« Le Pape, successeur de Pierre, obtient du Saint-Esprit pour le bien de l’Église la grâce de la solidité dans la foi, la grâce d’affermir ceux qui chancellent et qui doutent dans la foi. Et ainsi le Pape, quoiqu’il puisse personnellement errer dans son jugement privé comme homme, et dans son esprit comme docteur particulier, cependant, en tant que Pape, successeur de Pierre, Vicaire de Jésus-Christ sur la terre et Pasteur de l’Église universelle, il n’erre jamais, il n’a jamais erré dans un jugement et une délibération publique et dans une sentence définitive.«
« J’ai prié pour toi, dit le Christ à Pierre, afin que ta foi ne défaille pas. La foi de Pierre, n’en doutez pas, restera toujours dans la succession de Pierre, qui est l’Église. Où croyez-vous que la foi demeure ailleurs que dans l’Église du Christ ? » disait le cardinal Fisher, écrivant contre Luther.
Le cardinal Pôle, après avoir raconté la conduite de Pierre dans le Concile de Jérusalem, poursuit ainsi :
« C’est la même chose que les successeurs de Pierre, suivant sa foi, ont faite dans tous les autres Conciles, dans lesquels on a vu bien plus clairement que durant la vie de Pierre, de quelle nature sont les efforts de Satan qui cherche à cribler l’Église de Dieu, et combien est grande la force de ce remède spécial que le Christ a indiqué par ces paroles en s’adressant à Pierre : Et toi, une fois converti, confirme tes frères. En effet, qu’on cherche tous les remèdes au moyen desquels l’Église a lutté contre la malice de satan qui ne cesse jamais de l’attaquer par des tentations de toutes sortes et l’on n’en trouvera certainement point qui puisse être comparé à celui qu’on a coutume d’employer dans les Conciles généraux, savoir, que tous les évêques de toutes les Églises, en leur qualité de frères de Pierre, doivent être confirmés par ses successeurs, qui professent la même foi «
C’est dans le même sens qu’écrit Harding, dans sa réfutation de Jewel :
« Le Pape, dit-il, succède à Pierre, autorisé et en pouvoirs. Car le troupeau du Christ devant continuer jusqu’à la fin du monde, il est insensé de penser que le Christ n’a placé qu’un pasteur temporaire à la tête de son troupeau perpétuel. Il a dit à Pierre qu’il avait obtenu pour lui, par sa prière faite au Père, que sa foi ne viendrait point à faillir. Il lui a donc donné la grâce de ne point faillir, et de confirmer et d’affirmer ses frères ; par conséquent chaque Pape obtient du Saint-Esprit pour le bien de l’Église la grâce de la solidité dans la foi, la grâce d’affermir ceux qui chancellent et qui doutent dans la foi. Et ainsi le Pape, quoiqu’il puisse personnellement errer dans son jugement privé comme homme, et dans son esprit comme docteur particulier, cependant, en tant que Pape, successeur de Pierre, Vicaire de Jésus-Christ sur la terre et Pasteur de l’Église universelle, il n’erre jamais, il n’a jamais erré dans un jugement et une délibération publique et dans une sentence définitive. Car, lorsqu’il ordonne ou détermine quelque chose eu vertu de sa haute autorité épiscopale, avec l’intention d’obliger les chrétiens à accomplir ou à croire ce qu’il ordonne ou définit, il est toujours dirigé et aidé par la grâce et l’assistance du Saint Esprit.«
Campian répond ainsi à Whitaker:
« Nous ne sommes pas soumis à la voix d’un homme, comme vous nous en accusez faussement, nous ne sommes soumis qu’à la divine promesse du Christ faite à Pierre et à ses successeurs, pour qui il a prié le Père, afin qu’ils fussent inébranlables dans la foi :
J’ai prié pour toi Pierre. Et il ajoute : Afin que ta foi ne défaille pas.
