La prière du Rosaire est la meilleure manière de prier, pourvu que vous sachiez le dire comme il faut; et, pour y parvenir, procurez-vous quelque petit livre qui traite de la manière de le réciter – S. François de Sales.
De même qu’on ne peut aller au Père que par le Fils, on ne peut arriver au Fils que par sa Mère. – Léon XIII
Histoire du Rosaire
Le Rosaire avait été institué par saint Dominique au commencement du XIIIe siècle. Par le zèle des Papes, et aussi par les fruits abondants qu’il produisait dans l’église, il devenait de plus en plus populaire. Au XVe siècle, le bienheureux Alain de La Roche, Dominicain, fut suscité par Marie pour raviver cette dévotion si excellente.
Plus tard, dans les premières années du XVIIIe siècle, parut un homme extraordinaire appelé à bon droit le Dominique des temps modernes, et qui fut le grand propagateur, l’apôtre de la dévotion au saint Rosaire; c’est saint Louis-Marie Grignion de Montfort. Depuis saint Dominique, il n’y a pas eu d’homme plus zélé que ce grand missionnaire pour l’établissement de la confrérie du Rosaire: il l’érigeait dans tous les lieux où elle ne l’était pas; c’est le moyen qu’il jugeait le plus puissant pour établir le règne de Dieu dans les âmes. Il composa lui-même une méthode de réciter le Rosaire, qui est restée la meilleure entre toutes, la plus facile à retenir, la plus instructive et la plus pieuse. L’Apôtre de l’Ouest récitait tous les jours son Rosaire en entier, suivant sa méthode, et le faisait de même réciter publiquement tous les jours dans ses missions, et il a fait un point de règle à ses disciples de suivre son exemple.
Par son Rosaire quotidien, Montfort convertissait les plus grands pécheurs et les faisait persévérer dans la grâce et la ferveur de leur conversion; il pouvait dire: « Personne ne m’a résisté une fois que j’ai pu lui mettre la main au collet avec mon Rosaire! » Il avait mille industries pour propager et faire aimer le Rosaire: là, c’étaient quinze bannières représentant les quinze mystères du Rosaire; ailleurs, d’immenses Rosaires qu’on récitait en marchant, dans les églises ou autour des églises, à la manière du chemin de la Croix. Il exaltait le Rosaire dans ses cantiques; un tonnerre de voix répondait à la sienne, et tous les échos répétaient, de colline en colline, les gloires de cette dévotion bénie.
Son œuvre a continué après lui; c’est le Rosaire à la main que la Vendée, en 1793, a défendu ses foyers et ses autels; c’est aussi le Rosaire ou le chapelet à la main que les populations chrétiennes paraissent dans toutes les cérémonies religieuses.
La dévotion du Rosaire , interrompue au quatorzième siècle par la peste terrible qui ravagea l’Europe , fut renouvelée au siècle suivant par Alain de La Roche, Dominicain breton. En 1575, le souverain-pontife Grégoire XIII, en mémoire
de la fameuse bataille de Lépante , gagnée contre les Turcs sous un pape Dominicain, le jour même où les confréries du Rosaire faisaient à Rome et dans le monde chrétien des processions publiques , institua la fête que toute l’Eglise célèbre chaque année le premier dimanche d’octobre, sous le nom de fête du Rosaire.
Le Rosaire, Prière Officielle de l’Eglise À Marie.
Non contente de la recevoir chez elle et de lui faire dans son culte, la part ‘ prépondérante déjà mentionnée, l’Eglise veut que tout fidèle reçoive aussi la Sainte Vierge chez lui; qu’il place en elle, la confiance et l’amour dus à la meilleure des mères ; qu’il voie dans le Rosaire, cette toute aimable et gracieuse formule d’étiquette divine qu’elle aime à trouver sur les lèvres de ses enfants, quand ils se présentent devant son trône, pour solliciter l’obtention des grâces don! elle a été constituée l’auguste gardienne et dépositaire.
Le Rosaire nous conduit à Jésus par la voie qu’il a choisie lui-même pour « venir à nous, c’est-à-dire, la très sainte Vierge « Marie. » Cardinal Dechamps.
Pie X, le Pape de l’Eucharistie, aurait-il pu travailler de façon si efficace à restaurer le Christ au sommet de la vie chrétienne, même des enfants, par la communion fréquente, si Léon XIII, le Pape du Rosaire, n’avait pas frayé les voies au règne du Fils par le règne de Sa Mère.
Qu’on ne se flatte jamais d’aimer réellement Dieu et de le servir, si d’abord l’on n’est pas le fidèle serviteur de la Sainte Vierge. De par une disposition particulière de la Providence, ils sont aussi inséparables dans l’économie de la grâce et de notre salut, qu’ils le sont dans l’ordre de la nature.
S. Hyacinthe, dominicain polonais, fuyait devant les Tatars qui venaient de s’emparer de la ville de Kiev, en 1240. Portant le Saint Sacrement, il franchissait la balustrade du sanctuaire, quand il entendit une voix d’une douceur ineffable, qui semblait venir d’une statue de la Sainte Vierge vénérée dans l’église :
« Mon enfant, ne sépare pas la Mère, de son Fils. Emporte-moi. »
Comment soulever un pareil poids, se demandait le saint, en regardant l’image d’albâtre couronnée d’or, présent du duc Vladimir. Mais, sans effort, la main du serviteur docile, sou- levait la statue, et les eaux du Dnieper se faisaient solides pour honorer le passage de ce touchant et gracieux miracle.
Durant notre court séjour sur la terre, harcelés et pressés de toutes parts, par le mal, appliquons- nous la parole adressée à Hyacinthe : Emporte-moi. Oui, emportons non plus dans nos bras, mais vivante dans notre cœur, la virile tendresse de ces deux amours de la Sainte Vierge et du Saint Sacrement qui sauront assurer notre fuite de l’enfer, et guider notre course vers la paix de l’éternel bonheur.
L’homme s’agite et Dieu le mène, dit un proverbe Nous pouvons ajouter que la prière, à son tour, mène Dieu, en ce sens qu’il s’est engagé à se rendre aux supplications qu’on lui adresse. Quand ces supplications lui viennent de sa Mère, elles lui sont irrésistibles.
Marie est, en effet, la Toute-Puissance Suppliante, Omnipotentia Supplex et elle n’est jamais mieux amenée à remplir ce rôle que par le Rosaire, sa prière préférée.
La Vénérable Mère Hallahan, religieuse dominicaine, disait des grains de son rosaire: « Ce sont les boulets de canon de Notre Dame » ; et en réalité, elle les avait vus abattre plus d’un formidable ennemi, pulvériser des obstacles humainement infranchissables. C’est contre le mal, l’arme des victorieux, parce que c’est l’arme de la Reine de la Victoire.
Les titres du Rosaire ont été proclamés avec des accents incomparables par un Pape qui incarna sur la Chaire de Pierre, la piété des âges pour la Vierge. Sous la plume de Léon XIII, c’est toute une litanie d’ excellence qui jaillit à la louange du Rosaire :
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« Dont Marie fut l’auteur et la maîtresse; l’exercice de piété le plus utile; la formule de prière la plus touchante et la plus efficace ; le mode idéal de supplication ; le moyen assuré d’attirer la clémence divine; la prière incomparable et d’efficacité souveraine; l’arme invincible contre les ennemis de la foi; la prière toute belle et toute féconde; le résumé du culte dû à Marie; le moyen sans égal de mériter sa protection et ses grâces; le noble emblème de la piété chrétienne.«
Inspiré par le même vibrant enthousiasme, le Souverain Pontife Benoit XV écrit au père Becchi le 18 septembre 1915 :
« Que le peuple chrétien tienne pour certain que le Rosaire est la plus belle fleur de piété humaine, la plus féconde source des grâces « célestes.«
Pour accentuer encore davantage ce caractère d’excellence et consacrer jusque dans le langage usuel, un privilège unique de grandeur, l’Eglise interdit de désigner tout autre chapelet, sous le nom de Rosaire.
C’est donc un nom réservé, inaliénable, tout com- me le rôle médiateur de Marie dont il est l’expression : de même qu’il n’y a qu’une Vierge, il n’y a qu’un Rosaire.
Le Rosaire comme méditation ou contemplation.
Méditation ou contemplation, c’est précisément le fond, l’essence du Rosaire, ce qui le distingue radicalement des autres prières. Celles-ci pourraient, en effet, se réclamer tout aussi bien que lui, de nombreux Pater et Ave, mais ce qui donne au Rosaire son caractère distinctif, c’est que sur ce fond commun de prières, il greffe la méditation ou la contemplation des mystères fondamentaux de la vie chrétienne.
