Dans ce tribunal pénal canonique, les Évêques seront également chargés de l’exécution des peines, qui peuvent relever de trois catégories connues du droit canonique.
Ce mois-ci, la Conférence des Évêques de France (CEF) a mis en place une nouvelle structure juridique pour traiter les crimes et délits commis par des clercs et des laïcs au sein de l’Église, notamment les abus sexuels sur des adultes.
Cette initiative est considérée comme une première mondiale : À ce jour, aucune autre conférence épiscopale n’a mis en place une structure nationale de cette ampleur.
Le tribunal pénal canonique national (TPCN) est en quelque sorte le résultat des conclusions de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église catholique (CIASE).
Dans son rapport d’octobre 2021, la commission a demandé la création d’un tel tribunal. Les Évêques français avaient déjà annoncé la création d’une telle structure lors de leur assemblée plénière de mars 2021.
Initialement prévue en avril, sa mise en place a été reportée en raison des délais de validation des statuts par le Saint-Siège.
Les Évêques ont souligné que ces procédures ecclésiastiques sont spécifiques à l’Église et à ses finalités religieuses. Elles ne sont pas en contradiction avec le droit pénal national, comme l’a précisé la CEF dans sa présentation du tribunal nouvellement créé.
Le tribunal est destiné à juger la plupart des délits reconnus par le droit de l’Église, y compris les « crimes contre la foi et l’unité de l’Église« , ceux contre « l’exercice de la fonction« , qui comprennent également les délits financiers, ainsi que certains crimes contre la vie, la dignité et la liberté humaine, comme les agressions sexuelles contre des adultes.
Les cas d’abus sexuels sur mineurs relèvent de ce que le droit canonique appelle les « delicta graviora » – « les délits les plus graves« . Elles seront jugées directement par le Vatican, tout comme les affaires pénales impliquant des évêques et tous les appels des décisions du TPCN.
En acquérant une compétence exclusive en matière pénale, le tribunal français permet aux tribunaux diocésains et interdiocésains de statuer à l’avenir principalement sur les demandes de nullité matrimoniale.
L’absence de personnel compétent pour instruire les affaires pénales au niveau diocésain et l’hétérogénéité de la jurisprudence qui en résulte ont été l’une des principales motivations de la création du tribunal. La plus importante reste la volonté de la CEF de « distancer le traitement des affaires des diocèses où les actes ont été commis.«
Dans une interview accordée à l’hebdomadaire catholique La Vie, le président du Conseil pour les questions canoniques à la CEF, Mgr Joseph de Metz-Noblat, a déclaré que « ces dernières années, [les évêques français] ont réfléchi à trouver un moyen de « délocaliser » les procès criminels judiciaires afin que l’évêque du clerc accusé ne soit plus au centre de la procédure« .
« Plusieurs idées ont été évoquées, notamment celle de faire traiter les affaires dans un diocèse éloigné, mais, assez rapidement, nous nous sommes mis d’accord sur l’idée d’un tribunal spécifique qui pourrait être la juridiction de référence pour tous nos diocèses« , a-t-il précisé.
« Pour beaucoup d’Évêques, ce sera un soulagement : nous avons initié la création de ce tribunal pour sortir d’une situation où l’évêque doit être à la fois le frère de ses prêtres et leur juge. Il était important de clarifier les registres de leurs relations. «
Les Évêques diocésains resteront toutefois responsables des enquêtes préliminaires et de l’introduction de la cause en la portant devant le tribunal.
Les évêques seront également chargés de l’exécution des sentences, qui peuvent relever de l’une des trois catégories connues par le droit canonique : Le type » expiatoire » – comme une amende, la privation d’un office ou d’une fonction ; la destitution de l’état clérical ; ou des censures dites » médicinales » par le droit canonique, et qui incluent l’excommunication.
Néanmoins, ils n’auront plus le monopole de la saisine du tribunal pénal, qui sera désormais ouvert à « tout catholique, ou toute personne qui se sent lésée par le comportement délictueux d’un catholique dans le cadre des activités de l’Église. » Il appartiendra ensuite au responsable national présidant le TPCN de décider si le résultat de l’enquête préliminaire ouverte par l’évêque nécessite l’ouverture d’un procès.
La composition même de cette nouvelle structure est également considérée comme sans précédent. Sur les 13 juges qui ont prêté serment après une messe à Paris le 5 décembre, cinq sont des laïcs, dont quatre femmes.
Ce changement fait également écho à la recommandation du CIASE d’intégrer au sein du tribunal « non seulement des prêtres experts, mais aussi des juges laïcs spécialement formés.«
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Si cette initiative fait déjà l’objet d’un consensus clair au sein de l’Église de France, la question du financement des coûts élevés que nécessitera cette instance judiciaire – déjà soulevée par certains observateurs – n’a pas encore été clarifiée par la CEF.
Cet article a été publié originellement par le National Catholic Register (Lien de l’article). Il est republié et traduit avec la permission de l’auteur.