Avertissement : Le livre sur l’histoire des templiers date de 1713, le Français n’est pas exactement le même que de nos jours, mon cerveau doit faire une gymnastique inhabituelle comme pour tous les vieux livres. Parfois, il peut s’y glisser quelques erreurs d’orthographe à force de lire du « oit à la place de ait, du oient à la place de aient, des f à la place des S, des z pour les s, des ia à la place du y » etc…
Mais avant d’entrer en matière, il semble qu’il est à propos de toucher un mot de l’origine des Templiers, voir leurs progrès en bref et puis leur chute honteuse et étrange par toute la Chrétienté.
Il est constant entre tous les historiens, que les Templiers commencèrent en l’an de nôtre Seigneur 1118 et que les premiers furent Hugues de Paganis et Geoffroi de Saint Aumer et sept autres dont les noms sont ignorés. Ces neufs personnes se dédièrent du tout au service de Dieu à la façon des Chanoines réguliers, firent profession de garder les trois vœux entre les mains du Patriarche de Jérusalem.
Baudouin II. Roi de Jérusalem voyant le zèle de ces neuf confrères, leur donna pour quelque temps seulement, une maison proche du Temple de Salomon, d’où ils portèrent le nom de Templiers, ou Chevaliers de la milice du Temple et les chanoines du Temple leur accordèrent fort librement une place qu’ils avaient près du Palais à certaines conditions.
En cette première simplicité, ils ne vivaient que d’aumônes, le Roi de Jérusalem, le Patriarche, les Prélats et les Grands leur donnèrent quelques biens, les un à temps, les autres à perpétuité.
Le seul but de cette société était de défendre les pèlerins de la cruauté et la barbarie des infidèles et tenir les chemins de la terre Sainte nets de tous mauvaises rencontres pour ceux qui entreprenaient les voyages, qui se trouvaient lors en quantité de toutes sortes d’âges et de qualité.
Ces neuf premier Confrères furent neuf ans sans admettre aucun en leur société et jusqu’en l’an 1128, que fut tenu un Synode à Troyes en Champagne sous le Pape Honorius II. auquel était l’évêque d’Albe Légat du Saint Siège, les Archevêques de Reims et de Sens et leurs suffragants avec eux aussi étaient les abbés de Cifteaux, de Clervaux qui était Saint Bernard de Pontigny et autres.
Là après que Hugues de Paganis le premier de l’Ordre eût été assisté de cinq de ses Confrères, il fut arrêté qu’il leur était besoin d’une règle et Saint Bernard fut chargé par le Concile de le faire, comme il fit, qui n’est pas toutefois venue jusqu’à nous, car celle qui a été publiée depuis peu d’années sous le titre de règle des Templiers, est plutôt l’abrégé de la Règle que la Règle entière.
Outre ce, le Concile ordonna qu’ils portèrent à l’avenir l’habit blanc, à quoi Eugène III. en l’an 1146 ajouta une Croix rouge sur leurs manteaux, tant aux Chevaliers qu’aux servants. Guillaume archevêque de Tyr écrit que de son temps il y avait au couvent du Temple de Jérusalem, plus de trois cent Chevaliers, sans y comprendre les servants qui étaient sans nombre.
Que leurs biens tant deçà que delà la mer étaient immenses, qu’il n’y avait lieu en la Chrétienté où ils n’eussent des biens qu’ils étaient comparable aux Rois pour les richesses. Il remarque davantage, qu’ils furent quelque temps pendant lequel ils furent en réputation, mais que les biens les rendirent si arrogants et orgueilleux, qu’ils se soustraient de l’obéissance du Patriarche de Jérusalem, duquel ils avaient reçut leur institut et leurs premiers bien, envahirent les biens appartenant aux Eglises, les troublèrent en leurs anciennes possessions, ce qui fut cause de leur attirer la haine de plusieurs personnes.
A ce propos est notable ce que dit le Roi Richard I. d’Angleterre à Foulques homme de bonne et Sainte vie, qui lui remontait les vices de sa Cour, lui disant qu’il en devait bannir trois filles, l’orgueil, la paillardise et l’avarice. A quoi le Roi répondit qu’elles n’y étaient plus et qu’il les avait mariées, l’orgueil aux Templiers et les deux autres à deux autres Ordres.
