Dieu, étant parfait, peut-il créer l’imparfait ? Du parfait, peut-il en sortir de l’imperfection ? Dialogue entre deux membres du discord Lecatho.
I. Introduction de la question
Cette question revient fréquemment sur les espaces de communications numériques centrés sur la religion. Nous allons citer des parties du questionnement de la personne qui a publiquement interrogé le serveur Lecatho https://discord.gg/cxrzWgmgG9 afin de laisser les interrogations telles qu’elles sont couramment formulées :
« Nous serions nés dans l’unique but de se détacher de ce qui nous a été donné ?
Nous devrions vivre pour Dieu et ne pas profiter de ce qu’il a mis à notre disposition (émotions, plaisirs) ?
Le principe en lui-même, pourquoi cette épreuve de la vie ? Cela m’amène à voir Dieu non pas comme l’Amour, mais comme la Cruauté, ce qui expliquerait ma façon d’évangéliser… Je ne peux pas considérer l’enfer et penser que Dieu est Amour plutôt que Cruauté. C’est plus le principe de l’épreuve que l’enfer en lui-même…
Et comment expliquer le péché originel ? Adam et Eve n’étaient ils pas parfait à la Création ? Et s’ils l’étaient, pourquoi ont-ils goûté le fruit ? Si Adam et Ève ne sont pas parfaits, comment Dieu pourrait-il s’abaisser à la non-perfection s’Il est totalement parfait ? »
Ces questions sont intéressantes et difficiles, et savoir y apporter une réponse est fondamental pour chaque fidèle à titre individuel. Tentons de reformuler la question, en lisant de bas en haut la citation précédente :
–Dieu est parfait, mais créé des êtres imparfaits, ce qui est paradoxal, car le parfait ne peut qu’engendrer le parfait ;
–ces êtres imparfaits, en l’occurrence Adam et Eve, ont commis le péché originel, et depuis, l’homme risque l’enfer dès sa naissance ;
–la possibilité réelle laissée à l’homme d’aller en enfer est un acte malveillant de Dieu (Dieu serait donc cruel) ;
–enfin, nous devrions vivre sans profiter de la vie, car profiter de la vie est un mal qui détourne de Dieu.
Une dernière idée émise, non retranscrite plus haut, est que la foi s’oppose à la raison.
Nous retrouvons ici que des très fameuses objections : Si Dieu est bon et tout puissant, pourquoi le mal existe-t-il ?
Si Dieu est bon, pourquoi l’enfer existe-t-il ? La foi s’oppose-t-elle à la raison ? Toutes ces questions sont des cas d’école, de simples questions soulevant un paradoxe en quelques mots, et semblant remettre très simplement en question la religion chrétienne.
Abordons la question sous l’angle de la perfection telle qu’elle a été soulevée : Un Dieu parfait peut-il créer des créatures imparfaites ?
II. Que nous dit l’Église ?
Reprenons le catéchisme de St Pie X, qui a la vertu d’être clair et concis :
Dieu a-t-il soin du monde et de toutes les choses qu’il a créées ?
Oui, Dieu a soin du monde et de toutes les choses qu’il a créées ; il les conserve et les gouverne par sa bonté et sa sagesse infinies, et rien n’arrive ici-bas sans que Dieu le veuille ou le permette.
Pourquoi dites-vous que rien n’arrive ici-bas sans que Dieu le veuille ou le permette ?
On dit que rien n’arrive ici-bas sans que Dieu le veuille ou le permette, parce qu’il y a des choses que Dieu veut et commande, et d’autres qu’il n’empêche pas, comme le péché.
Pourquoi Dieu n’empêche-t-il pas le péché ?
Dieu n’empêche pas le péché, parce que même de l’abus que fait l’homme de la liberté qu’il lui a été concédée, il sait retirer un bien et faire toujours resplendir davantage ou sa miséricorde ou sa justice.
Pourquoi dit-on que l’homme a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu ?
On dit que l’homme a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, parce que l’âme humaine est spirituelle et raisonnable, libre dans ses actes, capable de connaître et d’aimer Dieu et de jouir de lui éternellement ; et ces perfections sont en nous un reflet de l’infinie grandeur du Seigneur.
L’Église nous apprend donc que Dieu est bon, que dans sa sagesse, Il laisse le mal survenir, car Il peut en tirer un plus grand bien.
III. Foi et raison
La foi et la raison vont de pair et ne s’opposent pas, comme nous le dit Saint Paul Ro I:20 :
« En effet, ses perfections invisibles, son éternelle puissance et sa divinité sont, depuis la création du monde, rendues visibles à l’intelligence par le moyen de ses œuvres.»
De même, le Saint Concile Vatican I, dans sa constitution dogmatique Dei Filius, chapitre IV, foi & raison, va dans le même sens :
« Mais quoique la foi soit au-dessus de la raison, il ne peut jamais y avoir de véritable désaccord entre la foi et la raison ; car c’est le même Dieu qui révèle les mystères et communique la foi, qui a répandu dans l’esprit humain la lumière de la raison, et Dieu ne peut se nier lui-même, ni le vrai contredire, jamais le vrai. »
Donc, si nous voyons une contradiction dans le problème : « Dieu parfait peut-il créer des êtres imparfaits ? », l’incohérence n’est qu’apparente.