On serait porté à croire, à première vue, que cette donnée est franchement admise et comprise de tous, mais nous en sommes loin ; et elle n’est pas du tout d’ordre fictif, la remarque : « On m’a dit que le Rosaire ne comptait pas pour ma méditation. »
L’ignorance, l’étroitesse et la routine, ces trois sœurs inséparables, s’acharnent donc et s’acharneront peut-être encore longtemps à saper le Rosaire, par sa base, en niant sa valeur, comme méditation. Nous sommes en face d’une déconcertante anomalie.
Voilà, en effet, que toutes sortes de méthodes de méditation ou de contemplation ont cours ; et il n’y aurait que celle prônée désespérément par l’Eglise pour ne pas avoir sa place au grand soleil du monde des âmes ! Je ne m’attarderais pas à réfuter pareille aberration, n’était mon souci d’éclairer les consciences honnêtes dont la bonne foi s’est laissée surprendre.
L’opposition au Rosaire, comme méditation, remonte assez loin, car, on lit de sainte Rose de Lima, morte en 1617, qu’elle insistait souvent auprès des prédicateurs et des confesseurs, pour qu’ils établissent la vérité sur ce point. Le préjugé est donc au moins tricentenaire ; mais son âge ne le rend pas plus raisonnable, encore moins lui constitue-t-il des quartiers de noblesse.
Fidèle à mon programme, je demande à l’Eglise, de produire les titras de son Rosaire, comme méditation ou contemplation. Léon XIII va nous répondre.
Sa piété est allée d’instinct au Rosaire, comme son fier génie devait aller d’instinct à saint Thomas d’Aquin, l’Aigle de la doctrine catholique pour la solution des questions vitales qui préoccupaient alors le monde.
Voulant appuyer la piété sur une base solide, il la voulait avant tout doctrinale. Le Rosaire lui offrant cette base inébranlable dans les dogmes de ses mystères, il s’en fit l’apôtre intrépide, le prédicateur inlassable. Il proclama y voir le secret de la rénovation des âmes, la sauvegarde de l’Eglise, le salut du monde.
La question que nous posions tout à l’heure, il va la traiter, et à sa manière, c’est-à-dire par les, sommets. S’il emploie comme il le fait et avec une insistance marquée les mots de méditation, de contemplation, ce serait le comble du ridicule, de croire ou d’affecter de croire, qu’il ne les a pas pesés, ou qu’il en ignore le sens.
Qu’on ne s’y méprenne pas: de même que le Chef de l’Eglise avait voulu renouveler les études théologiques en imposant par voie d’autorité, la doctrine du Docteur Angélique, il voulut compléter son œuvre en renouvelant le monde de la piété, par le Rosaire.
D’une main aussi sûre que ferme, il ramena cet exercice si important de la méditation, à la, belle simplicité et solidité des principes puisés chez ce maître incomparable.
J’oserai dire que la mesure était exceptionnellement opportune, et elle fut saluée avec reconnaissance par tous ceux qui déploraient que les fidèles eussent été découragés de vaquer à cet exercice, tant on le leur avait montré hérissé de difficultés.
Il était, en effet, devenu un épouvantail, même pour la piété des plus intrépides ; ce qui n’explique que trop l’impression fâcheuse généralement répandue aujourd’hui que pour méditer, il faut être savant, et avoir beaucoup de loisirs.
A en croire certains théoriciens à la mode, une bonne méditation doit d’abord, être quelque chose d’ennuyeux, de sec, de froid, d’enchevêtré. Le modèle en est unique pour tous les tempéraments et. toutes les aptitudes. Nous sommes plongés dans une atmosphère factice, où les choses les plus simples sont exagérées, grossies, faussées comme a plaisir.
Bref, la méditation ainsi comprise et déformée, est une torture, une véritable camisole de force, et l’on comprend que pour y échapper, l’âme pantelante et excédée se laisse entraîner au sommeil comme dans un asile sauveur. Réellement ne dirait-on pas que pour s’approcher de Dieu et lui parler, lui, la simplicité, par essence l’on dût suivre le cérémonial prétentieux, gourmé, ridicule, exigé par l’étiquette de l’Escurial pour s’approcher de Sa Majesté Philippe II, souverain de toutes les Espagne.
La méditation du Rosaire, si simple, si unie, modeste et humble comme la Vierge, ne pouvait paraître, évidemment, que bien peu de chose en face de cette méthode fastueuse et contournée : une sorte de paysanne en sabots devant une marquise d’Ancien Régime.
Juchée sur ses hauts talons, cette dernière ne pouvait le prendre que de haut, et de haut elle le prit : Vous, une méditation ! et vous n’avez ni colloque, ni soliloque, ni fournaise d’amour, ni Sinaï enflammé, ni les trente-deux degrés de l’Echelle de Dilection, ni … . allez, passez votre chemin. Vous n’êtes qu’une intruse, une roturière. — La marquise avait parlé : la cause n’était pas finie.
Exposition des quinze mystères
Premier Mystère Joyeux
« L’Annonciation de la Très Sainte Vierge » – Prions pour obtenir ou conserver l’état de grâce.
Dieu a résolu de se faire homme afin de sauver le monde. Mais, il y a sur la terre une puissance qu’il lui est impossible de ne pas consulter au préalable, rien ne devant se faire sans son. concours. Dieu a appelé un de ses anges, Gabriel, et lui a donné pour mission, de soumettre à cette puissance, une demande qu’elle sera libre d’agréer ou de rejeter. L’ange se dirige vers le village de Nazareth. Là, dans une pauvre maison, une jeune fille est en prière. L’esprit céleste la salue comme une reine, et, de même qu’il s’était prosterné devant le Tout-Puissant qui lui donnait sa mission, il s’incline ici comme devant le sanctuaire où Dieu lui-même réside :
« Le Seigneur est avec vous.«
Gabriel expose à Marie, la demande du Dieu qui désire l’avoir pour mère, et …. il attend. La Trinité, dans la personne de son ambassadeur …. attend. Dieu a un tel respect de la liberté humaine en Marie que même pour sauver l’univers, il ne forcera pas le consentement qu’il exige d’elle. Cette modeste jeune fille qui se troublait tout à l’heure aux paroles de l’ange, va lui répondre, ce qui sera aussi répondre à Dieu et cette réponse est une question:
« Comment cela se fera-t-il » ?
Cette hésitation ne doit pas nous étonner, car, avant de voir Dieu dans les magnifiques promesses de l’ange, elle le regardait dans son cœur de vierge, et là, elle le trouvait plus beau encore. L’ange a rassuré Marie dans sa délicatesse virginale, et elle donne à Dieu un consentement qui la fait devenir sa Mère, alors qu’elle rient de se dire sa servante. Chacun de nous, peut-on dire, a aussi son mystère de l’Annonciation dans lequel, à la place de Gabriel, Jésus-Christ lui-même, l’Ange du Grand Conseil, nous offre de devenir ses frères et les héritiers du Ciel. Mais, si Dieu n’a pas voulu forcer le consentement de la Sainte Vierge, quand il était question de sauver le monde, il ne forcera certes pas !. nôtre, et après nous avoir créés sans nous, il ne nous sauvera.
Deuxième mystère joyeux
« La Visitation de la Très Sainte Vierge » – Demandons la grâce de ne donner que de bons exemples.
Elisabeth, épouse de Zacharie, se cachait dans sa demeure, depuis six mois. Pendant ce temps, elle n’avait cessé de prier, la sainte femme, soutenue par l’intense et religieux respect que lui inspirait son enfant, le futur saint Jean Baptiste dont le Ciel lui avait annoncé la naissance. C’est alors que Marie, sa cousine de Nazareth, après avoir reçu la visite de l’ange Gabriel, se mettait en marche pour visiter elle-même sa vieille parente. Riche d’un trésor qui n’était autre que Dieu lui-même ayant pris corps en elle, la Sainte Vierge ne voulait pas le garder pour elle seule.
Après un voyage de quatre ou cinq jours, elle est arrivée à la maison d’Elisabeth qu’elle salue à la façon juive:
« Que le Seigneur soit avec vous » Dominus tecum.
Ce souhait tout ordinaire n’est tombé des lèvres de Marie, qu’après avoir passé par son âme sainte, et le Seigneur fait aussitôt sentir sa présence, de façon admirable, à Elisabeth, et purifie, du même coup, l’âme de son enfant. Elisabeth reconnaît dans sa cousine, la Mère du Dieu qui vient enfin sauver le monde. Elle ne sait comment exprimer sa joie, et prononce ces paroles qui n’ont pas cessé d’être répétées depuis 1ers :
« Vous êtes bénie au-dessus de toutes les femmes, et il est béni, l’enfant dont vous êtes la mère.«
Il en est ainsi des âmes justes où Dieu habite : elles le font sentir autour d’elles, ne fût-ce que dans un regard, une bonne parole, voire même, à l’exemple de Marie, un simple bonjour.
