Toutes les gloires de Marie permettent au final de trouver son Fils et de le glorifier.
Nous savons, mes chers frères, que ce monde naturel ne renferme rien de superflu, rien d’incomplet, rien d’isolé; les parties se correspondent, s’enchaînent, et les détails concourent tous à former un vaste ensemble.
L’ordre et l’harmonie sont deux des premières perfections que nous remarquons dans la création visible, et plus nous l’examinons, plus nous voyons qu’elles y ont été appliquées dans l’ensemble et jusque dans les moindres détails.
« Toutes les choses sont doubles, dit le Sage, les unes répondent aux autres, et Dieu n’a rien fait de défectueux »
Ce qui distingue essentiellement « Les cieux de la terre » du vide et du chaos qui existaient avant la création, c’est que tout en eux est soumis à des lois fixes et invariables ; c’est qu’il n’y a pas de mouvement, pas d’effet auquel on ne puisse assigner une cause ; et lorsque cette cause reste inconnue, on peut la supposer. En outre, il est certain, d’autre part, que cette vérité ne devient évidente qu’en raison des efforts que nous faisons pour la découvrir, et du temps que nous mettons à l’observer ; car, quoique dans bien des cas il soit facile de voir que telle et telle chose résulte d’un ordre préétabli, dans d’autres circonstances la loi qui produit ces résultats échappe à nos investigations, et nous avons adopté les mots « hasard », « fortune », pour désigner les causes premières que nous ne connaissons pas.
De là vient que des esprits téméraires et irréligieux se livrant à la contemplation du monde, passant en revue les cieux et la terre, ont osé blâmer le grand architecte, en l’accusant d’avoir fait des créatures imparfaites, et en lui adressant des questions qui n’ont servi, au fond, qu’à prouver l’imperfection de leurs connaissances scientifiques.
Les mêmes faits ont lieu à l’égard du monde surnaturel. Toutes les vérités de la révélation sont intimement liées entre elles,et forment un tout indivisible. Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un simple coup d’oeil sur l’Evangile; mais on ne peut comprendre l’uniformité et l’harmonie parfaite de l’enseignement catholique sans des études et des méditations préparatoires.
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De même que les savants du monde se renferment dans des musées et des laboratoires, descendent dans les mines, errent dans les bois ou sur les bords de la mer, les amis des vérités célestes se retirent dans des cellules et dans des oratoires, épanchent leur âme en prières, se recueillent en eux-mêmes, méditent l’idée de Jésus, de Marie, de la grâce, de l’éternité, pèsent et scrutent les paroles des saints personnages qui sont venus avant eux, jusqu’à ce qu’ils aperçoivent, des yeux de l’esprit, la sagesse cachée des êtres parfaits
« que Dieu a prédestinés à notre gloire avant le monde, et qu’il leur révèle par son esprit«
Et comme il peut se faire que des ignorants osent contester la beauté et la perfection de ce monde visible, il peut arriver aussi que des hommes occupés six jours de la semaine sur sept, de travaux mondains, vivant pour jouir de leurs richesses, de leur rang, de leurs plaisirs, ne suivant, en fait d’études, que des sujets profanes, ne consacrant à la religion que leurs moments de loisirs, n’élevant jamais leurs coeurs à Dieu, ne lui demandant jamais la lumière de sa grâce, ne châtiant jamais leurs coeurs ni leurs corps, ne contemplant jamais sérieusement les objets de la foi, mais les jugeant à la hâte et d’une manière péremptoire, selon leurs vues privées ou leur humeur du moment, il peut arriver, dis-je que ces hommes soient facilement étonnés ou effrayés de certaine partie de la vérité révélée, qu’ils les trouvent étranges, barbares, outrées, inconséquentes, et qu’ils les rejettent en totalité ou en partie.
Je vais m’efforcer d’appliquer cette remarque aux prérogatives dont l’Eglise investit la très Sainte Vierge Marie, mère de Dieu. Ces prérogatives étonnent ou choquent les personnes pour qui elles sont nouvelles ou qui ne les ont jamais examinées de près ; mais plus elles les examineront attentivement et religieusement, plus, j’en suis sûr, elles les trouveront nécessaires à la foi catholique et inséparables du culte de Jésus Christ.
