Les Rois de France ont, de temps immémorial, choisi la ville de Reims pour le lieu de leur Sacre. Ce droit de sacrer les Rois est devenu invariable pour cette ville, par une charte que Louis VII donna en 1179, pour le Sacre de son fils Philippe II, dit Auguste, et qui fut confirmée par le Pape Innocent II.
L’Archevêque de Reims a le privilège d’oindre, de sacrer et de couronner le Roi. L’institution de cette prérogative remonte au berceau de la Monarchie. Le Pape Hormisdas conféra à Saint Rémi, comme au plus puissant Évêque de France, le droit de sacrer les successeurs de Clovis.
Ce privilège a été depuis confirmé aux Archevêques de Reims par le Pape Sylvestre II, en 991, au Sacre de Robert II, fils de Hugues, et par Alexandre III. En cas d’absence, ce prélat est remplacé dans cette auguste fonction par l’Évêque de Soissons.
Clovis, le premier de nos Rois, reçut dans la basilique de Reims le baptême et l’Onction royale, des mains de Saint Rémi, Archevêque de cette ville. Les quatre fils de Clovis qui, à sa mort, se partagèrent le royaume, Thierri Ier, Clodomir, Childebert et Clotaire, furent aussi couronnés par le même Archevêque.
Quoique l’histoire des premiers siècles de la Monarchie française se perdre dans la nuit des temps, le témoignage des chroniques ne nous permet cependant pas de douter que les Rois n’aient été sacrés ; mais comme la France était alors morcelée en plusieurs royaumes, il n’était pas possible que les Sacres se fissent dans la même ville ; il est plus vraisemblable que chaque Roi se faisait sacrer dans sa capitale particulière. Cependant, si l’on en croit les auteurs du temps, plusieurs Rois de la première race furent sacrés à Reims ; quant aux dates précises, elles nous manquent.
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À mesure que nous nous éloignons de ces temps de ténèbres qui obscurcissent les commencements de la Monarchie, l’histoire s’éclaircit, la vérité devient plus sensible, et c’est alors que nous voyons, sous la seconde race, dix Rois se faire sacrer à Reims, par l’Archevêque de Reims, plusieurs même renouveler jusqu’à quatre et cinq fois cette auguste cérémonie.
Mais sous la troisième race, lorsque par la charte de Louis VII, confirmée par le Pape, Reims eut acquis le droit irrévocable de sacrer les Rois, plus de partage, plus de contestation, plus de doute, ce privilège reste invariable pour la ville et la cathédrale de Reims : vingt-six Rois, tous les Rois de France, Henri IV excepté, y sont sacrés. Henri IV fut sacré à Chartres, parce que Reims était au pouvoir de la ligue.
Un usage, commencé au 5ᵉ siècle, continué de Roi en Roi, depuis le 9e et 10e, jusqu’à nous, suffirait pour asseoir une légitime possession.
Ouvrons maintenant les annales des autres peuples de l’Europe, et nous verrons des usages semblables à celui que nous rappelons ici. Presque partout on voit une ville privilégiée pour le Sacre des Rois, et un grand dignitaire ecclésiastique, spécialement désigné pour la cérémonie du Sacre. L’Archevêque de Mayence est l’unique prélat qui sacre les Empereurs d’Allemagne ; les Rois d’Espagne sont consacrés par l’Archevêque de Tolède, l’Archevêque de Cantorbéry sacre les Rois d’Angleterre, dans l’ancienne abbaye de Westminster, le Roi de Suède est couronné à Upsal par l’Archevêque de cette ville, le couronnement des Rois de Hongrie se faisait à Presbourg, celui des Rois de Pologne à Cracovie par l’Archevêque de Gnesne et celui des Empereurs de Russie se fait à Moscou. Les Évêques d’Ostie ont seuls le privilège de sacrer les papes.
Reims est donc véritablement la ville du Sacre, aucune autre ville n’est fondée à lui contester ce droit, qui lui a été confirmé par deux Papes, et plus encore par les souvenirs glorieux qu’une longue suite de Rois y ont laissés. L’Archevêque de Reims, appuyé sur des titres aussi incontestables, partage avec la ville cette flatteuse et honorable prérogative.
Source : Félix LACOINTA – Du sacre des Rois de France – 1825