« La vérité a besoin de la France. » Cette parole de l’illustre Joseph de Maistre, doit commencer aussi la justification que nous venons entreprendre du catholique incomparable Christophe Colomb, car aujourd’hui encore, pour soutenir sa cause, « la vérité a besoin de la France. »
La France est manifestement appelée à exercer une œuvre de justice envers ce grand serviteur de Dieu. Par elle jadis le Révélateur du Globe fut privé de l’honneur de léguer son nom au Continent que découvrit sa Foi. Et par cela que le devoir de réparer cette iniquité lui incombe directement, c’est elle qui a été chargée de révéler au monde les vertus de l’homme qui le compléta.
C’est d’elle aussi qu’est venue l’initiative de la récompense à solliciter du Saint-Siège, en faveur de ce messager du Salut. La France, en sa qualité de Fille aînée de l’Église, possède incontestablement le droit de coopérer à la glorification du premier chrétien qui porta l’Évangile au-delà des mers, et de promouvoir exceptionnellement sa Cause exceptionnelle.
L’Amérique, l’Espagne et l’Italie lui cèdent volontiers le pas dans cette pieuse occurrence. L’Italie surtout se montre tiède et presque soupçonneuse à l’égard de Christophe Colomb. Elle semble ne pas assez connaître sa grandeur catholique. Les suffrages des Évêques italiens furent les plus timides et les moins nombreux, parmi ceux qui s’exprimèrent dans les réunions particulières des Pères du Concile du Vatican en 1870.
Dès les premières années de ce siècle, une accusation contre la chasteté de Christophe Colomb a été portée en Italie, puis soutenue avec une telle opiniâtreté par certains bibliographes italiens, qu’elle s’est généralement répandue dans toute la Péninsule, et paraît y avoir pris racine. D’autre part, des savants qui nient le surnaturel et n’admettent la Providence qu’avec des précautions infinies, quand ils ne la congédient pas durement, s’obstinent à ne voir dans le vainqueur de la mer ténébreuse qu’un marin habile et persévérant.
Pour faire montre d’érudition et de sagacité, ils rapetissent à l’envi le grand homme, le dépoétisent, et veulent absolument que, par une « liaison galante », il ait payé son tribut à l’humaine faiblesse. Ils ne peuvent souffrir que nous appelions serviteur de Dieu celui dont le zèle apostolique a doublé, au profit de l’humanité, l’espace de la Terre.
Les erreurs qu’ont multipliées sur Colomb divers académiciens d’Italie se sont ensuite propagées par de chétives et mensongères biographies de ce Héros. Il suit de là que les sympathies qu’excite partout ailleurs son nom restent hésitantes et rares dans les pays de langue italienne. Cette vague défiance s’est encore accrue.
Au moment où nous prenons la plume (1876), une attaque en règle est combinée avec un art diabolique contre la renommée de ce parfait disciple du Rédempteur. On s’efforce d’ébranler l’histoire de Christophe Colomb écrite par ordre du Souverain Pontife. On renouvelle, en l’aggravant, l’accusation portée contre la pureté du serviteur de Dieu. Nous devons donc, sans plus tarder, défendre l’une et disculper l’autre.
Nous allons dire comment s’est formée cette calomnie, et dans quelles circonstances elle ose reparaître plus impudente que jamais. Prenant pour juges de l’accusation nos compatriotes d’abord, et ensuite tout vrai catholique, sans acception de nationalité, surtout sans exclusion des Italiens, nous allons soumettre à leur appréciation les assertions, aussi témérairement avancées qu’opiniâtrement maintenues, contre la gloire de l’homme suscité de Dieu pour nous révéler l’entière étendue du domaine terrestre.