C’est là le point de vue que je vais développer. A la vérité, je trouverai des contradicteurs parmi les personnes étrangères à l’Eglise; mais les enfants de l’Eglise seront d’accord avec moi pour dire que les gloires de Marie sont inspirées par l’amour de Jésus, et que nous l’honorons et la bénissons comme la première des créatures, afin de pouvoir reconnaître son Fils comme notre seul Créateur.
Quand le Verbe Eternel eut résolu de venir sur la terre, il ne prit point de demi-mesure, il ne fit rien à moitié, il voulut être homme comme nous, avoir un corps et une âme et se les approprier. Il ne se donna pas une forme apparente ou accidentelle comme celle que prennent les anges quand ils descendent sur la terre; il ne se borna pas à protéger simplement, en lui donnant le nom de Dieu, un homme déjà existant, à la façon dont il protégeait ses saints, non; mais il « se fit chair« , il s’identifia à l’humanité ; il devint aussi réellement homme qu’il était Dieu.
De sorte que, depuis lors, il est tout à la fois Dieu et homme, ou, en d’autres termes, il réunit deux natures :
– la nature Divine
– la nature humaine
En une seule personne, c’est là un mystère si merveilleux, qu’il n’y a que la foi qui puisse l’admettre ; l’homme naturel peut bien l’accepter pour quelque temps; il peut croire qu’il l’admet, mais, en réalité, il ne le croit jamais bien fermement ; tout en le confessant, il le repousse en secret, il l’élude et s’en éloigne. L’homme naturel a toujours agi de cette façon, même du temps du disciple bien aimé, des hommes prétendaient que Notre Seigneur n’avait point de corps, ou qu’il avait un corps formé dans le ciel, que ce n’était pas lui qui souffrait, cependant un autre qui souffrait à sa place, ou bien ils disaient qu’il avait visité passagèrement, au moment de son baptême et de sa passion, le corps mortel qui était né de Marie, et qui avait souffert la mort sur le Calvaire.
D’autres, au contraire, prétendaient qu’il n’était qu’un homme, et rien de plus. La raison humaine non régénérée par la foi, ne pouvait se décider à croire à la vérité annoncée par Saint Jean :
« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu…, et le Verbe a été fait chair, et il a habité parmi nous.«
Le même fait se présente de nos jours. Il y a peu de protestants qui aient une notion exacte de la doctrine du Dieu homme en une personne, ils parlent de la divinité de Jésus Christ en termes vagues et évasifs, on dirait qu’ils n’aiment pas faire connaitre leur opinion sur ce sujet, de peur, qu’elle ne paraisse trop catholique.
Ils nous disent que cette question est de celles qu’il faut réserver, car on ne peut l’aborder sans s’exposer à tomber dans la technologie et les subtilités. Puis, quand ils expliquent l’Evangile, ils nous présentent Jésus Christ non pas comme étant simplement Dieu, mais comme un composé de Divinité et d’humanité, moitié l’un, moitié l’autre, ou entre les deux, ils le représentent encore comme un homme chez lequel résidait une présence divine toute particulière.
Quelquefois ils vont jusqu’à nier qu’il fût le Fils de Dieu dans le ciel, ils disent qu’il devint Fils de Dieu lorsqu’il fut conçu du Saint Esprit, mais ils se scandalisent et croient faire preuve de respect et de bon sens en se montrant scandalisées, lorsqu’on représente l’Homme purement et simplement comme étant Dieu. Ils ne tolèrent que par manière de parler ou dans un sens figuré, l’assertion contraire qui consiste à dire que Dieu a eu un corps humain et qu’il a souffert, ils trouvent que « l’expiation » et la « sanctification par l’Esprit » comme ils disent, est la somme de la substance de l’Evangile, et ils ont horreur de toute expression dogmatique qui va au-delà.
Telle est, je crois, la tendance des opinions des protestants anglais sur la divinité de Jésus Christ, tant de ceux qui appartiennent à la communion anglicane que de ceux qui en sont séparés, sauf une légère fraction des premiers.
Or, si vous voulez protester contre des opinions si anti-chrétiennes, si vous voulez établir d’une manière nette, évidente, précise, le principe professé par l’Eglise Catholique que Dieu est homme, le meilleur moyen de remplir ce but, n’est-il pas de citer l’autorité d’un évangéliste, de saint Jean, qui dit que Dieu s’est fait homme ?
