Les Juifs ne surent pas se préserver du culte abominable pratiqué par les nations voisines , et c’est ce qui leur attira ,comme châtiments de la part de Dieu, les huit servitudes successives qu’ils eurent à subir avant l’établissement de la royauté.
S’ils furent depuis lors un peu moins insensés, ils ne restèrent pas non plus toujours sages; mais enfin un dernier malheur vint punir leurs derniers excès, ce fut la grande captivité des soixante-dix ans. Il faut voir en quels termes et comment les prophètes leur reprochent l’idolâtrie, la magie, la célébration des honteux mystères du paganisme.
Aucune page ne nous semble plus éloquente que la suivante du prophète Ezéchiel. Le fils de Buzi, relégué alors sur les bords du fleuve Chobar, dans la Babylonie, est transporté en esprit près du temple de Jérusalem , et le Seigneur lui dit :
« Fils de l’homme , percez la muraille , et regardez ce qu’ils font. J’ai regardé, et j’ai vu les murs couverts de représentations idolàtriques : des reptiles, des quadrupèdes et toutes sortes d’images pour objet de culte aux fils d’Israël ! Les parois de la maison sainte en étaient couvertes , et soixante-dix vieillards , des premiers de la nation , ayant à leur tête Jézonias, fils de Saphan, encensaient à l’envi ces idoles, et le temple était rempli d’un nuage de fumée d’encens. Et en me tournant vers la grande porte du côté de l’aquilon, j’ai vu de plus tristes abominations encore : il y avait là des femmes en pleurs qui célébraient les mystères d’Adonis ; puis , dans l’atrium , entre le vestibule et l’autel , vingt-cinq personnes , le dos appuyé au temple et les regards fixés vers l’Orient , qui attendaient le lever du soleil pour lui adresser leurs adorations. »
La captivité des soixante-dix ans, précédée à plusieurs reprises de très-grands malheurs, comme d’autant d’avertissements , eut enfin raison d’un tel aveuglement. Ceux des Juifs qui en revinrent étaient instruits et corrigés Mais , ne voulant pas rester en arrière des autres peuples en fait de magie , et se priver d’un avantage que toutes les nations estimaient à si haut prix , ils en créèrent une à leur propre usage , en rapport avec leur religion , et aussi différente des autres magies que leur religion était différente des autres religions. Ils l’appelèrent du nom de cabale , et la déduisirent d’interprétations tirées de prétendues traditions qui remontent on ne sait où , et s’appuient sur on ne sait quoi.
Des auteurs modernes se plaisent à chercher l’origine de la cabale dans les dogmes de la religion de Zoroastre , auxquels les Juifs se seraient initiés pendant la captivité ; mais cette pensée est certainement vaine; la cabale n’a rien qui ressemble au zoroastrisme. Elle est née, dans la Judée même, des excès d’une exégèse trop subtile , et si elle ressemblait à autre chose qu’à elle-même, ce serait plutôt par sa dogmatique aux idées cabiriennes.
La cabale se divise en deux parties principales : la mercava et la bereschit. La mercava est la cabale savante , qui traite de Dieu et des natures angéliques. Le mot mercava , qui veut dire chariot , fait allusion au chariot mystérieux des prophéties d’Ezéchiel. Bercschit est le premier mot. de la Genèse ; les cabalistes l’ont choisi pour exprimer cet autre genre de cabale qui court après les merveilles.
Le mot cabale, qui veut dire acception, est formé lui même cabalistiquement du corrélatif mororah, qui veut dire tradition.
La cabale existait comme exégèse biblique au temps des Lagides , puisqu’on en trouve des traces nombreuses dans la traduction des Septante. Elle existait comme magie au premier siècle du christianisme , puisque Josèphe fait mention d’ouvrages de ce genre attribués à Salomon. Ils sont perdus , et le plus ancien livre cabalistique qui nous reste paraît être le Zohar, de Simon-ben-Jokai , contemporain de Josèphe. On le considère comme le fondement de la cabale moderne.
