastes, et doit maintenant concentrer ses efforts pour que cessent les injustices envers les femmes dans les camps.
Le Mgr Agyenta appelle chaque chrétien à ne pas rester passif devant cette souffrance, rappelant que le message du Christ est un message de miséricorde, de charité et de justice. Si des progrès ont été faits avec la nouvelle législation ghanéenne, l’Église catholique doit redoubler d’efforts pour s’assurer que chaque femme, accusée injustement et marginalisée, puisse retrouver sa dignité, sa liberté et sa place dans la société.