En effet, ce dogme eût-il pu être exprimé en termes moins ambigus qu’il ne l’est dans ce passage où nous lisons qu’il naquit homme et qu’il eut une mère ? Le monde convient que Dieu est homme, cette concession lui coûte peu, car Dieu est partout, et l’on pourrait ajouter qu’il est tout, mais le monde hésite à confesser que Dieu est fils de Marie. Il hésite à faire cet aveu, car cet aveu entraîne la réfutation de son incrédulité et la ruine de sa manière de voir les choses.
La doctrine révélée prend, aussitôt cette vérité admise, sa forme véritable, et revêt un caractère de réalité historique, le Tout Puissant est introduit dans sa créature à une certaine époque, et d’une façon bien définie.
Les rêves s’évanouissent, et les ombres disparaissent, la vérité de Dieu n’est plus une expression poétique ni une exagération dévote, ni une dispensation mystique, ni un point de vue mythique.
« Vous ne vouliez pas le sacrifice et l’offrande » ces ombres de la loi, « mais vous avez préparé un corps pour moi. » « Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux et que nos mains ont touché, ce que nous avons vu et entendu, nous vous le déclarons«
Tels sont les témoignages que l’Apôtre opposait « aux esprits qui niaient l’apparition de Jésus Christ dans la chair » et qui le « dissolvaient » en niant sa nature divine et sa nature humaine. En reconnaissant que Marie est Deipara ou Mère de Dieu, on met la déclaration de l’Apôtre à l’abri de toute fausse interprétation, de toute hérésie, on déjoue toutes les ruses, on dénonce tous les complots de ces mauvais esprits de « l’antéchrist qui se sont répandus dans le monde«
Cette croyance déclare que Jésus Christ est Dieu, elle implique qu’il est homme, elle présente à notre esprit qu’il est encore Dieu, quoiqu’il soit devenu homme, et qu’il est véritablement homme, quoiqu’il soit Dieu. En confirmant la réalité de l’union des deux principes, elle atteste la réalité de ces deux principes en eux-mêmes : du principe divin et du principe humain.
Si Marie est mère de Dieu, Jésus Christ est nécessairement Emmanuel, c’est-à-dire « Dieu avec nous« . C’est pourquoi, lorsque, par la suite des temps, les mauvais esprits et les faux prophètes devinrent plus forts et s’introduisirent dans le sein même de l’Eglise, celle-ci, sous la conduite de Dieu, ne trouva pas de moyen plus efficace ni plus sûr de les expulser que d’adopter contre eux le mot de Deipara, et, d’autre part, lorsqu’ils sortirent du royaume des ténèbres et qu’ils conspirèrent l’entier bouleversement de la foi chrétienne au seizième siècle, ils ne trouvèrent pas de moyen plus sûr d’atteindre leur but que de rabaisser et de blasphémer les prérogatives de Marie, car ils savaient bien positivement qu’une fois qu’ils auraient amené le monde à mépriser Marie, ils l’amèneraient bientôt après à mépriser Jésus Christ.
Satan était en ceci du même avis que l’Eglise. Il reconnaissait que la mère et le fils étaient inséparables, et ce témoignage a été confirmé par une expérience de trois siècles, car les catholiques, qui honoraient la mère, adorent encore le fils, tandis que les protestants qui ont cessé de confesser le fils, avaient commencé par insulter la mère.
Vous voyez, mes frères, que le système de la révélation est parfaitement conséquent sur ce point, et que toutes les doctrines en sont rigoureusement déduites les unes des autres. On honore Marie pour la gloire de Jésus. Il était juste que la Sainte Vierge, en sa qualité de créature, et quoiqu’elle fût la première d’entre elles, eût une mission particulière. Elle est venue dans ce monde comme les autres créatures, pour accomplir une tâche, pour remplir une mission ; et sa grâce et sa gloire ne sont pas à elle : elles sont à son Créateur à elle, est confié le soin de l’incarnation, telle est sa destinée.
« Une vierge concevra un fils, et on lui donnera le nom d’Emmanuel.«
Comme elle était personnellement la gardienne terrestre de son divin fils, qu’elle l’a porté dans son sein, qu’elle l’a serré dans ses bras, qu’elle l’a nourri de son lait, sa gloire, les honneurs qu’on lui rend actuellement et qu’on lui rendra jusqu’à la dernière heure de l’Eglise, proclament et définissent la foi qu’on doit avoir en son fils, considéré comme Dieu et comme homme.