« Partout où passent les saints, disait le Bienheureux Curé d’Ars, ils laissent quelque chose de Dieu.«
Marie l’emportait sur Elisabeth, de toute la hauteur incommensurable de la dignité de Mère de Dieu; et cependant, c’est elle, sa supérieure, qui fait un long voyage pour la visiter, et salue la première.
Dans l’Annonciation, Marie s’était déclarée la servante du Seigneur ; dans la Visitation, elle se fait, durant trois mois, la servante de sa servante, Elisabeth.
Ces deux mystères ainsi rapprochés nous montrent, de façon bien saisissante, que le service de Dieu le vrai ne fait qu’un avec le service du prochain, et que nos vertus privées finiraient par se résoudre en pur égoïsme, si elles n’étaient trempées dans la charité pour autrui.
Troisième Mystère Joyeux
« La Naissance de Notre-Seigneur » – Demandons la grâce d’être des âmes de bonne volonté.
Le Ciel est descendu dans l’étable de Bethléem, et les anges, en chantant, adorent dans son corps de chair, Celui qu’un des leurs annonçait, il y a neuf mois, à Marie de Nazareth. Le Christ est né : le Sauveur est enfin arrivé.
Une mangeoire d’animaux a reçu ses petits membres nue qu’une mère pauvre s’empresse de recouvrir de langes bien pauvres aussi. Le Dieu de toute grandeur s’est abaissé jusqu’à revêtir un corps de houe. Le Tout-Puissant qui autrefois, jetait dans l’espace, des milliards et des milliards de mondes, est là sous nos yeux, dans la quasi impossibilité de faire un mouvement.
Le Verbe, c’est-à-dire la parole elle-même, s’est condamné à ne pas proférer une seule parole. Mais n’y aura-t-il personne pour lui prêter sa voix, exprimer le sentiment qui fit battre son cœur, son Sacré Cœur, en ce moment mille fois béni de son arrivée? Ecoutons ces chants qui viennent d’en haut:
« Paix, sur la terre, aux âmes de bonne volonté. »
Voilà le salut de bienvenue que l’Enfant Dieu adresse au monde, par l’intermédiaire des anges. La paix dont il s’agit, c’est la réconciliation avec Dieu, laquelle doit avoir pour terme, l’immense bonheur du Ciel.
Cette paix nous est offerte, mais à une condition: la bonne volonté: la bonne volonté de nous faire la guerre à nous-mêmes, de soutenir avec courage, la lutte contre les tentations du démon, contre les séductions d’un monde corrupteur et corrompu. Nous n’irons pas nous persuader que notre salut pourra se faire, sans trop nous déranger, en prenant nos aises, en jouissant le plus possible, des plaisirs de la vie.
Non, notre bonne volonté devra marcher de pair, avec la bonne colonie même de Dieu. Allons donc auprès de cette crèche, et adressons lui du fond du cœur, cette courte prière :
« Mon Dieu, qui êtes descendu dans l’abîme de mes misères, pour me tendre la main et me sauver; donnez-moi, s’il vous plaît, d’être une âme vraiment courageuse, vraiment généreuse à vous obéir et servir, ô vous qui avez daigné être généreux à l’infini, pour moi.«
Quatrième mystère joyeux.
« La Présentation de Notre-Seigneur au Temple. » – Demandons le respect et l’amour de la Sainte Eucharistie.
Quarante jours après sa naissance à Bethléem, Jésus est porté par sa Mère, au Temple de Jérusalem, et présenté à Dieu, selon que l’ordonnait la Loi de Moïse. Dans l’offrande qu’il fait alors de lui-même, de tout lui-même, avec ses travaux, ses années de silence et d’humble obéissance, jusqu’au Grand Sacrifice qui marquera la fin de sa vie, c’est notre salut qu’il a en vue.
Qui va reconnaître Dieu ainsi déguisé sous les pauvres apparences dont il a voulu s’envelopper? I y avait alors au Temple, deux vieillards, Siméon et Anne la Prophétesse.
Guidés par une attraction surnaturelle, ils vont à lui et discernent sous les traits de ce petit enfant, le Sauveur si longtemps désiré et attendu.
Siméon prend l’adorable nouveau-né dans ses mains tremblantes, le contemple avec ravissement, puis demande à Dieu de rappeler son âme, à lui, de fermer à la lumière du jour, ses yeux sanctifiés par la vision de la Lumière du monde elle-même.
Anne, une vénérable et chaste veuve de quatre-vingt-quatre ans, veut consacrer ses dernières forces, à parler à tous, du Dieu enfant qui vient de réjouir sa vieillesse.
Oh! les vieilles gens, quand ils voudront aussi être de saintes gens, ils verront Dieu plus facilement que les autres. Nous pourrions être tentés d’envier le bonheur de Siméon et d’Anne, si nous ne nous rappelions qu’il nous est donné mieux que de tenir l’Enfant Jésus dans nos bras, l’Eucharistie, en effet, nous mettant à même de posséder Dieu au plus intime de notre être, par la Sainte Communion.
Qui va découvrir Dieu sous cet, autre déguisement? Ceux qui appartiennent à la famille de Siméon et d’Anne, c’est-à-dire ceux qui fréquentent l’église, font, à leur exemple, la part voulue à la prière et à la pénitence, gardent la chasteté toutes choses qui ont le secret de faire voir Dieu même sur la terre où, par le Sacrement de l’Autel, il a fixé sa demeure au milieu de nous.
Quand, par contre, on ne sait plus reconnaître Dieu dans la Sainte Eucharistie, n’est-ce pas parce que la prière, la mortification et la chasteté ne sont plus là pour ouvrir, purifier les yeux de notre âme, lui faire discerner sous ses traits d’emprunt, le Dieu qui nous aime et vient nous sauver.
Cinquième mystère joyeux.
« Le Recouvrement de Notre-Seigneur au Temple. » – Demandons l’éducation sainte des enfants.
La Sainte Vierge et saint Joseph conduisant l’Enfant Jésus alors âgé de douze ans, étaient venus de Nazareth à Jérusalem, pour les fêtes de Pâques. Trente-deux lieues séparant les deux villes, ce voyage exigeait au moins trois ou quatre jours de marche.
Après avoir passé sept jours dans la Ville Sainte, ils reprirent le chemin de Nazareth en compagnie d’autres pèlerins. Cheminant par groupes séparés, Marie supposait que l’enfant était avec son père , tandis que celui-ci le croyait avec sa mère ; Jésus n’y était pas.
On chercha parmi les parents et les amis, mais toutes les recherches furent inutiles. Le lendemain, au point du jour, le père et la mère plongés dans une tristesse indicible, repartirent pour Jérusalem où ils n’arrivèrent qu’à la nuit.
Ce fut seulement le lendemain, et par conséquent le troisième jour que Marie et Joseph trouvèrent leur fils, au Temple, entouré des savants juifs qu’il émerveillait par sa sagesse. La Sainte Vierge avec la confiante audace que lui inspirait son cœur maternel, lui demande pourquoi il les a ainsi quittés.
» Votre père et moi, ajoute-t-elle nous vous cherchions tout affligés. »
Il leur répondit:
« Ne saviez-vous pas qu’il me faut m’occuper des affaires de mon Père Céleste? »
C’est la première parole du Sauveur qui nous ait été transmise. Les larmes des pieux parents étaient, séchées, et ils ramenaient avec eux, leur enfant bien-aimé.
Dans ce mystère, Notre-Seigneur nous donne une grande et belle leçon, à savoir, que le service de Dieu, la pratique du devoir qu’il nous commande, doit passer absolument avant tout. Le service de Dieu, voilà, en effet, la mention de tout chrétien. Cette leçon était d’autant plus remarquable qu’il la donnait, à un âge où l’enfant ne s’appartient pas, mettant ainsi davantage en relief, cette vérité : que l’enfant relève de Dieu d’abord, et de ses parents ensuite, fussent-ils parfaits comme Joseph et Marie.
S’occuper des affaires de leur Père du Ciel, c’est pour eux aussi, dès leurs tendres années, l’unique nécessaire, le but suprême de leur vie encore dans sa fleur.
Premier mystère douloureux.
« L’Agonie de Notre-Seigneur. » Demandons la contrition de nos fautes et l’horreur du péché.
Jésus avant d’aller à la mort, voulut se rendre sur la colline des Oliviers, pour y prier une dernière fois. Trois apôtres, Pierre, Jacques et Jean, l’accompagnaient.
