Jésus-Christ avait prouvé que l’Église qu’il avait fondée était d’institution divine. Il l’avait soumise pendant trois siècles aux plus terribles épreuves, et elle était demeurée victorieuse de toutes les puissances de la terre et de l’enfer.
Il fallait que la prophétie qui assurait que les Rois la serviraient et qu’elle dominerait sur les nations s’accomplit. Dix ans après l’édit de la grande persécution, peu de temps après que Dioclétien et Maximien se furent glorifiés d’avoir détruit le nom chrétien, le chef de l’Empire se convertit, et le Christianisme fut triomphant.
Constantin avait été dispensé favorablement à l’égard de la foi chrétienne par sa mère l’impératrice Hélène. Une vision miraculeuse, dans cette circonstance solennelle, détermina sa conversion. Il était sur le point de livrer bataille à Maxence, il implore le secours du Dieu des chrétiens en lui demandant de se faire connaître à lui.
Il aperçut bientôt une croix de lumière avec une inscription en traits de flamme, portant : tu vaincras par ce signe.
La nuit suivante, Jésus lui apparaît en songe avec le même signe et lui ordonne de faire une image de la croix pour enseigne de ses armées. Constantin confesse la divinité du Christ, et livre la bataille à son ennemi et remporte une éclatante victoire. Maxence périt dans le Tibre, on dit qu’il avait fait consulter les livres Sibyllins qui avaient déclaré que ce jour-là l’ennemi des Romains devait périr.
Bientôt après sa victoire, Constantin donne un édit de tolérance envers les chrétiens, et leur permet de rester en pouvoir de leurs églises et de leurs biens. On a dit que Constantin s’est converti par politique. Cela prouverait que les Chrétiens dominaient dans l’Empire et que, par conséquent, le Christianisme n’a pas dû son principal accroissement à la protection de l’Empereur, comme des adversaires de la religion l’ont avancé.
Le fait de la vision de Constantin est incontestable. Il est attesté par Eusèbe de Césarée, qui dit le tenir de Constantin lui-même, et qui a écrit cela dans un temps ou un grand nombre de témoins du fait vivaient encore. Lactance, dans son traité de la mort des Persécuteurs, rapporte le songe de Constantin, avec une allusion manifeste à l’apparition de la croix.
Tous les historiens de ce siècle et du suivant rapportent ce fait, et on le trouve mentionné par deux auteurs païens dans les panégyriques de ce prince. On le prouve de plus par l’arc de triomphe de Constantin encore subsistant, sur lequel on lit : « Poussé par la divinité, il a vengé la république« , et par la statue d’or où il était représenté, une longue croix à la main avec cette inscription :
« Par ce signe salutaire, j’ai délivré votre cité du joug de la tyrannie.«
La sincérité de la conversion de Constantin se prouve par le zèle extraordinaire et constant qu’il déploya pour les intérêts de l’Église, et par les lois inspirées par l’esprit du Christianisme. On a reproché divers faits odieux à Constantin. La religion chrétienne n’en est pas responsable, elle n’a pu dompter entièrement la violence naturelle du caractère de Constantin ; mais il a dû à son influence tout ce qui fait honneur à sa mémoire, et surtout une admirable réforme de la législation.
Au reste, les faits reprochés sont susceptibles de justification ou ce qu’ils offrent de répréhensible peut être atténué. La mort de Maximin, arrivée avant la conversion de Constantin, s’explique par sa trahison. Constantin avait pardonné trois fois à Licinius, il ne le condamna à mort qu’après qu’il eut appris de nouvelles intrigues de sa part.
Le crime de Fausta méritait la mort, quoiqu’on puisse reprocher à Constantin trop de précipitation dans la sentence. La mort de Crispus est un crime, parce que Constantin a jugé trop légèrement, mais il le croyait coupable, et cela atténue l’odieux de cet acte. Il est faux qu’il ait jamais été Arien, il n’a consenti au bannissement de St-Athanase que parce qu’il croyait que cela produirait la paix, mais il n’a pas donné le tort à cet évêque, il n’a pas voulu qu’on lui donnât un successeur.
