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Le retour du Pape Urbain V à Rome et la vision de Sainte Brigitte

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Sainte Brigitte de Suède assiste à l’entrée triomphale d’Urbain V à Rome en octobre 1367. Brigitte tomba aux pieds de son divin Maître, la joie dans le cœur et la louange aux lèvres : Urbain V rentrait à Rome.

Dès l’année précédente, le pontife avait déclaré qu’à Pâques, il sortirait d’Avignon, et la Sainte appelait de tous ses vœux le jour de cette résurrection. Par la pensée, elle suivait le voyage de la cour pontificale, la descente du splendide cortège sur le Rhône, l’embarquement à Marseille. Elle se représentait volontiers la pompe dont le souverain pontife était entouré ; son imagination lui montrait les galères de Naples, de Venise, de Gênes et de Pise transformant la mer en une ville flottante, et voguant avec docilité dans le sillage de la barque de Pierre.

Elle se figurait la première messe du souverain pontife en Italie. Urbain la célébrait sur le rivage, à ciel ouvert, et nul ne pouvait compter le nombre des fidèles inclinés sous sa bénédiction. Mais comme s’il hésitait à pénétrer dans sa ville épiscopale, le Pape s’arrête.

Avec ses compatriotes les Français, croit-il que cette terre est la terre des morts ? Son esprit est-il frappé de voir tomber en vue de Rome, comme Moïse en vue de la Terre promise, celui qui ramenait le Saint-Siège de la captivité, le grand cardinal Albornoz ? La servante de Dieu l’ignore, cependant sa prière touche le Maître qui affermit les forts et relève les faibles. Urbain V continue sa marche.

Enfin le grand jour se lève, les cloches sonnent, les chants sacrés retentissent, la Ville éternelle s’anime. Plus de deux mille évêques, abbés et prieurs, entourent l’étendard de l’Église. Onze cardinaux français suivent, résignés, le coursier blanc d’Urbain V, que guident les princes italiens ; la basilique vaticane ouvre ses por tes : Evviva il Papa !

La promesse faite par saint Pierre à Brigitte en 1350 se réalise ; une voix céleste chante aux oreilles de la sainte :

« Voici le vicaire du Christ » qui rétablit le Saint-Siège dans la cité du prince « des apôtres « .

Elle s’élance hors de son oratoire et voit « les serpents changés en agneaux, les lions en colombes. »

Avec l’enthousiasme propre aux races méridionales, la foule n’a plus qu’un cri : « Vive le vicaire de Jésus-Christ ! »

Urbain donne la bénédiction Ubi et Orbi ; pendant que Brigitte s’incline à la voix du chef de l’Église universelle, elle sent tomber les paroles pontificales sur sa lointaine patrie, sur la tête de ses enfants, de ses amis et de son Roi, sur la tombe de ses morts et sur le sol du futur monastère de Vadstena. Soit de son propre mouvement, soit à l’invitation du pontife, Brigitte se présenta sans tarder au Vatican et s’entretint avec Urbain V des grands intérêts de l’Église.

Elle lui raconta une vision qui l’avait miraculeusement avertie de son retour.

Il semblait (disait-elle, en se désignant elle-même), il semblait à une personne qui veillait et ne dormait point qu’elle se trouvait dans un palais en présence d’un très grand soleil.

Devant l’astre étaient placées comme deux chaires, l’une à droite, l’autre à gauche. Entre les chaires et le soleil, il y avait un espace. Du soleil s’échappaient comme deux rayons dirigés, l’un vers la chaire de droite, l’autre vers la chaire de gauche. De cette dernière une voix commença de parler.

Bien que dans la chaire, on ne vît personne, on entendait pourtant la voix se plaindre. Elle disait au soleil :

« Salut, Roi éternel ! tu es Créateur, Rédempteur et Juge équitable. Rien ne t’est caché, tout t’est connu. Mais je parle pour la personne qui maintenant écoute parler et répondre avec ta permission.« 

La voix dit :

« O Maître ! ton vicaire qui est assis à ta place, a transporté le Saint-Siège dans la vieille ville de Rome, où reposent les corps des premiers papes, ceux de Pierre, de Paul et de beaucoup d’amis choisis de Dieu.« 

De la chaire de droite, une voix répondit ainsi :

« L’arrivée du Saint-Siège à Rome satisfait Dieu, qui abhorre la chute et la corruption de la sainte Église, dont les portes s’inclinent plus qu’elles ne devraient vers la terre. Les crochets des portes sont aussi redressés qu’ils peuvent l’être et ne sont plus du tout recourbés. Le pavé est creusé de tels trous qu’ils n’ont point de fond. Du toit tombent des gouttes de soufre enflammées et brûlantes. Elles répandent une fumée désagréable. Les murs sont aussi horribles à voir que s’ils étaient enduits de sang corrompu. »