Plein de jeunesse, de santé, de vigueur, il va ouvrir son âme toute grande, à des douleurs si affreuses qu’on leur a donné le nom du dernier combat que soutient la vie avant de rendre les armes à la mort : l’agonie.
Le spectacle du mal passa devant sa conscience sainte. Ayant pris sur ses épaules, le poids de toutes les malices, de toutes les lâchetés, de toutes les hontes, Jésus, le Verbe fait chair, se sentait devenu aux yeux de son Père, comme le péché Vivant, le Péché fait chair, ne devant s’attendre, en cette qualité, qu’à être broyé sous les coups de sa vengeance.
D’autre part, tous les maux qu’il devait endurer en retour de son dévouement pour les pécheurs, se dressèrent devant lui : la trahison des siens, la flagellation, les coups, les crachats, les moqueries, l’injustice des puissants, l’ingratitude du peuple, les tortures de sa douce mère; enfin, tout son sang répandu sur la croix, supplice des scélérats et des infâmes. Et puis encore, ces souffrances atroces vont être inutiles pour tous ceux qui vont se perdre.
Sous les yeux terrifiés de Jésus, l’enfer ouvre ses abîmes d’épouvante où le mal est châtié sans relâche, sans fin; les hurlements de ses blasphèmes, les clameurs de son désespoir frappent ses oreilles. Eperdu. seul, dans la nuit, en face de ces horreurs réunies de la terre et de l’enfer, il demande grâce à son Père, le conjurant de l’épargner, d’éloigner de lui, si possible, d’aussi affreuses tribulations. Mais, se ressaisissant, la douce Victime haletante et résignée répétait bientôt:
« Mon Dieu, que votre volonté soit faite. »
Il avait prié trois fois, de la sorte, quand il éprouva les mystérieux épouvantements d’une agonie si atroce, que son corps se couvrit d’une sueur de sang qui s’épandit jusque sur le sol. A bout de forces, Jésus tomba la face contre terre.
Ce sang, ces prières ardentes, ces plaintes avaient monté jusqu’à son Père, et un ange venait le réconforter. Prêt à la croix et au martyre, il se lève pour aller au-devant des bourreaux qui le cherchent.
Dieu a voulu, dans ce mystère de son agonie, nous montrer que le péché suffisait par lui-même, à donner à son Christ, le coup de la mort.
Puissions-nous ne jamais oublier, pour notre propre compte, qu’il n’y a pas d’autre mal que celui-là et l’enfer où il conduit.
Deuxième mystère douloureux.
« La Flagellation de Notre-Seigneur. » – Prions pour réparer nos injustices et nos scandales.
Ce traitement était si horrible qu’il n’était pas rare de voir la victime expirer en le subissant. Les Romains l’infligeaient avec des fouets dont les lanières de cuir étaient armées de petits os carrés ou de balles de plomb.
Le patient, dépouillé de ses vêtements, était lié à un poteau, de façon à avoir le dos courbé et la peau très tendue. Les soldats romains s’acharnèrent sur Jésus, à leurs yeux, le type du juif méprisable et détesté et comme leur loi ne réglait pas le nombre de coups à donner, tout fut laissé aux inspirations de leur cruauté.
Quatre soldats devaient frapper. Sous ces horribles fouets, la chair délicate de la divine victime fut arrachée par lambeaux, le sang coulant en abondance lu long des membres.
C’était, du reste, l’intention de Pilate d’en faire un objet de pitié pour les juifs eux-mêmes; aussi, les bourreaux s’acquittèrent de leur mandat avec une barbarie qui fit du corps du Sauveur, une lamentable loque de chair sanglante.
Nous pouvons nous demander où était la Sainte Vierge en ces affreux moments. Le Fils ensanglanté passa-t-il sous les yeux de la Mère en pleurs? Mère de Douleur, elle va suivre, en effet, l’Homme de Douleur.
Recueillons cette nouvelle effusion du sang de Notre Seigneur et pénétrons-nous des enseignements qui nous sont donnés dans ce mystère de souffrance. Nous prenons des précautions infinies pour que rien ne gêne les inclinations de notre chair. Nous trouvons dans ses caprices et ses faiblesses, mille prétextes pour la dispenser des salutaires contraintes de la vie chrétienne et des rares sacrifices que lui impose l’Eglise.
Aussi, les sens montent, et, dans la même proportion, les âmes baissent. Elles baissent pour rouler à la honte et à la ruine éternelle.
Voyons à quel prix, Notre Seigneur veut nous rappeler au respect de notre corps. Ce corps appelé aux honneurs même du Ciel, il ne faut pus hésiter à lui faire connaître, au besoin, les déchirements du sacrifice.
Troisième mystère douloureux.
« Le Couronnement d’épines. » – Demandons le zèle à nous instruire de la Religion, et la victoire sur le respect humain.
Les bourreaux ont détaché le condamné. En aura-t-on enfin pitié? Non. Les soldats de Pilate, rassemblés autour de lui, n’entendent pas de perdre une si belle occasion de s’amuser.
Jésus s’étant appelé Roi, ils vont trouver dans ce titre, l’idée de nouveaux outrages. On lui jette sur les épaules, un lambeau d’étoffe rouge, pour rappeler le manteau des souverains, et on lui met dans les mains, un roseau en guise de sceptre.
La grosseur ordinaire de cette sorte de roseau, était d’un pouce, et sa longueur d’environ six pieds. Tressant à la hâte, des branches d’épines aux dards multiples et très longs, ces misérables en font une espèce de casque militaire qu’ils placent sur la tête de Jésus, et, comme il ne peut tenir, l’y enfoncent à coups redoublés.
Les veines si nombreuses de la tête étant ouvertes laissent couler le sang en abondance. Sainte Catherine de Sienne qui contempla cette scène, dans une vision, écrivait ces paroles qui concordent pleinement avec le récit de l’évangile :
« Qui le croirait? Certaines épines de sa couronne « avaient pénétré jusqu’au cerveau. »
C’est affreux, mais, c’est gai pour ces brutes : on rit. Prenant cet air grave de bouffons qui imitent une cérémonie solennelle, ils s’approchent les uns après les autres, se mettent à genoux devant Jésus, en disant:
« Salut, roi des juifs. »
Puis se relevant, ils saisissent le roseau et l’en frappent sur la tête pour y faire entrer plus à fond les épines, lui bandent les yeux, le frappent au visage, le souillent d’infâmes crachats.
Rarement la lâcheté devait se montrer plus vile, plus monstrueuse. Pilate jugeant le moment propice, montra au peuple, sa victime ruisselante de sang, couverte de plaies béantes, épuisée, méconnaissable.
Attendri par ce spectacle, le peuple se taisait. Mais, sa fureur rallumée bientôt par les excitations d’ignobles politiciens dont il avait fait ses chefs, lui arrachait de nouveau le cri « Crucifiez-le, crucifiez- le. »
Marie entendit-elle ces rugissements de tigres altérés du sang qui restait encore à son fils? Que cette troisième effusion du sang de Notre Seigneur nous rappelle entre autres devoirs, celui de nous instruire le plus possible, de notre religion, Dieu nous a donné une intelligence pour méditer le bonheur et les beautés de son éternité ; il ne faut pas qu’une ignorance coupable la tienne éloignée de cette essentielle occupation.
Là où il n’y a pas d’instruction, le flambeau de la foi qui la suppose, s’éteint; ce qu’il faut éviter à tout prix, si nous voulons nous sauver. Enfants d’un Dieu qui s’appelle le Père des Lumières, nous devons à notre tour, être des porte-lumières en travaillant à le connaître et à le faire connaître.
Quatrième mystère douloureux.
« Le Portement de la Croix. » – Demandons le courage dans les tentations et les épreuves.
La sentence de Jésus vient d’être prononcée. Une route que la vénération des siècles a nommée Voie Douloureuse ou Chemin de la Croix, va s’ouvrir devant le Divin Condamné. Les soldats s’emparent de nouveau, de Jésus, lui enlèvent le haillon rouge dont ils l’avaient affublé, lui remettent ses vêtements qu’ils lui avaient enlevés pour le fouetter, puis, lui laissant sur la tête son horrible couronne d’épines, chargent une croix pesante sur ses épaules déchirées.
Jésus s’avançant avec la plus grande peine, traverse les rues de Jérusalem. Il approchait des murailles de la ville, quand, clans la crainte de le voir mourir en chemin, on obligea un homme appelé Simon, à porter la croix derrière lui.
A la vue de l’Homme de Douleurs mené ainsi au supplice, un frémissement de pitié agita encore une fois, la foule, et une troupe de femmes poussèrent des cris et des lamentations.