Le fruit de cette prière, comme ce qui suit le montre bien, n’appartient pas à Pierre seul, mais aussi à ses successeurs… En effet, l’Église ne devant pas s’éteindre avec Pierre, mais durer jusqu’à la fin du monde, la même stabilité dans la foi était même d’autant plus nécessaire aux successeurs de Pierre, les Pontifes romains, qu’ils étaient plus faibles que lui, et qu’ils devaient être attaqués avec dés armes plus puissantes par les tyrans, par les hérétiques et par les impies. De même donc que Pierre, une fois converti, a confirmé les apôtres ses frères, de même les Pontifes doivent confirmer leurs frères, les autres évêques. «
Et Campiau ajoute :
« Sous sa conduite, ils ne peuvent s’écarter du sentier de la foi«
Ces citations sont plus que suffisantes pour montrer quelle était la foi de l’Église d’Angleterre au seizième siècle, c’est-à-dire au milieu des controverses suscitées par la Réforme ; elles montrent quelle était cette foi pour laquelle les catholiques d’Angleterre combattaient et souffraient. Au dix-septième siècle, nous pouvons prendre Nicolas Sanders pour notre premier témoin. Il écrit dans son livre De Clavi David :
« Nous déclarons en toute liberté, et ce que nous déclarons en parole, nous le prouvons par le fait, nous déclarons que le successeur de Pierre, l’évêque de Rome, exposant aux évêques la foi du Christ, n’a jamais erré, ni n’a jamais prêté son autorité à un hérétique pour la promulgation de l’hérésie »
Kellison, président du collège de Douai, en 1605, écrit ce qui suit :
« C’est en deux sens que Pierre peut être appelé le roc de l’Eglise. D’abord, il est un homme privé, et si l’Église eût été fondée sur lui, elle serait tombée avec lui ; ensuite, il est une personne publique et le Pasteur suprême, qui doit avoir des successeurs à qui la constance dans la foi est promise, et par qui l’Église elle-même doit être soutenue, et c’est ainsi que l’Eglise ne meurt pas avec Pierre, mais qu’elle continue de s’appuyer sur ses successeurs.
C’est parce que Pierre et ses successeurs soutiennent l’Église par leur foi indéfectible, dans laquelle ils ne doivent jamais errer en leur qualité de suprêmes pasteurs, que les Pères disent tantôt que l’Église est fondée sur Pierre, tantôt qu’elle est fondée sur sa foi, qui est la foi du Chef suprême, ce qui, en effet, est la même chose. Car, si Pierre soutient l’Église par l’indéfectible foi qu’il enseigne, alors Pierre soutient l’Église, puisque sa foi est assurée, et que sa foi soutient l’Église, non pas comme étant une foi quelconque, mais comme étant la foi de Pierre.
Le Chef suprême ne peut errer dans la foi qu’il enseigne spécialement de sa chaire (ex cathedra), c’est-à-dire non comme un particulier qui propose une opinion, mais comme Docteur public et Chef des Pasteurs, en définissant et ordonnant ce que tous les chrétiens doivent croire. Par conséquent, l’Église, qui s’appuie sur sa définition, ne sera jamais renversée, quoiqu’elle puisse être secouée »
Nous lisons dans un ouvrage publié en 1634 par S. N., docteur en théologie :
« La même chose est prouvée par tous les textes qui montrent que l’évêque qui est le Chef et la tête de l’Église ne peut errer dans la définition des matières de foi. Sinon, Simon, Satan a désiré de vous cribler comme le froment, mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas.
