Un livre publié, à Rome, en 1905, avec les autorisations exigées par les lois de l’Eglise, sous ce titre : « Cenni biografici dei la serva di Dio Paola Mandatori-Sacchetti D. Valeriano Mb. Fer raeci parroco in voile corsa » donne sur les jours qui ont précédé le conclave de l’élection du Pape Saint Pie X, des renseignements qui ne paraîtront point déplacés à la suite de ces Notes et documents.
En 1903, une pieuse fille, PAOLA Mandatori-Sachetti, née à Rome, le 30 juin 1840, vivait à Rome, dans le couvent de Saint-Joseph de Cluny, habité surtout par des religieuses françaises. Elle y était entrée quelques années auparavant, en offrant sa vie pour l’Eglise et pour l’élection du futur Pape. Elle mourut la nuit qui suivit l’élection de Pie X.
Pendant les dernières années de sa courte existence, elle eut des visions concernant surtout l’Eglise, la Papauté et la France. Elle en parlait à la Soeur Bertille, laquelle prenait des notes et préparait ainsi, à son insu et à celui de la voyante, le curieux volume que nous venons d’indiquer. Voici les dernières de ces notes traduites de l’italien.
9 décembre 1899.
— Paola est venue ce matin. Son visage avait une expression vraiment céleste, mais j’étais triste… Elle m’a dit : Priez beaucoup, beaucoup, et s’il faut souffrir, souffrez. La France doit subir une terrible persécution. Ses gouvernants n’en ont que le nom, mais en réalité ils sont contre elle à cause de leur politique maudite qui détruira tant d’autels, tant d’églises, tant de monastères. Mère, prions Jésus d’assister la France… Le nouveau Pape qui doit venir sera pour l’Eglise comme un astre lumineux qui resplendit dans le ciel après une terrible tempête. Je l’ai vu.
— Et où l’avez-vous vu?
— Au pied du trône de la Sainte Trinité. Les trois Personnes Divines ont posé sur sa tête la tiare et lui ont dit : Tu seras Pierre.
— Alors, dans le ciel, le nouveau Pape est déjà
— Oui, Mère, il est déjà fait; c’est le Pape selon le coeur de Dieu; et parce que ce Pape n’est pas comme les autres, la Sainte Trinité l’a déjà consacré. Léon vivra encore quelques années, et ces années sont prises sur la vie d’une victime, afin qu’il ait le temps de pourvoir aux affaires de France.
— Mais le nouvel élu sait-il que la Sainte Trinité lui donne cette charge ?
— Mère, il n’y songe même pas, il est si petit à ses propres yeux, il a si basse opinion de lui-mème qu’il vit tranquille au milieu de ses pauvres. Il mène la vie d’un saint, d’un pauvre et d’un ministre zélé du sanctuaire. Jésus le tient au milieu de son Coeur comme un bouquet de violettes odorantes et dans le ciel il resplendit comme un astre bienfaisant…
— Est-ce que je le connais, ce Pape futur ?
— Non, Mère.
— Est-il à Rome?
— Non, Mère.
— Est-il vieux?
— Non, Mère, mais il a passé les soixante ans et, pour un homme, on ne peut pas dire qu’il soit vieux. Et puis, Jésus lui donnera tant de force qu’il redeviendra jeune avec sa belle tête d’argent. Mère, priez; Mère, souffrez tout pour que Jésus nous l’envoie; l’Eglise souffre trop.
20 décembre 1899.
— J’ai voulu interroger Paola sur ce qu’elle m’a dit, à savoir que la Très Sainte Trinité avait déjà consacré le nouveau Pape. Elle m’a répondu que dans les desseins éternels de la Très Sainte Trinité, il y avait trois cardinaux qui pouvaient succéder à Léon XIII; parmi ces trois, la Très Sainte Trinité a établi sa demeure sur le nouvel élu…
— Pourquoi?
— Elle m’a répondu : Parce que c’était le plus petit.
— Et comment était-ce le plus petit?
— En ce sens que c’était le plus humble au fond de son coeur, et c’est pour cela qu’il a été préféré, aux deux autres. Mère, soyons humbles du plus profond de notre néant… Mais soyons humbles à la lettre. J’en prends exemple sur ce que j’ai vu dans le nouveau Pontife. Des trois, deux étaient plus jeunes et avaient préséance sur lui, non devant Dieu, mais devant les hommes, mais lui, parce que vraiment humble, a été préféré et il le sera certainement si nous prions.