Toutes les églises consacrées à la Vierge, tous les autels placés sous son invocation, toutes les images qui la représentent, toutes les litanies en son honneur, tous les Ave qu’on prononce en commémoration de celui de l’archange, ont pour but de nous rappeler qu’il y eut un Dieu qui, quoique bienheureux de toute éternité, « ne craignit pas de descendre dans le sein d’une vierge« .
Elle est la turris Davidica, comme l’appelle l’Eglise, la tour de David. Elle est le rempart solide et haut du roi du véritable Israël, c’est pourquoi l’Eglise lui attribue dans l’Antiphonaire « d’avoir détruit à elle seule toutes les hérésies du monde entier. »
Ceci m’amène à une considération qui est contenue implicitement dans ce que je viens de dire. Si la Deipara doit porter témoignage d’Emmanuel, il faut qu’elle soit nécessairement plus que la Deipara, car, pour qu’un rempart mérite ce nom, il doit être fort, une tour doit avoir « des bastions« , comme celle de David, il faut que « des milliers de boucliers y soient suspendus, et toutes les armures des hommes de guerre.«
Pour nous convaincre que Dieu s’était fait homme, il fallait que sa mère fût une femme à part, une mère sans asile dans l’Eglise, sans dignité, sans dons, n’eût pas été une mère en tant que devant porter témoignage de l’incarnation. Son souvenir ne se serait pas gravé dans le coeur ni dans l’esprit des hommes. Pour qu’elle puisse rappeler et attester que Dieu se fit homme, il faut qu’elle occupe dans le ciel un rang éminent et sublime, il est nécessaire qu’elle commande le respect pour pouvoir imposer la foi. Dès qu’elle a attiré notre attention, elle commence à nous parler de Jésus. Nous nous demandons :
« Aurait-elle de semblables prérogatives, si son fils n’était Dieu ? Et que n’est-il pas de sa nature, puisqu’elle est si grande par la grâce ! «
Voilà pourquoi elle a encore d’autres prérogatives, telles que le don de la pureté personnelle et de l’intercession, dons qui sont distincts de sa maternité. Ces dons lui ont été départis, afin qu’elle puisse dignement remplir sa mission, et la gloire lui a été accordée, afin qu’elle puisse convertir les âmes à Jésus Christ.
Voilà pourquoi sa personne a été rendue plus glorieuse que son rôle, sa pureté est un don plus sublime que sa parenté avec Dieu. Tel est le sens de la réponse que Jésus Christ fit à une femme d’entre la foule qui s’écria en l’entendant prêcher :
» Bénis soient le sein qui t’a porté et les mamelles qui t’ont allaité ! «
Jésus, dans sa réponse, rappelle à ses disciples qu’il y a une bénédiction encore plus grande.
« Oui, dit-il, bénis sont plutôt ceux qui entendent la parole de Dieu et qui la gardent «
Vous savez, mes frères, que les protestants voient dans ces paroles une insulte à la grandeur de Notre-Dame, mais, en réalité, ces paroles signifient tout le contraire de ce qu’ils imaginent. Examinez-les attentivement.
Le Seigneur dit qu’il est plus glorieux de garder ses commandements que d’être sa mère, mais quel protestant oserait soutenir qu’elle ne gardait pas ses commandements ? Elle les observait sans aucun doute, et Notre Seigneur dit que cette obéissance était un privilège d’un ordre plus élevé que celui d’être sa mère, elle était plus heureuse dans son détachement des créatures, dans sa dévotion envers Dieu, dans sa pureté virginale que dans sa maternité, et si, comme le pensent les catholiques, elle obéissait d’une manière dix mille fois plus parfaite que les plus saints d’entre les hommes, il s’ensuit que sa sainteté était une prérogative supérieure à toutes les autres.
Telle est l’opinion constamment professée par les Pères de l’Eglise :
« Ce fut, dit Saint Augustin, une plus grande bénédiction pour Marie de recevoir la foi de Jésus Christ que de concevoir sa chair «
Saint Chrysostome déclare que, même après avoir porté Jésus dans son sein, elle n’aurait pas été bénie, si elle n’avait pas entendu la parole de Dieu et ne l’avait pas gardée. Cela eût été impossible, car elle fut rendue Sainte afin de pouvoir être sa mère, et les deux saintetés sont inséparables. Dès qu’elle eut été choisis pour donner sa chair et son sang au Verbe éternel, son âme et son corps se trouvèrent pleins de grâce, mais elle reçut une double bénédiction, celle de son emploi et celle de son aptitude à cet emploi, or la seconde était supérieure à l’autre. C’est pour cette raison que l’Ange l’appelle bénie, « pleine de grâce, lui dit-il, bénie entre les femmes.«
Sainte Elisabeth la bénit aussi en disant : « Soyez bénie, vous qui avez cru » Elle confirma elle-même cette vérité lorsque l’ange lui annonça la faveur qui lui était accordée.
