Tous les saints et toutes les saintes que nous avons, depuis le commencement de l’Église jusqu’à nos jours, ont vécu dans l’Église catholique romaine.
D’entre les évêques : saint Martin, saint Nicolas, saint Athanase et beaucoup d’autres. D’entre les religieux : saint Dominique, saint François, etc.
D’entre les veuves : sainte Monique, sainte Brigitte, sainte Elisabeth, etc.
D’entre les vierges : sainte Agathe, sainte Lucie, sainte Agnès, sainte Catherine, etc.
Ces saints et ces saintes, en suivant la loi romaine, ont acquis la gloire céleste. Cette loi doit sans doute être le chemin le plus sûr pour aller au ciel. Il ne faut donc pas en chercher d’autre. Pour défendre les vérités dont cette Église est dépositaire, des milliers de martyrs ont donné leur vie et triomphé de la mort, malgré les plus cruels supplices.
De là, je tirai cette conséquence : il ne se peut que la foi pour laquelle tant de témoins ont donné leur sang, ne soit pas la foi véritable. Comment donc aurais-je-pu douter plus longtemps de la vérité de la foi catholique romaine ?
Tous ceux qui ont attaqué cette Église en se séparant d’elle, comme firent Arius, Pelage Marcion, Macédonius, Mahomet, etc., et leurs sectateurs, brûlent à jamais dans les flammes de l’enfer. Luther, Calvin et semblables novateurs de ces derniers jours, furent également des hérésiarques. Les risques de la damnation éternelle.
La foi de l’Église romaine était la foi de saint Paul, comme cet apôtre l’atteste aux Romains, chap, i, v. 2, alors pourquoi donc perdrais-je mon temps à chercher une autre foi que celle de ce grand Apôtre ?
Les adversaires accordent volontiers que la foi romaine était telle au commencement. Mais ils prétendent, sans néanmoins le prouver, que dans la suite, elle a cessé d’être la foi véritable et apostolique, ce que les catholiques romains nient absolument. Et de fait, si quelqu’un demande aux adversaires en quels dogmes de la foi l’Eglise romaine a failli, où, et quand, ils ne savent que répondre.
C’est pourtant à eux à le prouver. En effet, supposons qu’une certaine famille, de l’aveu de tout le monde, était autrefois d’une haute noblesse, et que quelqu’un vint à dire, qu’à la vérité cette famille avait autrefois un rang illustre, mais que depuis elle en est déchue : cet homme ne serait-il pas obligé de prouver en quel temps et pour quelle cause elle a perdu la gloire de sa naissance. Et s’il ne pouvait en donner la preuve, tout juge équitable ne le condamnerait-il pas comme calomniateur ?
Si, par la grâce de Dieu, je n’étais pas fixé dans la foi de l’Église catholique romaine, les autres religions me troubleraient tellement l’esprit dans le choix que j’aurais à faire, que jamais, je ne le ferais avec quelque paix de l’âme ; car j’aurais toujours eu à douter laquelle de tant et de si différentes religions est la véritable et la sanctifiante.
Dans la considération, je me proposai de rejeter absolument toute secte ou religion dans laquelle je remarquerais quelque erreur contraire à la foi et à la raison. C’est pourquoi, m’attachant aux principes posés au commencement de cette dissertation, j’examinai différents dogmes des religions modernes, qui sont opposées à la religion catholique romaine. Les considérants, chacun en particulier, je me lis, pour le premier exemple, ce discours :
« Dieu est d’une sagesse et d’une bonté infinies. Il nous a imposé des commandements pour la transgression desquels il punit très sévèrement, méme éternellement, les hommes.«
Il faut donc que ces commandements soient tels, que, par le secours de sa grâce, on puisse les accomplir. Autrement, il ne serait très sage législateur, ni très bon Seigneur, s’il punissait éternellement les hommes pour ne les avoir pas accomplis. Car personne ne dira que celui-là soit ni un très sage et très bon maître, qui commanderait à son valet des choses absolument impossibles, comme d’arrêter le cours du soleil, de toucher du doigt le ciel, et qui, faute de cela, punirait très rigoureusement ce valet et le condamnerait à des tourments extraordinaires.
Or, Dieu est un très sage législateur, comme il est aussi d’une bonté et d’une clémence infinies. Donc il ne nous a pas commandé des choses que, par sa grâce, nous ne puissions exécuter. Pаг conséquent, la doctrine de tous les novateurs est fausse, quand ils soutiennent qu’il nous est impossible, même avec la grâce de Dieu, de faire ce qu’il a ordonné.
Comme j’examinais profondément les dogmes des protestants, j’y trouvai plusieurs paradoxes tout à fait incroyables, entièrement contraires à la droite raison. Par exemple : les sectateurs de la religion prétendue réformée enseignent, entre autres erreurs, que tous les péchés sont égaux, et qu’il n’y en a point de véniel.
Sur quoi je me fis ce raisonnement : Une parole oiseuse est un péché, puisque le Sauveur nous dit qu’il en faudra rendre compte au jour du jugement. Il faut donc, selon la doctrine des novateurs, que ce péché soit égal en grièveté à tous les autres péchés, au blasphème, à l’apostasie, etc. Si le péché d’une parole oiseuse est aussi énorme que tous ceux-là, il mérite donc autant de châtiment et autant de peine. II sera également rémissible et irrémissible.
