Le 10 février 2025, le Pape François a adressé une lettre aux évêques des États-Unis, réagissant aux mesures de renforcement des expulsions de migrants illégaux. Si cette lettre s’inscrit dans la ligne du magistère social de l’Église, elle mérite néanmoins d’être analysée un minimum, car quand il est question de politique, un catholique n’est pas obligé d’être strictement sur la même ligne.
Le Saint-Père rappelle dans son message l’importance de voir dans chaque migrant un reflet de la Sainte Famille, contrainte à l’exil en Égypte. Il insiste sur la dignité inaliénable de tout être humain et souligne que Jésus-Christ lui-même a vécu le drame de l’émigration, rejoignant ainsi une tradition doctrinale qui remonte à Pie XII et son apostolique constitution Exsul Familia.
Cette lecture, bien que charitable, oublie cependant plusieurs réalités. D’une part, l’immigration de la Sainte Famille était temporaire et répondait à un péril immédiat, sans jamais remettre en cause l’ordre social du pays d’accueil. D’autre part, la charité chrétienne ne peut se faire au détriment du bien commun des nations.
Le droit des nations et le bien commun
Si le Pape François dénonce avec fermeté les expulsions de migrants en situation irrégulière, il reconnaît néanmoins que « le droit d’une nation à se défendre et à assurer la sécurité de ses communautés » est légitime. Cette concession est importante, mais elle est rapidement suivie d’une critique des mesures de contrôle migratoire qui, selon lui, seraient injustes lorsqu’elles touchent des personnes en situation de vulnérabilité.
Dans le même temps, il faut reconnaître le droit d’un pays à se défendre et à protéger les communautés de ceux qui ont commis des crimes violents ou graves lors de leur séjour dans le pays ou avant leur arrivée. Quoi qu’il en soit, déporter des personnes qui, dans de nombreux cas, ont quitté leur terre pour des raisons d’extrême pauvreté, d’insécurité, d’exploitation, de persécution ou de grave détérioration de l’environnement, porte atteinte à la dignité de nombreux hommes et femmes, et de familles tout entières, et les rend particulièrement vulnérables et sans défense.
Or, l’enseignement de l’Église a toujours affirmé que les nations ont le droit – et même le devoir – de réguler les flux migratoires pour préserver leur cohésion et leur identité. Saint Thomas d’Aquin lui-même enseignait que l’accueil des étrangers devait être soumis à un discernement prudent (Somme théologique, I-II, q. 105, a. 3), afin de ne pas perturber l’équilibre de la cité chrétienne. L’Église n’a jamais prôné un accueil illimité, mais plutôt une charité ordonnée, qui respecte à la fois l’hospitalité et l’ordre social.
L’idéologie de la fraternité universelle
Le Pape François insiste sur la nécessité de construire une fraternité sans frontières, prenant en exemple la parabole du Bon Samaritain. Il met en garde contre « un repli identitaire » qui aboutirait à une société dominée par « la loi du plus fort ».
Cependant, cette vision de la fraternité, bien qu’enracinée dans l’Évangile, peut être instrumentalisée pour promouvoir une forme d’utopie mondialiste qui ignore la réalité des peuples et des cultures. L’universalité chrétienne n’est pas une dissolution des identités, mais une harmonisation des différences dans l’ordre voulu par Dieu. Saint Pie X mettait déjà en garde contre un certain humanitarisme dévoyé qui, sous prétexte de charité, finirait par dissoudre les nations chrétiennes (Notre charge apostolique, 1910).
Il est essentiel de distinguer la véritable compassion chrétienne d’une idéologie qui nierait le droit des nations à se protéger. L’Église, tout au long de son histoire, a toujours cherché à conjuguer miséricorde et justice, accueil et prudence. La charité ne doit pas se faire au détriment du bien commun, et l’aide aux plus démunis ne doit pas se transformer en une acceptation naïve d’un phénomène migratoire incontrôlé. Sans oublier non plus le taux de crime qu’apporte l’immigration moderne dans les pays Européens et américains. Un Français ou un américain a aussi le droit de vivre en paix et de pouvoir sortir de chez lui sans risquer de se faire égorger.
La lettre en française :
Chers frères dans l’épiscopat,
Je vous écris aujourd’hui pour vous adresser quelques paroles en ce moment délicat que vous vivez en tant que pasteurs du Peuple de Dieu pèlerin aux Etats-Unis d’Amérique.
1. Le voyage de l’esclavage à la liberté accompli par le peuple d’Israël, tel que nous le rapporte le Livre de l’Exode, nous invite à considérer la réalité de notre temps, si clairement marquée par le phénomène de la migration, en tant que moment décisif dans l’histoire pour réaffirmer non seulement notre foi en un Dieu qui est toujours proche, incarné, migrant et réfugié, mais également la dignité infinie et transcendante de toute personne humaine [1].
