La réforme du RSA (Revenu de Solidarité Active), prévue pour entrer en vigueur au 1er janvier prochain, suscite de nombreuses interrogations. En effet, la loi pour le plein emploi conditionnera le versement de cette aide sociale à un « accompagnement rénové » impliquant un minimum de 15 heures d’activité par semaine pour ses bénéficiaires. Si cette initiative vise à encourager le retour à l’emploi, plusieurs voix, notamment au sein du Secours Catholique, s’élèvent pour dénoncer des conséquences potentiellement néfastes, notamment sur les foyers les plus vulnérables.
Des chiffres alarmants sur le non-recours au RSA
Le Secours Catholique, dans son étude intitulée Premier bilan des expérimentations RSA : 4 alertes pour répondre à l’inquiétude des allocataires, dresse un constat préoccupant. L’un des effets directs de cette réforme semble être l’augmentation du non-recours au RSA dans les départements pilotes de l’expérimentation. En seulement un an, le taux de non-recours a bondi de 10,8 % dans ces départements, contre une baisse de 0,8 % dans les autres. Ce phénomène est directement lié au durcissement des conditions d’accès et aux nouvelles sanctions qui en résultent. Autrement dit, de nombreux foyers, par crainte ou par méconnaissance des nouvelles règles, ne demandent plus le RSA auquel ils ont pourtant droit.
Le spectre du travail gratuit
La réforme soulève également des questions sur la nature des activités imposées. Rien dans le texte de loi n’indique précisément quel type d’activités les allocataires devront accomplir. Cela ouvre la porte à des dérives où les bénéficiaires du RSA pourraient être contraints à effectuer de véritables travaux, mais sans contrepartie salariale. Un exemple flagrant est celui d’une petite commune de l’Eure, où le maire, pour des raisons budgétaires, envisage de faire entretenir le cimetière par des allocataires, un travail jusque-là réalisé par des employés municipaux. Ce type de mesure pourrait entraîner une dévalorisation du marché du travail en faisant de la main-d’œuvre non rémunérée une norme.
Une automatisation inquiétante des parcours d’insertion
L’un des aspects les plus contestés de la réforme réside dans l’automatisation des parcours d’insertion. Un algorithme décidera, à partir des informations fournies par le bénéficiaire, de son éloignement vis-à-vis de l’emploi et déterminera ainsi son parcours d’accompagnement et son nombre d’heures d’activité obligatoire. Cette automatisation, bien que présentée comme un gain d’efficacité, soulève des inquiétudes légitimes. Le risque est de passer à côté de réalités humaines essentielles, comme l’état psychologique ou des situations complexes que seule une évaluation humaine approfondie peut comprendre. Cette méthode pourrait mener à des parcours inadaptés, des exigences impossibles à remplir et, in fine, des sanctions injustes pouvant aller jusqu’à la radiation du RSA.
Un retour à l’emploi forcé, mais à quel prix ?
L’objectif affiché de la réforme est de favoriser le retour à l’emploi, notamment dans les métiers dits « en tension« . Cependant, nombre d’allocataires sont éloignés du marché du travail en raison de leur état de santé, de leur âge ou d’autres facteurs qui rendent difficile l’accès à ces emplois précaires. Les « sorties vers l’emploi » qui ont été observées jusqu’ici concernent principalement des contrats courts de moins de six mois, insuffisants pour ouvrir des droits au chômage. Ainsi, les bénéficiaires risquent de se retrouver rapidement dans une boucle sans fin entre petits emplois précaires et retour au RSA.
Le Secours Catholique alerte sur cette tendance à privilégier l’emploi à tout prix, au détriment d’une réelle lutte contre la pauvreté. La réforme risque de faire passer au second plan l’accompagnement social et humain au profit d’une pression accrue sur des personnes déjà fragilisées.
Il est de notre devoir de défendre les plus faibles et les plus démunis, ceux que la société laisse trop souvent de côté. Si l’intention d’encourager le retour à l’emploi peut paraître louable, il est essentiel de ne pas oublier la dignité humaine et de ne pas tomber dans un système qui pousserait des familles encore plus profondément dans la précarité. La société a une responsabilité envers ceux qui souffrent, et il serait irresponsable de négliger cette mission sous prétexte d’efficacité. Il faut que cette réforme soit revue à l’aune de la justice sociale, en veillant à ce que personne ne soit sacrifié sur l’autel de la rentabilité.