Mai 1901.
— Maman Paola m’a tant recommandé de prier pour la sainte Eglise I Elle s’écriait : Jésus, pitié, pitié pour la France I Ah ! Jésus, que de messes sacrilèges ! que d’impiétés !
— Et ensuite elle disait : Quand enverrez-vous à votre Eglise, ô Jésus, celui qui sera selon votre coeur?
— Alors je lui demandai : Maman, qui sera-ce?
— Elle me disait : Le nouveau Pape qui doit venir, oui, ce sera Pie, il sera pieux de nom et de fait; sa vie est une copie de celle de Jésus : pauvreté et gloire. Jésus, vite! L’Eglise souffre trop.
— Ensuite elle me dit de répéter au moins cent fois le jour : « Père Eternel, je vous offre le sang précieux de Jésus… »; et cent fois « Jésus, pitié de nous tous, envoyez-nous celui dont nous avons besoin pour le bien des âmes.
Et puis elle répétait : « Je souffre tout pour réparer les offenses que Jésus reçoit de ses fils consacrés à son service. Bertilla, ma fille, supportez tout par amour pour Jésus; mais Jésus nous fera encore attendre; l’heure n’est pas venue ; souffrons et prions pour le nouveau Pie. »
9 janvier 1902.
— Ce matin, ma chère Paola est venue. Me voyant dans la peine elle m’a dit : « Courage, ma Mère… encore quelques années et vous serez consolée.
— Et comment ? Le Bon Dieu me fera-t-il gagner à la loterie pour venir en aide âmes pauvrettes?
— Non, Mère, Jésus n’a pas besoin que nous mettions au loto, et même il ne le veut pas. Mais soyez très assurée qu’il vous enverra le Père de notre œuvre et vos pauvrettes seront soulagées quand il nous donnera celui qui est promis.
— Et tu le connais celui qui est promis ?
— Oui, Mère, je le connais en Dieu.
— Alors, pourquoi ne lui adresses-tu pas une supplique pour nos pauvres?
— Mère, il n’en est pas encore temps.
— Et pourquoi?
— Par la raison toute simple que Pie ne sait rien encore et n’y songe même pas. Il est tellement humble qu’il aimerait mieux mille morts que d’y penser; il croirait faire un péché mortel. Qu’il est bon, qu’il est aimable celui que Jésus nous donnera… Jésus est si bon qu’il nous donnera Pie… le père des pauvres; et quand il sera le Père de tous, les pauvres seront le plus beau joyau de sa tiare.»
29 janvier 1902,
— Paola est venue, elle va un peu mieux… elle est si contente. Elle m’a dit que Jésus avait fait une grâce très grande au Promis.
— Quelle grâce?
— Mère, il est si grand et il s’est fait si petit, il s’est humilié si bas, que Jésus relèvera au-dessus de ses soixante-deux égaux.
— Et pourquoi ?
—Parce qu’il est le plus humble et s’estime incapable de rien.
— Et pourquoi est-il si humble ? Tu me dis qu’il’ est pauvre, c’est peut-être à cause de sa pauvreté ?
— Non, Mère, mais c’est parce que son humilité est vraie. Priez, Mère, afin qu’il vienne vite, la sainte Eglise a un besoin extrême de ce champion, nous en avons trop de grandeurs…
3 mars 1902.
— Paola a beaucoup souffert en ce jour de joie mondiale.., Date du jubilé de Léon XIII.. La pauvre maman était à moitié morte et disait : « Jésus, mon bien, que de peines souffre votre Coeur adorable dans la grande joie de ce jour, ils ne songent pas que la tombe est déjà ouverte. La mort avec sa faux veut couper cette vieille plante, mais Jésus la laissera encore un peu pour voir. »
— Et que veut voir Jésus ? Elle me répondit : « La France, les prêtres, les évêques : ô mon Jésus, envoyez vite votre Pie. Mais l’enfer ne le veut pas; triomphez de Satan, ô Jésus, et envoyez vite vôtre saint Pie ! Mon Dieu, est-il possible, dis-je, que tant de joie se change en deuil.
