Sainte Mechtilde et sa vision sur le jour de la glorieuse Ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il lui semblait être sur une montagne où lui apparut l’Amour, sous la forme d’une vierge très belle, revêtue d’un manteau vert.
La vierge dit à l’âme :
« Je suis celle que tu as vue dans une si grande splendeur en la nuit de la Nativité du Christ. C’est moi qui ai conduit le Fils, du sein de son Père, jusqu’en ce monde terrestre ; c’est moi qui maintenant l’élève au-dessus de tous les cieux. »
Comme l’âme restait un instant interdite à ces paroles, la vierge ajouta :
« Ne crains pas, tu verras des choses plus grandes encore. »
Et soudain les vêtements de l’Amour changèrent d’aspect et prirent un merveilleux éclat ; ils se couvrirent d’un treillis d’or dont chaque losange portait l’image du Roi, surmontée de cette inscription : Celui qui était descendu est remonté au-dessus des cieux. (Eph, IV, 10.)
Toutes les œuvres de notre rédemption étaient comme merveilleusement brodées dans ces diverses images. Et le Seigneur Jésus parut orné de vêtements semblables ; toutefois, dans les treillis, ce n’était plus le Roi, mais l’Amour, la Charité qui trônait comme une reine. Ainsi Dieu était vêtu de lui-même, puisque Dieu est charité, et que la charité, c’est Dieu. Cependant l’Amour, prenant Dieu entre ses bras, le souleva en disant :
« Tu es celui-là seul en qui j’ai pu développer pleinement la vertu de ma puissance. »
Mais l’âme demanda à la vierge ce que sont ces bras capables de transporter le Seigneur et l’Amour répondit :
« Mes deux bras sont ma toute-puissance et ma volonté. Je puis tout, mais tout ce que je puis n’est pas toujours expédient à faire ; c’est pourquoi mon impénétrable sagesse ordonne et dispose toutes mes œuvres. »
Une grande troupe de saints apparut encore en ce lieu. Jean-Baptiste, Joseph, père nourricier du Seigneur, Siméon, qui reçut le Christ dans le temple, y tenaient le premier rang ; tous montaient avec le Roi, La bienheureuse Vierge, Mère du Seigneur, parut aussi sur la montagne, revêtue d’un manteau semblable à celui de 1’Amour, sa tunique était de couleur rouge.
Elle dit à l’âme :
« Toutes les douleurs que j’ai endurées avec mon Fils et à cause de mon Fils, je les ai supportées en silence et patience. J’offrais au Seigneur une prière continuelle pour l’Église naissante et je l’ai souvent incliné vers une miséricorde spéciale. C’est ainsi que, maintenant encore, il ne peut se dérober aux désirs de l’âme qui aime, et il en résulte que, sur terre, cette âme agit sur le Seigneur plus que si elle était déjà dans le ciel. »
Alors celle-ci rappela à la bienheureuse Vierge toute la joie qu’elle ressentit à l’Ascension de son Fils :
« J’ai appris dans cette joie l’allégresse et la béatitude que je recevrais à mon Assomption. »
Répondit-elle. Puis le Seigneur Jésus, s’élevant dans une ineffable allégresse, arriva devant son Père et lui présenta, renfermées en lui-même, les âmes de tous les élus, tant de ceux qui étaient montés avec lui que des élus à venir, avec toutes leurs œuvres, leurs souffrances et leurs mérites.
Celles-là même qui, pour le moment, étaient en état de péché, apparaissaient dans le Christ, telles qu’elles seraient plus tard dans le ciel. Mais les âmes éprises d’amour et patientes dans la souffrance étincelaient en son Cœur d’un éclat particulier, tandis que les autres brillaient, selon leur rang, dans les diverses parties de son corps. Le Père céleste accueillit son Fils avec les plus grands honneurs et dit :
« Voici que je te donne ces délices surabondantes que tu as pour ainsi dire abandonnées en descendant sur la terre d’exil ; j’y adjoins la pleine puissance de les communiquer sans réserve à toutes les âmes que tu me présentes maintenant avec toi. »
Alors le Seigneur Jésus offrit à Dieu le Père la pauvreté, les opprobres, les mépris, les douleurs, tout le labeur et les œuvres de son Humanité, comme un présent nouveau et très agréable qui n’avait jamais paru dans le ciel, quoiqu’il eût été prévu d’avance en Dieu.