La démarche est donc, à partir de choses connues, de trouver une solution au problème, qui ne déforme pas les définitions, et qui apporte une solution.
IV. Résolution
Dieu
Dieu est parfait. Dans un sens, Dieu est le seul être parfait, car il ne souffre d’aucune imperfection.
L’homme
L’homme est, selon le point de vue adopté, parfait ou imparfait. L’homme est parfait, car sa nature a été créée par Dieu, et il peut atteindre sa fin, qui est le salut, malgré les blessures du péché originel. Cependant, dans le langage courant, on dit que l’homme est imparfait, parce qu’il lui manquerait des perfections : il peut faire le mal, il pourrait courir plus vite, il pourrait voler, survivre dans l’espace, marcher sur la lune , se téléporter, etc…
On ne peut qu’être d’accord avec ces faits, qui, cependant, ne contredisent aucunement ce qui précède : l’homme peut atteindre sa fin, son salut éternel.
Problème : la potentialité de l’homme à faire le bien, est tout autant une potentialité à faire un bien moindre, voire un mal. Est-elle une imperfection ?
Réponse : La réponse est non.
–La perfection de l’homme se trouve dans la possibilité qu’il a à choisir le bien ;
–comprenons que l’homme est, par nature, comme l’ange, une créature personnelle, dotée d’une intelligence, d’une volonté, etc ; et la volonté est ce qui nous permet de choisir le bien.
–de plus, affirmer qu’une créature personnelle est imparfaite signifie que Dieu ne peut pas créer d’êtres personnels, car ils sont par nature imparfaits.
–Par ailleurs, l’Église tient que Dieu propose son salut à tout homme, par des moyens que Lui seul connaît, cf. Vatican II, constitution pastorale Gaudium et Spes 22:5 nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal.
–Enfin, cette coopération, cette participation de l’homme au salut se fait par la grâce, qui élève la nature humaine au plan divin de façon transcendante, comme le dit St Thomas d’Aquin :
« La grâce ne détruit pas la nature, elle l’élève. »
V. Épilogue
Retournons donc aux questions initiales en balayant ce qui reste d’objections d’un revers de la main. Nous serions nés dans l’unique but de se détacher de ce qui nous a été donné ? Nous devrions vivre pour Dieu et ne pas profiter de ce qu’il a mis à notre disposition (émotions, plaisirs) ?
Gn I:10b ; Gn I:12b ; Gn I:18b ; Gn I:21b ; Gn I:25b « Et Dieu vit que cela était bon. » nous affirme maintes fois la Bible ; la création est bonne. Il n’y a alors pas de mal à profiter dans de justes limites des biens créés par Dieu pour l’homme.
Selon l’adage de St Ignace de Loyola, nous pouvons profiter des créatures :
« Autant qu’elles ne nous détournent pas de Dieu, pas plus qu’on ne peut en profiter sans être détourné de Dieu ».
Je ne peux pas considérer l’enfer et penser que Dieu est Amour plutôt que Cruauté. C’est plus le principe de l’épreuve que l’enfer en lui-même…
La vie est un don que Dieu nous fait pour, ultimement, nous aimer, et que réciproquement, nous l’aimions ultimement. Nous nous rendons compte qu’ici-bas, le bien impérissable et le plus profitable est l’amour qu’on a le plus souvent, envers les membres de sa famille. Les loisirs et divertissements ne sont que des façons de faire passer le temps qui ne nous affectent pas, Cf Pascal, Pensées.
Le principe en lui-même, pourquoi cette épreuve de la vie ? Cela m’amène à voir Dieu non pas comme l’Amour, mais comme la Cruauté, ce qui expliquerait ma façon d’évangéliser…
Percevoir la vie comme une épreuve en vue du jugement qui suit la mort est un biais qui modifie totalement la réalité. Dans cette perspective, certains réussissent l’épreuve et vont au paradis, et les autres vont en enfer ; ceci est très loin de la réalité des choses. Encore une fois, Dieu prédestine chacun à aller au paradis, et offre à chacun, par des moyens que seul Dieu connaît, à aller au paradis.
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Et comment expliquer le péché originel ? Adam et Eve n’étaient ils pas parfait à la Création ? Et s’ils l’étaient, pourquoi ont-ils goûté le fruit ?
Adam et Eve sont différents de nous, car, en plus de la nature, il leur a été fait grâce de 4 dons hors-de-la-nature. Ils ont péché par orgueil en préférant la créature à Dieu, ce qui est une potentialité intrinsèque à la nature humaine, comme il l’a été dit plus haut.
Si Adam et Ève ne sont pas parfaits, comment Dieu pourrait-il s’abaisser à la non-perfection s’Il est totalement parfait ?
Ils sont parfaits.
A.B.G.M.C.C