On nous dit parfois que, s’il devait y avoir une vacance prolongée du siège apostolique, ou s’il n’y avait plus de Cardinaux, nous serions dans une « impasse », sans aucun moyen d’obtenir ou d’élire un nouveau successeur de saint Pierre.
L’argument est alors souvent le suivant : Mais il doit y avoir des successeurs perpétuels de Saint Pierre ; il ne peut donc pas y avoir de vacance prolongée du siège apostolique.
Ces prémisses sont aussi occasionnellement utilisées pour étayer des théories particulières sur le statut des cardinaux putatifs actuels.
Sans émettre d’opinion sur la légitimité du collège actuel des cardinaux putatifs, leur droit de vote, ou quoi que ce soit d’autre, nous pouvons noter que ces arguments dépendent de prémisses qui n’étaient en aucun cas évidentes pour les théologiens écrivant avant notre époque. Il y a eu plusieurs grands théologiens dans l’histoire qui ont considéré des situations similaires (même si non identiques) à la nôtre, sans se sentir obligés de formuler de telles conclusions.
En ce qui concerne le texte de Saint Bellarmin : il n’est pas clair qu’il concède que tous les Cardinaux pourraient mourir ou disparaître. Mais il envisage au moins une circonstance hypothétique, dans laquelle la loi naturelle et la loi divine s’appliqueraient : en tant que société parfaite, l’Église doit pouvoir se doter d’une tête visible d’une manière ou d’une autre.
Il ne fait aucun doute qu’il existe de très nombreux problèmes pratiques lorsqu’il s’agit d’appliquer les idées ci-dessous à notre situation actuelle. D’autres pourront objecter qu’il ne s’agit que de l’opinion de Bellarmin, et que d’autres théologiens ont d’autres opinions. Ces arguments sont peut-être corrects, mais ils ne sont pas pertinents.
Comme l’implique l’idée d’une série de textes de ce type, nous ne publions pas ce texte comme s’il réglait la question. Nous ne déclarons pas non plus comment la crise actuelle va se terminer, et comment un nouveau Pontife Romain sera élu.
Nous montrons simplement qu’il est faux de dire qu’il n’y a pas de solutions à la situation. Même une solution qui est pratiquement irréalisable (du moins, à l’heure actuelle) réfute de telles affirmations.
Nous ne ressentons pas non plus le besoin d’adopter une opinion donnée sur ce sujet, ou de présenter un « plan » pour restaurer l’Église – comme s’il appartenait à l’un d’entre nous de le faire. Il n’est pas évident qu’il n’y ait qu’un seul moyen de sortir de notre situation ; il ne semble pas non plus que les différentes parties au Concile de Constance aient été d’accord sur ce qu’elles devaient faire (ou sur ce qui se passait à l’époque) à l’égard des trois prétendants, ou sur le mécanisme exact par lequel le futur Pape Martin V a été élu. Il semble sage d’avoir autant d’idées sur la table
Quoi qu’il en soit, le point est le suivant : Bellarmin et d’autres ont réfléchi à la manière dont l’Église pourrait obtenir un pape sans aucun cardinal, et loin de nier cette possibilité, ils ont présenté des solutions. Cela suffit à réfuter l’objection en question.
St Robert Bellarmin sur Les élections papales extraordinaires – Les controverses de Bellarmin
De clericis Traduit par M. James Larrabee, avec des commentaires. Quelques retours à la ligne ajoutés par The WM Review – Reproduit avec l’autorisation des Forums Bellarmin – Livre I, chapitre 10
Huitième proposition
S’il n’y avait pas de constitution papale sur l’élection du Souverain Pontife ; ou si par hasard tous les électeurs désignés par la loi, c’est-à-dire tous les cardinaux, périssaient simultanément, le droit d’élection reviendrait aux évêques voisins et au clergé romain, mais avec une certaine dépendance à l’égard d’un conseil général des évêques.
Sur cette proposition, il ne semble pas y avoir d’accord universel. Certains pensent que, à l’exclusion du droit positif, le droit d’élection serait dévolu à un Conseil d’évêques, comme Cajetan, tract. De Potestate Papae & Concilii, cap. 13 & 21 & François Victoria, relect. 2. quest. 2. De potestate Ecclesiae.