Lorsqu’il eut été parlé de la sorte, une voix s’éleva à main gauche et dit à celui qui avait parlé :

« Explique les mots que tu as proférés et ce que signifie, au spirituel, ce que tu as exprimé sous une forme matérielle.« 

À main droite, la voix répondit ainsi :

« La Sainte Église est la société des chrétiens ; le Pape est comparé aux portes ; les cardinaux aux crochets ; tous les autres clercs séculiers au pavé ; les ordres religieux qui devraient suivre leur règle sont le toit ; les laïques chrétiens les murailles. Le pape peut, s’il le veut, renouveler cette église et la rendre plus belle. Qu’il commence d’abord par soi-même. Qu’il recherche et s’informe s’il y a quelque revenu, impôt, contribution ou service pontifical qui soit devenu déraisonnable, puis, qu’il fasse restitution au légitime possesseur. Ensuite, qu’il considère sa propre maison, ses meubles, ce qui est en or et en argent, ses animaux et ses vêtements.

Qu’il prenne le nécessaire et qu’il donne le superflu, conservé par orgueil, à ceux qui ont de justes besoins. Enfin, que, selon les convenances, il administre sa maison. Il lui est permis, s’il voit qu’il le faut, d’avoir des troupes mercenaires, non point qu’elles puissent défendre sa vie : sa vie est entre les mains de Dieu, quand Dieu voudra l’appeler à son tribunal ; mais il doit les avoir afin de réprimer les hommes déloyaux.

Que le pape élève le désir de son amour au-dessus des choses caduques. Qu’il tourne ce désir vers le séjour où se trouve tout le nécessaire, avec la joie sans terme préparée par Dieu, au royaume des cieux, à ceux de ses vicaires qui, assis à sa place dans le royaume de la terre, suivent sa volonté.

Alors les portes de la sainte Église seront relevées de terre, alors toutes les choses imparfaites seront conduites avec sagesse. Il (le Pape) se tiendra dans l’abstinence raisonnable et aimera ses sujets d’un amour venant de Dieu.

Les crochets figurent les cardinaux qui devraient soutenir les portes. Ils tendent le plus qu’ils le peuvent vers l’orgueil, la cupidité et la volupté. C’est pourquoi le Pape doit prendre un marteau et une pince afin de courber les crochets selon sa volonté. Qu’il les courbe d’abord avec la pince, c’est-à-dire avec de douces paroles, avec des conseils inspirés de Dieu, pour qu’ils renoncent à la simonie, aux mœurs pécheresses et à tout superflu.

Le pape frappera de son marteau celui qui n’obéira pas, c’est-à-dire qu’il manifestera sa colère, diminuera les prébendes et courbera les (cardinaux) à sa volonté, de telle sorte qu’ils puissent être les crochets de la sainte Église et mériter ce nom.

Le pavé de la Sainte Église signifie les évêques et les clercs séculiers. Leur avarice est si profonde que rien n’y peut suffire. Leur superbe, leur vie impure jettent une écume qui est cette fumée abominable à sentir pour les amis de Dieu. S’il le veut, le Pape peut beaucoup améliorer cette situation, en conseillant à tous les évêques d’agir au sujet des richesses et du reste selon les conseils qu’il a été convenable que lui-même reçût.

Ensuite, il invitera chaque évêque à considérer la vie de ses clercs. On prendra la prébende qu’ils tiennent de l’Église à ceux qui ne voudront pas s’amender et vivre dans la chasteté. Il est plus agréable à Dieu qu’on ne dise pas de messe en une ville que de laisser des mains prostituées manier son corps béni. Que la simonie soit écrasée et poursuivie autant que possible. En faisant les choses qui viennent d’être dites, le pape pourra renouveler le pavé de l’Église.

Ceux qui ont abandonné le monde et se sont liés sous la règle de l’obéissance, sont comparés au toit. De même qu’un toit garantit de l’humidité et du mauvais temps, ainsi les réguliers devraient défendre (la chrétienté) de la colère de Dieu, par leur humilité, leur abstinence, leurs prières et leur psalmodie ; maintenant, au contraire, ce type maudit excite le courroux céleste. Ils ont abandonné l’humilité et sont l’orgueil même.

Ils ont méprisé les débuts et le mode de vivre de leurs bons patriarches ; aussi le démon a rendu leurs cœurs brûlants d’un feu figuré par celui du soufre enflammé. Ce feu ne sort pas seulement de l’orgueil, mais de beaucoup d’autres péchés et de mœurs impures qui sont comparées au goudron et à la poix. L’exemple des réguliers a conduit un grand nombre d’âmes à la réprobation. Le Pape peut renouveler le toit et le mieux faire. « 

Ce n’était pas la première fois qu’Urbain V entendait ce langage. Avant le rétablissement du Saint-Siège à Rome, Brigitte écrivait à un prélat influent de la cour d’Avignon :

« Révérend seigneur, faites avertir le pape de l’état lamentable de la ville. Les édifices où reposent les ossements des martyrs sont détruits, les temples souillés par les hommes et même par les animaux.

