Suivant le concile de Trente, les dispositions requises pour obtenir la grâce de la justification sont : la foi, par laquelle on croit tout et l’on tient pour vrai tout ce qui a été révélé, et, en particulier, que le pécheur est justifié par la grâce et les mérites de Jésus-Christ.
La crainte de la justice divine ; l’espérance en la miséricorde de Dieu; l’acte plus ou moins explicite par lequel on commence à aimer Dieu comme source de toute justice ; la haine et la détestation du péché, avec le désir de recevoir le sacrement de baptême ou de la pénitence, de mener une vie nouvelle, et d’observer les commandements de Dieu.
La foi est la première des dispositions nécessaires à la justification ; elle est le commencement du salut de l’homme, le fondement et la racine de toute justification. Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu et d’être admis au nombre de ses enfants. Cette foi ne consiste point à croire fermement que les péchés nous sont remis. L’Église a condamné comme hérétiques ceux qui prétendent que cette espèce de foi, qui n’est fondée ni sur l’Écriture ni sur la tradition, est nécessaire à l’homme pour obtenir la rémission de ses péchés.
Ce n’est pas non plus une simple confiance en la miséricorde divine. Si quelqu’un dit que la foi justifiante n’est autre chose que la confiance en la miséricorde de Dieu, qui nous remet nos péchés à cause de Jésus-Christ, ou que c’est par la seule confiance que nous sommes justifiés ; qu’il soit anathème.
La foi, qui nous dispose à la justification, est la foi proprement dite, la foi par laquelle nous croyons, sur la parole de Dieu même, toutes les vérités qu’il a révélées à son Église. Mais il n’est pas nécessaire que cette foi soit explicite en tout. Il y a sans doute nécessité de croire explicitement qu’il y a un Dieu, souverain Seigneur de toutes choses, et qu’il récompense ceux qui le recherchent. Il ne peut y avoir de salut pour un adulte, s’il ne croit, d’une manière explicite, en Dieu, à sa providence et à l’existence d’une autre vie, où chacun recevra suivant ses œuvres.
La foi explicite aux mystères de la sainte Trinité et de l’Incarnation est encore nécessaire au salut ; mais il n’est pas certain qu’elle soit absolument et indispensablement nécessaire, ou, comme s’exprime l’école, qu’elle soit nécessaire d’une nécessité de moyen. Il nous parait même plus probable qu’elle n’est nécessaire que d’une nécessité morale, que d’une nécessité de précepte ; de sorte que celui qui est dans l’ignorance Invincible de ces mystères peut absolument entrer en grâce avec Dieu, pourvu qu’il soit disposé à faire en tout la volonté divine, selon la connaissance qu’il en a.
Mais la foi, même la plus parfaite, ne suffit pas. L’homme est justifié par les œuvres, et non par la foi seulement, dit saint Jacques. De là ce décret du concile de Trente :
« Si quelqu’un dit que l’homme est justifié par la foi seule, ou que, pour obtenir la grâce de la Justification, il n’est nullement nécessaire que l’homme se prépare et se dispose par le mouvement de sa volonté ; qu’il soit anathème. »
Suivant le concile de Trente, la justification a, pour cause finale, la gloire de Dieu et de Jésus-Christ, et la vie éternelle. Pour cause efficiente, elle a Dieu lui-même, en tant qu’il est miséricordieux ; c’est Dieu qui nous purifie et nous sanctifie gratuitement par le sceau et l’onction du Saint-Esprit qui avait été promis, et qui est le gage de notre héritage. La cause méritoire est Notre-Seigneur Jésus-Christ, son Fils unique et bien-aimé, qui, lorsque nous étions ses ennemis, par un effet de l’amour extrême dont il nous a aimés, nous a mérité la justification, et a satisfait pour nous à Dieu son Père, par sa très-sainte passion, sur l’arbre de la croix.
La cause instrumentale est le sacrement de baptême, qui est le sacrement de la foi, sans laquelle personne n’obtient jamais la justification. Enfin, son unique cause formelle est la justice de Dieu, non la justice par laquelle il est juste lui-même, mais celle par laquelle il nous justifie en nous renouvelant dans l’intérieur de notre âme. Et non-seulement nous sommes réputés justes, mais c’est avec vérité que nous sommes nommés justes ; et nous le sommes en effet, recevant en nous la justice chacun selon la mesure que l’Esprit-Saint répartit comme il lui plaît, et suivant la disposition propre et la coopération d’un chacun.
En quoi consiste la justification ? La justification consiste dans la grâce habituelle ou sanctifiante, qui est un don inhérent à notre âme et permanent de sa nature. Il est de foi que ni la seule imputation de la justice de Jésus-Christ, ni la seule rémission des péchés, à l’exclusion de la grâce et de la charité inhérente à l’âme, ne suffît pas pour la Justification. Qu’il soit anathème, celui qui dit que les hommes sont justifiés ou par la seule imputation de la justice de Jésus-Christ, ou par la seule rémission des péchés, faisant exclusion de la grâce et de la charité, qui est répandue dans leurs cœurs par le Saint-Esprit, et qui leur est inhérente ; ou que la grâce par laquelle nous sommes justifiés n’est qu’une simple faveur de Dieu.