Pendant qu’à la suite de l’admirable étude de là Civiltà Cattolica sur la sainteté de Christophe Colomb, la presse religieuse d’Italie, presque entière, rendait hommage à ce Héros apostolique, une vraie bourrasque morale s’élevait sous le ciel de Gênes. La métropole de la Ligurie s’animait d’une émotion étrange, et d’un genre unique peut-être depuis sa fondation. Une portion intellectuelle de la Cité s’insurgeait contre son propre honneur. La ville aux splendides églises repoussait la glorification de son fils, le catholique incomparable, Christophe Colomb. Une coterie pédantesque et remuante ne veut pas que le Saint-Siège lui décerne le prix de ses travaux évangéliques. Chose stupéfiante !
C’est au nom de la religion dont il fut le premier apôtre au-delà des mers, c’est au nom de l’histoire qui atteste ses vertus héroïques, c’est au nom sacré de la vérité que le mensonge et la prévention lui disputent l’entrée du sanctuaire ! À aucune époque et dans aucun pays, pareil spectacle fut-il donné au monde ? Quand vit-on un Diocèse, sous le prétexte de veiller à l’honneur de l’Église, oser, se substituant au jugement de la Papauté, écarter de sa juridiction la Cause d\m serviteur de Dieu ? Aurait-on jamais pensé qu’il y eût, sur cette terre, Cité assez aveugle, patrie assez ingrate pour accuser d’indignité le sublime chrétien que le sentiment des peuples entoure déjà de vénération, et faire précéder par la calomnie la présentation de sa Cause au Saint-Siège ?
Tandis qu’ordinairement la Sacrée Congrégation des Rites est obligée de se tenir en garde contre les entraînements de la piété, les exagérations de l’enthousiasme, le zèle trop vif d’une ville ou d’une communauté qui voudraient s’honorer d’avoir produit un Saint, ici, au contraire, c’est un chanoine qui dénonce Christophe Colomb, excite ses diffamateurs et cherche des auxiliaires au scandaleux défi qu’il porte contre sa pureté ! Cela semble à peine croyable !
Dans aucun des onze cent quarante-six diocèses de l’Église catholique trouverait-on un autre exemple de pareille aberration ? Cette opposition qui tout à coup vient de se démasquer, n’est point le mouvement irréfléchi de certaines convictions personnelles. Elle se préparait sourdement depuis la dispersion du Concile du Vatican, recrutant lentement des adhésions, et elle a éclaté enfin, quand elle a vu toute la presse catholique faire écho à la Civiltà Cattolica, et l’opinion générale reconnaître la Sainteté de Christophe Colomb.
Nous ne voulons pas rechercher les complices de cette odieuse conspiration, il nous suffira de nommer son éditeur responsable. Quelle que soit notre répugnance à descendre aux questions de personne, nous la surmonterons cette fois, car nous ne devons pas souffrir qu’on soit dupe d’un zèle hypocrite, et qu’une basse haine revête les apparences d’une pieuse sollicitude pour les intérêts de la religion. Nous allons réduire à ses vraies proportions cette hostilité, que malheureusement est venue appuyer la grande publicité d’un journal catholique, dont le talent et les intentions n’étaient pas faits pour un tel rôle.
En 1846, un jeune abbé de Gênes, nommé Angelo Sanguineti, résuma en un petit volume l’histoire de Colomb par le protestant Washington Irving. Il intitula cet abrégé : Vie de Christophe Colomb. C’était la première biographie un peu étendue de ce Héros qu’on eût publiée en Ligurie. Ses condisciples, ses anciens professeurs l’en félicitèrent chaudement, ses compatriotes le prônèrent très-haut. Il se crut historien.
Dix ans plus tard, lorsque, sous les augustes auspices de Sa Sainteté le Pape Pie IX, parut l’histoire catholique de Christophe Colomb, le jeune abbé, furieux du peu de cas que nous faisions de son abrégé protestant, fabriqua contre nous un grossier pamphlet, qu’en 1857 il envoya partout en Italie. Dans son abrégé, le jeune abbé avait assuré que l’immortel Génois eut à Cordoue une liaison coupable avec une pauvre fille du peuple, nommée Béatrix Enriquez, dont naquit son fils Fernando. Pour lui, la chute du grand homme était évidente. Elle résultait des expressions mêmes du testament fait la veille de sa mort. Le trouble de sa conscience lui avait, disait-il, arraché cet aveu au moment du passage terrible.