Jacques de Vitriaco qui a écrit les expéditions des Chrétiens en la Terre Sainte, travaille fort à réparer les reproches de l’Archevêque de Tyr, bien qu’il le transcrive mot à mot en plusieurs endroits de son histoire, car au lieu de loups ravissants, il les appelle brebis, d’arrogants, simples et qui rendent à chacun ce qui lui appartient. Ce qui donne sujet à beaucoup de n’ajouter foi ni à l’un ni à l’autre.
L’on peut dire toutefois que l’un et l’autre a écrit la vérité, mais qu’il faut distinguer les temps et l’on verra, que tant que la simplicité et la pauvreté ont été parmi eux, leurs vœux et leurs règles ont été observées tant qu’ils ont méprisé les biens, ils ont combattu avec de la valeur pour la Religion Chrétienne contre les infidèles.
Ils n’avaient autre soin que de tenir les passages libres et de leur accès pour les pèlerins, c’est ce qui leur avait donné si grande réputation par le monde, c’est ce qui avait excité tous les Princes de la terre et les particuliers même de leur départir de leurs bien, fi que Mathieu Paris en son histoire remarque qu’ils avaient en la Chrétienté neuf mille manoirs ou demeures, outre plusieurs revenus innumérables.
Ces belles actions, dis-je, ont tiré des historiens plusieurs louanges et certes ils les méritaient. Mais soudain que leurs labeurs ont été trop largement reconnus, que les grands biens qui trainent après eux les délices et toute sorte d’abondance, sont venus fondre en cette société, ils ont fait des actions du tout contraires aux premières, ont converti en ténèbres la lumière qu’ils avaient reçut de leurs prédécesseurs, ont abandonné le secours de la Terre Sainte.
Leur première et unique occupation, pour commander à des châteaux, à des villes, enfin à des peuples entiers, choses du tout éloignées de leur première origine, pour usurper sur leurs voisins et sur les autres Ordres avec cruauté de la guerre Sainte à ceux qui n’y avaient point de vœu, cependant qu’ils étaient plongés dans les délices, provoquant souvent les infidèles à faire des courses pour se rendre nécessaires et en tirer de grandes sommes de deniers des Princes Chrétiens et des pauvres pèlerins.
Ils firent encore pis, s’abandonnant à toute sorte d’infidélité et barbaries, contre ceux-mêmes qui avaient même dessein qu’eux, à savoir, la ruine des infidèles. En voici les principaux exemples.
La perfidie dont ils usèrent contre l’Empereur Frederic II. est étrange et détestable. Il était en la Terre Sainte avec l’intention pieuse qu’ont ceux qui entreprennent ces grands et périlleux voyages, il communiqua son dessein à quelques Templiers, qui en donnèrent aussitôt avis au Souldan de Babylone et comme il le pourrait surprendre.
Le Souldan, infidèle qu’il était, détesta tellement cette perfidie, qu’il en avertit l’Empereur qui trouva l’avis si certain, que depuis il fit une étroite alliance avec cet infidèle et l’espérance que l’on avait conçu de son expédition fut du tout perdu.
Leur orgueil passa plus avant, soutenu qu’il était sur leurs grandes richesses, qu’ils en étaient formidables aux Rois et Princes. Il survint un différent entre le Prince d’Antioche et eux, ils armèrent sept galéasses ( grand navire à trois-mâts à voiles latines et rames, dérivé des galères ) contre lui, lui firent la guerre trois ans entiers, eussent continué, si le Grand Maître de l’Hôpital n’eut terminé leur différent.
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Leur grand pouvoir parut aussi, lors qu’ils achetèrent de Richard, premier Roi d’Angleterre l’Ille de Chypre, moyennant trente-cinq milles marcs d’argent, dont ils ne jouirent pas longtemps.
Les historiens remarquent qu’il n’y avait rien exempt de leurs rapines, les Chrétiens et infidèles traités également, ils envahirent la Thrace, prirent Thessalonique, ravagèrent l’Hellespont et le Peloponese, entrèrent dans l’Afrique, prirent Athènes, tuant Robert de Brenne qui y commandait.
