Marie-Thérèse-Louise de Savoie-Carignan, princesse de Lamballe, dite « Mademoiselle de Carignan » ou « Madame de Lamballe », est une princesse de la Maison de Savoie née à Turin le 8 septembre 1749 et morte à Paris le 3 septembre 1792
Le massacre de la princesse de Lamballe
Dans Paris, une cohue, un tumulte inaccoutumés. Les foyers désertés, tout un peuple encombre les rues ; on s’assemble dans les carrefours ; on parle sur les bornes ; à toute heure du jour, les proclamateurs de journaux emplissent la ville de leurs cris. Les affiches couvrent les façades des maisons.
Sur les ponts, sur les places publiques, des marchands ambulants se sont installés. La police, occupée à des besognes politiques, laisse grandir le crime et la prostitution ; les meurtres se multiplient, et l’on ne peut sortir, le soir, sans être arrêté par des sœurs promeneuses.
Fermés les hôtels du faubourg Saint-Germain, effacées, les glorieuses armoiries qui en couronnaient les portes. Peu de voilures et plus de livrées.
La noblesse est ruinée, le clergé aussi. La bourgeoisie est réduite à la misère, le commerce parisien n’existe plus. Les corporations sont supprimées. Le travail chôme ; les ateliers sont vides ; la disette est générale et le taux de l’argent monte à dix-sept pour cent, qui sera bientôt à trente.
Aux Tuileries, où Mme de Lamballe arriva le 4 novembre, la famille royale est gardée à vue. La cour du château ressemble à un a véritable camp : des sentinelles partout, à chaque escalier de l’intérieur et jusque sur les toits.
Personne n’entre dans le palais sans un billet de Lafayette ou de Bailly et, dans la chambre de la reine, deux gardes nationaux demeurent en permanence, le jour comme la nuit, obligeant Marie-Antoinette à se lever et à se coucher devant eux.
La Cour avait l’aspect le plus triste et en même temps le plus pénible, écrit le marquis de Clermont-Gallerande qui était rentré en France quelque temps après la princesse de Lamballe. Les grandes charges ou étaient absentes ou avaient quitté… La reine avait été abandonnée par sa propre maison, par ceux dont les personnes et les familles avaient reçu de sa main le plus de bienfaits ! . . .
Mme de Chimay, dame d’honneur, avait quitté… La peur avait engagé Mme d’Ossun, dame d’atours, à aller rejoindre chez l’étranger Mme de Gramont, sa mère. La duchesse de Luxembourg était à Lisbonne avec son mari. Mmes de Luynes, de Duras, d’Hénin, de Bergues, de Polastron étaient parties.
Marie-Antoinette n’avait plus en dames du palais que Mmes de la Roche-Aymond de Tarente, de Castellane et de Maillé M. de Tessé est en Suisse, le duc de Polignac est à Vienne. M. de Saulx est mort.
L’intendant, le chancelier, le surintendant des finances, Lemaire même, le chauffe-cire, ont émigré ! Il reste, auprès de la reine, un seul aumônier, M. de Cambis, qui va bientôt être obligé de s’éloigner, les deux secrétaires des commandements, Augeard et Beaugeard, et Despriès, qui n’a pas abandonné, non plus, ses fonctions de maître d hôtel et de secrétaire de la surintendante.
Mme de Lamballe fait toutes les places, tient la Cour, empêche les départs, relève les défaillances, réunit les fidèles, se voue corps et âme au service de cette reine qu’elle admire maintenant autant qu’elle la chérit, car Marie-Antoinette a un courage égal à son infortune et se montre admirable dans le malheur.
Ce n’est point que la surintendante se plaise aux Tuileries ; il n’y a que la reine qui lui fasse supporter ce séjour. Son sentiment pour elle lui donne la force de s’y soutenir. Venue, « dans ce chien de pays », « pour la reine et pas du tout pour se divertir », on ne la voit guère dans le mondé.
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Cependant elle donne quelques dîners, quelques soupers par semaine, et tache de réunir, autour du trône, un petit nombre de serviteurs dévoués qui remplacent « les honneurs » que la Constitution a supprimés. La princesse, en dépit de l’incessant ébranlement du tocsin et des appels aux armes, se trouvait dans un état de santé assez favorable.
En entrant dans le bureau du greffe, Mme de Lamballe, effrayée à l’horrible et terrifiant aspect de cette salle d’audience, s’était évanouie. Ainsi n’eut pas lieu l’interrogatoire souvent publié et, aussi bien, n’est-il resté ni papier, ni note, ni texte authentique de ces jugements de septembre qui, comme l’a fort bien dit M. Lucien Lambeau, s’enregistraient à coups de sabre ; c’était plus simple et surtout moins dangereux pour les conséquences ultérieures.
Quand les juges de ce singulier tribunal rendaient un verdict d’acquittement, celui qui était déclaré innocent recevait l’accolade du président, puis deux hommes armés le conduisaient jusqu’à la porte basse par où Mme de Lamballe était entrée à la Force.