Le Père éternel attira ce présent en lui-même et l’unit à sa Divinité, aussi intimement que s’il eût souffert en personne. Le Seigneur Jésus offrit aussi au Saint-Esprit tout le parfum de l’amour qui avait consumé son très saint Cœur d’ardeurs sans égales et les sept dons du même Esprit, avec leur fruit plénier, car c’est dans le Christ seul que le Saint-Esprit par ses dons a opéré d’une manière absolument parfaite, selon cette parole d’Isaïe :
« L’Esprit du Seigneur se reposera sur lui, esprit de sagesse, etc. (Is., XI, 3.)
Aux esprits angéliques ( anges ), il fit don du lait de son Humanité, dont les anges n’avaient pas eu jusque-là l’expérience ; c’est-à-dire qu’il leur donna une surabondance de douceur à puiser en cette Humanité pleine de charmes pour accroître leur joie et leur gloire.
Aux patriarches et aux prophètes (ancien testament), il offrit une liqueur délicieuse et ayant ainsi apaisé tous leurs désirs, il les fit reposer en lui-même.
Quant aux Innocents et à ceux qui étaient morts pour la vérité, il embellit et ennoblit leurs souffrances, en les recouvrant pour ainsi dire de l’or précieux de sa glorieuse Passion et de sa mort.
Il fit aussi des dons nombreux aux habitants de la terre, c’est-à- dire aux apôtres et aux autres fidèles, au sujet de la consolation intérieure, de la connaissance des choses spirituelles et de l’amour fervent. Ensuite le Seigneur, tourné vers l’âme, lui dit :
« Voici que je suis monté comme un glorieux triomphateur, et j’ai enlevé avec moi tous tes fardeaux. »
Par cette parole, elle comprit que les besoins et les peines de tous les hommes sont présents au Seigneur, et que combattant lui-même en nous et pour nous, il remporte une glorieuse victoire. Il ajouta :
« Comme je l’ai dit à mes disciples. Dieu le Père a donné à mon Humanité la puissance de faire toute ma volonté, au ciel et sur la terre ; de remettre aux hommes leurs péchés, de faire obstacle à tout ce qui leur est hostile, d’incliner ma Divinité vers eux en proportion de leurs indigences. »
Alors l’âme se prosterna aux pieds du Seigneur pour l’adorer et lui rendre grâces, mais il daigna lui adresser encore la parole et dit :
« Lève-toi, ma reine, (car toutes les âmes unies à mon amour seront reines.) »
L’âme, continuant à converser avec le Seigneur, lui dit encore :
« Pourquoi, ô Dieu très aimable, la pensée de la mort ne me cause-t-elle que peu ou point de joie, tandis que d’autres attendent cette heure avec des transports d’allégresse ? »
Le Seigneur répondit :
« Cela vient d’un effet spécial de ma bonté, car si tu désirais mourir, tu attirerais mon Cœur divin avec tant de douceur que je ne pourrais te le refuser. »
Elle reprit :
« Pourquoi donc bien des hommes, quelquefois même très parfaits, ont-ils si grande frayeur de la mort ? Et moi-même, qui suis une misérable, je suis saisie d’effroi à la pensée de mourir. »
Le Seigneur répliqua :
« La crainte du trépas vient de la nature, car l’âme aime le corps et frissonne d’horreur devant l’amertume de la séparation. Mais toi, que craindrais-tu, puisque tu as reçu mon Cœur en gage d’immortelle alliance, pour maison de refuge et pour demeure éternelle ? »
Le même jour, comme on chantait le répons :
« Omnis pulchritudo Domini : toute la beauté du Seigneur, etc., »
Elle s’écria dans un élan d’amour :
« Mon Seigneur, votre beauté, votre splendeur nous est enlevée ! »
« Il n’en est rien, répondit avec bonté le Seigneur, car dans ma beauté et ma force, ma louange, ma gloire et mon amour, je demeure avec vous et j’y demeurerai à jamais. »
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Comme on chantait à la procession :
« Et benedixit eis : il les bénit »
Elle aperçut dans les airs, au-dessus de l’abbaye, une main admirablement belle qui bénissait la communauté pendant que le Seigneur disait
« La bénédiction que j’ai donnée jadis à mes disciples est éternelle, elle ne vous sera jamais enlevée. »
Source : Révélations de Sainte Mechtilde – Nouvelle édition de 1921