Les effets corporels de la possession, visiblement supérieurs aux forces de la nature, en sont encore une preuve si évidente, qu’elle est sensible aux esprits les moins cultivés. Ils ont cet avantage, qu’un seul exemple de cette espèce suffit pour convaincre toute une assemblée qui en serait témoin. Or, les énergumènes de Loudun en donnaient tous les jours des plus frappants.
On les voyait, quand l’exorciste faisait quelque commandement au démon, passer d’un état de paisible tranquillité tout a coup aux mouvements convulsifs les plus terribles, sans la moindre émotion de pouls, comme les personnes qui vivent dans un grand repos et sont modérées dans leurs actions, et l’on remarquera que tout ce que nous allons dire, était commun à toutes les religieuses et même a quelques filles séculières.
Elles se battaient la poitrine et le dos avec la tète, comme si elles eussent eu le cou disloqué, et avec une vivacité inconcevable , et si rudement, qu’il n’y a personne au monde, quelque agile qu’il soit, qui puisse rien faire de semblable.
Elles se tordaient les bras aux jointures des épaules, du coude et du poignet, deux ou trois tours, et, appuyées sur le ventre, elles joignaient exactement la paume des mains à la plante des pieds; ce qu’elles ne pouvaient exécuter sans faire au moins un tour à chaque jointure.
Le corps de la sœur Claire ployait comme une lame de plomb et se renversait de tous côtés , même hors de son équilibre et ligne de direction. Lorsque le démon la possédait, il lui ouvrait les cuisses de telle sorte que le périnée touchait contre terre.
Le démon faisait exécuter à la mère prieure une telle extension de jambes, que l’on pouvait mesurer sept pieds d’un talon à l’autre, quoique sa taille ne fût guère que d’un mètre trente-trois centimètres. Leur visage devenait affreux à n’en pouvoir soutenir la vue; leurs yeux restaient ouverts sans sourciller.
Le démon Balam mettait dans les yeux de la mère une vivacité si extraordinaire , que plusieurs fois les médecins qui en furent témoins certifièrent que cet effet ne pouvait être naturel. La langue leur sortait subitement de la bouche, dune grosseur horrible, noire, dure, pendante et chargée de boutons, comme du maroquin ; elles ne la serraient pas entre leurs dents, et il ne s’y était formé aucune tumeur provenant de maladie naturelle, et dans cet état elles parlaient distinctement.
Ce phénomène se produisait dans un clin d’œil et finissait de même. Elles se renversaient en arrière, la tète touchant aux talons, et elles marchaient en cette posture avec une vitesse surprenante et pendant un temps considérable. Elles remuaient la tète avec des mouvements si prompts, qu’on ne pouvait le voir sans avouer que cela était au-dessus des forces humaines.
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Elles poussaient des cris si horribles et d’une force si étrange, que rien n’en approchait, si ce n’est peut-être ceux des damnés; leurs hurlements étaient de beaucoup au-dessus des forces des hommes les plus sauvages et des bêtes féroces qui habitent les déserts. Quand elles étaient couchées par terre, elles se roidissaient et s’appesantissaient de telle sorte, que l’homme le plus robuste avait de la peine à leur remuer seulement la tète; et dans cette position, elles se relevaient tout d’une pièce sans s’aider ni des pieds ni des mains.
Les agitations des possédées étaient d’ailleurs si violentes, qu’il fallait soin eut les personnes les plus rigoureuses pour tenir de pauvres filles qui, une fois l’exorcisme terminé, étaient faibles selon la condition ordinaire a leur sexe. Elles prononçaient d’abominables paroles, tenaient des propos impudiques qui faisaient rougir les hommes les moins délicats sur cette matière, vomissaient des malédictions contre les trois divines personnes, des imprécations, des blasphèmes si terribles, qu’ils ne pouvaient naturellement venir à l’esprit humain ; et ces religieuses étaient bien élevées, appartenant à des familles recommandables , et lorsque leurs accès étaient finis, elles retrouvaient les sentiments de la plus tendre piété : elles veillaient perpétuellement et jeûnaient des cinq ou six jours de suite, sans rien perdre de leurs bonnes dispositions naturelles.