Elle reprit : Léon XIII n’est pas encore près de mourir, Jésus le laissera encore pour cette année et plus, mais ensuite il s’en ira et Pie doit venir. A peine reste-t-il de l’huile dans la lampe; la Madone en a remis un peu, prise sur la vie d’une victime.
— Léon s’en va en paix; le miroir s’est retourné et le saint Pie viendra. Toi, ma Bertilla, souffre et prie beaucoup.
Rome, … mars 1902.
— Est-ce possible? Maman Paola m’a dit que le Saint-Père doit mourir; mais Jésus le laissera encore un peu parce que de grands malheurs se préparent pour la France, mais pas encore pour Rome. Jésus se plaint seulement que nous, religieuses, nous sommés plus à nous qu’à Lui.
— Ma Bertilla, aimez Jésus et souffrez avec Lui et pour Lui.
Rome, 3 mars 1903:
— Ce matin, maman Paola m’a beaucoup consolé et m’a dit qu’avec le nouveau Pape qui viendra bientôt, j’aurai la consolation d’avoir ce que je désire pour mes pauvrettes; parce que l’oeuvre est de Jésus qui aime tant les âmes. Elle m’a dit encore que dans quelques semaines, le Saint- Père va mourir parce que son heure est venue; mais Jésus en enverra un autre qui sera selon son Coeur adorable qui sera un saint; il donnera à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu.
Elle m’a dit aussi qu’avant peu Jésus fera de grandes grâces à la sainte Eglise avec le nouveau Pape pour la pauvre France… Elle m’a dit que tout ce que je ferai et dirai doit être en esprit de pénitence afin que Jésus nous donne ces grandes grâces dont nous avons besoin pour le nouveau et saint Pape qui doit venir. Ma Bertilla, Jésus veut de toi le terre-à-terre, c’est-à-dire l’humilité…
10 mars 1903.
— Maman Paola m’a dit que je devais redoubler de prières parce que le nouveau Pape sera Pie de nom et de fait; il est pour Jésus comme un bouquet de violettes parfumées; il est un séraphin d’amour pour Jésus et pour le prochain.
— Et elle m’a dit qu’il fera pour mes pauvrettes ce que je désire tant.
— Mais, ma Bertilla, pour toutes ces grâces, il faut que tu pries et que tu souffres beaucoup. Nous devons aussi, si Jésus le veut, nous faire victimes pour l’Eglise. Ma Bertilla, quelle belle vie de souffrir pour Jésus!
15 juin 1903.
— Ma Bertilla, l’heure approche où Jésus doit nous envoyer son saint Pie. L’enfer est dans toute sa fureur; il voudrait, si c’était possible, le faire rentrer dans le néant, mais Jésus protège son nouveau représentant. L’enfer hurle fort, mais Jésus triomphe; son Coeur adorable nous exaucera. Priez nuit et jour pour la sainte Eglise, que Jésus nous donne celui qu’il nous a promis; mais souffrons.
A cet endroit, dit l’auteur de la biographie, le journal présente une grande lacune que nous sommes contraint de combler avec d’autres témoignages.
Durant la maladie de Sa Sainteté Léon XIII, Paola répétait continuellement que les prières faites pour sa guérison ne servaient à rien; que l’amélioration dont on parlait dans son état, n’avait pas d’importance, n’était qu’apparente; qu’il devait nécessairement mourir de cette maladie. Jésus accueillait toutes ces prières pour l’âme de Léon XIII et la venue de son successeur.
Le matin du 18 juillet, Paola se rendit chez Soeur Bertilla et après avoir longuement parlé de Jésus, du Pape, de l’Eglise, elle dit : « Une âme a été transportée en présence de la Madone qui tenait entre ses mains un objet très beau et très précieux qui ne saurait se décrire. La Madone disait qu’il serait donné en présent à qui aurait plus prié et souffert pour l’Eglise. Elle demandait en outre des victimes.«
En entendant cela, soeur Bertilla, pleine d’ardeur, répondit que si Jésus demandait des victimes, elle était prête à se sacrifier. Mais Paola :
Non, non, tu ne peux pas, tu n’es pas libre, tu as trop à faire, tu as des pauvres qui ont besoin de toi. Elle dit ces paroles avec un tel accent que soeur Bertilla devina aussitôt sa pensée, et craignant de la perdre par l’héroïsme d’un sacrifice suprême, elle la conjura de ne pas s’offrir en victime.