Les constitutions des papes, directement inspirées de l’Esprit-Saint, sont remplacées par des abus inspirés du démon.

Les clercs, de vie irréprochable, qui vivaient des revenus de l’Église, cèdent la place à des laïques ; obligés de renoncer au mariage pour obtenir les prébendes du canonicat, ceux-ci se livrent ouvertement à l’inconduite.

Véritables entremetteurs du diable, les prêtres les imitent ; ils ne rougissent pas d’avoir des maîtresses et tirent gloire de leurs enfants naturels.

Les moines, qui jadis chantaient nuit et jour les louanges de Dieu, vont à peine au chœur. Parfois, il n’y a dans les couvents ni vie, ni messe de communauté.

Les abbés habitent des châteaux situés en pleine campagne, les religieux, des maisons de la ville, et ils avouent des paternités criminelles. On ne les reconnaît point à l’habit, qu’ils raccourcissent à la façon des vêtements séculiers. Ils cachent leur scapulaire comme une honte, et portent des armes.

Quel contraste avec les Saints qui abhorraient la richesse, l’orgueil et la concupiscence de la chair ! Les règles de Saint Augustin, de Saint Benoît, de Saint Dominique et de Saint François ne sont plus observées.

Les religieux, les pénitenciers absolvent les pécheurs à prix d’argent et s’enorgueillissent de richesses mal acquises. A-t-on oublié que l’Église ordonne qu’on se confesse et qu’on reçoive le corps du Christ au moins une fois l’an, qu’on se marie si l’on n’est point appelé au célibat, qu’on jeûne des jours déterminés, qu’on se repose le dimanche et les jours de fête, qu’on ne gagne point d’argent par l’usure ?

Or, il y a dans la ville de Rome des centaines d’adultes qui meurent sans avoir reçu les sacrements de Pénitence et d’Eucharistie. Des hommes mariés chassent leurs épouses légitimes, les remplacent par des maîtresses ou réunissent l’une et l’autre sous le même toit.

On ne jeûne guère durant le carême, et certains de ceux qui semblent jeûner mangent la nuit. Les riches envoient leurs serviteurs travailler les jours fériés. Les chrétiens exercent l’usure avec plus de cupidité que les Juifs. On ne craint plus les châtiments de l’Église ; les excommuniés osent assister aux offices ; les prêtres les accueillent, et si l’on paie, ils ne refusent pas de les enterrer.

La foi Catholique disparaîtra à moins qu’un homme plein de foi, guidé par l’amour de Dieu et du prochain, n’abolisse ces abus.« 

Il était arrivé le pontife libérateur attendu de la Sainte et des fidèles serviteurs du Christ. Brigitte continua de le prendre pour confident de ce que le Verbe révélait sur l’Église militante. Avec une infinie miséricorde, la divine Trinité considérait non seulement les catholiques, mais ces infidèles, ces juifs et ces hérétiques qui ne font pas partie du corps de l’Église et qui par leur bonne volonté font partie de son âme.

C’était à tous que le Seigneur chargeait sa servante de porter la parole divine :

« Mes révélations, disait-elle, ne sont point mystérieuses et voilées comme celles de Saint Jean et de Saint Paul, chacun peut les comprendre.« 

Elle racontait donc au souverain pontife que l’humanité lui était montrée sous la forme de cinq personnes.

La première représentait le clergé, qui devrait imiter la pauvreté des apôtres. À une époque indéterminée, un Pape, que le Seigneur ne nommait pas dans la vision, se fait le meurtrier des âmes confiées à sa garde, il les tue par le mauvais exemple et les livre à l’ennemi même à qui le Christ les avait arrachées, aussi son trône s’engloutit au milieu de l’abime et ses mauvais conseillers brûlent d’un feu inextinguible.

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Brigitte voyait souvent des membres du clergé devant le tribunal de Dieu. Un cardinal était livré au démon en châtiment de ses concupiscences. Un archevêque était condamné pour avoir conseillé le mariage des prêtres, que le pape lui-même ne pouvait permettre, assurait la Sainte, sans encourir la damnation Plus tard, la vision Céleste lui montrait certain prélat hypocrite sous la forme d’un corps en pourriture.

Puis, elle voyait clairement que la vie des évêques qui ne résident pas est contraire à leur état. Ils sont comme des porcs revêtus d’habits sacerdotaux.

Source : Sainte Brigitte de Suède – Sa vie, ses révélations et son œuvre – Par Sœur Vincent Ferrier de Flavigny – 1892

Publié par Napo

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