Jésus ne voulut pas de ces larmes trop faciles et de cette compassion stérile :
« Ne pleurez pas sur moi, leur dit-il, mais sur vous-mêmes et sur vos enfants. »
Quelles fortes leçons nous sont données dans ce Chemin de la Croix ! Irions-nous oublier ce que le Sauveur disait un jour :
« Que chacun porte sa croix et me suive. »
Voilà non pas un simple conseil, mais un ordre. La croix, pour le chrétien, ce sont les souffrances, les ennuis, les dégoûts, les tristesses de la vie, les difficultés que comporte le devoir de chaque jour.
Faire son devoir, voilà, en effet, la grande croix, car, il est dur de résister au démon, de réprimer ses penchants mauvais, de s’imposer les sacrifices qui répugnent tant à notre nature affaiblie et corrompue.
Ne travaillons pas à faire de la terre, un Paradis ; nous n’y réussirons pas. Après tout, porter la croix de son devoir quotidien, c’est encore la meilleure façon d’être heureux ; et, à ces gens assez mal avisés pour nous plaindre, nous répéterions les fières paroles de Jésus: je n’ai que faire de vos doléances; ne vous apitoyez pas sur moi, mais bien sur vous, et faites pénitence.
Qu’il est consolant de savoir que si les fatigues de notre voyage vers l’éternité, sont accablantes, un repos et un bonheur infinis nous attendent au ternie. Remercions-en la miséricorde de notre Père et de notre Dieu.
Cinquième mystère douloureux.
« Le Crucifiement de Notre-Seigneur. » Demandons pour les agonisants et pour nous-mêmes, la grâce d’une bonne mort.
Jésus est arrivé au sommet de la colline du Golgotha, appelé aussi Calvaire. Les bourreaux lui arrachent ses vêtements, ouvrant ainsi brutalement les plaies de la flagellation. Cette douleur si affreuse en elle-même, n’est que le prélude de plus affreuses encore.
On le couche sur la croix, et, à coups de marteau, on lui enfonce des clous, dans les mains et dans les pieds. C’est horrible. Enfin, la croix lugubre se dresse, et la Victime est saluée par une bordée d’insultes et de blasphèmes, de la part d’une foule immonde qu’attirent l’odeur du sang et les spasmes de l’agonie.
La croix, voilà le trône qui manquait au Roi que l’on couronnait d’épines, tout à l’heure. Nous ne pouvons que recueillir les sept paroles que Jésus fit entendre au cours des trois heures de son supplice.
Les premières concernaient ses bourreaux :
« Père, pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »
Les deuxièmes accordaient le pardon au voleur converti:
« En vérité, aujourd’hui même, tu seras avec moi, en Paradis. »
(Paradis ne signifie pas ici le Ciel proprement dit où le Bon Larron ne devra entrer que le jour de l’Ascension, à la suite de Jésus. Il s’agit des Limbes ou prison des justes où descendra l’âme de Notre-Seigneur, après sa mort.)
Les troisièmes étaient adressées à sa vaillante et sainte Mère, ainsi qu’à Jean son apôtre préféré :
« Femme, voilà ton fils. Fils, voilà ta mère. »
Les quatrièmes furent cet appel de détresse qui perça les ténèbres du Calvaire en deuil. Suspendu entre les malédictions de la terre et les malédictions du Ciel qui le repoussait comme le Péché Vivant, il jeta un cri:
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné«
Les cinquièmes disaient cette soif brûlante tourment horrible des crucifiés que dévore le feu de la fièvre :
« J’ai soif. »
Les sixièmes:
« Tout est consommé, »
c’est-à dire, tout est fini, mon œuvre est achevée, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour sauver les hommes.
Les septièmes et dernières :
« Père, fit-il, poussant un grand cri, je remets mon âme, entre vos mains, »
On le vit baisser la tête, et il expira. Rappelons-nous que nous avons été rachetés à un grand prix, le sang même d’un Dieu. Pensons aussi à l’enfer réservé à ceux qui n’auront pas profité des grâces dont ce sang est la source, lequel nous est communiqué surtout dans la réception des Sacrements.
Serions-nous effrayés du Calvaire du devoir, « Oh ! s’écriait une âme courageuse du Calvaire au Ciel, le chemin n’est pas long. »
Premier mystère glorieux.
« La Résurrection de Notre-Seigneur. » Prions pour la conversion des pécheurs.
A la mort de Jésus, son âme était descendue aux enfers, c’est-à-dire, comme le mot l’indique, les prisons souterraines où étaient détenues les âmes depuis le commencement du monde.
De quelle façon fit-il sentir son pouvoir dans la prison des damnés? Entra-t-il dans celle des enfants morts sans avoir été purifiés du péché originel? Visita-t-il celle du Purgatoire pour y faire de son sang, une aspersion plénière qui en aurait libéré tous les captifs, ainsi que le veut une tradition?
Rien de certain au sujet de ces trois enfers ou prisons. Nous savons seulement et de certitude de foi qu’il visita l’enfer ou prison des justes où étaient rassemblées toutes les âmes saintes qui avaient passé sur la terre, depuis Abel immolé par son frère jusqu’à Notre-Seigneur lui-même immolé aussi par ses frères déicides.
Heureuses, il ne leur manquait pour L’être tout-à-fait que le bonheur surnaturel de la vision de gloire, c’est-à-dire ce bonheur goûté dans la vision de Dieu face à face, sans voile quelconque pour en intercepter l’infinie beauté.
L’apparition de Notre-Seigneur dans la prison des justes leur apportait enfin les joies, la dignité, la beauté qu’impliquait la vision béatifique méritée par ses souffrances et sa mort. C’était donc le bonheur du Ciel, sans le Ciel entendu au sens de la demeure personnelle de Dieu, où Jésus sera le premier à faire son entrée à leur tête, le jour de l’Ascension.
Le troisième jour arrivé, l’âme du Sauveur remontait sur la terre, s’unissait de nouveau à son corps, le faisait revivre d’une vie merveilleuse, triomphante, bienheureuse.
Jésus ressuscitant, sortait de son sépulcre sans le disjoindre, ainsi qu’eût fait un rayon de lumière traversant un bloc de pur Crystal. Il se faisait voir à ses apôtres, à ses amis, à sa mère. Son corps qui, durant la Passion, passait par des souffrances atroces et criait grâce sous les coups de la justice de son Père, est donc maintenant et pour l’éternité, à l’abri de tout malaise, de toute douleur. Avec la plus entière facilité, il se déplace au gré de l’âme, ni retardé par une pesanteur incommode, ni arrêté par un obstacle quelconque.
Comme couronnement de ces dons, le corps de Jésus avait reçu une beauté éclatante dont rien ne saurait nous donner une idée. Un jour, il en avait laissé transpercer quelque chose sur la montagne du Thabor, et les apôtres ravis ne se possédaient plus de bonheur.
Nous devons nous rappeler que, si nous vivons saintement, Dieu ressuscitera, un jour, notre corps, sur le modèle du sien. N’allons donc pas ambitionner pour lui, des satisfactions grossières, de misérables succès de parade, des applaudissements, des flatteries.
Ces ambitions, sont trop basses, et Dieu les veut hautes, nos ambitions, aussi hautes que lui, car il nous appelle à monter jusqu’à lui.
Béni soit donc le sang de Jésus qui en a rendu la réalisation possible.
Deuxième mystère glorieux.
« L’Ascension de Notre-Seigneur. » – Prions pour les Ames du Purgatoire.
Quarante jours après sa résurrection, Notre-Seigneur ayant achevé d’instruire ses apôtres et ses disciples, les conduisit sur la montagne des Oliviers qui avait été on se le rappelle, témoin de son agonie.
Ils étaient au nombre de cent vingt. En présence de cette foule silencieuse et ravie, Jésus s’élève dans les airs, lentement, bénissant encore une fois, ceux qui étaient chargés de continuer son œuvre dans le monde.
Puis, une nuée de lumière vient le dérober aux spectateurs dont les yeux persistent à fixer le point du Ciel qui a vu disparaître le Sauveur. Deux anges interviennent alors pour les arracher à leur ravissement et à leur tristesse.
« Pourquoi rester ainsi à regarder en haut? leur disent-ils. Il ne reviendra qu’à la fin des temps. »
Sur ces paroles, tous s’en retournèrent à Jérusalem. Voilà le récit de l’Evangile, et l’événement qui y est rapporté, renferme le mystère connu sous le nom de la montée ou de l’Ascension de Notre-Seigneur.
Représentons-nous cette scène des adieux du Maître. Autour de lui, invisibles, mais vivantes et glorieuses, les âmes des saints qu’il a délivrées de leur prison et initiées aux exaltantes surprises de la vision béatifique.
