Henri Suso, qui s’était plaint à Dieu de ses croix, de ses souffrances, se trouva un peu soulagé, la paix revint, et il entendit en lui-même ces paroles célestes :
« Henri, tu ne comprends pas assez les paroles et les actes du Christ souffrant. Sache que Dieu ne se contente pas d’un cœur bon et sensible, comme est le tien ; Il veut encore plus de toi. Il veut, lorsqu’on te maltraitera en paroles et en actes, que tu supportes tout patiemment; Il veut que tu meures entièrement à toi-même, que tu ne prennes pas ton repos de chaque jour avant d’être allé vers tes adversaires et d’avoir apaisé, autant que cela te sera possible, la colère de leur cœur, par des paroles et des actes doux et humbles.
C’est par cette douce humilité que tu leur enlèveras leurs armes et que tu rendras leur méchanceté impuissante. C’est là le chemin antique de la perfection, que le Christ a enseigné à ses disciples, lorsqu’Il leur a dit : Je vous envoie comme de petites brebis au milieu des loups. »
Le jour de la Purification, Jésus qui voulait instruire le bienheureux Henri Suso, lui apparut sous la forme d’un enfant et lui dit :
« Henri, tu ne sais pas souffrir, je vais te l’apprendre. Lorsque tu as une peine il ne faut pas en attendre la fin, il ne faut pas désirer de la voir finir ; mais tant qu’elle dure, il faut te préparer à accepter avec patience celle qui va suivre.
Il faut imiter la jeune fille qui cueille des roses : lorsqu’elle en détache une du rosier, cela ne suffit pas, elle se propose intérieurement d’en cueillir encore bien d’autres. Fais de même : prépare-toi lorsqu’une peine finit à en rencontrer bientôt une autre. »
C’est dans les épreuves surtout que s’exerce l’amour. Jésus l’expliqua ainsi à Benigna :
« Quand tu souffres, que ce soit des souffrances spirituelles ou temporelles, rends-les tout à fait précieuses en t’appliquant à souffrir par pur amour. C’est en cela que la plus grande partie des personnes même pieuses et dévotes, diminuent leurs mérites, qu’elles vont racontant ce qu’elles souffrent, et même quand elles ne se plaignent pas, elles désirent que les autres le sachent.
Cela ne plaît guerre à mon divin cœur, qui, quand il envoie la souffrance, veut qu’elle soit acceptée avec grande résignation et patience. Elles croient peut-être alléger leurs maux en les faisant connaître aux créatures ; elles donnent seulement du soulagement à la nature, mais elles affaiblissent l’esprit et après elles ne se trouveront plus capable de souffrir quelque chose par pur amour. »
Dieu envoya à Henri Suso tant de douleurs, qu’il tomba presque dans le désespoir. Le jour suivant, son cœur entendit ces paroles :
« Henri, où est-elle donc cette noble chevalerie ? Qu’est-ce donc que ce chevalier de paille, cet homme de drap ? Ce n’est pas en faisant des promesses téméraires, quand on est en paix, et en reculant ensuite, quand arrive la souffrance, qu’on gagne l’anneau éternel que tu désires. »
Henri répondit :
« Hélas ! Seigneur, les tournois où il faut souffrir pour vous durent si longtemps ! »
Il lui fut alors répondu :
« Mais la récompense, l’honneur et l’anneau dont j’honore les chevaliers durent éternellement ! »
Le serviteur ne pouvant répondre à cela dit humblement :
« Seigneur, j’ai tort, permettez-moi de pleurer tout seul dans mes souffrances, car mon cœur déborde.»
« Comment, tu veux pleurer comme une femme ? Tu en rougiras de honte devant toute la cour céleste. Essuie tes yeux et montre-toi joyeux, afin que ni Dieu ni les hommes ne voient que tu as pleuré à cause de tes souffrances. »
Sainte Rose était affligée d’un violent mal de tête ; elle reçut la visite de Jésus, qui lui dit :
« Nous allons faire ensemble une partie de jeu, et celui qui sera vainqueur prescrira le prix de sa victoire. »
La partie eut lieu et fut gagnée par Rose, qui demanda un soulagement à son mal et l’obtint. Le divin visiteur reprit :
« J’espère que vous allez me donner une revanche ? »
Volontiers, répondit-elle. Une nouvelle partie s’engage, et la victoire reste à Jésus. Quelle récompense me demandez-vous, Seigneur, lui dit la jeune vierge ?
