Mon Dieu, je veux me donner à vous ; donnez-m’en le courage, fortifiez ma faible volonté qui soupire après vous ; je vous tends les bras, prenez-moi : si je n’ai pas la force de me donner à vous, attirez-moi par la douceur de vos parfums : entraînez-moi après vous par les liens de votre amour.
Seigneur, à qui serrais-je, si je ne suis à vous ? Quel rude esclavage que d’être à soi & à ses passions ! O vraie liberté des enfants de Dieu ! On ne vous connaît pas. Heureux qui a découvert où elle est & qui ne la cherche plus où elle n’est pas ! Heureux mille fois, qui dépend de Dieu en tout pour ne dépendre plus que de lui seul ?
Mais d’où vient, ô mon divin Époux ! que l’on craint de rompre ses chaines ? Les vanités passagères valent-elles mieux que votre éternelle vérité, & que vous-même ? Peut-on craindre de se donner à vous ? O folie monstrueuse ! Ce serait craindre son bonheur ; ce serait craindre de sortir de l’Égypte pour entrer dans la Terre promise ; ce serait murmurer dans le Désert, & se dégoûter de la manne par le souvenir des oignons d’Égypte.
Ce n’est pas moi qui me donne à vous ; c’est vous, ô mon Dieu, qui vous donnez tout à moi. Je n’hésite point de vous donner mon cœur. Quel bonheur d’être dans la solitude, et d’y être avec vous, de n’écouter & de ne dire plus ce qui est vain & inutile, pour vous écouter ! O Sagesse infinie ! Ne me parlerez-vous pas mieux que ces hommes vains ?
Vous me parlerez, ô amour de mon Dieu ! vous m’instruirez ; vous me ferez fuir la vanité & le mensonge ; vous me nourrirez de vous : vous retiendrez toute vaine curiosité. Seigneur, quand je considère votre joug, il me semble trop doux ; & est-il donc la croix que je dois porter, en vous suivant tous les jours de ma vie ?
N’avez-vous point d’autre calice plus amer de votre passion à me faire boire jusqu’à la lie ? Bornez-vous à cette retraite paisible sous une sainte règle, & parmi tant de bons exemples, l’austère pénitence que j’ai méritée par mes péchés ? O amour ! Vous ne faites qu’aimer ; vous ne frappez point, vous épargnez ma faiblesse.
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Craindrais-je après cela de m’approcher de vous ? Les croix de la solitude pourront-elles m’effrayer ? Celles dont le monde accable, doivent faire peur. Quel aveuglement de ne les craindre pas ! O misère infinie, que votre seule miséricorde peut surpasser ! Moins j’ai eu de lumières & de courage, plus j’ai été digne de votre compassion. O Dieu ! Je me suis rendu indigne de vous, mais je peux devenir un miracle de votre grâce. Donnez-moi tout ce qui me manque, & il n’y aura rien en moi qui n’exalte vos dons.
Source : Œuvres Spirituelles par Messire et Mgr François de Salignac de la Mothe-Fénélon – Archevêque, Duc de Cambrai – 1718