Ces paroles par lesquelles je commence ne sont pas des paroles arbitraires. Un examen même sommaire de la doctrine sociale de l’Eglise montre avec évidence que Jésus Christ est le véritable Emmanuel (cf. Mt 1, 23); il a lui aussi fait l’expérience difficile d’être expulsé de son pays à cause d’un danger imminent pour sa vie, et l’expérience de devoir trouver refuge dans une société et une culture étrangère à la sienne. En devenant homme, le Fils de Dieu a également choisi de vivre le drame de l’immigration. Je voudrais rappeler, entre autres, les paroles par lesquelles le Pape Pie XII a commencé sa Constitution apostolique sur le soin pastoral des migrants, qui est considérée comme la «Magna Carta» de la doctrine de l’Eglise sur la migration:
«La famille de Nazareth en exil, Jésus, Marie et Joseph émigrés et réfugiés en Egypte pour échapper à la colère d’un roi impie, sont le modèle, l’exemple et le soutien de tous les émigrés et pèlerins de tous les temps et de tous les pays, de tous les réfugiés de toute condition qui, poussés par la persécution ou par le besoin, se voient contraints d’abandonner leur patrie, leur famille bien-aimée et les personnes qui leurs sont chères, et se rendre en terre étrangère» [2].
3. De même, Jésus Christ, en aimant chacun d’un amour universel, nous éduque à la reconnaissance permanente de la dignité de tout être humain, sans exception. En effet, lorsque nous parlons d’«infinie et transcendante dignité», nous voulons souligner que la valeur la plus importante que possède la personne humaine dépasse et soutient toute autre considération juridique qui peut être faite pour réguler la vie en société. Ainsi, tous les fidèles chrétiens et les personnes de bonne volonté sont appelés à considérer la légitimité des normes et des politiques publiques à la lumière de la dignité de la personne et de ses droits fondamentaux, et non l’inverse.
4. Je suis de près la crise importante qui a lieu aux Etats-Unis avec le lancement d’un programme de déportations de masse. Une conscience formée avec droiture ne peut manquer d’exprimer un jugement critique et exprimer son désaccord avec toute mesure qui identifie de façon tacite ou explicite le statut illégal de certains migrants avec la criminalité. Dans le même temps, il faut reconnaître le droit d’un pays à se défendre et à protéger les communautés de ceux qui ont commis des crimes violents ou graves lors de leur séjour dans le pays ou avant leur arrivée. Quoi qu’il en soit, déporter des personnes qui, dans de nombreux cas, ont quitté leur terre pour des raisons d’extrême pauvreté, d’insécurité, d’exploitation, de persécution ou de grave détérioration de l’environnement, porte atteinte à la dignité de nombreux hommes et femmes, et de familles tout entières, et les rend particulièrement vulnérables et sans défense.
5. Il ne s’agit pas d’une question de moindre importance: un authentique état de droit se vérifie précisément dans le traitement digne que toutes les personnes méritent, en particulier les plus pauvres et les plus marginalisés. Le véritable bien commun est promu lorsque la société et le gouvernement, avec créativité et le strict respect des droits de tous — comme je l’ai affirmé en de nombreuses occasions — accueille, protège, promeut et intègre les plus fragiles, sans défense et vulnérables. Cela n’empêche pas le développement d’une politique qui réglemente une migration ordonnée et légale. Toutefois, ce développement ne peut se réaliser à travers le privilège de quelques-uns et le sacrifice d’autres. Ce qui est construit sur le fondement de la force, et non sur la vérité de la dignité égale de tout être humain, commence mal et finira mal.
6. Les chrétiens savent très bien que ce n’est qu’en affirmant l’infinie dignité de tous que notre identité de personnes et de communautés atteint sa maturité. L’amour chrétien n’est pas une expansion concentrique d’intérêts qui s’étendent peu à peu à d’autres personnes et d’autres groupes. En d’autres termes, la personne humaine n’est pas un simple individu, relativement expansif, ayant des sentiments philanthropiques! La personne humaine est un sujet doté de dignité qui, à travers la relation constitutive avec tous, en particulier les plus pauvres, peut progressivement mûrir dans son identité et sa vocation. Le véritable ordo amoris qui doit être promu est celui que nous découvrons en méditant constamment sur la parabole du «Bon Samaritain» (cf. Lc 10, 25-37), c’est-à-dire en méditant sur l’amour qui construit une fraternité ouverte à tous, sans exception [3].
7. Mais la préoccupation pour l’identité personnelle, communautaire ou nationale, au-delà de ces considérations, peut facilement introduire un critère idéologique qui déforme la vie sociale et impose la volonté du plus fort comme critère de vérité.
8. Chers frères évêques des Etats-Unis, je reconnais vos efforts précieux, alors que vous travaillez étroitement avec les migrants et les réfugiés, en proclamant Jésus Christ et en promouvant les droits humains fondamentaux. Dieu récompensera abondamment tout ce que vous faites pour la protection et la défense de ceux qui sont considérés comme moins précieux, moins importants ou moins humains!
9. J’exhorte tous les fidèles de l’Eglise catholique, ainsi que tous les hommes et les femmes de bonne volonté, à ne pas céder aux discours qui discriminent et causent des souffrances inutiles à nos frères et sœurs migrants et réfugiés. Nous sommes appelés avec charité et clarté à vivre dans la solidarité et la fraternité, à jeter des ponts qui nous rapprochent toujours plus, à rejeter les murs d’ignominie et à apprendre à donner nos vies comme Jésus Christ a donné la sienne pour le salut de tous.
10. Demandons à Notre Dame de Guadalupe de protéger les personnes et les familles qui vivent dans la peur et la douleur à cause de la migration et/ou de la déportation. Puisse la «Virgen morena», qui a su réconcilier les peuples lorsqu’ils étaient ennemis, nous accorde de nous retrouver comme frères et sœurs, dans son étreinte, et d’accomplir ainsi un pas en avant dans la construction d’une société plus fraternelle, inclusive et respectueuse de la dignité de tous.
Fraternellement,
François
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