L’histoire des droits sociaux en France est profondément marquée par l’influence des courants catholiques et conservateurs, qui ont contribué à façonner les politiques sociales du pays depuis plusieurs siècles.
Ces mouvements ont joué un rôle crucial dans l’émergence et le développement de mesures telles que le salaire minimum, les allocations familiales, les congés payés, la sécurité sociale, et bien d’autres initiatives visant à améliorer les conditions de vie des travailleurs et de leurs familles.
Nous ne détaillerons pas exhaustivement, cela n’englobe pas non plus l’ensemble des œuvres sociales de la France sous l’Ancien Régime, car cela nécessiterait un article de 600 pages tant ces siècles furent prolifiques. Cependant, cette charité, cette bonté et cet appui aux démunis découlent directement des enseignements de Jésus-Christ et ont guidé la civilisation occidentale, notamment la France et ses rois.
Le catholicisme social a joué un rôle important dans le développement des droits sociaux en France. Apparu au XIXe siècle, ce mouvement s’est appuyé sur les principes chrétiens pour défendre la justice sociale et l’entraide. Des personnalités comme Albert de Mun, Émile Romanet, Jean Lerolle, l’Abbé Pierre et Léon Dehon, suivant l’exemple de Léon XIII, ont œuvré pour l’adoption de mesures telles que le salaire minimum et les allocations familiales, soulignant la dignité et les droits des ouvriers.
Albert de Mun, député royaliste, fut l’un des premiers à plaider pour l’instauration d’un salaire minimum légal, reconnaissant ainsi la nécessité de garantir aux travailleurs un revenu décent pour subvenir à leurs besoins. Son plaidoyer s’inscrivait dans une vision sociale inspirée par les enseignements de l’Église catholique sur la justice et la charité envers les plus démunis.
De même, Émile Romanet et Jean Lerolle ont contribué à la mise en place des allocations familiales, reconnaissant l’importance de soutenir financièrement les familles pour favoriser la stabilité sociale et économique. Leur action a été soutenue par des organisations telles que la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC), qui ont milité pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs à travers des politiques sociales adaptées à leurs besoins.
Ensemble, ces initiatives catholiques ont jeté les bases d’un système de protection sociale en France, marquant ainsi une étape importante dans l’histoire des droits sociaux et contribuant à forger l’identité sociale du pays.
Salaire Minimum
Entre 1870 et 1914, le député royaliste Albert de Mun est le premier à militer pour le salaire minimum. En 1950, le SMIG (futur SMIC) est créé par René Pleven, un chrétien démocrate, malgré l’opposition de la SFIO et du PCF. En 1970, Jacques Chaban-Delmas, un gaulliste, indexe le SMIC sur la hausse des prix et du salaire moyen, entraînant une multiplication par 4 du SMIC en 10 ans et une augmentation annuelle du pouvoir d’achat de 4 à 10 % pendant près de 10 ans.
Dans les années 1970, les gouvernements de droite instaurent plusieurs allocations sociales : l’allocation orphelin, l’allocation aux mineurs handicapés, l’allocation de rentrée scolaire, l’allocation de parent isolé et le complément familial.
En 1982, sous François Mitterrand, le SMIC et le pouvoir d’achat stagnent pendant 10 ans après que l’indexation des salaires sur la hausse des prix est remplacée par un taux fixé par le gouvernement. En 2000, la réforme des 35 heures conduit à la création de 5 SMIC différents, une inégalité que le gouvernement Fillon (UMP) s’efforce de corriger entre 2003 et 2006 par une forte revalorisation du SMIC.
Sur la scène européenne, Angela Merkel (chrétienne-démocrate) introduit un salaire minimum en Allemagne en 2015. La même année, David Cameron (conservateur) augmente le SMIC britannique de 7,4 %, suivi en 2020 par Boris Johnson (conservateur) qui le hausse de 6,2 %, surpassant ainsi le SMIC français.
Allocations Familiales
En 1916, Émile Romanet, un fervent catholique, crée pour son personnel les premières allocations familiales.
En 1918, Émile Marcesche et un syndicat patronal isérois inventent les premières caisses d’allocations familiales.
En 1929, le député de l’Action libérale (catholicisme social) Jean Lerolle fait voter la généralisation des allocations familiales, appuyé par la Confédération française des travailleurs chrétiens.
En 1948, le gouvernement du chrétien-démocrate Robert Schuman crée l’allocation de logement familiale.