Toutes les femmes juives, de génération en génération, avaient espéré être mères du Messie, c’est pourquoi le mariage était considéré comme un devoir et le célibat comme un état peu convenable. Marie seule ne songeait point à une telle faveur et ne la désirait pas. Celle qui était destinée à donner naissance à Jésus Christ refusait de le porter dans son sein. Il s’abaissa jusqu’à elle, mais elle se détourna, et pourquoi ? Parce que, la première d’entre les femmes, elle avait reçu l’inspiration de consacrer sa virginité à Dieu, et elle n’accueillait pas avec joie un honneur qui impliquait la violation de son vœu.
« Comment cela serait-il, s’écria-t-elle, puisque je suis séparée de tout homme ?«
Et ce ne fut qu’après que l’ange lui eut dit qu’elle concevrait miraculeusement du Saint Esprit que son « trouble » se dissipa, qu’elle le reconnut pour un messager du ciel, et qu’elle baissa la tête avec respect et gratitude, devant la condescendance de Dieu.
Marie est, dans la pureté de son âme et de son corps, un modèle, et plus qu’un modèle de ce qu’écoutait l’homme avant sa chute, et de ce qu’il eût été s’il s’était élevé à la perfection. Il eût été triste, c’eût été une victoire pour l’esprit du mal, si toute la race d’Adam avait passé sans présenter un seul exemple de ce que le Créateur avait voulu qu’elle fût dans son état primitif. Vous savez qu’Adam avait été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, sa nature faible et imparfaite avait été fortifiée et ennoblie par les dispensations de la grâce divine.
Les passions violentes n’existaient chez lui qu’en germe, comme un mal latent et possible, son ignorance fut dissipée par la pure clarté de l’Esprit Saint, et sa raison, souveraine sur tous les mouvements de son âme, était humblement soumise à la volonté de Dieu. Son corps fut préservé de tous les appétits, de tous les goûts désordonnés, et Dieu lui avait promis l’immortalité au lieu de la dissolution. Adam était conséquemment dans un état surnaturel, et s’il n’avait point commis de péché, il aurait avancé tous les ans en grâce et en mérite, il aurait gagné toujours plus la faveur de Dieu, jusqu’au moment où il aurait passé du paradis dans le ciel.
Mais il succomba, ses descendants furent formés à son image et non pas à celle de dieu, le monde devint pire au lieu de devenir meilleur, les jugements de Dieu retranchaient les générations coupables les unes après les autres, mais sans améliorer la race humaine, parce que » l’homme est chair » et que « les pensées de son coeur avaient, de tout temps, été tournées au mal » Cependant, Dieu a résolu de porter remède à cette situation, le Rédempteur est prêt, Dieu va faire une grande oeuvre, et il veut la faire convenablement :
« Là où le péché abondait, la grâce devait abonder encore plus «
Quand il naît un fils aux rois de la terre, ils répandent leurs largesses à pleines mains, ils élèvent des monuments remarquables, ils honorent le jour, le lieu, témoins de cet heureux événement, ils récompensent les personnes qui l’annoncent.
La naissance d’Emmanuel ne changea rien à cet usage anciennement établi dans le monde. L’époque où il naquit fut un temps de grâces et de prodiges, or, ces grâces et ces prodiges devaient se résumer d’une manière toute spéciale dans la personne de sa mère.
Le cours des âges devait être renversé, la tradition du mal devait être interrompue, une porte de lumière devait s’ouvrir au milieu des ténèbres pour servir de passage au juste, une vierge le conçût et l’enfanta. Il fallait, pour accroitre encore la gloire du Sauveur, que celle qui devait être l’instrument de son incarnation fût un miracle de sa grâce, il fallait qu’elle triomphât là où Eve avait succombé, et qu’elle « broyât la tête du serpent » par la perfection irréprochable de sa sainteté. A quelques égards, cependant, la malédiction ne fut pas retirée, car Marie vint dans un monde déchu et se soumit à ses lois.