Ils passaient les premiers en criant : « Vive la Nation ! » Alors, les massacreurs, prêts au meurtre, abaissaient leurs armes, le peuple massé là criait : « Bravo ! bravo ! ne frappez pas ! » On battait des mains, on embrassait celui qui venait d’être libéré et qui échappait difficilement à la joie débordante avec laquelle il était accueilli.
Dans le cas contraire, le président ordonnait simplement et il semble bien que ce fût là un mot d’ordre De conduire le prisonnier à l’Abbaye : « A l’Abbaye ! à l’Abbaye ! » répétaient les égorgeurs qui poussaient le coupable dans le fatal guichet. C’était un signal de mort. A peine sorti, le malheureux qui avait pu s’imaginer un instant qu’il allait être transféré dans une autre prison, était massacré, et son corps, dépouillé le plus souvent de ses vêtements, était jeté sur le monceau des cadavres qui, depuis le matin, s’ac- cumulaient au coin de cette sinistre rue des Ballets et de la grande rue Saint-Antoine.
Il était un peu plus de midi quand, dans sa robe blanche, pâle comme son linge, à moitié évanouie dans les bras de deux hommes qui la soutenaient, la princesse de Lamballe parut sur le seuil du guichet de la prison. Aussitôt, et sans qu’elle ait pu proférer une parole, elle fut abattue dans la fange sanglante de la rue.
Alors, une fureur s’empara de la multitude. Les pamphlets infâmes répandus à la Cour contre Marie-Antoinette et toutes celles qui rapprochaient revinrent à la mémoire des mégères qui, depuis le matin, assistaient aux massacres, dans ce sombre boyau de la rue des Ballets.
La Lamballe, c’était l’amie de l’Autrichienne, c’était la « femme immonde » qui était revenue auprès de la reine pour continuer aux Tuileries, avec la « Sapho de Trianon », les « Saturnales de Versailles ».
La pauvre princesse, qui avait tant souffert de son amitié pour Marie-Antoinette, venait d être immolée et allait être souillée à cause de cette amitié. On s’acharne sur le pauvre mystère de son cadavre. « On arrache tout, et robe et chemise, et, nue comme Dieu l’avait faite, on l’expose aux yeux des enfants et des femmes qui se réjouissent de ce hideux spectacle.
Un homme lui tranche la tête, un autre lui ouvre le ventre : « Au Temple ! au Temple î la Lamballe ! » crie-t-on dans la foule. Allons faire baiser a l’Autrichienne Ia tête de sa… Un cortège se forme, mascarade sinistre après ces odieuses profanations. Un tueur, Rotondo sans doute, porte, au bout d’une pique, la tête de la princesse.
Deux individus traînent par les jambes le corps nu sans tête, le dos contre terre et le ventre ouvert jusqu’à la poitrine. Un charbonnier tient avec un bâton un lambeau de chemise trempé de sang et de boue. Un égorgeur étale les entrailles de la victime et un autre, plus horrible, « tenet pilis totam cunni exteriorem partem quam ipse a cadavere exiderat » (M. G. Lenoire a traduit en latin quelques lignes qu’il est impossible de citer telles que Daujon les a écrites.) – ( google traduction les cheveux agrippent toute la partie externe du corps de sa chatte).
Par les rues des Francs-Bourgeois, du Chaume, de la Corderie, ces pauvres dépouilles sont portées au Temple. La foule est prodigieuse dans la rue et pousse des cris tumultueux et prolongés. Les municipaux de garde auprès de la famille royale ont fait doubler les postes de la prison.
L’un d’eux, Daujon, a tendu, devant la porte du Temple, un ruban tricolore qui ne doit pas être franchi. Il se jette au-devant de la funèbre caravane. On l’insulte et on le menace, on lui jette d’horribles imprécations ; les termes les plus obscènes et les plus dégoûtants sont vomis avec des hurlements affreux.
Incertains de ce qu’ils doivent faire, n’osant tenter une résistance impolitique, dangereuse et peut-être injuste, les municipaux s opposent à l’entrée de la Tour, mais permettent que quelques-uns des forcenés pénètrent dans le jardin.
On laisse dans la rue le corps de la princesse, mais on emporte la tête livide et on la hisse sous les fenêtres de la Tour.
Le roi sortait de table. Il faisait une partie de tric-trac avec la reine. Quand les municipaux entrèrent, il leur demanda si sa famille était en sûreté « Oui », lui répond-on. Mais les cris redoublent.
Un homme, vêtu en garde national, avec deux épaulettes et un grand sabre, insiste pour que les prisonniers se mettent aux fenêtres. Les municipaux s’y opposent. On se dispute. La reine interroge :
« C’est, lui dit brutalement l’homme au grand sabre, c est la tête de Mme de Lamballe qu’on veut vous montrer. Je vous conseille de paraître si vous ne voulez pas que le peuple monte ici. »
A ces mots , Marie-Antoinette s’évanouit. Madame Elisabeth et Cléry la relèvent et la placent dans un fauteuil :
« Monsieur, dit le roi, nous nous attendions à tout, mais vous auriez pu vous dispenser d apprendre à la reine ce malheur affreux. »
L’homme sortit avec ses camarades, Leur but était rempli.