Le fait du baptême de Constantin, ses grandes et belles actions, inspirées par le Christianisme, la réforme de la législation, sont des faits qui tournent à la gloire de la religion et en confirment la vérité. Le fait du baptême de Constantin à Nicomédie, dans les derniers jours de sa vie, peut être contesté ; il y a de fortes raisons de croire que ce prince a été baptisé à Rome par le Pape St-Sylvestre.
Jamais il ne s’est opéré dans le monde politique un changement pareil. Le Christianisme avait changé les mœurs par les préceptes de la morale évangélique. Aussitôt qu’il fût libre et qu’il pût être aidé de l’autorité civile, il changea les lois ; ceci se voit clairement par la législation de Constantin.
1. Le droit de vie et de mort du père sur son enfant, déjà modifié, fut complètement aboli, et le père qui tuerait son fils., condamné comme parricide. Il conserve cependant le droit d’infliger des châtiments modérés. L’exhérédation est maintenue, mais les fils ont le droit du pécule, quasi castrense.
2. Il fut défendu au père de tuer ou vendre ses enfants nouveaux-nés. L’État fut chargé de pourvoir aux besoins des enfants dont les parents déclaraient qu’ils n’avaient pas les moyens de les élever. Celui qui recueille un enfant nouveau-né doit se présenter devant l’Évêque et déclarer s’il compte l’élever comme un fils adoptif ou un esclave : l’acquisition de l’enfant étant constatée par un acte régulier, afin que cet enfant, étant devenu homme, pût se faire reconnaître et recouvrer sa première condition en payant une indemnité.
Théodose I déclara libres tous les enfants vendus pour cause d’indigence et Justinien décida que l’enfant exposé serait toujours présumé libre. Valentinien I avait voulu qu’on considérât comme homicide le père qui exposait son enfant.
3. Constantin abolit les peines établies contre les célibataires et les releva de quelques incapacités civiles.
4. En 314, Constantin rend un édit qui affranchit tous les Chrétiens que Maxence avait condamnés à la servitude. En 316, il permet les affranchissements dans l’Église, devant l’Évêque. Dans les Églises qui jouissaient du droit d’asile, l’affranchissement pouvait avoir lieu par la seule signature d’un prêtre, apposée à l’acte. Il fait revivre la peine des homicides contre tout maître convaincu d’avoir tué son esclave, peine tombée en désuétude peu après qu’Antonin l’eut établie.
Il défend à tout infidèle de posséder un esclave baptisé. L’esclave abandonné par son maître, en maladie, fut déclaré libre, celui qui était maltraité pouvait demander un autre maître, celui qui craignait quelque châtiments pour quelques fautes grave, pouvait se réfugier à l’église et chercher dans le prêtre un intercesseur. Il fut défendu de séparer les époux, les parents d’avec les enfants.
5. La législation de Constantin fut sévère à l’égard des crimes contre les mœurs ; il aggrave la peine du crime de rapt, il soumet à la punition la personne enlevée, qui aurait donné son consentement, et les esclaves, confidents, et parents qui auraient favorisé l’enlèvement.
Des lois rigoureuses furent portées contre l’adultère et la séduction, le crime contre-nature, le viol et l’inceste punis de mort.
6. La législation de Constantin tendit à l’adoucissement des peines pour les crimes qui ne furent pas contre les mœurs. Le supplice de la croix fut aboli, à cause du respect dû à l’instrument du salut. Constantin abolit encore l’usage de marquer au front les criminels avec un fer chaud.
« Il ne faut pas, dit-il, souiller d’une flétrissure le visage de l’homme, qui a été fait à l’image de la beauté divine.«
7. Constantin modère les effets de la confiscation, en excepta les possessions particulières des femmes et des enfants émancipés, et voulut qu’on eût égard aux besoins des autres membres de la famille.