Elle fut exposée, comme le fils qu’elle portait, aux douleurs de l’âme et du corps, elle fut soumise à la mort, mais elle ne fut pas soumise au pouvoir du péché. Comme la grâce fut départie à Adam, dès le premier moment de sa création, de telle façon qu’il ne s’aperçut jamais de sa pauvreté naturelle avant le moment où le péché la lui montra, ainsi la grâce fut donnée à Marie encore plus abondamment, et elle resta étrangère à la privation d’Adam.
Elle commença, tant en science qu’en amour, par où les autres finissent. Elle fut dès le commencement revêtu de sainteté, marquée du sceau de la persévérance, elle fut lumineuse et glorieuse aux yeux de Dieu, et continuellement occupée à des actes méritoires jusqu’à son dernier jour. On peut dire d’elle avec emphase qu’elle était
« le sentier du juste qui, semblable à la lumière brillante, avance et s’accroît jusqu’au jour de la perfection «
L’innocence des pensées, des paroles, et des actes, dans les petites choses comme dans les grandes, dans les questions peu importantes comme dans les questions plus graves, n’est que la conséquence nécessaire et naturelle d’un pareil commencement. Si Adam put se préserver du péché dans son premier état, à plus forte raison Marie a dû conserver intacte l’admirable pureté de son âme.
Telle est sa prérogative de perfection exempte de tout péché, et cette prérogative lui fut donnée, comme sa maternité, à cause d’Emmanuel, c’est pour cela que lorsque l’ange, en la saluant, l’appela : gratia plena, elle répondit humblement : Ecce ancilla Domini, voici la servante du Seigneur.
Sa troisième prérogative, qui complète la série de ses gloires, dérive à la fois de sa maternité et de sa pureté, c’est son pouvoir d’intercession.
« Dieu n’entend pas les pêcheurs, mais si un homme l’adore et fait sa volonté, il l’écoute » or si « les prières continuelles d’un homme juste lui sont très utiles » si le fidèle Abraham fut chargé de prier pour Abimélec, « car il était prophète » si Job le patient dut « prier pour ses amis » parce qu’il avait dit des choses justes devant Dieu.
Si le bon Moïse, en levant les mains au ciel, fit pencher la fortune du combat en faveur d’Israël contre Amalec, qu’y a-t-il d’étonnant que Marie, la seule enfant sans tache de la race d’Adam, ait une influence transcendante auprès du Dieu de grâce ? Et si les gentils de Jérusalem, désirant être admis auprès de Jésus, allèrent trouver Philippe, qu’ils savaient être un de ses apôtres, pour le prier de leur obtenir cette faveur, si Philippe s’adressa à André, parce que celui-ci jouissait encore plus de la confiance du Seigneur, doit-on s’étonner que la Mère du Sauveur ait auprès de son Fils une autorité différente dans l’espèce de celle des anges les plus purs et des saints les plus élevés en gloire ?
Si nous avons la foi nécessaire pour croire à l’Incarnation, nous devons l’admettre avec toute sa plénitude, pourquoi repousserions-nous les grâces qui en découlent, qui s’y rattachent, qui y sont contenues ? Si le Créateur est venu dans le monde sous la forme d’un esclave et d’une créature, pourquoi, d’autre part, sa mère ne s’élèverait-elle pas au rang de Reine des cieux, ne serait-elle pas revêtue de la lumière du soleil, et n’aurait-elle pas la lune sous ses pieds ?
Je ne cherche pas à vous prouver ces doctrines, mes frères, elles sont vraies, puisque l’Eglise les déclare vraies. L’Eglise est l’oracle de la vérité religieuse, elle est chargée de répandre en tout temps et en tous lieux les vérités dont les Apôtres lui ont confié le dépôt. Nous devons la croire sur parole et sans preuve, parce que Dieu nous l’a envoyée pour nous enseigner comment il faut faire pour lui plaire et c’est à ce signe qu’on reconnait si nous sommes Catholique ou non.
Je ne cherche pas à prouver ce que vous admettez déjà, je veux seulement vous montrer, dans un exemple, la beauté et l’harmonie des enseignements de l’Eglise, qui sont si propres, selon les vues de Dieu, à la recommander aux investigateurs et à la faire aimer par ses enfants. Encore un mot, et j’ai fini, je vous ai montré combien sont pleines de sens les vérités que l’Eglise enseigne concernant la très Sainte Vierge, remarquez maintenant combien est pleine de sens aussi la dispensation de ces vérités.