En bas, se tiennent les Apôtres et les Disciples. Ceux-là, le repos n’est pas leur partage, mais bien le travail et la souffrance. Jésus-Christ s’élève dans les airs, répandant les bénédictions sur ses amis, et surtout sur cette mère bien-aimée que nous nous serions attendus à voir partager le triomphe de son Fils en l’accompagnant au Ciel. Mais la présence de Marie était nécessaire en ce monde, et Dieu demande à son cœur maternel, ce lourd sacrifice de la séparation.
Le Dieu de l’Ascension a d’abord voulu être ne l’oublions pas le Dieu de la Crèche, le Dieu qui eut faim et soif, comme le dernier des hommes, le Dieu que l’on vit insulté et mis à mort avec des raffinements inouïs de cruauté. Ce qu’il a voulu pour lui, Notre-Seigneur l’exige des siens, proportion gardée.
Et veut-on avoir sous les yeux, bien marquée, notre ligne de conduite, saint Paul nous la donne dans ces quelques mots qui résument tout :
« Personne ne sera couronné, si auparavant, il n’a pas courageusement combattu. »
Nous sommes donc invariablement ramenés à l’idée centrale et directrice de toute vie véritablement chrétienne, le sacrifice.
Troisième mystère glorieux.
« La Descente du Saint-Esprit sur les Apôtres. » Prions pour que la vraie Religion se répande de plus en plus dans le monde.
En prière depuis les dix jours qui s’étaient écoulés depuis l’Ascension, les Apôtres et les Disciples sentirent tout à coup, la maison où ils étaient, ébranlée comme sous les secousses d’un grand vent.
Bientôt apparurent des langues de feu qui s’arrêtèrent sur la tête de chacun des assistants. L’Esprit Saint, troisième personne de la Sainte Trinité, venait d’entrer en scène, à l’effet de compléter l’œuvre du rachat des hommes.
Le mystère de la Pentecôte pourrait être appelé celui de la Naissance de l’Eglise. Jusque-là, en effet, l’Eglise n’était qu’un corps sans âme, sans vie par conséquent. Il était réservé au Saint-Esprit d’être cette âme.
Aussi, tout change à son arrivée, sous les puissantes impulsions dont il anime cette Eglise représentée par les Apôtres, les Disciples et la Vierge Marie. La vie qu’il apporte, elle est maintenant dans leur intelligence, car, ils ont reçu la vérité; elle a aussi jailli dans leur cœur, car, ils ont reçu la foire qui en fera des martyrs.
L’Esprit-Saint venait de se révéler ce qu’il est par-dessus tout, c’est-à-dire un Esprit de Vérite, et un Esprit de Force. Une preuve saisissante en est aussitôt donnée. Pierre, un ignorant tout à l’heure, fait maintenant entendre des paroles qui témoignent d’une science surhumaine.
Et il n’a plus peur : il parle avec une telle force, du crime de ceux qui ont crucifié la Bonté même de Dieu, que des milliers de personnes se prosternent à ses pieds et demandent le baptême.
Cette Vérité rendra l’Eglise Catholique incapable de mentir, comme cette Force va la rendre incapable de mourir: voilà le présent qu’apportait le Saint-Esprit, à l’Eglise au berceau.
Demandons-lui, pour notre part, la plus grande docilité à nous laisser guider par lui, et à correspondre généreusement aux inspirations de sa grâce : tout ce qui regarde la grâce, forme, en effet, son domaine propre.
Nous avons reçu ses dons au Baptême et à la Confirmation ; que ces dons, à raison de notre apathie, ne nous soient pas inutiles. Efforçons-nous surtout, de dissiper notre ignorance et de secouer notre mollesse, afin de préparer le libre accès de la vérité dans notre intelligence, et du courage dans notre cœur.
Quatrième mystère glorieux.
« L’Assomption de la Très Sainte Vierge. » – Demandons la charité parfaite et l’esprit de pénitence.
Dieu a voulu que sa Mère mourût parce que lui-même était mort, mais il ne voulut pas qu’elle subit la corruption du tombeau. Et de même qu’elle avait imité son Fils, toute sa vie, elle l’imita aussi dans son triomphe sur la mort : elle ressuscita.
Ce fut le troisième jour qui suivit son trépas, selon la Tradition. Son âme descendit du séjour des Bienheureux, s’approcha de son corps immaculé, le ranima, le revêtit pour ainsi dire, une seconde fois ; cette fois, pour toujours.
Quoique la fête liturgique de l’Assomption célèbre à la fois sa résurrection et son triomphe au Ciel, le mystère de l’Assomption regarde particulièrement sa résurrection. Il représente pour Marie, ce que la Résurrection fut pour Jésus, comme son couronnement au Ciel aura eu son pendant et son modèle dans l’Ascension.
Félicitons Marie, de ce privilège qu’elle est seule à partager avec son Fils, et demandons-lui bien souvent, de mériter nous aussi par une vie sérieusement chrétienne, le suprême honneur de la résurrection du corps, dans la joie, la jeunesse et la beauté qu’il devra garder toujours.
Nous serions bien à plaindre si, menacés constamment par les flétrissures de l’âge et les coups de la mort, nous ne pensions pas à ce lendemain de magnificence qui attend notre corps; ces qualités dont il sera revêtu comme d’un éternel manteau d’honneur, lesquelles s’appellent l’impassibilité , l’agilité, la subtilité et la clarté.
Par l’impassibilité, le corps ressuscité sera incapable de souffrir; par l’agilité, il n’aura plus de pesanteur et suivra l’âme dans son vol ; par la subtilité, aucun obstacle matériel ne gênera sa marche; par la clarté, il recevra une beauté proportionnée à la beauté même de son âme.
A la fin des temps, sur l’étendue de la terre entière, tous les corps se lèveront et apparaîtront soit avec les marques de la honte du péché, soit avec les dons merveilleux de l’état de bonheur, évidemment, pour mériter ces hautes destinées, les luttes seront longues, acharnées; mais nous inclinerons Dieu lui-même à nous défendre, en recourant souvent à lui, par la Confession et la Sainte Communion.
C’est dans la fréquentation des Sacrements que le chrétien place la sauvegarde de la chasteté qui impose le respect du corps. Il ne peut arriver aux honneurs de Dieu que par le chemin de l’honneur.
Cinquième mystère glorieux.
« Le Couronnement de la Très Sainte Vierge » – Prions pour que la dévotion du Rosaire soit plus con- nue et mieux pratiquée.
Le moment de sa résurrection marque pour la Vierge, le plus grand des triomphes. Le Fils va décerner à sa Mère, des honneurs d’autant plus magnifiques, qu’il a au service de sa tendresse, toute la puissance, toute la richesse d’un Dieu.
Voilà que le Ciel entier est en mouvement. Les armées innombrables des Anges et des Bienheureux ont abandonné leurs trônes. Tous ces esprits de flamme, depuis les simples anges jusqu’aux séraphins, sont accourus au-devant de la Vierge de Nazareth, s’élevant en corps et en âme vers les hauteurs où son Jésus l’appelle.
Est-ce bien là, cette humble femme ignorée du monde, l’épouse de l’ouvrier Joseph, la mère d’un malheureux qui
finit sur le gibet des infâmes? Oui, c’est bien elle. Laissant loin derrière, les Anges et les Archanges, les Trônes, les Vertus, les Dominations, les Principautés, les Puissances, elle dépasse encore dans son vol, les Chérubins et les Séraphins, toutes ces créatures pourtant si pures et si parfaites.
Oh ! elle ne doit s’arrêter que dans les bras de son enfant. A côté de son trône, Jésus en a préparé un à sa mère, et devant toute la cour céleste émerveillée, frémissante de bonheur, il la couronne Souveraine du Ciel et de la Terre, Reine des Anges et des hommes.
Quelle récompense! Quel triomphe! C’est bien aujourd’hui, ô Marie, qu’il convient de répéter les paroles que vous faisiez entendre aux jours de votre jeunesse:
« Toutes les générations m’appelleront Bienheureuse.«
Il y a au Ciel quelqu’un qui ne pense pas comme les autres, qui ne juge pas comme les autres, et qui pourtant, un jour, mettra à exécution ce qu’il a dit :
« les premiers seront les derniers, et les derniers, les premiers. »
Les premiers sur la terre, s’ils veulent conserver leur rang dans l’éternité, n’ont qu’un moyen, celui de surpasser les autres en générosité à accomplir leur devoir. Dieu a inauguré la réalisation de cette promesse, en plaçant son humble mère, au plus haut du Ciel.