La justification n’est pas seulement la rémission des péchés, mais encore la sanctification et le renouvellement de l’homme intérieur, par la réception volontaire de la grâce et des dons qui l’accompagnent : d’où il arrive que l’homme, d’injuste, devient juste et ami de Dieu, d’ennemi qu’il était, pour être, selon l’espérance qui lui en est donnée, héritier de la vie éternelle. Dans cette justification, l’homme reçoit, par Jésus-Christ, auquel il est enté, et la rémission des péchés, et les dons infus, savoir, la foi, l’espérance et la charité.
Ainsi donc, suivant le dogme catholique, la justification consiste dans la grâce sanctifiante, qui nous purifie et nous rend agréables à Dieu ; dans la justice de Dieu, qui nous justifie lui-même par les mérites de Jésus-Christ dans la charité, qui efface les péchés et nous rétablit dans l’amitié de Dieu ; dans la communication du Saint-Esprit, qui demeure en nous et nous fait demeurer en lui, en union avec le Père et le Fils ; dans la sainteté, qui, en nous régénérant, en nous renouvelant intérieurement, nous rend héritiers du royaume des cieux.
« Renouvelez-vous dans l’intérieur de votre âme, et revêtez-vous de l’homme nouveau, qui a été créé selon Dieu, dans la justice et dans une véritable sainteté. » Éphésiens 4:24
Nous avons dit que la justification efface les péchés. En effet, les péchés ne sont pas seulement couverts par la grâce sanctifiante ; ils ne cessent pas seulement d’être imputés ; ils sont réellement et véritablement enlevés et effacés, au point de ne pouvoir plus revivre aucune manière. Le dernier concile général frappe d’anathème quiconque nie que l’offense du péché originel soit remise par la grâce du baptême, ou soutient que tout ce qui constitue le péché n’est pas entièrement enlevé mais que le péché est seulement raturé ou non imputé.
Nous ferons remarquer aussi que la justice, l’état de grâce n’est point inamissible ; que le juste ne persévère pas toujours, quoiqu’il puisse toujours persévérer. Il est de foi que celui qui est justifié peut perdre la grâce : « Si quelqu’un dit qu’un homme une fois justifié ne peut plus pécher ni perdre la grâce, et qu’ainsi, lorsque quelqu’un tombe et pèche, c’est une marque qu’il n’a jamais été justifié ; qu’il soit anathème. »
Que celui donc, dit l’Apôtre, qui croit être ferme, prenne garde à ne pas tomber. C’est encore un dogme catholique que la justice ou la sainteté est susceptible d’accroissement. « Si quelqu’un dit que la justice, une fois acquise, ne se conserve pas et ne s’augmente pas devant Dieu par les bonnes œuvres, mais que les bonnes œuvres sont seulement les fruits et les signes de la justification acquise, et non une cause qui l’augmente ; qu’il soit anathème. »
Ce qui s’accorde parfaitement avec ce que dit Saint Jean : Que celui qui est juste, se justifie encore ; que celui qui est saint, se sanctifie encore. C’est cet accroissement de justice que la sainte Église demande, quand elle dit dans ses prières : Donnez-nous, Seigneur, l’augmentation de la foi, de l’espérance et de la charité.
Peut-on être assuré de sa justification ? Personne, sans une révélation particulière, ne peut être absolument certain d’avoir la grâce sanctifiante et d’être du nombre des prédestinés. L’Église condamne à l’anathème celui qui dit qu’un homme régénéré et justifié est tenu, selon la foi, de croire qu’il est certainement du nombre des élus ; ainsi que celui qui, sans une révélation particulière, affirme, d’une certitude absolue et infaillible, qu’il aura certainement le don de persévérance jusqu’à la fin.
Aucun fidèle, il est vrai, ne doit douter de la miséricorde de Dieu, des mérites de Jésus-Christ, de la vertu et de l’efficacité des sacrements ; mais il est vrai aussi que quiconque tourne les yeux sur soi-même, et considère sa propre faiblesse, a lieu de craindre de n’être point en état de grâce, personne ne pouvant savoir, de la certitude de la foi, c’est-à-dire, d’une certitude qui ne soit point sujette à l’erreur, s’il a véritablement reçu la grâce de Dieu.
À lire aussi | De la vertu de patience, et de deux sortes d’impatience
Nous lisons aussi dans les livres saints :
« Qui peut dire : Mon cœur est pur, je suis exempt de tout péché ? L’homme ne sait s’il est digne d’amour ou de haine. Ne soyez pas sans crainte au sujet du péché pardonné. »
Ce qui a fait dire à Saint Paul :
« Je ne me sens coupable de rien, mais je ne suis pas pour cela justifié. »
Source : Théologie Dogmatique – Cardinal Thomas-Marie-Joseph Gousset – 1879