Vous trouverez dans ces vérités la même tendance à rehausser la gloire de Jésus Christ que nous avons déjà remarqué dans les prérogatives de Marie. Vous savez que lorsque Jésus commença ses prédications, sa mère se tint à l’écart, elle ne se mêla pas de son œuvre et même, quand il fut retourné au ciel, elle n’alla pas prêcher et enseigner, elle ne s’assit pas dans le siège apostolique, elle ne prit point part au ministère du prêtre, elle se borna à chercher humblement son Fils dans la messe dite chaque jour par les Apôtres, qui, bien que ses ministres dans le ciel, étaient sur la terre ses supérieurs dans l’Eglise.
Après sa mort, et celle des Apôtres, lorsqu’elle devint Reine, et qu’elle prit place à la droite de son fils, elle ne s’adressa pas même alors au peuple fidèle pour qu’il publiât son nom jusqu’aux extrémités du monde, ou pour qu’il l’exposât à ses regards, mais elle attendit tranquillement le temps où sa gloire pourrait contribuer à servir celle de son Fils.
Jésus Christ avait été dès le commencement proclamé par la Sainte Eglise et inauguré dans son temple, car il était Dieu, il eût été peu convenable de la part de l’oracle vivant de la vérité, de dérober aux fidèles l’objet de leur adoration, mais il en fut autrement de Marie.
La qualité de créature, de mère, de femme, lui imposait le devoir de céder le pas à son Fils, de se faire sa servante, et de ne se frayer un chemin dans le coeur des hommes que par la voie e la persuasion et de la douceur. Quand le nom de Jésus fut déshonoré, elle sentit son zèle se ranimer, quand Emmanuel fut renié, la Mère de Dieu entra en scène, elle jeta ses bras autour de lui et permit qu’on l’honorât afin de consolider le trône de son Fils.
Lorsqu’elle eut rempli cette sainte tâche, son rôle fut fini, car elle ne combattait pas pour elle-même. L’histoire de sa manifestation ne présente ni controverses animées, ni confesseurs persécutés, ni hérésiarques, ni anathèmes, de même qu’elle avait grandi de jour en jour en grâce et en mérite, à l’insu du monde, elle s’éleva graduellement au sein de l’Eglise par une influence paisible et un progrès naturel.
Elle est semblable à un bel arbre qui étend au loin ses branches fécondes et ses feuilles odorantes, en ombrageant le champ des Saints. Aussi, l’Antiphonaire, dit-il en parlant de Marie :
» Que ta demeure soit en Jacob, et ton héritage en Israël, et pousse tes racines dans Mon Elu «
Plus loin il dit « Et aussi je fus établie à Sion, et je reposai également dans la ville sainte, et ma puissance était à Jérusalem. Je pris racine chez un peuple honorable, et je fus retenue dans la plénitude des Saints. Je fus exaltée comme un cèdre du Liban et comme un cyprès du mont de Sion, j’ai étendu mes branches comme un térébinthe, et mes branches sont d’honneur et de grâce. «
Elle fut mise sur le pavois sans le secours des bras des fidèles, elle remporta une victoire modeste, et elle exerce une autorité aimable qu’elle a obtenue sans la rechercher. Quand des débats se sont élevés entre ses enfants relativement à sa puissance, elle les a apaisés, quand on a fait des objections contre son culte, elle a patiemment attendu le jour où ses droits ne seraient plus contestés, oui, elle a attendu jusqu’à ce qu’elle reçoive enfin, en notre temps, si Dieu le permet, et sans aucune opposition, sa plus brillante couronne, et qu’on reconnaisse au milieu des jubilations de l’Eglise entière, la pureté immaculée de sa conception.
Ainsi, ô Sainte Marie, vous êtes, dans la croyance et l’adoration de l’Eglise, la sauvegarde d’un grand nombre de ses doctrines, la grâce et la douce lumière de toutes ses dévotions. Le Très Haut a réalisé en vous, ô Marie, un dessein primitif dont nous portons témoignage. Il avait résolu de descendre sur la terre dans sa gloire céleste, mais les hommes ont péché, et en conséquence, il ne pouvait les visiter avec sécurité qu’en voilant son éclat, en amortissant sa majesté, car il était Dieu.