Dans les années 1970, les gouvernements de droite instaurent diverses allocations sociales, tandis qu’en 1985 et 2000, les socialistes créent l’allocation parentale et l’allocation journalière de présence parentale.
Couvertures Maladie
En 1791, le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier, votés par l’Assemblée Constituante de la Révolution française, suppriment les corporations et les sociétés de secours mutuels (SSM), ancêtres des mutuelles, interdisant également le droit de grève et la formation de syndicats.
En 1835, le gouvernement de De Broglie (orléaniste) reconnaît en pratique la légalité des SSM.
Entre 1848 et 1852, la Deuxième République tente sans succès de légaliser explicitement les SSM.
En 1852, Napoléon III publie un décret reconnaissant les SSM.
En 1914, l’Alsace-Moselle, constatant le retard de la République française sur l’Empire allemand en matière de politique sociale, exige de conserver sa sécurité sociale lors de son rattachement à la France.
Entre 1928 et 1930, une coalition de droite crée les assurances sociales, rendant la France le dernier pays d’Europe à adopter ce système, en vigueur en Allemagne depuis près de 50 ans.
En 1945, la Sécurité Sociale est créée par ordonnances de l’exécutif. Bien que cette institution soit en partie construite par un communiste, Ambroise Croizat, elle s’inspire largement du rapport Beveridge (économiste libéral anglais) et du modèle bismarckien.
Congés Payés
En 1792, le calendrier révolutionnaire supprime le repos dominical et les fêtes chômées chrétiennes de l’Ancien Régime, réduisant ainsi le nombre de jours chômés de 56 à 32 par an.
En 1814, le roi Louis XVIII rétablit le repos dominical par décret. Sous la Deuxième République (1848-1852), il n’y a pas de repos dominical, mais celui-ci est rétabli en 1851 sous Napoléon III, qui introduit également les congés payés pour le service public en 1853.
En 1880, la coalition de gauche au pouvoir supprime le repos dominical pour le secteur privé.
En 1905, les conservateurs de l’Empire allemand créent les congés payés, inspirant la France.
En 1906, sous pression des royalistes sociaux, le repos dominical est rétabli en France.
En 1922, le patron du journal « l’Information » accorde des congés payés à ses employés.
En 1925, le secrétaire général du PCF refuse la revendication des congés payés dans leur programme, tandis qu’en 1926, la CGT commence à revendiquer les congés payés.
En 1934, en Alsace, les patrons sociaux accordent déjà des congés payés à 2/3 des travailleurs.
En 1936, bien que les congés payés et la semaine de 40 heures ne figurent pas dans le programme du Front Populaire, ces mesures sont imposées par les ouvriers.
En 1955, Pierre Dreyfus, patron de Renault, montre qu’il est possible d’accorder une troisième semaine de congés payés. En 1956, cette troisième semaine est votée à l’unanimité par une assemblée majoritairement de droite et d’extrême droite.
En 1962, le même patron accorde une quatrième semaine de congés payés à ses employés, qui sera votée 7 ans plus tard.
En 1982, François Mitterrand utilise les ordonnances présidentielles pour promulguer la cinquième semaine de congés payés sans débat parlementaire ni concession, s’inspirant du catholicisme social de Jacques Delors, ancien syndicaliste de la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens.
Chômage
Avant la Révolution Française, il n’existe pas de système d’assurance chômage. La charité et l’assistance sociale sont principalement assurées par l’Église et les confréries. Les corporations de métiers jouent également un rôle en aidant leurs membres en difficulté. Ce que la révolution française s’empressera de supprimer afin de spoiler les corporations de mêtiers florissantes.
Sous Napoléon III, le développement des sociétés de secours mutuels est favorisé. Ces sociétés peuvent fournir une aide temporaire aux travailleurs en cas de chômage, bien que cela reste limité et informel.
En 1910, la loi sur les retraites ouvrières et paysannes est créée, mais aucune mesure spécifique n’est prise concernant l’assurance chômage. Les sociétés de secours mutuels continuent à offrir un soutien limité.
En 1919, la Confédération Générale du Travail (CGT) et la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC) sont fondées. Ces organisations commencent à militer pour la mise en place d’un système d’assurance chômage.