Ici le Christ n’a pas prié pour toute l’Église, mais pour Pierre en particulier, comme tous ces mots le montrent : Simon… pour toi… ta foi… tes frères…
Le Sauveur commence même à parler au pluriel : Satan a désiré de vous cribler, et il change tout-à-coup en disant : Mais j’ai prié pour toi. En outre, il prie pour celui à qui il dit : Et toi, une fois converti, ce qui ne peut pas s’appliquer à toute l’Église, à moins que nous ne disions que toute l’Église a dû être d’abord pervertie, ce qui est faux de toutes manières. Mais maintenant que le Christ a prié pour que la foi de Pierre ne défaille pas et que cette prière a été faite pour le bien de l’Église, comme le diable désire toujours cribler les fidèles, il s’ensuit que l’Église possède toujours un chef dont la foi ne peut défaillir, et par qui elle est confirmée«
Southwell, ou Bacon, qui écrivait en 1638, affirme :
« Que le Pontife romain, hors du Concile, est infaillible dans ses définitions«
Il ajoute :
« Il est clairement prouvé par ce qui a déjà été dit que celui qui est la pierre fondamentale de l’Église, lui infusant actuellement et toujours la fermeté contre les portes de l’enfer et contre les hérésies, que celui qui est le pasteur, non de tel ou tel endroit, mais de tout le troupeau, et qui, par conséquent, est obligé de le nourrir, de le gouverner et de le diriger dans toutes les choses nécessaires au salut, ne peut errer dans un jugement de foi… Le Pontife suprême est à la foi la Pierre et le Pasteur, comme cela a été clairement prouvé, et, par conséquent, il ne peut errer dans un jugement de foi. C’est ce qu’il démontre, entre autres preuves, par la promesse de Notre-Seigneur : J’ai prié pour toi, etc…«
Et il ajoute :
« Ce qui a été dit à Pierre comme pasteur a été dit au Pontife romain, comme on l’a abondamment prouvé«
Enfin, quoique le consentement de l’épiscopat ou de l’Église ne soit pas requis comme une condition pour la valeur intrinsèque des définitions infaillibles du Pontife romai, néanmoins, on ne peut dire ou penser sans hérésie que le consentement de l’épiscopat et de l’Église peut toujours être absent. Car si le Pontife est divinement assisté, l’infaillibilité active et l’infaillibilité passive de l’Église excluent également une telle supposition comme hérétique.
Après la définition qui a été donnée, c’est une hérésie de nier cette divine assistance ; et, même avant la définition, c’était une chose très-proche de l’hérésie de la nier, parce que c’était une vérité révélée et un fait divin, sur lequel l’unité de l’Église a reposé depuis le commencement.
D’après ce qui a été dit, le sens précis des ternies placés devant nous peut maintenant être facilement fixé.
1- Le privilège de l’infaillibilité est personnel, en tant qu’il est attaché au Pontife romain, successeur de Pierre, comme personne publique, distincte de l’Église, mais inséparablement unie à l’Église ; il n’est pas personnel en tant qu’il est attaché, non à la personne privée, mais à la primauté, que le Pontife seul possède.
2- Il est aussi indépendant, en tant qu’il ne dépend ni de l’Ecclesia docens ni de l’Ecclesia discens; mais il n’est pas indépendant, en tant qu’il dépend en toutes choses du Chef divin de l’Église, de l’institution de la primauté par ce Chef, et de l’assistance du Saint-Esprit.
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3- Il est absolu, en tant qu’il ne peut être limité par aucune loi humaine ou ecclésiastique ; il n’est pas absolu, en tant qu’il est limité à la fonction de garder, d’exposer et de défendre le dépôt de la révélation.
4- Il n’est séparé en aucun sens, il ne peut l’étre, on ne peut l’appeler ainsi sans tomber dans plusieurs hérésies, à moins que le mot ne soit pris dans le sens de distinct. Dans ce sens, le Pontife romain est distinct de l’Épiscopat et il est un sujet distinct d’infaillibilité, et, dans l’exercice de sa suprême autorité doctrinale, magisterium, il ne dépend pas, pour l’infaillibilité de ses définitions, du consentement ou de la consultation de l’épiscopat, mais seulement de la divine assistance du Saint-Esprit.
Source : Histoire du Concile Oecuménique du Vatican – Monseigneur Manning – 1871