C’est pourquoi il vint parmi nous sous les dehors de la faiblesse, et non sous ceux de la puissance, c’est pour cela qu’il vous envoya en sa place, ô Marie, vous sa créature, avec la beauté d’une créature et un lustre approprié à votre état. Votre figure et votre personne, douce Mère, nous rappellent l’Éternel, votre beauté n’est pas dangereuse à voir comme la beauté terrestre, elle est brillante et harmonieuse comme l’étoile du matin, votre emblème, elle respire la pureté, elle annonce le ciel, elle inspire la paix.
O messagère du jour ! Ô espoir du pèlerin ! Continuez à nous conduire comme vous nous avez conduits jusqu’ici, conduisez-nous à travers la nuit sombre et les déserts arides, conduisez-nous vers Jésus, conduisez-nous vers la patrie.
Maria mater gratiae,
Dulcis parens clementiae,
Tu nos ab hoste protege
Et mortis horâ suscipe.
Reportons aujourd’hui nos pensées mes frères, afin de vous aider à le faire, je vais commencer par exposer quels ont été, dès les premiers siècles, les enseignements de l’Eglise concernant la Très Sainte Vierge, et vous verrez que la dévotion que ses lui témoignent et le culte dont ils l’honorent, sont la conséquence naturelle de ses leçons.
Or, vous savez que, dès les premiers siècles, les chrétiens regardaient la Vierge comme la Mère de Dieu, et que cette qualité ne tarda pas à être précisée. Elle n’est pas seulement la Mère de l’humanité ou du corps de Notre Seigneur, il faut aussi la considérer comme la Mère du Verbe lui-même, du Verbe incarné.
Dieu, dans la personne du Verbe, dans la seconde personne de la très-glorieuse Trinité, s’humilia jusqu’à devenir le Fils de Marie. Non horruisti virginis uterum, ainsi que le chante l’Eglise, Il emprunta de la Vierge la substance de sa chair mortelle, revêtu de cette chair, il demeura dans son sein, il la porta après sa naissance comme un gage et une preuve que, tout en étant Dieu, il était Fils de Marie. Ce fut Marie qui le nourrit et qui l’éleva, ce fut elle qui le berça dans ses bras. Quand il fut plus grand, il la servit et lui obéit.
Il vécut pendant trente ans dans la même maison, ayant des rapports continuels avec elle et avec Joseph, la seule personne qui eut part aux premières affections de Jésus. Elle fut témoin de sa croissance, de ses joies, de ses douleurs, de ses prières, elle fut bénie par son sourire, par le contact de ses mains, par l’expression de son amour filial, de ses pensées et de ses sentiments. Je vous le demande, mes frères, celle qui jouissait de semblables faveurs, que devait-elle être ? Qu’était-il convenable qu’elle fût ? Marie a donné le jour au Sauveur, quelle sera sa récompense ? Que fera-t-on pour celle qui a joui d’un degré de parenté si intime avec le Très-Haut ? Quels hommages rendrons-nous à celle que le Seigneur a fait, non pas son amie, sa confidente, mais sa supérieure, la source de sa seconde existence, la nourrice de son enfance persécutée, la protectrice de ses premières années ?
Il n’y a rien de trop grand pour celle à qui Dieu doit la vie, il n’y a aucun excès de grâces ni de gloire qui ne lui convienne, qui ne soit la juste récompense de celle qui, après avoir porté le Seigneur dans son sein, lui a donné le jour. Qu’elle soit « revêtue des habits du roi » c’est-à-dire que la plénitude de sa Divinité l’environne, afin qu’elle devienne l’emblème de la sainteté, de la beauté, de la gloire intraduisible de Dieu lui-même, afin qu’elle soit le miroir de la justice, la rose mystique, la tour d’ivoire, la maison d’or, l’étoile du matin, « qu’on lui mette le diadème royal sur la tête » parce qu’elle est la reine du ciel, la mère de tous les vivants, le salut des faibles, le refuge des pécheurs, la consolation des affligés, que « les seigneurs qui sont auprès du roi marchent devant elle«
C’est-à-dire que les anges, les prophètes, les apôtres, les martyrs et tous les saints, baisent le bas de sa robe et se réjouissent à l’ombre de son trône. C’est ainsi que le roi Salomon s’est levé pour aller à la rencontre de sa mère, s’est incliné devant elle, a fait apporter un siège pour la mère du roi, et l’a fait asseoir à sa droite.
Source : Cardinal John Henry Newman Conférences adressées aux protestants et aux catholiques, 1850
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