La peste romaine
La peste romaine de 590 était une épidémie de peste qui a frappé la ville de Rome en l’an 590. Probablement la peste bubonique, faisait partie de la première pandémie de peste qui a suivi la peste de Justinien, qui a commencé au début de 540 et peut avoir tué plus de 100 millions d’Européens avant de s’étendre à d’autres parties du monde et durer jusqu’à la fin de l’Antiquité tardive. La peste a été décrite par l’évêque et chroniqueur Gregorio de Tours et plus tard le chroniqueur Paul le diacre.
Château Saint-Ange
Saint Grégoire Ier le Grand et la peste romaine
[…] L’année suivante il arriva une si grande peste, que l’on vu pertinemment qu’elle venait du ciel pour frapper les habitants. Le premier de tous fut le pape Pelage, qui mourut aussitôt; et ensuite la peste sévit tellement sur le peuple, qu’il y eut beaucoup d’habitants de morts et que plusieurs maisons demeurèrent vides et désertes.
Et comme l’Eglise de Dieu ne pouvait rester sans gouverneur, tout le peuple élut Grégoire pape, quoiqu’il s’y refusât de tout son pouvoir. El lorsque vint le moment de son installation, tandis que cette épidémie détruisait tout le peuple, il lui adressa un sermon, et il ordonna une procession, et il composa de pieuses litanies, en exhortant le peuple à prier Notre-Seigneur avec ferveur.
Et comme tout le peuple était assemblé et qu’il priait, la peste redoubla tellement, qu’en une seule heure elle tua quatre-vingt-dix hommes ; mais pourtant Grégoire ne discontinua pas d’exhorter le peuple à prier jusqu’à ce que la miséricorde divine fit cesser ce fléau.
Et quand la procession fut faite, il voulut fuir, mais il ne le put, car on veillait jour et nuit aux portes de la ville, et l’on y faisait bonne garde à cause de lui. Enfin, il changea de vêtements, et II obtint de quelques marchands qu’il serait transporté dans un tonneau hors de la ville. Et aussitôt qu’il fut dehors, il s’enfuit dans une forêt et il chercha les antres des cavernes, où il resta trois jours et trois nuits.
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Comme on le cherchait soigneusement, une colonne de feu descendit du ciel sur le lieu où il était caché, et un religieux, vit les anges qui montaient et descendaient le long de cette colonne. Alors ceux qui le cherchaient allèrent à cet endroit et prirent Grégoire.
Il fut élu souverain pontife, et toutefois n’accepta-t-il cette haute dignité que contre sa volonté ; et celui qui lit ses paroles s’en aperçoit clairement, car il s’exprime ainsi dans son Épître Narsus, patricien :
«Quand vous me décrivez les hauteurs de la contemplation, vous renouvelez les pleurs de ma ruine, car je n’ai compris ce que j’ai perdu dedans moi, que lorsqu’élevé au dehors, j’ai été porté à la cime de ce gouvernement sans l’avoir mérité. Sachez que je suis navré de tristesse, et que je puis à peine parler. Ne m’appelez plus Noëmi, c’est-à-dire beau, mais appelez-moi Mara ; car je suis plein d’amertume. »
Il dit ailleurs :
« Vous qui me connaissez, et qui savez que je suis parvenu à l’apostolat, aimez-moi et pleurez sur moi, car je pleure sans cesse, et je vous demande de prier Dieu pour moi. »
Il dit en un prologue sur ses Dialogues, à l’occasion des peines pastorales :
« Mon cœur souffre des relations avec les hommes du siècle, et, couvert de la poussière des événements de la terre, , il soupire après l’heureuse époque de son repos; et je regarde ce que je souffre, et je considère ce que j’ai perdu, et ce que je supporte me désole : et je suis maintenant jeté au milieu des fleuves de la mer, et la nef de ma pensée est le jouet des vents et des terribles tempêtes; et quand je me rappelle ma première vie, je tourne mes regards vers le passé, et je soupire en voyant le rivage. »
Tandis que la peste était encore à Rome, il fit la procession autour de la cité, à la manière habituelle, en versant des larmes et des pleurs, et au temps de Pâques. Et comme quelques auteurs le rapportent, il y avait à Rome une image de la bienheureuse Vierge Marie, que l’on attribuait au pinceau de saint Luc l’évangéliste, peintre et habile médecin, et que l’on disait très ressemblante, sous tous les rapports, à la Vierge Marie.
Grégoire faisait porter avec honneur cette image devant la procession. Alors toute l’obscurité de l’air disparu et s’enfuit comme si elle n’eût pu souffrir la présence de l’image, et le temps reprit toute sa douceur, sa clarté et sa pureté.
Et alors, comme le dit ce pape, des voix d’anges furent entendues près de l’image ; elles chantaient et disaient :
« Reine du ciel, réjouis-toi, alléluia, car celui que tu méritas de porter, alléluia, est ressuscité comme il l’a dit, alléluia. »
Et bientôt Saint Grégoire y ajouta :
« Prie Dieu pour nous, alléluia. »
Alors saint Grégoire vit sur le château de Crescence l’ange de notre Seigneur qui tenait un glaive ensanglanté, l’essuyait et le remettait dans le fourreau ; saint Grégoire comprit que la peste cessait, et depuis, ce château fut appelé le château Saint-Ange.