Dans le même siècle où saint Malachie écrivit ses prédictions cryptiques sur les papes à venir, l’abbé cistercien Joachim de Flore rédigea ses propres prophéties mystiques concernant les futurs papes et la fin des temps.
Né dans le village du sud de l’Italie de Celico vers 1135, il s’éleva en tant que mystique et conseiller, comptant la reine Constance de Sicile et le roi Richard Cœur de Lion parmi ceux qui cherchaient ses conseils. Il vécut en tant que cistercien avant de fonder l’abbaye de San Giovanni di Fiore, qui fut abandonnée après sa mort.
Les lecteurs peuvent désormais accéder aux prophéties de Joachim de Flore pour la première fois en anglais, rassemblées dans un mince volume illustré édité par le père Robert Nixon, OSB (Sensus Fidelium Press, 2023).
Les œuvres de De Flore furent contestées – ses écrits sur la Trinité furent déclarés hétérodoxes par le quatrième concile du Latran – et ses prophéties sont diverses. Il croyait que le monde prendrait fin en l’an 1260, mais il prédit avec précision la montée des ordres dominicain et franciscain, fondés au siècle suivant sa mort en 1202. Il n’a pas encore été officiellement béatifié, bien qu’il soit couramment appelé « Bienheureux ». Dante Alighieri le place au Paradis, témoignant de son influence culturelle durable.
S’appuyant sur la théorie des trois âges de l’histoire humaine, les écrits de De Flore supposent une apocalypse imminente.
L’Âge du Père caractérise l’Ancien Testament. L’Âge du Fils fait référence à la vie de Jésus et à l’établissement de la Nouvelle Alliance. L’Âge du Saint-Esprit englobe le reste de l’histoire humaine, de l’Ascension jusqu’à l’Apocalypse. Nous vivons nécessairement dans ce troisième âge – et pour De Flore, l’urgence de cette trajectoire prévalait dans son interprétation des événements de l’Église et du court avenir.
Le livre se compose des 30 prophéties de De Flore, ou « oracles« , concernant les papes, étayées par ses prophéties sur les ordres dominicain et franciscain, et complétées par son interprétation du nombre de la bête dans le Livre de l’Apocalypse. Les appendices incluent une image du XVIIe siècle fournissant une interprétation cyclique des oracles, et les prophéties papales du XVIe siècle du Bienheureux Giodcocho Palmerio.
Les lecteurs qui espèrent établir des parallèles clairs avec les pontifes connus seront probablement déçus, car les prophéties sont presque entièrement indéchiffrables. L’éditeur n’interprète ni n’approfondit les prophéties spécifiques, laissant cette tâche au lecteur. Il reconnaît la nature déroutante des prophéties, déclarant :
« Alors que l’identification des papes mentionnés dans les prophéties probablement non authentiques attribuées à saint Malachie est une tâche relativement simple, comprendre les déclarations prophétiques attribuées au Bienheureux Joachim est loin d’être simple (comme tout aspirant interprète le découvrira très bientôt !) Néanmoins, l’espoir du traducteur est que les lecteurs modernes puissent trouver ces oracles mystiques, malgré leur obscurité et leur ambiguïté, beaux, frappants et stimulants.«
Mes tentatives pour comprendre les prophéties ne m’ont mené nulle part, mais j’ai remarqué plusieurs thèmes émergents.
Tout d’abord, la nature apocalyptique des écrits est évidente : par exemple, l’Oracle XV déclare : « C’est la bête finale, terrible en aspect, qui fera descendre les étoiles des cieux », utilisant un langage cosmique et final rappelant le Livre de l’Apocalypse.
Deuxièmement, la succession des papes oscille entre le bien, le mal et le conflictuel.
« Frauduleusement, tu es entré, puissamment, tu as gouverné. Mais en pleurant, tu mourras ! » (Oracle VI) suggère un leader corrompu, tandis que les vertus du pape dans l’Oracle XVI sont louées :
« Une bonne œuvre ! Il fera don d’un trésor aux pauvres. »
Certains règnes ne sont pas aussi simples : l’Oracle XXVIII célèbre la « deuxième vie » illustre d’un homme d’une famille importante, mais prédit que « après seulement deux ans, il rentrera dans la roche, mort« . La distinction entre pape et antipape n’est pas faite, laissant beaucoup de place à la spéculation rétrospective.
Troisièmement, l’auteur fait référence à des figures familières pour souligner les caractéristiques futures des papes. Néron fait plusieurs apparitions, représentant une sorte d’Antéchrist. Simon le Magicien est mentionné comme un adversaire actuel, faisant peut-être allusion à la montée de diverses formes de gnosticisme au Moyen Âge. Joachim de Flore utilise également des images allégoriques populaires : la colombe, le renard et l’ourse sont des dispositifs fréquemment utilisés, délimitant les différentes nuances de vertu, de vice et de duplicité.
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Un autre élément intéressant du livre est la reproduction de croquis originaux qui accompagnent chaque prophétie. Comme le note l’éditeur, les images ne sont pas simplement supplémentaires, mais font partie intégrante de chaque prophétie. Ce sont des représentations frappantes de chaque pape en question, riches en symbolisme et portant toujours la tiare papale inimitable.
Dans l’ensemble, ce volume est une source primaire fascinante d’un abbé relativement inconnu d’une période obscure, rendue accessible à une nouvelle génération de catholiques qui sont souvent amenés à méditer sur le rôle de la papauté. Il ne contient peut-être pas beaucoup de réponses directes, mais il sera précieux pour les chercheurs de l’Église médiévale et de la prophétie apocalyptique.
Cet article a été initialement publié par Catholic Exchange puis traduit par LeCatho | Lien original.