Nous ne suivrons pas la mercava dans ses hautes et folles contemplations ; il nous suffira de montrer le parti que Satan sut tirer de ce moyen pour altérer le dogme religieux. Aux yeux des cabalistes , la création se fait dans le sein de Dieu même, par suite d’un mouvement ondulatoire qu’il imprima dès le commencement à la lumière incréée, qui est sa propre substance. Ce mouvement produit dix ondes, qui sont les dix sepphiroth, ou splendeurs de Dieu, et les dix mondes créés , inférieurs en perfection l’un à l’autre, comme les ondulations produites à la surface de l’eau par un choc sont inférieures en puissance l’une à l’autre, à mesure qu’elles s’éloignent du centre. D’où résulte que tout est à l’image de Dieu , comme le vêtement à l’image du corps.
Ainsi, déjà la création est niée : tout procède de Dieu par émanation, tout est la substance même de Dieu, tout est Dieu. Dès le premier pas nous voilà arrivés au panthéisme, qui est la suppression de la personnalité , et celle du bien et du mal moral. Les cabalistes modernes admettent cette conséquence ; beaucoup parmi les anciens l’admettaient également.
Mais ce n’est pas tout; la lumière incréée est incorporelle, d’où il suit que la matière n’est qu’une vaine apparence et n’existe pas en réalité, et, par une conséquence immédiate, que tous les actes qui nous semblent accomplis à l’aide de nos membres , n’ont aucune réalité , et ne peuvent ainsi constituer ni le bien ni le mal , et leur répétition ni le vice ni la vertu.
Au premier degré des émanations est l’Adam-Kadmon , l’homme immense, l’homme divin ; au dernier, l’Adam terrestre microcosme de tout ce qui existe. De l’Adam-Kadmon procèdent les quatre mondes :
– Asiluth, habité par les pasuphim, esprits célestes faits à l’image d’Adam-Kadmon
– Briah, habité par les cherubim, les seraphim, les malachim et les béni-éloim , esprits inférieurs les uns aux autres et aux pasuphim ;
– Jésirah, habité par les klippoth
– Asiah , habité par l’homme
Les klippoth, ayant voulu se soustraire à l’obéissance envers les béni-éloim , entraînèrent l’homme dans leur parti ; mais, ne pouvant atteindre ce but même avec son aide, ils brouillèrent et gâtèrent toutes choses, par esprit de vengeance, dans leur monde et dans le monde de l’homme.
Bélial est le chef de tous les klippoth; Lilith est son épouse. Ainsi disparait la notion des esprits purs, la notion du péché ; la révolte ne remonte pas jusqu’à Dieu , et il ne reste en face de l’homme qu’un désordre accidentel. Lorsque viendra le Messie, sa mission consistera à rétablir l’ordre. Le monde inférieur habité par l’homme est peuplé d’une multitude d’esprits, de quatre natures diverses, résidant, chacun selon sa nature , dans les quatre éléments ; ces esprits sont des deux sexes; ils ont été créés en qualité d’amis et de serviteurs de l’homme. La cabale pratique apprend les moyens de commercer avec eux.
Le microcosme, abrégé de tous les mondes , tire :
– du premier la pensée,
– du second la raison,
– du troisième les passions,
– du quatrième les appétits physiques.
La plupart des cabalistes lui donnent au moins deux âmes :
– l’une qui est la source de la pensée et de la volonté,
– l’autre dans laquelle naissent les passions et le sentiment;
il en est qui le gratifient d’une troisième, laquelle serait pareille à celle des animaux , c’est-à-dire le pur instinct.
Cet étrange composé se redécompose par suite de la mort, non pas instantanément, mais successivement et lentement, en repassant de monde en monde , où chaque parcelle rentre dans ses affinités , jusqu’à ce que la dernière , définitivement séparée des autres, se réabsorbe dans le sein de Dieu.
Si une telle dogmatique n’est pas la négation de toute morale divine ou humaine, ce n’est rien. S’il reste des devoirs, ils ne peuvent être que de convention ou de convenance; des lois, elles n’ont pas de sanction. Il ne reste d’espoir ni pour la vertu ni pour le malheur ; le seul paradis de l’homme est sur la terre. Aussi l’Évangile nous montre qu’au temps du Sauveur, beaucoup de Juifs n’espéraient rien après la vie , et la plupart considéraient les biens du monde comme les seuls dons de Dieu.
Mais comment descendre de ces hauteurs à la bereschit, ou cabale magique? Toujours par l’exégèse, puisque l’exégèse est la voie et le moyen de toute la cabale.
