Un groupe de catholiques du diocèse de Fréjus-Toulon, a adressé une pétition au pape François lui demandant de revenir sur sa récente décision de suspendre les ordinations de prêtres et de diacres prévues pour la fin du mois.
Les pétitionnaires ont exprimé leur « grave préoccupation quant aux conséquences durables sur les relations entre Rome et le peuple chrétien de France, déjà ébranlées » par Traditionis Custodes et le rapport français sur les abus sexuels de 2021.
Cette mesure, rendue publique le 2 juin par Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, faisait suite à une visite fraternelle du diocèse entreprise par Mgr Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, à la demande du Vatican.
Mgr Rey a précisé que la suspension des ordinations qui s’en est suivie a été demandée en raison des « questions que se posaient certains dicastères romains sur la restructuration du séminaire et la politique d’accueil du diocèse.«
Ces explications n’ont toutefois pas apaisé la consternation des fidèles du diocèse, connu pour son dynamisme missionnaire et la diversité de ses communautés.
Dans une pétition en ligne adressée au Saint-Père au lendemain de l’annonce de l’évêque Rey, les signataires disent avoir reçu la nouvelle avec « choc et douleur.«
« Si nous accueillons [cette décision] dans l’obéissance à l’Église, nous ne la comprenons pas, surtout au regard de ce que nous savons de Mgr Rey, de sa personnalité et de son action dans son diocèse depuis 22 ans (…) qui a donné beaucoup d’espoir pour le renouveau de l’Église de France« , écrivent-ils dans cette pétition qui a recueilli à ce jour quelque 8 000 signatures.
Soulignant le « succès des nombreuses initiatives lancées dans ce diocèse, notamment celles qui touchent les plus démunis, ou encore la moyenne d’âge de 55 ans des prêtres« , les pétitionnaires ajoutent que si Mgr Rey « n’est pas parfait« , il est « créatif et audacieux » et « cherche à servir l’unité de l’Église et veille à ce que chacun y trouve sa place.«
« Les mendiants, les exclus de toutes sortes, les citoyens des périphéries du monde sont ses amis« , peut-on lire dans la pétition. « Il était celui qui, proche de son prochain, allait chercher la brebis égarée, accueillir le fils prodigue« .
Tout en reconnaissant qu’il y a certainement des raisons à la décision prise par le Vatican, les pétitionnaires ont exprimé leur « grave préoccupation quant aux conséquences durables sur les relations entre Rome et le peuple chrétien de France, déjà ébranlées« , dans une référence aux divisions générées par la lettre apostolique Traditionis Custodes de l’année dernière restreignant la messe traditionnelle en latin, et le rapport publié plus tard en 2021 concernant les abus sexuels au sein de l’Église catholique de France.
« Ne laissons pas se multiplier les inquiétudes des chrétiens de France. Soyons dans un esprit de fraternité, de vérité, d’écoute et de paix. Dans l’espérance, nous prions« , conclut la pétition.
Pour Alexandre et Héloïse Massiani, parents de huit enfants, très impliqués dans la vie de l’Église locale et signataires de la pétition, l’aspect de la suspension des ordinations le plus à déplorer est le manque de transparence et de clarté pour une décision qui aura un impact dramatique sur la vie des séminaristes concernés, dont certains qu’ils connaissent personnellement.
« Aucun des fidèles du diocèse n’a accès au rapport qui a conduit à cette décision. Tout reste flou« , a déclaré Alexandre Massiani au Register.
« L’un des séminaristes attendait que toute sa famille vienne de loin pour l’ordination. C’est tellement difficile. On dirait que ceux qui prennent ces décisions n’ont aucune considération pour la souffrance des gens« , poursuit Héloïse Massiani.
« S’ils avaient voulu simplement restructurer et mettre de l’ordre dans le séminaire diocésain, ils auraient pu demander à l’évêque de ne pas programmer de nouvelles ordinations après celles de juin, en attendant la fin de l’enquête« , a-t-elle ajouté. « Maintenant, ils font beaucoup de victimes collatérales sans même le justifier correctement« .
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Pour le couple, cette décision ressemble plus à une sanction qu’à une simple mesure de précaution, et est en partie motivée par l’ouverture de Mgr Rey à l’égard de la messe traditionnelle en latin. « Après le motu proprio Traditionis Custodes, l’évêque a d’abord été prudent, puis il a laissé les paroisses qui disaient la messe traditionnelle continuer sans intervenir, et nous pensons que cela n’a vraiment pas joué en sa faveur« , a déclaré Alexandre Massiani, ajoutant qu’il avait peu d’espoir que leur plaidoyer auprès du pape soit entendu, au vu des nombreuses démarches infructueuses des fidèles français auprès des autorités ecclésiastiques l’année dernière.
« Nous avons cependant le sentiment qu’il est de notre devoir de tout faire pour défendre l’avenir de notre diocèse et de tous les jeunes de la région qui envisageaient d’entrer prochainement au séminaire et qui pourraient en être dissuadés, ou qui devront se décider à rejoindre un séminaire à l’étranger.«
Cet article a été publié à l’origine par le National Catholic Register sur NCR. Il a été réimprimé et traduit avec la permission de l’auteur.