Ce n’est qu’un commencement il réserve bien d’autres surprises à ceux qui jugeraient des personnes autrement que par la valeur de leur âme.
« Toi que n’osa frapper le premier anathème, plus reine par ton cœur que par ton diadème, toi qui naquis dans l’ombre et nous fis voir le jour ; Mère avec l’innocence et Vierge avec l’amour, Je t’implore là-haut, comme ici-bas je t’aime, Car tu conquis ta place au céleste séjour ; Car le sang de ton Fils fut ton divin baptême, Et tu pleuras assez pour régner à ton tour. Te voilà maintenant près du Dieu de lumière, Le genre humain courbé t’invoque la première, Ton sceptre est de rayons, ta couronne est de fleurs, Tout s’incline à ton nom, tout s’épure à ta flamme, Tout te chante, ô Marie ! Et pourtant quelle femme Même au prix de ta gloire eût bravé tes douleurs?«
Henri de Rochefort (écrit en 1855)
Le Rosaire en famille
Le Rosaire, à la maison, est une rupture ouverte avec le respect humain, une véritable profession de foi au sein de la famille, ce qui est une excellente préparation à une courageuse profession de foi, dans la société.
Et quel besoin n’a-t-on pas aujourd’hui de cette race de chrétiens sans peur et sans reproche, qui s’honorent de rendre à Dieu et à sa religion, ce qui leur appartient, dévouant leur vie tout entière aux nobles causes qui trouvent, hélas, si peu de réels défenseurs, même dans les rangs des catholiques.
Pères et mères, pour vous engager à introduire et à garder chez vous, l’usage du Rosaire en commun, méditez donc ces paroles du Pape que nous citions tout à l’heure et qui vous montrent dans cette prière, un puissant moyen de rendre encore meilleurs, ceux de vos enfants qui sont bons, et de ramener dans la voie du saint, ceux qui se seraient
égarés.
La piété chrétienne, la moralité publique, la foi elle-même, principe de toutes les autres vertus, tout cela est chaque jour menacé des plus grands ‘périls.
Nous exhortons donc vivement tous les chrétiens à s’appliquer, soit en public, soit dans ‘leur famille, à réciter le Rosaire, et à ne pas cesser ce saint exercice ….
La Patronne Céleste du genre humain exaucera ces prières et elle accordera volontiers aux bons, la faveur de voir leurs vertus s’accroître; aux égarés, celle de revenir au bien et de rentrer dans la voie du salut.
Non seulement le Rosaire est avantageux comme prière privée, mais il devrait occuper dans chaque famille, le rang d’honneur qu’il occupait autrefois, quand sa récitation marquait la fin du jour pour toutes les maisons chrétiennes.
Aussi, nous exportons et supplions tous les fidèles, de dire le chapelet ou tiers du Rosaire, tous les jours, sans se lasser. Le Rosaire, plus que tout autre, a universellement le caractère d’une prière collective et domestique.
Benoit XV. Au Père Becchi, 18 sept. 1915.
Le Rosaire et les petits enfants
Les prières des enfants ont une efficacité toute particulière pour protéger l’Eglise, la patrie, la famille, soulager les Ames du Purgatoire, sauver les pécheurs et peupler le Ciel.
« L’enfant qui a conservé l’innocence de son baptême, peut tout obtenir de Dieu, » a dit un saint.
Les enfants, s’écriait S. Philippe de Néri, ce sont mes aides-de-camp pour la conversion des pécheurs endurcis.
S. Vincent Ferrier, dominicain, le grand thaumaturge du moyen-âge et l’apôtre de la Bretagne (1350-1419) convoquait chaque jour tous les enfants de la ville qu’il évangélisait. Avec eux, il suppliait la Sainte Vierge en faveur des pauvres
pécheurs, qui finissaient tous par se convertir.
S. Vincent de Paul disait à ses missionnaires : « Prions beaucoup; faisons prier surtout les enfants.«
Selon la touchante et juste pensée de S. Jean Climaque,
« le Père Céleste a un faible pour les bégaiements des petits enfants. » « Il me semble écrivait Ozanam qu’aussitôt que cette pauvre petite créature, si douce et si innocente, pourra murmurer une prière, il n’y aura plus rien que le Ciel puisse lui refuser.«
Quand le Bienheureux Curé d’Ars était embarrassé, il appelait les enfants à l’église et priait avec eux.
« Non, aimait-il à dire, on ne peut comprendre le pouvoir que l’âme pure d’un enfant qu’a sur le bon Dieu : ce n’est pas elle qui fait la volonté de Dieu, c’est Dieu qui fait sa volonté.«
On raconte de la Vénérable Mère Rivier, fondatrice de la Congrégation des Sœurs de la Présentation de Marie, et tertiaire dominicaine, dont la vie ne fut qu’un échange de prières et de grâces, de confiance et de faveurs, entre elle et la divine Mère, que dans ses difficultés, elle avait l’habitude d’envoyer ses orphelins, réciter le Rosaire devant la statue de la Sainte Vierge.
En 1683, 250,000 Turcs viennent mettre le siège devant la ville de Vienne, capitale de l’Autriche. Sous l’empire d’une salutaire terreur, on organise dans tout le pays, une croisade de prières à Notre-Dame du Rosaire. Les enfants répètent avec une si grande ferveur cette admirable prière, qu’à Augsbourg, un missionnaire prédisait que bientôt ces chers petits fouetteraient les Turcs, de leurs chapelets. Les Turcs durent reculer, en effet, devant Sobiewski appuyé par l’armée auxiliaire de ces petits soldats de la prière à la Vierge des batailles.
Le Rosaire et la vieillesse
Après les années de jeunesse et de gaieté; après l’âge mûr et ses devoirs austères, c’est le déclin.
Nous apercevons tout-à-coup que le temps a fait son œuvre : notre regard n’a plus la limpidité d’autrefois ; des rides se sont creusées sur notre front ; nos membres sont plus lents ; le corps tout entier s’appesantit et semble se courber vers la terre comme sous le poids d’un invisible fardeau.
Un souffle d’hiver a passé sur notre âme assombrie ; nos sourires sont tristes et notre gaieté, furtive. C’est la vieillesse qui nous avertit de la nécessité de nous préparer aux séparations dernières, à la prochaine rencontre avec Dieu.
Les termes de vieillesse et de prière s’appellent l’un l’autre. Et quelle prière mieux que le Rosaire, préparera le vieillard à son entrée dans l’autre vie?
Le Rosaire et la mort
« Dévots du Rosaire, oui, aimons la « Couronne de Marie » comme la compagne inséparable de notre vie et notre fidèle protectrice. La tenant dans nos mains, à la dernière agonie, qu’elle nous soit alors, le doux présage de l’incorruptible Couronne de gloire. »
Léon XIII Fidentem., 20 sept. 1896.
Un autre usage très louable, c’est de placer le rosaire avec le crucifix, entre les mains des mourants, pour les soutenir dans leur dernière lutte centre l’Enfer, et de le déposer ensuite avec leurs restes dans le cercueil. Trait de haute inspiration chrétienne, car, si la Croix est l’arme du Fils, le Rosaire est l’arme de la Mère, et elles sont toutes deux à leur place, aux mains du soldat du Christ, qui est censé leur devoir le courage de la suprême et décisive victoire.
Sur le point de mourir, S. François de Sales après avoir reçu l’Extrême Onction, demanda qu’on lui passât son rosaire au bras, afin qu’il lui servît de solide bouclier pour repousser les derniers assauts du démon.
« Je n’ai pas peur de la vie quand je songe à ma mère » écrivait le Père Didon. Je n’ai pas peur de la mort, quand je songe à ma Mère du Ciel, pourrions-nous dire, à notre tour.
Le Rosaire et les Ames du Purgatoire
Le Rosaire, à cause de sa merveilleuse prodigalité d’indulgences, a été justement appelé par l’illustre Père Faber « la reine des dévotions indulgenciées« ‘ Que ne peut-il pas, en effet, aux mains de chrétiens fervents, pour porter secours aux prisonniers de l’Eglise Souffrante.
Le Bienheureux Jean Massias, frère convers Dominicain, qui vécut au Pérou, avait l’habitude de réciter aussi souvent qu’il le pouvait, son rosaire pour les défunts.
Sur son lit de mort, et par l’ordre de son confesseur qui seul put vaincre son humilité, il déclara avoir délivré par ce moyen, un million quatre cent mille âmes, des flammes du Purgatoire ; chiffre prodigieux, mais que le Pape Grégoire XVI n’a pas hésité à insérer dans la Bulle de Béatification du saint religieux.
