France, aide-toi, et le ciel t’aidera !
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France, aide-toi, et le ciel t’aidera !


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En France, nous ne lisons pas assez les journaux étrangers, nous y trouverions souvent des lumières, des avertissements, des conseils, dont nous pourrions tirer profit.

J’étais avide de savoir tous ces temps-ci ce qu’on pensait, au dehors, de la crise que nous traversons en ce XXe siècle (1903 Abbé Dehon).

Il y a trois centres catholiques très vivants où l’on juge les événements avec le regard de la foi.

Gand, la vieille cité flamande, a son journal magistral et sentencieux, le grave Bien public, qu’on appelle souvent l’Univers de la Belgique, et qui vient de fêter son cinquantenaire de fondation.

Cologne, l’antique métropole de Charlemagne, a sa vénérable gazette, la Kölnische Zeitung, la sage conseillère des catholiques allemands.

Milan, la cité la plus vivante de l’Italie, a son vaillant Osservatore cattolico; elle a aussi, sinon dans ses murs, du moins dans son voisinage, à Bergame [Bergamo], le jeune portevoix de la démocratie chrétienne, le Domani d’Italia.

J’ai demandé à ces divers organes des groupes catholiques les plus agissants de l’Europe, ce qu’ils pensaient de nos affaires de France. Dans les colonnes du Bien Public, j’ai trouvé un article un peu sévère et grondeur intitulé « décadence ! ».

Dans les pages du sympathique Domani, j’ai trouvé une note de fraternelle compassion sous ce titre: Povera Francia! Pauvre France!

La vertueuse Gazette de Cologne nous donne avec loyauté, et dans des sentiments de fraternité chrétienne, de précieux conseils qu’elle résume dans cette devise : Aide-toi, le Ciel t’aidera !

Décadence ! s’écrie le sévère Bien public, 

« La France, dit-il, rétrograde peu à peu vers la situation humiliée à laquelle sont tombées l’Espagne et l’Italie, sous la désastreuse action de la Franc-maçonnerie et des sectes révolutionnaires.

Comparée à l’armée allemande, l’armée française, sur le pied de guerre, manifeste une infériorité de 613.000 fusils, de 35.000 sabres, de 664 canons, d’après une étude récente de Monsieur Chéradame.

Autre cause de faiblesse, d’une importance capitale: tandis que la dette publique est en Allemagne de 284 francs, et en Angleterre de 377 francs par habitant, elle atteint en France le chiffre énorme de 800 francs, et elle s’accroit chaque année.

Et, après la suppression de l’enseignement chrétien, dans peu d’années, le niveau intellectuel aura baissé effroyablement ; quant au niveau moral, il sera au-dessous de tout ».

Le Bien Public ne veut pas cependant que nous nous découragions.

« La France, dit-il, est-elle donc dans une situation désespérée ? Nous ne le pensons pas. Aux derniers scrutins législatifs, dans plus de cent trente circonscriptions, il eût suffi d’un déplacement de quelques voix pour que l’opposition obtint la majorité. Ç’eût été une victoire écrasante ; et cette victoire, elle n’est pas hors de la portée des catholiques, si, au lieu de s’abandonner au découragement et aux récriminations mutuelles, ils savent s’entendre, s’organiser, oublier ce qui les divise, pour ne songer qu’à sauver dans leur pays, la cause de la foi, de la liberté et de la civilisation.

Qu’ils s’inspirent de l’exemple donné, au cours du XIXe siècle, par les catholiques d’Allemagne, de Hollande et de Belgique. Les mêmes efforts sauront amener les mêmes résultats heureux ».

Povera Francia ! Pauvre France ! S’écrie le Domani d’Italia. 

« La liberté et la justice y sont foulées aux pieds par une majorité sectaire qui n’a pas d’autre mobile commun que la haine de l’Église.

C’est l’esprit jacobin de la Révolution française qui inspire un gouvernement bourgeois aux dépens de la classe ouvrière à laquelle on fait attendre indéfiniment les réformes promises, sous prétexte d’en finir avec le cléricalisme. C’est le règne des idées philosophiques de l’Allemand Hegel qui divinise l’État et le pousse à envahir sans cesse et à occuper violemment le champ d’action réservé à l’Église.

Le diagnostic du mal est complexe. La cause en remonte un peu à tous et, pourquoi ne pas le dire, aux catholiques eux-mêmes, qui n’ont pas su ni voulu suivre immédiatement les sages conseils du Pape, et qui, en se divisant, ont rendu facile la victoire de l’ennemi. Et maintenant, la politique sectaire et libertaire du Ministère menace de conduire la nation à la ruine définitive. Pauvre France ! Povera Francia! ».

