L’infaillibilité du Pape est-elle applicable dans tous les cas de figure ou est-elle restreinte à certains domaines ?
Le Pape est, en effet, en sa qualité de chef visible de l’Église :
Le suprême docteur de la vérité révélée de Dieu;
Le prêtre suprême ;
Le suprême législateur dans les affaires ecclésiastiques ;
Le suprême juge des causes ecclésiastiques, in causis ecclésiasticis.
Mais, d’après le texte très-clair de la définition du concile du Vatican, il ne possède le don de l’infaillibilité que dans l’exercice de sa charge de suprême « Docteur », enseignant la vérité nécessaire au salut, révélée de Dieu ; et non dans celle de prêtre suprême, ni de suprême législateur dans les affaires de discipline, ni de suprême juge des causes ecclésiastiques, ni dans les autres fonctions auxquelles sa charge de chef de l’Église peut encore s’étendre.
Quand je ne mets pas ici dans le domaine de l’infaillibilité pontificale les causes ou procès ecclésiastiques, je comprends dans cette expression les causes qui se présentent ordinairement devant les tribunaux ecclésiastiques, comme les causes matrimoniales, les bénéfices, les patronages, etc.
Mais les points, en litige sur la foi, le Pape les décide, naturellement, en sa qualité de docteur suprême.
– Puisque les définitions doctrinales de l’Église comprennent et les dogmes et la morale, il peut parfaitement arriver, d’après la nature des choses, que les décisions concernant les mœurs soient aussi adressées par le Pape à l’Église universelle sous forme d’ordres ou de défenses (prœcepta morum).
– On comprendra mieux toutes ces choses si l’on rapproche de ce chapitre de la constitution du Concile, le chapitre précédent, où il est dit expressément que le Pape possède le plein et suprême pouvoir de juridiction sur l’Église entière, « non-seulement dans les choses qui concernent la foi et les mœurs, mais aussi dans celles qui appartiennent à la discipline et au gouvernement de l’Église répandue sur toute la terre.»
On voit par là qu’il y a quatre classes principales d’objets du domaine ecclésiastique qui sont soumises au suprême pouvoir du Pape, savoir :
Ce qui se rapporte à la foi,
Ce qui se rapporte à la morale,
Ce qui se rapporte à la discipline,
Ce qui se rapporte au gouvernement de l’Église.
Dans toutes ces matières, il est du devoir de tous d’obéir sincèrement au Pape.
Le chapitre quatrième (Mgr Joseph Fesslet « La vraie et la fausse infaillibilité des Papes), intitulé « De l’infaillible magistère du Pontife romain« , s’occupe ensuite, au point de vue de l’autorité enseignante du Pape, des objets de la première et de la seconde classe (la foi et les mœurs), laissant de côté ceux de la troisième et de la quatrième (la discipline et le gouvernement de l’Église).
Et c’est uniquement au sujet des décisions du Pape touchant la foi et les mœurs qu’il est déclaré comme dogme révélé de Dieu, que ces décisions, grâce à l’assistance divine promise au Pape dans la personne de Saint Pierre, ont un caractère de certitude à l’abri de toute erreur, autrement dit infaillible.
Cette infaillibilité, accordée au Pape dans l’exercice de sa charge de pasteur et docteur de tous les chrétiens, est encore désignée, pour plus de précision, comme « cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que son Église fût pourvue en définissant la doctrine touchant la foi ou les mœurs. »
Si donc l’on demande quelle est l’étendue de l’infaillibilité du Pape même dans les choses de la foi et des mœurs, il s’agit de rechercher au préalable quelle est en ces matières l’étendue de l’infaillibilité de l’Église.
Sans entrer dans l’examen de cette question très-vaste, qu’on trouve traitée avec détails dans les grands ouvrages théologiques, je me contente de citer la proposition suivante depuis longtemps admise en théologie : Même dans les décrets dogmatiques, bulles dogmatiques, etc., on ne doit pas regarder indistinctement tout ce qui s’y trouve comme décision dogmatique, et par suite comme objet de l’infaillibilité : en particulier, il ne faut pas considérer comme tel ce qui n’est mentionné qu’en passant ou ce qui ne sert que d’introduction ou de considérants.
Enfin, le Concile ajoute encore que les décisions du Pape, dans lesquelles, en sa qualité de pasteur et docteur de tous les chrétiens et en vertu de sa suprême autorité apostolique, il formule une doctrine touchant la foi ou les mœurs comme devant être tenue par l’Église tout entière, « sont irréformables par elles-mêmes, et non en vertu du consentement de l’Église. »
Ce qui assurément ne veut dire en aucune façon que le Pape ne puisse jamais décider quelque chose de contraire à la tradition de l’Église ou qu’il ne puisse jamais se tenir seul en opposition avec tous les autres Évêques ; mais seulement que l’infaillibilité de ses décisions doctrinales ne dépend pas du consentement de l’Église, mais bien de l’assistance divine qui lui a été spécialement accordée dans la personne de Saint Pierre pour l’exercice de sa charge de docteur suprême.
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Et puisqu’il est dit expressément, au sujet des décisions auxquelles se rapporte l’infaillibilité du magistère pontifical, qu’elles sont « irréformables par elles-mêmes, » il s’ensuit que les lois que le Pape publie relativement à des matières disciplinaires, lesquelles sont sujettes à changement, ne sont point comprises, précisément à cause de ce caractère de mutabilité, dans la décision de foi du concile du Vatican.
Source : Mgr Joseph Fesslet – La vraie et la fausse infaillibilité des Papes – 1877
Merci.