L’exégèse a trois méthodes :
– la themura
– la gématrie
– la notarique
La themura consiste dans le déplacement des lettres d’un mot ou d’une phrase , et donne naissance au grand art de l’anagramme , à la stéganographie , qui est la science des écritures secrètes , et à la lecture récurrente, qui consiste à commencer la lecture d’une phrase par le dernier mot, ou d’un mot par la dernière lettre.
La gématrie consiste à considérer chaque lettre comme valeur numérale, chaque mot comme un total formé de plusieurs sommes ; d’où il arrive qu’en remplaçant un mot par un autre d’une valeur égale , on a de nouvelles combinaisons et de nouvelles phrases , qui révèlent souvent des mystères inconnus.
La notarique est le grand art des cippes et des acrostiches. Le nom si glorieux des Machabées est formé cabalistiquement des cippes de la phrase suivante : Ma camoch ba elim Jéhovah; qui est semblable à toi, Seigneur, entre les forts?
Ces méthodes aidèrent à trouver dans l’Écriture tous les noms d’anges et de démons , c’est-à-dire de klippoth , dont on eut besoin ; puis, en attribuant aux lettres de leurs noms la double valeur, extrinsèque et intrinsèque, qu’elles comportent, on eut des puissances actives sous la main, et la cabale magique fut créée.
Les douze lettres simples correspondent aux douze signes du zodiaque, aux douze mois de l’année, aux douze membres du corps humain; car il en a douze, ni plus ni moins. Les sept doubles correspondent aux sept extrémités de toutes, choses, qui sont le dessus et le dessous, le nord et le sud, le levant, le couchant et le milieu, qui est le palais de la sagesse.
Au surplus, qu’est-ce que les lettres? ne sont-ce pas les éléments des mots? Mais qu’est-ce que les mots, si ce n’est le nom des choses? Qu’est-ce, en outre, que le nom de la chose, si ce n’est sa propre essence? Aussi la savant Reuchelin a-t-il pu dire avec raison que la cabale est une théologie symbolique , dans laquelle les mots et les lettres ne sont pas les signes des choses, mais plutôt l’âme des choses, res rerum. Le nom et la chose peuvent donc être pris l’un pour l’autre ; la même vertu , la môme valeur se trouvent dans les deux. Le nom de Dieu, qui est Dieu même, ainsi qu’il est d’ailleurs révélé, est donc aussi puissant que Dieu. Jéhovah étant l’archétype de toutes choses , son nom est l’abrégé de l’univers : celui qui le prononce , met le monde entier dans sa bouche ; il fait trembler le ciel et la terre, et les anges épouvantés se demandent quel est l’audacieux mortel qui a osé imprimer une telle secousse aux éléments.
Si le nom prononcé a tant de pouvoir, le nom écrit ne doit pas en avoir moins. Ecrivez donc ce nom redoutable et portez-le ; vous serez invulnérable, l’univers vous sera asservi, vous serez tout-puissant. Nous voilà arrivés aux talismans, c’est-à-dire à la cabale magique. Avant d’en exposer les détails, nous demanderons seulement au docte cabaliste si le mot pain et le mot or, prononcés ou écrits, même en hébreu, équivaudraient à une table servie ou bien à une bourse garnie?
La cabale magique se réduit presque à l’art des amulettes. Il en est de différentes espèces, nommés théphilim, théraphim et totaphot, suivant la méthode employée à les façonner. On peut les diviser en deux grandes classes :
– les amulettes astrologiques
– les amulettes bibliques
Les amulettes astrologiques , produit des principes de l’astrologie judiciaire combinée avec l’exégèse biblique, rentrent dans la classe des abraxas , et prennent le nom de sceaux. Il y a le sceau :
– de la Lune
– du Soleil
– de Saturne, etc.
Celui-ci représente un œil droit, est inscrit du nom divin Abyaïtar et du nom de l’ange Raphaël. Le sceau de Jupiter représente l’œil gauche , est inscrit du nom divin Karchhochetan et du nom de l’ange Gabriel. Vénus a une main droite , le nom divin Hakbathnach et le nom de l’ange Zadéchiel, et ainsi des autres.
Les amulettes bibliques sont de quatre sortes : les uns sont inscrits du nom de Dieu ; les autres , de noms d’anges cabalistiques; les troisièmes, de quelques versets de l’Ecriture en rapport avec le but qu’on se propose ; les quatrièmes sont déduits de l’art des nombres.