Aide-toi, le ciel t’aidera ! – Ceci, c’est le conseil du grand journal catholique allemand, la Gazette de Cologne.

« De nos jours, plus que jamais, dit la Gazette, les catholiques de tous les pays, mais surtout ceux de France, doivent se rappeler le proverbe : ‘Aide-toi et le ciel t’aidera !’. Il est évident que le ‘bloc’ ira jusqu’au bout et qu’il détruira toute l’organisation de l’Église en ce pays. Qui l’en empêcherait ? Les catholiques français, dans la situation actuelle, en sont tout à fait incapables.

Que font les catholiques français ? Ils se plaignent amèrement des persécutions du Ministère Combes, plaintes assurément justifiées. Ils font aussi de grands sacrifices pécuniaires pour les congrégations persécutées, chose louable.

Mais on n’aperçoit rien d’une action collective et bien combinée de défense : ce qu’on propose ne trahit que trop souvent le désarroi et l’absence d’un plan bien arrêté. Beaucoup de protestations brillantes, beaucoup de belles manifestations oratoires, mais nous ne remarquons nulle part une organisation politique qui, seule, serait en état de sauver le pays et l’Église dans une lutte qui se poursuit principalement au Parlement…

Les catholiques français ne possèdent, au fond, aucun grand organe influent de style moderne qui pénètre dans toutes les couches de la société…

Quand un jour, les catholiques français prendront la résolution de créer un bloc parlementaire, ils devront se familiariser avec la pensée que ce groupe ne pourra point faire seulement de la politique religieuse, mais qu’il devra être très actif dans tous les domaines de la vie publique, s’il veut défendre avec succès les intérêts légitimes de l’Église. Ce parti devra avoir un programme politique et notamment un programme social pratique… Aide-toi et le ciel t’aidera ! ».

Ce que la chère Gazette ne voit pas, nous le voyons poindre, nous, un peu tard, c’est vrai, mais il vaut mieux tard que jamais. Nous voyons s’organiser l’Action libérale populaire, et nos chefs sonnent le ralliement et le combat.

« Nous ne voyons pas, s’écrie Coppée à Lille, comment nous sortirons de cette anarchie qui nous conduit à la ruine… N’importe ! Continuons la lutte, car le mot désespoir n’est pas chrétien. Luttons avec acharnement, sans repos ni trêve, avec les seules armes que nous ayons, les armes légales… Luttons par la presse, jusqu’à ce qu’on brise notre plume ; luttons par la parole tant qu’on ne nous aura pas bâillonnée ! Exhortons sans cesse nos amis à l’effort commun, à l’action d’ensemble, à l’esprit d’union parfaite et d’accord absolu ; car nous ne vaincrons qu’à cette condition et en formant bloc contre bloc… ».

« Luttons, nous dit Monsieur de Mun dans sa lettre au congrès de Chalon, luttons par tous les moyens que la liberté met en notre pouvoir : protestations publiques, manifestations dans la rue, réunions, conférences, articles de journaux, revendications judiciaires, œuvres enfin d’organisation et d’action…

L’organisation existe: c’est l’Action libérale populaire, elle est déjà très forte, très puissante; en un an, elle a couvert la France de ses adhérents et de ses comités… Mais il ne faut pas borner son action à la seule préparation électorale. Comme nous le disions dès 1892, la question religieuse et la question sociale sont intimement liées, et elles constituent ensemble toute la question politique… Après avoir revendiqué la liberté religieuse la plus entière et celle de l’éducation chrétienne, nous demandions une organisation professionnelle qui permette de prévenir les conflits, de créer des caisses de retraite et d’assurance, de déterminer dans chaque profession le taux du salaire, de constituer entre les mains des travailleurs une certaine propriété collective.

Nous demandions aussi une législation sociale capable de protéger le foyer et la vie de famille, par la restriction du travail des enfants et des femmes, l’interdiction du travail de nuit, la limitation de la journée de travail, l’obligation du repos dominical, la constitution du bien de famille.

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Sans adopter nécessairement tous les points de ce programme, l’Action libérale populaire doit avoir en vue de donner satisfaction par des réformes loyalement étudiées aux légitimes revendications des travailleurs et les aider à secouer, par la force de l’organisation professionnelle, le joug des syndicats socialistes ».

C’est là, chers lecteurs, l’objet de notre propagande mensuelle à la Chronique. Encore une fois, agissez !

France, aide-toi, et le ciel t’aidera !

Abbé Dehon – Inv. 80.02 B. 11/1 La Chronique du Sud-Est, N. 5, mai 1903, pp. 149-151.

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