Il se pardonne donc aussi difficilement que les autres péchés. Cependant, le Sauveur lui-même nous enseigne, Math, v, 22, qu’un mouvement de colère contre le prochain mérite à la vérité quelque peine, mais qu’une parole injurieuse en mérite une plus grande. De plus, saint Jean dit dans sa première Épître, chap. v, v. 16 : Il y a un péché qui va à la mort. D’où il s’ensuit qu’il y a un péché qui ne va pas jusqu’à la mort. Tous les péchés ne sont donc pas égaux.
Outre cela, il y a un péché qui ne se pardonne ni en ce monde ni en l’autre, tel que le péché contre le Saint-Esprit. Enfin, nous lisons aux Proverbes, chap xxrv, v. 16 : Le juste tombera sept fois, et se relèvera ; mais les méchants seront précipités dans le mal. Il y a donc des péchés qui ne nous privent pas de la justice habituelle, et il y en a qui nous en privent. Par conséquent, tous les péchés ne sont pas égaux. Et, par une suite nécessaire, on doit rejeter la secte ou la religion qui enseigne le contraire.
Selon les mêmes sectaires, toutes les bonnes œuvres sont des péchés, et tous les péchés sont également griefs. Il faut donc, selon eux, que toutes nos bonnes œuvres aient l’énormité de tous les péchés que ce puisse être. Par conséquent, prier Dieu est un aussi grand péché que de le blasphémer ; donner l’aumône à un pauvre est un aussi grand crime que de lui prendre ce qu’il a ; restituer le bien d’autrui est aussi condamnable que de le retenir malgré lui.
Quelle apparence ? Pour presser l’argument un peu plus, je voudrais bien entendre ce que répondrait un de leurs prédicants à un homme qui lui demanderait s’il doit rendre au propriétaire un bien dont il a été injustement privé. S’il dit oui, l’injuste possesseur pourrait lui demander si c’est une bonne œuvre que de restituer le bien d’autrui. Si le prédicant assure que c’en est une bonne, l’autre pourrait répliquer :
« Selon vous, toutes nos bonnes œuvres sont des péchés ; de plus, selon votre doctrine, tous les péchés sont d’une égale énormité. Donc, soit que je restitue ou que je retienne le bien d’autrui, c’est tout un pour ce qui regarde la grièveté du péché. »
Je retiendrai donc pour mon profit ce que je tiens au préjudice de mon prochain. Ayant bien considéré ces deux choses, je jugeai qu’elles étaient également impertinentes et extravagantes, aussi bien que les sectes qui les enseignent. Dieu est la souveraine sainteté. Cela étant, il est infiniment éloigné de tout péché, il le hait sur toute chose. S’il est ainsi, il ne veut donc pas qu’on le fasse, il ne commande point de le faire, et on ne peut le lui imputer en façon quelconque. D’où il suit que Dieu n’est ni l’auteur ni la cause du péché, le voulant, le suggérant, l’effectuant, le commandant, l’espérant, et réglant en cela les criminels desseins des impies, comme l’enseignent les calvinistes, et comme Luther l’enseigna lui-même.
Je lus et relus une foule d’histoires et d’écrits, pour voir si, avant le quinzième siècle, je pourrais trouver quelque part que l’on fit mention de la doctrine luthérienne et calviniste et des autres sectes de ce temps-ci. Je demeurai convaincu que toutes ces religions ne venaient point des apôtres, mais qu’elles étaient de nouvelle fabrique, et par conséquent devaient être rejetées.
Dans sa vingtième considération, le duc de Brunswick parle d’un pamphlet calviniste qu’il avait lu dans sa jeunesse. On y prétendait faire voir que dans tous les siècles, il y avait eu des luthériens-calvinistes. Ce qui, d’abord, est une chose contradictoire : car les luthériens et les calvinistes étant opposés les uns aux autres en plusieurs points, c’est une contradiction qu’il n’y ait jamais eu des calvinistes qui fussent à la fois luthériens et réciproquement.
Ensuite, le pamphlétaire raisonnait d’une manière absurde. Il rangeait parmi ses luthériens-calvinistes les papes et les cardinaux les plus célèbres, y compris Bellarmin. Luther et Calvin, disait-il, ont parlé contre les mauvais prêtres et contre les mauvais catholiques. Or les papes et les cardinaux parlent de même. Donc les papes et les cardinaux sont luthériens-calvinistes.
Le duc de Brunswick se fit alors à lui-même une histoire abrégée de toutes les anciennes hérésies, qui lui fut incomparablement plus utile. Car, dit-il, je trouvai que presque tous les dogmes que soutiennent les luthériens et les calvinistes avaient été autrefois enseignés par certains hérésiarques et condamnés par l’Église.
Non pas qu’il s’en trouvât un qui ait enseigné tous ces articles et en la même manière que Luther et Calvin (car il n’y en eut absolument jamais de tel), mais bien, que quelques hérésiarques en ont enseigné quelques-uns, et cela en différents temps.
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Mais jamais homme de bon sens ne conclura de là que la doctrine luthérienne ou que la calviniste ait été avant Luther et Calvin. Cela prouve seulement que la religion brochée par Luther et Calvin est une complication de diverses hérésies vieilles et condamnées, ressemblant quelque peu à l’habit d’un mendiant qui trouve à la friperie de quoi s’habiller de vieilles guenilles de toutes sortes de couleurs, qu’il rapetasse de quelques pièces de drap neuf, d’une couleur et d’une qualité tout à fait disproportionnées.
Source : Motifs qui ont ramené à l’Église Catholique des protestants – Abbé Rohrbacher – 1850