Les amulettes inscrits d’un des noms de Dieu sont assurément les plus saints et les plus puissants; mais l’art est difficile, quoique les règles soient connues. Et d’abord il faut s’entendre sur le nom à inscrire : il y a le nom keptacontadyagrammaton, c’est-à-dire de soixante-douze lettres ; le nom tesseracontadyagrammaton, formé de quarante-deux lettres ; le nom dodécagrammaton, formé de douze lettres : ce sont les plus efficaces ; seulement il se présente tant de chances d’erreurs dans la manière de former les lettres, car il y a les jours, les moments et les moyens pour chacune, sans parler des détails de la façon, qu’il est peu sûr de compter sur de telles amulettes. Le tétragrammaton, nom de quatre lettres, appelé schemhamphoras, serait donc de beaucoup le meilleur; mais il se présente d’autres difficultés, car il y a au moins quatre noms de quatre lettres, Jaij, Agla, Jéhovah, Élohim, et quel est le véritable schemhamphoras? Beaucoup d’auteurs tiennent pour Jaij, qui a l’avantage d’être un cippe : il est formé des initiales des mots Jéhovah, Adonaï, Iah, Jaddud, qui sont des noms divins, et sa valeur est 31, nombre égal à la valeur du mot Ell, le premier des noms de Dieu. On leur répond que cet avantage est compensé par un défaut, le cippe n’étant point parfait, puisque les mots dont il est extrait ne forment pas une phrase. Agla est préférable, du moins en tant que cippe parfait: il se compose des initiales des mots Atah gabor leolam, Adonaï, tu es puissant éternellement, Seigneur; signification en rapport avec tel but qu’on puisse se proposer. Nonobstant, il parait que le courant se porte de préférence vers Jéhovah; Élohim est peu en faveur. Et pourtant il y a sur Jéhovah des difficultés radicales insolubles : comment fautil le prononcer, comment faut-il l’écrire ?
Sans parler du changement de caractères et peut-être d’idiome qui s’opéra sous l’administration d’Esdras, changement auquel les cabalistes ne daignent pas foire la moindre attention, quoiqu’il soit de toute importance pour la valeur des principes de leur art, il est certain que ce nom ne se prononce pas comme il s’écrit, et il est très-probable qu’il ne s’écrit plus comme Moïse l’avait écrit. Les cabalistes affirment que dans leur respect pour ce nom adorable, et afin qu’il ne tombât point dans le domaine du vulgaire, leurs ancêtres changèrent la manière de l’écrire, une telle affirmation pourrait bien être vraie, et elle le parait d’autant plus, qu’elle se reproduit avec insistance depuis le sixième siècle du christianisme. Toutes les anciennes bibles manuscrites et celles des premiers siècles étaient l’ouvrage des scribes Israélites, tous, ou peu s’en faut, entichés de la cabale. Dès la fin du sixième siècle, les Juifs affirmaient que la manière d’écrire et de prononcer le nom de Dieu était un mystère pour tout le monde ; autrement, disaient-ils, chacun pourrait faire des miracles, et serait le maître de bouleverser les lois de la nature. Ils ajoutaient que les prophètes et les thaumaturges n’avaient pas eu d’autre secret; qu’il avait suffi à Josué, instruit par Moïse, de prononcer comme il faut ce nom adorable, pour arrêter le soleil. Ils prétendaient que le Sauveur s’était emparé furtivement de ce même nom, en s’introduisant secrètement dans le sanctuaire, où il le copia sur un fragment de parchemin, qu’il cacha ensuite dans une blessure faite avec intention à sa jambe, afin de pouvoir sortir sans que le vol fût aperçu des prêtres ni des chérubins d’or préposés à la garde du Saint-des-Saints. Ils oublient qu’il n’y avait plus ni arche ni chérubins à cette époque.