Dans une pauvre église du Tyrol, se trouve un tableau d’un mérite artistique contestable, mais d’une haute et douce inspiration. Il représente le Purgatoire avec deux portes dé sortie du côté du Ciel.
A droite au-dessus d’un autel où un prêtre célèbre le Saint Sacrifice, la porte de l’Eucharistie, toute large et qui livre passage à une multitude d’âmes ; à gauche, la porte du Rosaire par où des anges jettent des chapelets au milieu des flammes et en retirent de nombreux captifs.
C’est sous une forme populaire et saisissante, la belle pensée du Progrès de l’âme. Ch. XV.
Père Demora, 0. P :
« Après la Sainte Messe, le Rosaire est le moyen le plus efficace de soulager les Ames du Purgatoire. »
Dès lors, sachons nous aussi par l’intermédiaire de nos Anges Gardiens, jeter des rosaires dans ces flammes expiatrices. De la sorte, l’Eglise n’aura pas mis inutilement dans nos mains, sous la forme d’indulgences, l’inappréciable trésor des bonnes œuvres satisfactoires de Notre-Seigneur, de sa Sainte Mère et de tous les Elus. Le temps n’est peut-être pas loin, du reste, où nous-mêmes plongés à notre tour, dans cette prison de feu dévorant, bénirons les inspirations d’une charité qui s’était interdit d’oublier les autres, à leur heure de détresse.
Ce qu’il y a dans un tout petit Ave
Les prières ont, elles aussi, leur valeur et leur mérite relatifs, et il importe souverainement, par respect pour Dieu et la sainte Eglise, et pour notre propre avantage personnel, de nous en rendre un compte exact.
D’un choix judicieux et surnaturel dépend le bon ordre de notre foi et de notre piété, aussi bien que l’avancement spirituel quotidien que Dieu attend de nous.
Les formules les plus simples, en apparence, sont parfois les plus divines d’origine, les plus profondes de doctrine et de sens, les plus sublimes d’inspiration. C’est tout d’abord le cas pour le Pater, qu’un jour le Seigneur lui- même nous enseigna, puis ce l’est ensuite, mais immédiatement, pour la salutation Angélique.
Prière admirable, parce qu’elle est apportée du ciel par l’ange de Dieu à Marie, et consacrée dans le Rosaire, avec une insistance particulière, par l’usage officiel de l’Eglise, juge et conseillère infaillible en cet ordre de choses, elle présente encore une autre excellence, celle d’une » leçon de prière » parfaite.
Désarticulée, en effet, le mécanisme de la prière laisse voir deux éléments distinctifs, la louange et l’invocation, que l’Ave Maria réunit à un degré singulier. Voyons un peu comment.
Quand je prie, j’élève d’abord mon esprit vers Dieu pour le contempler et l’adorer. C’est là, dans toute prière véritable, le premier sentiment de l’âme chrétienne.
Avant même que d’adresser à Dieu notre supplique, déjà, par le mouvement de notre foi, nous louons d’abord sa puissance infinie, sa bonté toute miséricordieuse, ses grandeurs, toute sa majesté. Et bien plus, d’un seul regard de la foi ou d’un simple élan de la charité, nous pourrions avoir prié, car, de contempler Dieu et de l’aimer de toute son âme, c’est, aussi, vraiment et parfaitement prier.
Et si ma prière, au sens ordinaire du mot et dans la pratique, n’est qu’une « demande » faite à Dieu, en son nom ou celui de ses Saints, les grâces dont j ai besoin, il y a encore, dans ce recours, un implicite tribut d’hommage et d’adoration.
L’humilité chrétienne est le terrain naturel où germe la louange de Dieu, et c’est sur cette tige que fleurit la prière. Il nous est, d’ailleurs, instinctif d’en agir de la sorte, et c’est là ce que nous faisons tous les jours. Nous nous réclamons auprès des puissants, des riches, de ceux que distinguent la naissance, la fortune, le prestige du talent ou du génie, de leur puissance même, de leur richesse, de toute l’influence précisément et de ce talent et de ce génie, pour leur faire à eux-mêmes comme une obligation morale, déjà, de nous assister. Rien n’est plus juste.
Eh ! bien, voyez cette salutation de l’ange, si simple et pourtant si rationnelle, comme elle sait bien tout d’abord présenter à Dieu, en Marie, le plus magnifique tribut d’hommages et de louanges. C’est déjà, d’un seul coup, le demi- succès de notre demande.
Elle évoque, en effet, dans l’âme de la très sainte Vierge, les plus suaves, d’ineffables souvenirs, ceux des circonstances les plus divinement mystérieuses de sa vie terrestre. . . prédestination à la maternité divine, apparition soudaine du céleste messager qui la salue » pleine de grâce et bénie entre toutes les créatures « , première reconnaissance, par la mère du Précurseur, des grandes choses, des merveilles accomplies en elle par l’adorable Trinité, et tout ce culte des générations à venir, de l’Eglise, épouse du Fils divin qu’elle va engendrer, à travers tous les siècles désormais, jusqu’aux profondeurs de l’éternité !
Quels mystères adorés, et Gabriel, Elizabeth, Jésus et son Eglise, quelle magie d’évocation, dans ces mots, pour le cœur de Marie !
Or, depuis lors, à chaque jour, et à chaque instant, c’est avec ces personnages glorieux, de leur propre voix encore tremblante des mêmes émotions, que l’humanité, défilant devant Marie, en un cortège vaste comme le monde, s’incline devant elle, dans la poussière du néant, écrasée sons le poids de son péché. Et nous la proclamons, celle-là, » Mère de Dieu ! » Et sans jamais cesser, nous la chantons assise sur un trône, voisin de celui de Dieu, avec qui, elle aussi, règne sur le monde !
» Vous êtes pleine de grâce, le Seigneur est avec vous ; entre toutes les femmes vous êtes bénie à jamais, et vous portez dans vos entrailles un fruit divin, le verbe fait chair, ce Jésus-Christ, la source même de toute bénédiction ! «
Ici, l’Eglise ajoute un mot indiciblement doux, son nom : » Je vous salue, Marie ! » Et cela veut dire, comme le proclament les saints : » excellent chef-d’œuvre du Très Haut, Mère admirable du Fils, qui, dans son cœur, vous estime et vous aime plus que tous les anges et les hommes, fontaine scellée et épouse fidèle de l’Esprit ! «
Nou poursuivons : » le Seigneur est avec vous » ; et cela veut dire : »Vous êtes le sanctuaire et le repos de l’adorable Trinité toute entière, un temple plus magnifique et plus divin que celui même de l’univers, que celui même des chérubins et des séraphins ! «
Oui, » Le Seigneur est avec vous « , et cela veut dire, comme l’explique l’ange : » Ne craignez rien, Marie, vous avez trouvé grâce devant Dieu lui-même. . . dans votre sein virginal vous allez concevoir, et le Fils que vous engendrerez s’appellera Jésus. . . Il sera grand entre tous. . . ce sera le Fils même du Très-Haut… le Seigneur Dieu va lui donner le trône de David, son ancêtre selon la chair, et sur la maison de Jacob, c’est-à-dire de l’Eglise, à jamais il régnera ! »
En la glorifiant, nous nous attachons à glorifier Dieu lui-même, et c’est par où nous atteignons le mieux son cœur. . . Elle n’a pas cette fausse humilité de ne point voir en elle les grandes choses qu’y a faites Dieu.
Elle les contemple, au contraire, dans l’extase et l’adoration. Elle les proclame bien haut. Son âme en déborde, et devançant tous les siècles, et franchissant tous les espaces, elle les chante à tous et partout ! Mais, en cela, elle ne s’abuse pas non plus, et c’est Dieu, Dieu seul qu’elle exalte et glorifie de la sorte.
Comme nous aussi, donc, nous lui plaisons, en rapportant avec elle toute gloire à Dieu. . . » Vous êtes pleine de la grâce de Dieu, le Seigneur est avec vous ! «
Ainsi louée, notre Mère du Ciel est, comme à nouveau, dans le plus pur enivrement de ses impressions d’alors, de ses émotions divines, et le moment pourrait-il être plus admirablement venu de présenter à la Vierge bénie nos humbles requêtes ?
Voilà, très sommairement, ce que contient de gloire et d’honneur, pour Dieu et sa sainte Mère, la simple moitié d’un tout petit » Ave « , et encore n’ai-je traité ce sujet qu’à fleur de choses, et comme, pour ainsi dire, par l’écorce seulement.
Dans la fin, nous verrons par quelles voies la plus humble prière peut emporter le ciel d’assaut, et monter infailliblement au plus éclatant des triomphes.
Frère. Paul Desjardins, des frères prêcheurs.
Source : Le Saint Rosaire – Père J.Harpin Dominicain