G.K. Chesterton interprète l’enseignement du Christ selon lequel « vous êtes le sel de la terre » (Matthieu 5:13) pour montrer que les chrétiens doivent être fondamentalement différents du monde et de la culture séculière. Il écrit :
« Le sel assaisonne et préserve la viande, non parce qu’il lui ressemble, mais précisément parce qu’il est très différent d’elle. Le Christ n’a pas dit à ses apôtres qu’ils étaient les meilleurs des gens, mais qu’ils étaient les gens exceptionnels ; ceux qui sont en décalage permanent et incompatibles. » (Saint Thomas d’Aquin, chap. 1)
Chesterton continue en expliquant que le sel ne peut conserver les aliments que s’il reste salé, s’il conserve sa singularité. De la même manière, l’Église ne peut préserver et évangéliser le monde que si elle reste distincte de lui. Il conclut :
« Si le monde devient trop mondain, il peut être corrigé par l’Église ; mais si l’Église elle-même devient mondaine, elle ne peut plus être réprimandée par le monde pour sa mondanité. » (Saint Thomas d’Aquin, chap. 1)
L’Église ne doit donc pas être mondaine, ni se conformer au monde séculier. Sa mission est de se démarquer de celui-ci. En se conformant à la culture, elle perd sa propre identité. Cela signifie que l’Église ne doit jamais chercher l’acceptation culturelle, car son rôle est de corriger, non de s’aligner. L’Église ne doit jamais se soucier de devenir « respectable » aux yeux du monde, car elle est là pour transformer le monde.
Le rejet inévitable de la part du monde
Chesterton a raison : le Christ est très clair en disant qu’être chrétien attirera la haine du monde. Dans l’Évangile de Jean, Jésus dit à ses apôtres :
« Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui ; mais parce que vous n’êtes pas du monde, mais que je vous ai choisis du monde, à cause de cela le monde vous hait » (Jean 15:18-19).
Dans les Béatitudes, Jésus nous enseigne à nous réjouir lorsque le monde nous rejette :
« Heureux êtes-vous quand les hommes vous insulteront et vous persécuteront, et diront faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux, car c’est ainsi qu’ils ont persécuté les prophètes avant vous » (Matthieu 5:11-12).
L’avertissement de Saint Paul contre la conformité
Saint Paul reprend cette mise en garde dans sa lettre aux Romains :
« Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin de discerner la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui est agréable et ce qui est parfait » (Romains 12:2).
En d’autres termes, le Christ et Paul mettent en garde contre l’idée de chercher l’approbation du monde, qui est toujours en opposition avec le Royaume de Dieu.
L’Église n’est pas faite pour être respectée par le monde
Un point essentiel ressort ici : l’Église ne doit jamais désirer être perçue comme une institution « respectable » aux yeux du monde. L’acceptation du monde ne viendra jamais, et ne doit même pas être souhaitée. Au contraire, l’Église est appelée à contrarier le monde, car le monde, selon l’apôtre Jean, « est sous le pouvoir du malin » (1 Jean 5:19). Si l’Église ne suscite plus l’opposition, elle a failli à sa mission.
Cette erreur – le désir d’être acceptée par le monde – a entraîné bien des maux pour l’Église au cours du dernier siècle. Cette attitude a affaibli l’enseignement moral de l’Église, jetant la confusion chez beaucoup de fidèles quant aux vérités morales essentielles, en particulier autour de la sexualité. Cela a aussi amené une acceptation non critique des méthodes séculaires dans la théologie, et même l’étude de l’Écriture, ce qui a conduit certains à perdre leur foi. Enfin, cela a transformé de nombreux ordres religieux, qui se sont vidés et se sont rendus semblables à leurs homologues laïcs. Cela a également engendré une peur de la persécution et un désir d’être « respectés », ce qui a conduit l’Église à tempérer l’annonce de l’Évangile.
Scott Hahn observe ce phénomène :
« Malheureusement, nous avons passé le siècle dernier à tenter de démontrer ce qui rend les catholiques et le catholicisme acceptables pour les libéraux séculiers, au lieu de souligner ce qui nous distingue … Cette tendance à trop souvent compromettre notre unicité nous a finalement conduits à une perte de notre identité catholique. » (The First Society, p. 150)
Redevenir une Église contre-culturelle
La réponse est simple : nous devons être contre-culturels. Pour suivre le Christ, nous devons rejeter le monde. Pour évangéliser, nous ne devons pas viser la respectabilité selon les standards mondains, mais selon ceux du Christ.
Chesterton écrit :
« [Le saint est un remède parce qu’il est un antidote … Il est souvent trouvé en train de restaurer la santé du monde en exagérant ce que le monde néglige … C’est le paradoxe de l’histoire que chaque génération est convertie par le saint qui la contredit le plus. » (Saint Thomas d’Aquin, chap. 1)
Pour transformer le monde pour le Christ, nous devons le contredire. Nous devons être prêts, et même nous attendre, à être haïs (Jean 15). Cependant, nous devons éviter de devenir haïssables ; au contraire, nous devons être semblables au Christ. C’est parce que le monde est plongé dans le mal qu’il hait la bonté du Christ et de l’Église ; cela ne doit jamais être parce que l’Église ou les chrétiens font des actes mauvais.
Cette attitude de non-conformité, de renoncement à l’approbation du monde, doit commencer en chacun de nous. Sommes-nous prêts à renoncer au respect de la culture séculière ? Sommes-nous préparés à être traités de « bigots » pour le Christ ? Sommes-nous prêts à souffrir et à être « annulés » à cause de Lui ? Si nous ne le sommes pas, nous ne pouvons être ses disciples :
« Celui qui ne porte pas sa croix et ne vient pas après moi ne peut être mon disciple » (Luc 14:27).
Traduit fidèlement de l’article original sur Catholic Exchange : Christianity Is Not a Respectable Religion