Les Juifs de ce temps-là, moins bien avisés, accusaient tout bonnement le fils du charpentier, comme ils l’appelaient, d’opérer ses miracles par le nom de Béelzébud, prince des démons. Il est vrai, toutefois, que c’était encore de la cabale. Et en effet elle était alors florissante, comme le montreraient, à défaut d’autres preuves, ce nom et cette classification; mais il en est de plus positives : le Sauveur reprochait dès lors aux docteurs de falsifier la loi en vertu de leurs prétendues traditions. L’apôtre saint Jean fait une allusion très claire aux mêmes traditions dans l’Apocalypse :
« Il viendra un temps, dit-il, où personne ne pourra acheter ni vendre, à moins d’être marqué du nom de la bête, de son caractère ou de son nombre. Que celui qui a la science étudie le mystère : le nombre du nom de la bête est 666, et correspond à un nom d’homme. »
Parmi le grand nombre de noms auxquels ce nombre correspond, nous nous contenterons de citer les noms symboliques de l’antéchrist: Teitan, Lampetis, Lateinos, Artemos. Le nombre 6 à son tour renferme un sens mystérieux, beaucoup plus mystérieux encore lorsqu’il est répété trois fois, comme ici, d’autant plus que la somme est le produit de 6 deux fois multiplié par luimême, puis par 3 et augmenté de 3 fois6.
Quant aux amulettes qui portent des noms d’anges, nous venons de dire qu’une partie se forment d’une manière passablement arbitraire ; on en prend aussi quelquefois de toutes formées dans la Bible, d’une manière qui n’est guère moins arbitraire : par exemple le mot Schiauriri, que quelques personnes portent répété et écrit en forme d’équerre, pour se guérir les yeux. L’auteur de la Genèse, en parlant des anges qui frappèrent d’aveuglement les coupables habitants de Sodome, rend leur action par le mot beschiauriri; qui ne voit dès lors que Schiauriri est l’ange de la vue, et que son nom préserve de la cécité ?
Les amulettes inscrites de quelques passages de l’Écriture sont les plus simples ; le choix des versets est déterminé par le but qu’on veut atteindre. On les écrit sur des bandes de parchemin, qu’on porte en guise de fronteaux ou de bracelets, conformément à la recommandation de l’Exode et du Deutéronome, de graver sur son front et dans ses mains le souvenir des grandes merveilles opérées de Dieu en faveur de la nation juive. Il en est une spéciale, nommée mezuza, qui se compose des versets 4 jusqu’à 9 du sixième chapitre du Deutéronome, et des versets 13 jusqu’à 20 du onzième chapitre du même livre. Ces passages contiennent les recommandations les plus pressantes relativement à l’observance de la loi et se terminent ainsi:
« Vous écrirez ceci sur le seuil et sur la porte de vos maisons. »
C’est pourquoi le mezuza s’enroule dans un étui, se suspend à la porte de l’habitation, chacun le touche du doigt en entrant et en sortant, et baise le doigt qui l’a touché. Mais, à part la grossièreté de l’interprétation, qui oserait blâmer le pieux usage? N’est-ce pas un rappel perpétuel à l’observance de la loi divine, et un touchant souvenir de la patrie absente ?
La Bible leur tenant lieu de tout, les cabalistes cherchèrent dans la Bible ce qui n’y était pas, et ne manquèrent pas de l’y trouver, par la manière même dont ils le cherchaient. Après avoir calculé les nombres des noms de Dieu et des anges, ils en formèrent des carrés magiques, c’est-à-dire des quantités disposées de telle sorte qu’on peut les additionner en suivant un ordre quelconque, sans que le total soit différent; puis, ajoutant superstition à superstition, ils les écrivirent sur du parchemin vierge, afin de leur donner plus de puissance. On appelle parchemin vierge, celui qui est fait de la peau d’un animal qui n’a pas encore porté.
À l’art des amulettes se joignit l’art des conjurations. Quels anges et quels démons n’eût-on pas contraints par la vertu toute-puissante des noms mystérieux de Dieu! Si les Gentils pouvaient évoquer les anges et les âmes des morts par la force de la magie, les Juifs, possesseurs de la véritable science, devaient-ils rester en arrière ? On entassa donc dans des formules bizarres les mots Agla, Sabaoth, Tétragrammaton, Ell, Élohim, et tous ceux auxquels on supposait plus de vertu; et, pour concilier à ces formules un plus grand respect, on les mit sur le compte de Salomon, trop sage pour s’être jamais occupé de pareilles stupidités. Ce n’est pas lui, du moins, qui aurait dit que Dieu porte des amulettes inscrites sur son front et sur ses bras, et qu’il se met à genoux pour faire ses prières.
Source : Histoire de Satan, Abbé Auguste François Lecanu