Or, notre histoire établissait que Béatrix Enriquez appartenait à la plus ancienne noblesse, qu’elle jouissait d’une fortune indépendante, qu’elle était la femme légitime de Colomb, qu’il n’y avait eu ni trouble de conscience, ni testament la veille de la mort.
Exaspéré de voir réduire à néant son accusation contre le Serviteur de Dieu, l’abbé Angelo Sanguineti nous attaqua violemment par la plume de ses amis dans le Cattolico de Gênes, dans la Rivista di Firenze, où il déplorait qu’un noble écrivain italien, le comte Tullio Dandolo, se fût fait le traducteur de notre ouvrage. Il sollicita de la Civiltà Cattholica blâme de notre histoire. N’ayant pu l’obtenir, il en fît d’amères doléances dans la Gazette de Gênes, le 30 mars 1858.
Déjà, il s’était plaint douloureusement, dans l’Apologista de Turin, de ce que l’illustre Père Ventura avait adressé au Clergé d’Italie un manifeste en notre faveur. Il écrivit à Paris, à Rome, à Pise et ailleurs, cherchant à soulever contre nous l’opinion. Nous ne daignâmes pas relever ses injures. Pendant douze ans, il put nous outrager à l’aise, nous restions impassibles devant ses attaques. Mais en 1869, ayant lu de lui de nouvelles accusations contre le Héros chrétien, révolté de cet acharnement impie, nous adressâmes au directeur du Giornale degli Studiosi, une lettre indignée qui, pour quelque temps le fît taire.
Toutefois, sans rien imprimer, il n’en continua pas moins la diffamation, et ne cessa d’agir auprès du clergé. L’occasion lui était propice. Ancien professeur au grand séminaire avec M. l’abbé Magriasco, qui succédait au savant théologien Archevêque de Gênes, l’illustre Monseigneur Andréa Charvaz, toujours regretté de l’élite de la population, ses relations étaient d’avance facilitées parmi les ecclésiastiques.
Il sut les mettre à profit. Discréditer l’histoire du Héros chrétien, publiée par ordre du Souverain Pontife, maintenir contre Colomb l’accusation de liaison immorale, susciter le doute, semer la défiance dans les esprits, et par l’effusion de la calomnie, empêcher les Évêques italiens d’adhérer à la Postulation rédigée à Rome pendant le Concile, devint le but de ses persévérants efforts.
Tout ce qui s’est fait, s’est dit, s’est écrit par lui et ses amis n’a d’autre but que d’ébranler l’autorité de la classique histoire de Christophe Colomb, officiellement composée par ordre du Souverain Pontife. De la ces attaques, ces articles, ces brochures, ces lettres, cette diffamation infatigable, cette activité de propagande et de camaraderie qui est parvenue à séduire ceux-là même dont le devoir était de la réprimer dès le début. Enivré de son succès, parce qu’il trouvait un complice là où il aurait dû rencontrer un juge, il en est venu jusqu’à des allusions qu’interdisait le moindre sentiment de convenance et de respect pour le chef suprême de l’Église.
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Pendant vingt ans, un seul catholique a osé s’élever contre nous, et ce catholique est Génois. Et ce Génois est prêtre. Et ce prêtre nous proclame fanatique, parce que nous ne rougissons pas de montrer dans Christophe Colomb l’action de la Providence. Et ce prêtre est professeur. Et ce professeur est chanoine. Et ce chanoine est positiviste en matière d’histoire.
Son regard ne va pas au-delà des mots. Il s’en tient à la lettre sèche et stérile. Oubliant la leçon de l’Apôtre, il oppose cette lettre qui tue à l’esprit qui éclaire et anime. Sous prétexte de maintenir les droits de la critique, il ne maintient que les prétentions insurrectionnelles de son individualité.
Source : Satan contre Christophe Colomb – Roselly de Lorgues – 1876
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