Suite à une brève rencontre avec le pape Benoît XVI le 18 février 2009, la présidente de la Chambre des représentants de l’époque, Nancy Pelosi, a publié une déclaration exprimant sa joie d’avoir eu l’occasion de rencontrer le pape et de louer « l’autorité de l’Église dans la lutte contre la pauvreté, la faim et le réchauffement climatique ». Étrangement absente de sa liste figurait la lutte de l’Église contre l’avortement à la demande, ce qui n’est guère surprenant étant donné que Pelosi allait plus tard qualifier l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade de « déchirante », « scandaleuse » et même « cruelle ».
En réalité, le pape Benoît XVI avait inséré la présidente dans son emploi du temps chargé à la suite de l’audience générale hebdomadaire habituelle dans la salle Paul VI. Après avoir écarté l’entourage de la présidente — notamment ses photographes — dans une petite salle adjacente, le pape est allé droit au but et s’est lancé dans un examen, point par point, des votes de Mme Pelosi au Congrès concernant les questions liées à la vie. Ceux qui ont eu connaissance de la rencontre rapportent que le reproche inattendu du pape a rendu Pelosi mal à l’aise, presque jusqu’à l’indisposition. Ce qu’elle pensait être une séance photo idéale s’est révélé être une occasion pour le pape de formuler un sérieux avertissement — un avertissement qu’il avait préparé depuis longtemps.
C’est d’autant plus ironique que Mme Pelosi a fait appel au successeur de Benoît XVI pour annuler l’injonction de son ordinaire concernant le Canon 915, qui lui interdit de recevoir la sainte communion. Si elle avait suivi l’avertissement de Benoît et s’était réconciliée avec l’Église, elle ne se serait jamais retrouvée dans une situation aussi délicate. Plus important encore, lors de cette rencontre à huis clos en février 2009, la réception de la communion n’était pas du tout la question centrale. Cette question relevait — et relève toujours — de son ordinaire, et non du pape. L’archevêque Cordileone et son prédécesseur George Niederauer ont admirablement assumé leur rôle pastoral en tendant la main à Mme Pelosi pour aborder la question de sa participation à la messe.
Tout cela illustre parfaitement le respect des rôles respectifs d’autorité et de compétence dans l’Église, un point que beaucoup de catholiques ne comprennent pas. Il n’appartient pas en premier lieu à l’évêque de Rome de décider qui doit ou ne doit pas recevoir la communion. Mais comme l’a démontré l’action de Benoît, il est de son devoir de corriger un politicien pour avoir causé un scandale public par ses actions. Après tout, c’est Pelosi qui avait demandé une audience privée en 2009, et non le pape. Elle n’avait manifestement pas anticipé ce qui allait en découler.
Je mets en lumière cette rencontre de 2009 pour souligner le rôle de la prudence dans l’établissement d’une juste ligne de conduite face à des figures publiques dissidentes. Plutôt que d’utiliser publiquement une audience générale pour lire une liste de noms de ceux qui, comme Pelosi, refusent obstinément de laisser l’enseignement moral de l’Église guider leurs actions publiques, le pape Benoît a jugé plus efficace et plus prudent de confronter Mme Pelosi en privé. Il n’aurait pas pu être plus courtois et respectueux en le faisant. Les délibérations sur la manière de traiter un politicien dissident visent évidemment la santé spirituelle et le salut de l’individu, mais il y a plus. Lorsqu’il s’agit d’un scandale public, les décisions sont prises en fonction de ce qui dissipera la confusion parmi les fidèles et les conduira à une meilleure connaissance de la vérité.
La situation devient encore plus délicate lorsque le scandale public touche des chrétiens non catholiques. Le théologien presbytérien Carl R. Trueman a récemment déploré que « le pape actuel semble n’être rien de plus qu’un protestant libéral en robe papale blanche ». Que cela soit vrai ou non, cette impression est une question que le Saint-Siège doit prendre au sérieux, surtout au vu de la sympathie de Trueman pour l’enseignement catholique et de sa grande stature dans les cercles intellectuels réformés, orthodoxes et catholiques. Son impression que François signifie « une perte du transcendant en faveur de l’immanent » est peut-être vraie ou non, mais cette seule perception est suffisamment sérieuse pour inviter le Saint-Siège à une réflexion approfondie sur la manière dont l’Église est perçue par des chrétiens réformés influents et réfléchis.
L’incident spécifique qui a déclenché la dernière plainte de Trueman ne devrait pas non plus être pris à la légère : à savoir « la décision du pape d’organiser un pèlerinage spécial pour la communauté LGBTQ lors du Jubilé de 2025, intitulé ‘Église : Maison pour tous, Chrétiens LGBT+ et autres frontières existentielles’ ». On peut attribuer cela à son protestantisme et à son manque de connaissance du fonctionnement du Vatican pour conclure qu’il s’agissait de « la décision du pape », mais là n’est pas la question. En fin de compte, le Saint-Siège a mal géré à la fois la façon dont des événements extérieurs ont été inclus dans le calendrier jubilaire et la communication de sa réponse à cet incident.
Le pape saint Jean XXIII vivait selon la devise omnia videre, multa dissimulare, pauca corrigere (approximativement : « tout voir, beaucoup dissimuler, peu corriger »). Ces mots ont été attribués à Bernard de Clairvaux et à Grégoire le Grand, entre autres. L’une des décisions les plus difficiles qu’un pasteur doit prendre, à quelque niveau que ce soit — qu’il soit prêtre, évêque ou pape — est de savoir ce qu’il faut ignorer et ce qu’il faut corriger. Le moment choisi pour ignorer ou corriger n’est pas moins important. Mais il doit également réfléchir soigneusement à qui l’observe ignorer ou corriger. Cela n’implique pas que sa décision soit arbitraire ou subjective, mais seulement qu’elle vise prudemment le bien à la fois de celui qui a besoin de correction et des fidèles qui sont témoins (ou non) de cette correction.
De nombreuses corrections ont été justement faites à huis clos ; bien plus, en réalité, qu’en public. Cela est parfaitement conforme à l’Écriture sainte (cf. Mt 5,25 ; 18,15-17). Mais, pour le dire franchement, peut-être faudrait-il exercer davantage de discernement avant d’ignorer les événements téléchargés sur un calendrier jubilaire en ligne accessible à tous et de corriger ceux qui choisissent d’assister à une messe valide célébrée selon une forme approuvée dans certaines circonstances. Un discernement similaire devrait peut-être être appliqué avant de décider quelles actions épiscopales ignorer et lesquelles corriger.
Bien que nous portions souvent notre attention sur nos ennemis, ce sont en réalité nos alliés les plus proches et les plus puissants — comme Trueman — qui nous observent le plus attentivement.
Traduit de CWR
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