« C’est votre patience que j’exige » ; et sur-le-champ, sa douleur devint si violente qu’elle passa la nuit sans sommeil.
Jésus dit à Gertrude :
« Je veux que tu apprennes la patience. » Comment et pourquoi pourrais-je l’apprendre ?
« Considère premièrement combien un roi honore de son amitié celui qui lui ressemble le plus en toute chose, et par conséquent juge de mon affection pour toi, quand tu souffres des mépris semblables à ceux que j’ai soufferts. Vois secondement avec quel respect on tient à la cour celui qui a le plus de ressemblance avec le roi et qui est le plus avant dans son amitié, et juge par là quelle gloire t’est réservée dans le Ciel pour ta patience.
Pense troisièmement combien la compassion tendre et délicate d’un ami fidèle donne de consolation à son ami, et apprends par là avec quelle tendresse je te consolerai moi-même au Ciel pour les moindres pensées qui t’affligent en ce moment. »
Le divin Maître m’a montré, dit Gertrude-Marie, deux voyageurs cheminant dans la route de l’exil, l’un portant habituellement le fardeau et l’autre le portant de temps à autre, quand il plaît au Voyageur Chef et Maître d’essayer les forces de sa pauvre et faible compagne.
Ces deux voyageurs sont Jésus et l’âme. Jésus m’a dit:
« Je porte souvent le fardeau tout seul, mais ces jours-ci je te l’ai donné. » (15 mai 1907.)
« Si tu méditais tous les jours ma passion, tu aurais moins peur de la souffrance. » (6 octobre 1907.)
« On aime Dieu dans la mesure où l’on est généreux. Toujours sourire à la douleur… Enfant, buvons au même calice, au calice de la tristesse, de l’angoisse, de la douleur, buvons et enivrons-nous. » (21 octobre 1907.)
Une fois, raconte la bienheureuse Anne de Saint-Barthélemy, je vis venir à moi une personne qui m’avait témoigné beaucoup de tendresse dans le passé ; elle me reprocha brusquement de ne pas faire assez de pénitences. J’avais alors la fièvre et on m’avait saigné ce jour-là. Ce coup me fut sensible.
J’allai au chœur et Notre-Seigneur me dit:
« Pourquoi vous affliger ? Ne devriez-vous pas vous réjouir de ce qu’on vous méprise comme une personne de rien? J’en ai souffert autant et même plus pour les hommes. Les maximes du monde sont bien différentes des miennes ; je n’agrée rien plus que la souffrance, la mortification et la patience. »
Sainte Brigitte, ayant fait faire un lit plus somptueux que de coutume, fut frappée à la tête par une main invisible si fortement qu’à peine pouvait-elle se remuer à cause de la douleur qu’elle ressentait, et elle entendit ces paroles :
« J’ai été suspendu sur la croix et ma tête ne reposait point sur un oreiller, et toi, tu recherches avec tant de soin le repos. »
Plusieurs des Pères franciscains et des plus instruits avaient des doutes au sujet de Marguerite de Cortone et la croyaient victime d’illusions. La sainte pénitente en fut toute consternée, se demandant elle-même avec de terribles angoisses si toute sa vie, ses révélations, ses visions, ses consolations n‘étaient pas une insigne tromperie. Pour la consoler, le Seigneur lui dit :
« Ma fille, ne t’étonne pas si les Frères diffèrent d’opinion à ton égard et s’ils en discutent, puisque moi-même, le vrai Fils du Dieu vivant, j’ai été l’objet de semblables doutes. »
Est-il une de nos peines dont nous ne puissions dire : Jésus l’a soufferte Lui aussi et plus cruellement que moi ?
Notre-Seigneur, raconte sainte Véronique Juliani, s’est montré à moi couvert de plaies, mais ces plaies étaient brillantes, surtout celles des mains et des pieds. Dans celle de son côté sacré, il y avait un beau joyau que le Seigneur considérait de telle sorte qu’on voyait qu’il y prenait un souverain contentement.