En 1936, le Front Populaire instaure les congés payés et la semaine de 40 heures, ces mesures ne figurent pas dans leur programme mais sont imposées par les ouvriers du Front Populaire, cependant, le parti ne met pas en place de véritable système d’assurance chômage.
En 1945, la Sécurité Sociale est créée par le gouvernement provisoire de la République Française. L’assurance chômage n’est pas incluse dans ce système.
En 1958, l’UNEDIC (Union Nationale pour l’Emploi Dans l’Industrie et le Commerce) et les ASSEDIC (Associations pour l’Emploi Dans l’Industrie et le Commerce) sont créées. Ce système paritaire, géré par les partenaires sociaux (patronat et syndicats), met en place une véritable assurance chômage pour la première fois en France.
En 1979, une réforme de l’UNEDIC est entreprise pour améliorer la couverture et l’indemnisation des chômeurs.
En 1992, le Plan Juppé est mis en place, introduisant des mesures de contrôle et de sanction pour les chômeurs refusant des offres d’emploi jugées raisonnables.
En 2000, le gouvernement Jospin introduit les 35 heures, avec des mesures d’accompagnement pour les entreprises, incluant des aides à l’emploi et des dispositifs pour éviter le chômage.
En 2008, l’ANPE (Agence Nationale Pour l’Emploi) et les ASSEDIC fusionnent pour créer Pôle Emploi, unifiant ainsi le service public de l’emploi et l’indemnisation des chômeurs.
Emmanuel Macron, socialiste, a initié plusieurs réformes de l’assurance chômage qui ont suscité un vif débat au sein de la société française. Ces réformes, introduites à partir de 2020 visent à modifier les règles d’indemnisation et à renforcer le contrôle des chômeurs, à réduire le chômage en radiant à tour de bras, via ses trois propositions d’emplois imposés par France Travail ou à baisser drastiquement le montant par mois pour faire des économies sur les pauvres..
Retraites
En 1673, Colbert, ministre de Louis XIV, crée le premier système de retraite par répartition au monde pour les marins, étendu par la suite à d’autres professions au service du roi.
En 1853, Napoléon III généralise ce système à toute la fonction publique, fixant l’âge de la retraite à 60 ans, 55 ans pour les travaux pénibles.
À la fin du XIXe siècle, les patrons catholiques développent les premiers systèmes de retraite pour les ouvriers.
En 1910, la loi Retraites Ouvrières et Paysannes, promulguée par la gauche, met en place un système de capitalisation avec un âge de retraite fixé à 65 ans, ce qui suscite l’opposition de la CGT, qui la surnomme « la retraite pour les morts« .
En 1941, sous le Régime de Vichy, le premier système de retraites intégral par répartition, l’Allocation aux Vieux Travailleurs Salariés, est créé sous la direction de René Belin, syndicaliste anticommuniste. Ce système est conservé à la Libération en 1945 et intégré à la Sécurité Sociale, construite sur les grands principes énoncés par le rapport Beveridge et calquant le modèle bismarckien.
En 1953, une tentative de la coalition centre-droit de mettre fin aux régimes spéciaux échoue face aux grèves.
En 1971, la loi Boulin, de Robert Boulin, catholique du RPR, introduit plusieurs améliorations au système de retraite, notamment l’augmentation du taux maximum applicable, le calcul de la retraite sur les 10 meilleures années et des mesures spécifiques pour les travaux pénibles.
En 1972, les régimes complémentaires sont généralisés à toute la population.
En 1981, la retraite à 60 ans est promulguée par la loi Auroux, inspirée par le catholicisme social de Jacques Delors.
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En 1991, le député socialiste Michel Rocard publie son Livret blanc, préfigurant les réformes d’austérité à venir.
En 1993, les réformes Balladur, d’Edouard Balladur, du RPR, visent à combattre le déficit causé par la crise monétaire de la réunification allemande.
En 1995, le plan Juppé, visant à étendre ces réformes à la fonction publique, est abrogé après des grèves massives.
En 1999, le gouvernement socialiste crée le fond de réserve pour les retraites pour anticiper le vieillissement de la population.
Entre 2003 et 2024, les gouvernements successifs de l’UMP, du PS et de LREM ont mis en œuvre diverses réformes d’austérité. La domination prolongée de cette triangulaire UMP-PS-EM a entraîné des conséquences sociales, économiques et sécuritaires, ainsi qu’une augmentation des inégalités et le recul des droits aux pauvres, des droits aux français ou les droits de Dieu en France.