8. Les délateurs furent soumis à la question, quand ils n’apportaient pas de preuves à l’appui de leurs accusations : les affranchis et les esclaves punis de mort quand ils dénonçaient leurs maîtres. Il ordonne de couper la langue à ceux qui ne pouvaient prouver les accusations tendant à une condamnation capitale, et quand aux propriétés fiscales, il veut que les avocats du fisc puissent seuls en poursuivre la revendication. C’est dans cette loi qu’on voit poindre pour la première fois la substitution d’un ministère public à l’accusation laissée au premier venu. Constantin remplaça les délateurs par des agents de police appelés curiosi.
9. Constantin déclara infâmes les avocats qui examinaient non le droit, mais les ressources de leurs clients, et il leur défendait de faire céder les biens-fonds, bestiaux, et maisons des plaideurs. Il prononça la peine du feu contre les magistrats coupables de concussion et de vénalité. Il promit des récompenses à ceux qui feraient connaître les malversations des juges aux officiers publics.
10. Quand il s’agit de délits contre les mœurs ou d’usurpation violente du bien d’autrui, la peine ne pouvait pas être éludée, sous prétexte de la qualité de ceux qui s’en seraient rendus coupables. Les sénateurs qui auraient commis des crimes dans les provinces seraient jugés et punis par les juges locaux ordinaires.
11. Les débiteurs du fisc furent exempts de toutes peines corporelles : on n’avait de droit que sur les biens. Des règlements de salubrité et de décence morale furent établis pour les prisons. Les accusés ne devaient être mis en prison qu’après un premier examen.
12. En 328, Constantin défendit les combats des gladiateurs et voulut que les criminels que l’on y condamnait fussent envoyés aux mines. Cet édit ne fut exécuté que dans une partie de l’Empire.
Le Christianisme remplaça par une doctrine admirable et la morale la plus pure le paganisme qui était le comble de l’absurdité et de l’immoralité. Le paganisme donnait l’idée la plus fausse de la divinité. En supposant qu’il reconnût un Dieu suprême, il niait sa toute-puissance, sa providence et sa sainteté. Il admettait une infinité de divinités subalternes, présidant à tout, même aux passions et aux vices ; on trouvait chez ces divinités toutes les faiblesses, tous les crimes de l’humanité.
Il supposait des idoles, faites de mains d’hommes, animées d’un esprit divin, et les adorait. Loin de donner aucun principe fixe de morale, il permettait tous les crimes par l’exemple des dieux. Le culte était un ensemble de cérémonies puériles, et très souvent, il s’exerçait par les plus grandes abominations, comme dans les mystères d’Adonis, de Cybèle, de Priape et de Flore.
Le paganisme rendait l’homme superstitieux et malheureux : les esprits étaient sans cesse inquiétés par la terreur de mille divinités bizarres et capricieuses, on ne parlait que de spectres, de fantômes ; les choses les plus indifférentes étaient un indice de malheur, et de là, ces consultations des sorts, des oracles, des augures, des aruspices, ces offrandes à la peur, à la fièvre, aux dieux lares, de là, trop souvent des sacrifices humains.
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Les Philosophes, les hommes éclairés ne croyaient pas à toutes les absurdités du paganisme, mais ils n’osaient contredire la croyance du peuple, et se livraient en public aux mêmes observances religieuses. Eux-mêmes n’ont pu s’accorder sur la nature de Dieu, sa providence, et il n’en est aucun qui n’ait enseigné quelque doctrine absurde.
Tous ont admis quelque enseignement immoral et ont favorisé les vices des hommes. La philosophie avait produit les plus beaux génies, Platon, Aristote, Cicéron et n’avait rien changé dans les croyances et dans les mœurs des nations.
Le Christianisme a substitué à l’idolâtrie les doctrines les plus sublimes et la morale la plus parfaite. Il appelle tous les peuples à une seule croyance ; et les vérités les plus hautes que les génies les plus élevés n’avaient fait qu’entrevoir, sont connues et proclamées par le peuple, les femmes et les enfants.
Source : Histoire Apologétique de l’Église Catholique – Mgr Raymond – 1899