« Connais-tu ce joyau », me dit-Il. Non, répondis-je, mais je pense qu’une âme aimante vous a fait ce présent en endurant quelque souffrance, car je vois bien qu’il est sorti des souffrances. Alors, le Seigneur tout joyeux me dit :
« Sache, ma bien-aimée, que par les souffrances que tu as endurées ces deux derniers jours avec résignation, tu m’as procuré le plus grand contentement. Chaque fois que tu as protesté ne vouloir autre chose que mon bon plaisir, tu as rendu plus brillantes mes saintes plaies. Et moi, avec toutes tes souffrances, j’ai formé ce joyau que je tiens dans mon côté ; je le regarde avec une souveraine complaisance, et toujours je le regarderai, et par mes regards amoureux je le rendrai de plus en plus beau. Vois combien me plaisent tes souffrances »
Cette même sainte eut un jour la vision d’un très beau jardin dans lequel se promenait l’Enfant Jésus.
« C’est, lui dit-Il, le lieu où je prends mes délices cachées. »
Et Véronique apprit que ce jardin était son âme et que Jésus voulait y planter de nouveau les semences des souffrances, afin qu’elles produisissent pour Lui des fruits délicieux. Alors Il lui montra un lieu très obscur fermé par une porte si petite qu’elle faisait peur ; la pensée qu’elle devait y aller pour souffrir toute sorte de peines la remplissait d’effroi.
« Sois tranquille, lui dit le Seigneur, j’y serai avec toi, mais caché. Et, quand tu devras endurer ces souffrances, je te montrerai mes plaies, pour qu’elles t’inspirent le désir de souffrir. »
Il lui montra encore un précipice tel que sa seule vue faisait trembler.
« Tu auras encore cette peine, dit le Sauveur, et il te semblera être précipitée au fond de l’enfer. Mais, avant que tu passes par ce tourment, je te fortifierai par la rénovation de mes saintes plaies. »
Le Seigneur lui fit voir ensuite un lieu rempli de serpents venimeux. À ce moment, Jésus parut tout couvert de son sang qui coulait à terre abondamment.
« Ces serpents, lui dit-Il, sont les offenses que me font les pécheurs ; et, comme tu es leur médiatrice, tu dois voir ce spectacle et en souffrir grandement. Ta peine en sera si cruelle que jamais tu n’en éprouvas de semblable…Ne crains pas, sois forte dans toutes les luttes et toutes les contrariétés que je permettrai, non pas maintenant, mais quand je voudrai. Je suis pour toi ; que cela te suffise »
Le Seigneur disait souvent à saint Paul de la Croix, pour le préparer à sa mission future, les paroles qui furent dites à Ananie de son saint patron :
« Je te ferai voir bientôt combien tu dois souffrir pour mon nom. »
Un jour que le saint jeune homme (il avait alors vingt-cinq ans) priait devant le Saint Sacrement, le Seigneur lui dit :
« Mon fils, qui s’approche de moi s’approche des épines. »
Notre-Seigneur me dit souvent, raconte la Sœur Saint Martinien :
« Tu vois combien mes pauvres enfants se donnent de la peine pour travailler, combien je leur envoie de souffrances pour leur montrer que je suis leur maître ; malgré cela, ils ne pensent pas à m’offrir leurs travaux et leurs souffrances. Je t’en prie, toi qui m’es si chère, toi qui as bien voulu me permettre de t’associer à mes souffrances, console mon Cœur, il en a besoin, en m’offrant, en union avec ce que j’ai fait et ce que je fais encore pour eux, leurs souffrances, leurs travaux, leurs peines. »
Jésus apparut un jour à sainte Véronique Juliani avec une grande Croix qu’Il lui mit sur les épaules:
« Voilà, lui dit-Il, l’enseigne de mon amour ; je t’en fais présent. »
La sainte fut tellement accablée de cet écrasant fardeau qu’elle tomba a terre. Jésus la releva et lui dit :
« Je te fais éprouver cette souffrance en réparation de toutes les souffrances que tu as fuies et, afin que tu souffres davantage, je te quitte », et ll disparut.
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La Sœur Mechtilde entendit le Seigneur lui tenir ce langage :
« Cet homme ne veut pas être malade, il ne veut pas être méprisé ; sur quoi édifierai-je sa gloire ? »
Seigneur, quand l’homme est dans la maladie ou dans le mépris, avec quoi édifiez-vous sa gloire ?
« Quand il est malade, il m’honore, il me sert, il m’aime rien que par une gaie patience ; dans le mépris, il m’aime et il m’attend. »
Source : Les Divines Paroles – Auguste Saudreau – 1882