Cependant elles étaient travaillées ainsi deux fois par jour, pendant plusieurs beures, sans que leur santé en fût altérée; au contraire, celles qui étaient d’une faible santé paraissaient se porter mieux qu’avant la possession. Tous les auteurs pour et contre la possession sont d’accord là-dessus.
On entendait dans le corps de Françoise Fillâtreau, séculière, différentes voix se disputer à la fois. Le sujet de ces vociférations roulait sur la puissance et la domination à établir dans le corps de cette fille, et elle avait la bouche complètement fermée.
Terminons ce tableau par les remarques générales de François Pidoux, médecin de Poitiers, témoin oculaire de la possession. Ces remarques sont tirées de son ouvrage intitulé In acliones Juliodunensium viryinum excrcitatio médira, en réponse à Duncan, médecin de Saumur :
Pleroeque Juliodunensium Lrsulinarum , alioeque extra eoenobium nondum thalamo jugatoe, maturoe tatnen, ab uno aut altéra anno in re aligna , délirant, cociferantur, rident, plorant , ejidant , proeloncjam exerunt lin/juam, obsccnoe loquuntur, cxecranda cdunt, tnulfos puqnis impclunt, contorsiones et obversiones stuptndas exercent, humi volutantur et sese rotant, convulsiones vniversalcs et particulares patiuntur, in extases rapiuntur, qnoeslionibus romano idiomate proesertim propositis et scrpius repetitis, apposite, sed vcrnaculo sermone respondent, sacrosanctas cucharistioe species subinde in os sofas rccjerunt , casque summis inhoertntis labiis aut exertoe lincjuoe cxtremo illibatas palam ostcndunt , facta denique quoedam occulta dete-(junt , ea vcro omnia maxime ad imperium Satefdotti exercent
( TRAD google ) Et la plupart des Juliodunum Lrsulinarum et d’autres en dehors du monastère ne sont pas encore attachés à la chambre, mais lorsqu’ils sont mûrs, d’un an ou l’autre dans une chose alignée et ils pratiquent des virages étonnants, sont appelés au sol et se tournent eux-mêmes ; ils souffrent de convulsions universelles et particulières, ils sont emportés dans des extases ; ou ils dévoilent ouvertement leurs derniers mots et restent intacts, et enfin dévoilent quelques actes cachés
Depuis deux ans , la plupart des Ursulines de Loudun, et en dehors de leur couvent, d’autres personnes non mariées, mais dans la vigueur de l’âge, au milieu de certaines actions, sont dans le délire le plus absolu, l’ont d’horribles cris, rient, pleurent, poussent des sanglots, tirent la langue d’une manière démesurée, disent des choses obscènes, font d’abominables imprécations, donnent des coups de poing sans discernement, font des contorsions et des grimaces épouvantables, sont jetées par terre et se roulent dans la poussière, éprouvent des convulsions dans tout leur corps, et quelquefois seulement dans certaines parties de leur corps, sont ravies en extase, répondent fort à propos et en français aux questions
qu’on leur propose, et qu’on leur répète souvent en latin; elles ramènent de leur poitrine dans leur bouche seulement les saintes espèces de l’Eucharistie, et les montrent, sans aucune trace de corruption, attachées à l’extrémité de leurs lèvres ou au bout de leur langue, qu’elles tirent à cet effet.
Enfin, elles découvrent certains faits occultes, et tout cela se fait principalement au commandement du prêtre. Ce sont de ces faits contre lesquels il n’est point facile de s’inscrire en faux ; ils ont été observés par un nombre considérable de curieux et ont été l’objet de procès-verbaux détaillés, comme nous avons pu nous en convaincre dans le corps même de l’histoire, et les médecins qui en ont été témoins ont déclaré qu’en tout cela il y avait du surnaturel; par conséquent, que les religieuses ursulines de Loudun étaient réellement possédées de l’esprit du mal.
Source : Chapitre IV : Etudes sur les possessions de Loudun par l’Abbé LERICHE 1859