— Eh! mon enfant, répondit Paola, il est trop tard, la Madone m’a déjà acceptée.Le même jour elle visita les religieuses du Divin Amour et les trouva toutes en prières pour la santé de Léon XIII.
— C’est inutile de prier, leur ditelle,Léon est mort depuis mars.
— Et qui sera élu? lui demanda-t-on, Rampolla, Vanutelli… Aucun de ceux dont on parle, mais un qui est choisi par Jésus et qui sera selon son Coeur.
Le journal de soeur Bertilla reprend ses annotations à partir du 1er août, quand après les funérailles de Léon XIII, les cardinaux se préparaient à entrer en conclave.
1er août 1903.
— Je veux noter ce que ma sainte amie m’a dit du conclave : « Mère, priez beaucoup pour la sainte Eglise, afin que Jésus ait pitié de nous; j’ai passé une nuit terrible. » Je croyais qu’il s’agissait de ses grandes souffrances physiques, mais elle n’y songeait même pas parce que Jésus le veut ainsi et que, pour elle, souffrir est une joie. Mais elle m’a dit qu’elle a dû prier beaucoup parce que l’enfer s’est déchaîné ; il veut ôter la vie à celui que Jésus a donné à l’Eglise. Elle m’a supplié d’oublier tout le reste et de prier seulement pour le saint Pie. Au milieu de ses souffrances elle n’a fait que répéter : « Jésus, Jésus, pitié de nous, protégez- le. »
2 août 1903, entrée au conclave.
— Maman m’a dit qu’à la porte du conclave il y avait beaucoup d’anges qui accompagnaient les cardinaux chacun à leur place. Mais dans la cellule où habite celui que Jésus aime, c’est un enfer; les démons comme des bêtes féroces, veulent l’étrangler. Elle souffre à attendrir les pierres, elle ne se plaint pas, elle est tout occupée à prier pour l’Eglise, elle ne dit que ceci : Jésus, me voici, prête à faire votre sainte volonté. Et elle m’a dit que la Madone est venue à elle pour lui demander une nouvelle immolation. Elle a répondu : Je n’en puis vraiment plus ; je suis toute à votre disposition.
— Maman, lui disje,ne mourez pas, comment feront nos pauvres orphelines en péril?
— Jésus pensera à nous, Jésus te donnera de quoi les secourir. Le nouveau Pape fera beaucoup pour toi et pour elles.
3 août 1903 (écrit en rentrant au monastère pour le dîner).
— Maman a reçu Jésus des mains de saint Paul et de saint François… Elle souffre immensément et prie pour l’Eglise. Elle dit toujours : Jésus, envoyez celui que vous avez promis. Bertilla, le Pape est-il fait? A ma réponse négative elle a dit : « Vite, Jésus, tenez votre promesse! »
3 août, le soir.
— Elle m’a dit de prier beaucoup pour le nouvel élu qui vient d’avoir la majorité des votes. Son humilité profonde lui fait suer comme une sueur de sang; il se sent mourir et il gémit comme Jésus au Jardin des Oliviers; il est prosterné dans sa cellule et ne prend pas de repos; à peine s’il mange; il prie, il gémit, il pleure; et comme Jésus, il se résigne à la divine volonté.
— Quelles nuits terribles! L’enfer est en furie; surtout les démons qui s’attaquent à l’Eglise de France…
— Ensuite elle m’a dit : « Le Pape n’est pas encore fait, vite, Jésus, car je n’en puis plus! »
4 août 1903.
— Douleurs atroces! Maman souffre vraiment outre mesure et sans se plaindre. Avec le sourire aux lèvres elle m’annonce, à sept heures du matin, que le nouveau Pape est fait; c’est celui de Venise, c’est le cardinal Joseph, celui qu’elle attendait tant, mais auquel le monde ne pensait pas; c’est le saint annoncé, promis par Jésus; c’est vraiment ce Pie que Paola appelait si ardemment. Mais je vais perdre ma mère, j’en suis sûre. Le journal s’arrête là parce que Paola mourut pendant que Pie montait sur la chaire de Pierre.
Source : La conjuration antichrétienne tôme III – Mgr Henri Delassus