D’autres, comme Sylvestre relate s.v. Excommunicatio, 9. sec. 3, enseignent que dans ce cas le droit d’élection appartient au clergé romain.
Mais ces deux opinions peuvent être conciliées. Sans aucun doute, l’autorité primaire d’élection dans ce cas appartient à un Conseil d’Évêques ; puisque, quand le Pontife meurt, il n’y a pas d’autorité supérieure dans l’Église que celle d’un Conseil général : et si le Pontife n’était pas l’Évêque de Rome, ou de tout autre lieu particulier, mais seulement le Pasteur général de toute l’Église, il appartiendrait aux Évêques soit d’élire son successeur, soit de désigner les électeurs : néanmoins, après que le Pontificat du monde ait été joint à l’évêché de la Cité [posteaquam unitus est Pontificatus orbis Episcopatui Urbis], le pouvoir immédiat d’élire dans ce cas devrait être permis par les évêques du monde entier aux évêques voisins et aux clercs de l’Église romaine, ce qui est prouvé de deux manières.
Premièrement, parce que le droit d’élection a été transféré de tous les évêques voisins et du clergé romain aux cardinaux, qui sont une certaine partie des évêques et du clergé de l’Église romaine ; donc, lorsque les cardinaux font défaut, le droit d’élection doit revenir à tous les évêques et au clergé de l’Église romaine.
Deuxièmement, parce que c’est une coutume très ancienne (comme nous l’avons montré ci-dessus à partir de Cyprien), que les évêques voisins, en présence du clergé, élisent à la fois l’évêque de Rome et les autres. Et il n’est jamais arrivé que les évêques ou les archevêques du monde entier se réunissent pour élire le Souverain Pontife, sauf dans le cas où il y a un doute sur l’identité des électeurs légitimes. Car ce doute doit être résolu par un concile général, comme ce fut le cas au concile de Constance.
Commentaires de M. James Larrabee
Il faut noter que dans ce livre, saint Robert traite d’abord de l’élection des évêques, réfutant longuement la théorie protestante de l’élection populaire (remise au goût du jour par les « catholiques » libéraux modernes) (chap. 7). Il traite ensuite en détail de l’élection du Souverain Pontife (chap. 9). La proposition qui figure en tête du chapitre 7 est la suivante :
« Le droit d’élire le Souverain Pontife, ainsi que les autres pasteurs et ministres de l’Église, n’appartient pas au peuple de droit divin. Mais si, à une époque quelconque, le peuple a eu quelque pouvoir en cette matière, ce fut entièrement par la connivence ou la concession des Pontifes.«
Un autre point à garder à l’esprit dans ce contexte est que les évêques voisins du siège de Rome sont en fait les évêques cardinaux, les évêques des sièges suburbicaires. Ceux-ci ont été associés au gouvernement de l’Église par les Papes depuis les temps les plus reculés. Sur ce point, Bellarmin dit au chap. 9 (dans lequel il s’attache à montrer que la méthode constituée d’élection du pape par les cardinaux, bien que n’étant pas de droit divin, est la meilleure et doit être conservée) :
« La deuxième manière [d’élire un évêque] était que tous les évêques de la même province, ou la majorité d’entre eux, élisent l’évêque, après avoir toutefois demandé le témoignage et le consentement du clergé et du peuple du lieu auquel l’évêque est donné ; et de la même manière étaient élus les métropolitains, les patriarches, et le Souverain Pontife lui-même, à savoir par les évêques voisins ou provinciaux. Et c’était la manière la plus ancienne…«
À lire aussi | Le Vatican ordonne une visite apostolique dans le diocèse Fréjus-Toulon
Plus loin, il dit :
« La seconde manière se retrouve dans cette forme [d’élection du pape, c’est-à-dire l’élection par les cardinaux], dans la mesure où l’élément principal en est concerné ; car les évêques voisins élisent maintenant ce qu’ils élisaient alors, à savoir les six cardinaux-évêques.«
James Larrabee
A.M.D.G.
Cet article a été publié originellement par The WM Review (Lien de l’article).