Un François qui vivait du règne du Roi Philippes le Bel, qui a écrit peu avant leur condamnation, en son traité du recouvrement de la Terre Sainte, donne avis de leurs mauvais déportements, que leurs grands biens étaient du tout inutiles au secours de la Terre Sainte, et qu’il les leur fallait ôter, que par cette reformation la perfidie de cet Ordre paraitrait à tout le monde, et on verrait clairement que jusques alors ils avaient trahi la Terre Sainte.
Ces choses étant ainsi, ces merveille comme cet Ordre le plus dépravé qui fut jamais, ait subsisté longtemps corrompu. Car par l’histoire nous voyons qu’à mesure que leurs biens croissaient, ils manquaient à leur devoir, que des 184 ans qu’il a duré, il a été plus de cent ans dans la corruption et abandonné à toutes dépravations et possible serait-il encore en être, s’ils ne se fussent voulu égaler aux Princes, aux Rois et aux Empereurs, et selon aucuns au Saint Siège, même par entreprise sur leur autorité, tyrannisant leurs sujets et usurpant leurs terres.
Bref, que ne pouvaient-ils point commettre en ces extraordinaires ambitions, non contre leur règle, mais contre la société civile, contre Dieu même ? Tous les historiens qui ont touché l’histoire de la condamnation des Templiers, comme en passant et sans aucune distinction des temps, qui est l’âme de l’histoire, sont d’accord que l’origine de la ruine des Templiers vient du Prieur de Montfacon en la Province de Tholose et de Noffo Dei Florentin banni de son pays, qu’aucuns tiennent avoir été Templier.
Ce Prieur avait été par jugement du Grand Maître de l’Ordre condamné pour hérésie et pour avoir mené une vie infâme, à finir ses jours dans une prison, l’autre, disent-ils, avait été par le Prévôt de Paris, condamné à de rigoureuses peines.
Ces deux criminels réduits endurer de grandes misères, se résolurent pour se délivrer de découvrir plusieurs secrets de l’Ordre des Templiers, qui avaient été caché jusqu’alors, ceci fut rapporté au Roi Philippes le Bel qui commanda qu’ils fussent examinés, afin de prendre plus ample instruction de cet affaire.
Ces délateurs ( que les historiens remarquent avoir mal fini leurs jours ) déclarèrent des choses si étranges, et d’abord tellement contraire à ce que l’on pouvait s’imaginer des accusés, que le Roi eu peine d’y ajouter foi, mais fait qu’il fût touché de curiosité, fait aussi qu’il jugeât que l’avis était trop important pour le négliger, se résolut d’en savoir la vérité.
Mais d’autant qu’il vit que l’affaire touchait à toute la Chrétienté, il en parla au Pape Clément V. à Lyon, lors de son Couronnement, depuis à Poitiers par les ambassadeurs. Le Pape ne pouvait croire que ces accusations fussent véritables les tenant impossible, et pour ce écrivit au Roi une bulle l’an deuxième de son Pontificat, par laquelle il lui témoigne qu’il ne pouvait asseoir fondement sur ce qu’on lui avait rapporté des Templiers, qu’eux-mêmes en ait eu avis lui avaient écrit et déclaré qu’ils se soumettaient à toutes les plus rigoureuses peines, en cas qu’ils fussent trouvés coupables de ce dont on les voulait accuser, qu’il avait néanmoins délibéré d’en faire informer pour sa satisfaction, priant le Roi de lui envoyer ce qu’il avait déjà de preuve.
Le Roi cependant craignant que cet affaire éventé ne troublât la tranquillité de son état, cet Ordre étant très puissant en France, fit en sorte que tous les Templiers fussent arrêtés, mandant à ses officiers que ses lettres qui portaient commandement d’arrêter les Templiers, fussent ouvertes en un même jour et en une même heure, sur peine d’encourir son indignation, ce qui fut exécuté, même en la personne du Grand Maître de l’Ordre qui était au Temple à Paris et à l’instant le Roi se saisit dudit Temple, y alla loger, y mit son trésor et les Chartes de France, et fit mettre en sa main et saisir tout le reste de leurs biens.
Source : Histoire de la condamnation des Templiers Tome premier MDCCXIII