Dans l’État indien du Gujarat, une action de la police a été engagée contre un prétendu dirigeant hindou accusé d’avoir proféré des insultes graves contre le pape et des religieuses catholiques lors d’un rassemblement public en 2023. Après une longue période d’inertie, la police de la ville de Mehsana a enfin enregistré une plainte officielle le 11 novembre, visant un « leader inconnu » qui aurait incité à la haine entre communautés religieuses en insultant publiquement des figures religieuses chrétiennes.
Les propos tenus par l’individu, que des témoins affirment être affilié au Vishwa Hindu Parishad (VHP), une organisation souvent accusée de harcèlement envers les chrétiens en Inde, comportaient des accusations crues et des insinuations choquantes. Ce dirigeant aurait affirmé que le pape « épouse » toutes les religieuses lors de leur consécration, une comparaison outrageante et infondée qui viserait à ternir l’image du Saint-Père. Ces paroles sont non seulement une attaque contre la dignité des religieux mais aussi une insulte directe envers la communauté catholique.
Les démarches judiciaires visant à contrer cette incitation à la haine ont pris plus d’un an à aboutir, malgré les tentatives répétées de la communauté catholique pour faire entendre sa voix. Sœur Manjula Tuscano, une dominicaine et avocate spécialisée en droit pénal, avait tenté en avril dernier de déposer plainte, soutenue par une centaine de signataires issues de sa communauté religieuse. En vain, les autorités locales semblaient réticentes à répondre à sa demande.
Finalement, la Haute Cour du Gujarat a ordonné à la police de Mehsana d’enregistrer une plainte à la suite d’une nouvelle requête déposée par sœur Karuna Parmar, soutenue par la persévérance de sœur Tuscano. Cette décision de la cour a redonné espoir aux catholiques locaux, bien que la blessure laissée par cette indifférence prolongée soit toujours présente.
L’Église en Inde persiste dans son appel à la justice
Mgr Thomas Ignatius Macwan, archevêque de Gandhinagar, s’est exprimé avec espoir sur la résolution de cette affaire, tout en regrettant le retard des autorités. Dès mars de l’année dernière, après avoir pris connaissance de la vidéo, Mgr Macwan avait écrit au chef de l’État du Gujarat, Bhupendra Patel, demandant des mesures rapides et sévères pour sanctionner ces propos. Dans sa lettre, il décrivait les attaques verbales contre le pape comme « méprisantes et grossières » et déplorait que rien n’ait été fait pour défendre les sentiments de 1,4 milliard de catholiques dans le monde.
L’archevêque a souligné l’importance de la justice, bien que celle-ci arrive tardivement :
« Nos voix sont enfin entendues. J’ai la conviction que justice sera rendue. »
Le Père Cedric Prakash, prêtre jésuite et défenseur des droits de l’homme, a souligné un problème bien plus profond, affirmant que « le discours de haine est devenu institutionnalisé dans le pays, encouragé par le régime au pouvoir. » Le Gujarat, État natal du Premier ministre Narendra Modi, est dirigé depuis des décennies par le Bharatiya Janata Party, un parti nationaliste hindou qui prône une vision homogène et unilatérale de l’identité indienne, souvent en défaveur des minorités religieuses. Dans un tel climat, les chrétiens, représentant à peine 0,52 % de la population du Gujarat, sont particulièrement vulnérables face à ce type d’incidents.
Ce développement marque une étape importante pour les catholiques en Inde, qui voient dans cette affaire un test de la capacité du système juridique à défendre le respect des droits des minorités religieuses.