Jésus-Christ enseigne Marie Lataste sur les trois sortes de mort le jour où elle assistait à l’enterrement d’une femme. Pendant qu’elle priait pour elle et qu’elle demandait à Dieu de lui faire miséricorde, elle entendit le Sauveur Jésus-Christ lui parler ainsi.
« Ma fille, il y a trois sortes de mort :
– la mort naturelle ;
– la mort spirituelle ;
– la mort éternelle ;
La mort naturelle est la séparation de l’âme et du corps ; la mort spirituelle est la séparation de l’âme et de la grâce par le péché ; la mort éternelle est la séparation de l’âme et de Dieu par la punition éternelle du péché.
La mort naturelle, ma fille, est la séparation de l’âme et du corps ; cette mort est la première punition portée contre le péché. Le péché a été la cause de la mort. L’homme n’était point destiné à mourir, mais, parce qu’il s’est révolté contre Dieu, il a été condamné à la mort.
Tous les hommes sont condamnés à la mort naturelle parce qu’ils ont tous péché en Adam. Les grands et les petits, les savants et les ignorants, les riches et les pauvres, les potentats et leurs sujets, tous sont marqués du signe de la mort et pas un ne lui échappe. Chacun disparaît tour à tour, et chaque jour est un pas de plus vers la mort.
Tous les hommes sont condamnés à la mort naturelle, l’arrêt est porté contre tous ; mais nul ne connaît, à moins d’une révélation spéciale, ni le jour, ni l’heure, ni la manière, ni le lieu de sa mort. La mort arrive comme un voleur ; elle surprend, quand on y pense le moins, le plus souvent alors qu’on se promet quelquefois encore une longue existence.
La mort arrive et ruine tous les plaisirs de la vie, les richesses de la vie, les honneurs de la vie, la force et la vigueur de la vie ; elle ne laisse rien de l’homme qu’un cadavre ; elle ne laisse qu’une vile pâture pour les vers du tombeau.
La mort spirituelle est la séparation de l’âme et de la grâce de Dieu. Votre âme, ma fille, est immortelle ; elle n’a pas besoin comme votre corps d’être vivifiée par un principe supérieur à elle-même ; elle ne se crée pas elle-même, elle vient de Dieu ; mais Dieu crée l’âme pleine de vie, et la vie que Dieu donne à l’âme est une vie immortelle. Cette vie de l’âme n’est pas pourtant sa vie véritable ; il y a une vie préférable à cette vie, une vie plus élevée, plus précieuse, qui lui est communiquée et qui devient sa propre vie, que l’âme peut posséder et perdre une fois qu’elle l’a reçue. Cette vie lui est donnée par la grâce sanctifîante dont je vous ai déjà entretenue.
La grâce sanctifiante est la vie spirituelle et surnaturelle de l’âme. Elle lui est donnée par le baptême et les autres sacrements ; elle lui est enlevée par le péché mortel. Toute âme qui est en état de péché mortel a perdu la vie de la grâce. Il y a incompatibilité radicale entre la vie de la grâce et le péché mortel. Aussi toute âme qui est en état de péché mortel est morte à la vie de la grâce, bien qu’elle conserve sa vie naturelle, qui lui a été donnée au moment de sa création.
Cette mort est terrible et souverainement déplorable, parce qu’elle peut fixer l’âme dans la mort éternelle. La mort éternelle, ma fille, est la séparation éternelle de l’âme d’avec Dieu par la punition que Dieu inflige à l’âme en état de péché. Quand une âme est séparée du corps qu’elle vivifiait et qu’elle apparaît devant Dieu, son sort est immédiatement fixé et pour l’éternité.
Si elle est unie à Dieu par la grâce sanctifiante, elle sera éternellement heureuse et jouira éternellement de la vue de Dieu ; si elle est séparée de Dieu, non par le péché mortel, mais par la peine due à ce péché qu’elle n’a point expié ou par le péché véniel, cette séparation ne sera que temporaire, elle est unie à Dieu par la grâce sanctifiante ; Dieu, après lui avoir fait expier ce qu’elle doit à la justice divine, l’appellera dans ses tabernacles éternels ; si cette âme, au contraire, est séparée de Dieu par le péché mortel et qu’elle soit trouvée dans cet état au moment où il lui demandera compte de sa vie dans le temps, elle sera éternellement damnée.
La vie de la grâce a fui de cette âme, la mort du péché l’a pénétrée toute entière ; elle restera éternellement dans cette mort, et cette mort éternelle sera punie par une peine qui n’aura jamais de fin.
Tous doivent mourir, mais seulement de la mort naturelle. Nul n’y peut échapper, mais tous doivent fuir les deux autres. Or, pour cela, le meilleur moyen, c’est de penser souvent à la première, à la séparation de l’âme et du corps. La pensée de la mort détache en effet du monde, de ses pompes, de ses plaisirs et de ses joies, qui sont causes de péché, de mort spirituelle et éternelle.
La pensée de la mort ferme l’oreille aux tentations de Satan, arrête les mouvements de la concupiscence, résiste au péché, cause de la mort spirituelle et de la mort éternelle. La pensée de la mort est une arme contre l’orgueil, l’avarice, la luxure, l’envie, la gourmandise, la colère et la paresse, qui causent la mort spirituelle et la mort éternelle. Tout péché vient de ce qu’on oublie la mort. Celui qui y pense ne pèche point, parce que l’homme aime la vie, chérit la vie, désire la vie, et qu’en péchant il perd la seule vie véritable, la vie de l’âme et la vie de la gloire.
Quand on a sous les yeux la pensée de la mort, on voit la vanité du monde, la vanité de ses plaisirs, la vanité de ses richesses, la vanité de tout ce qui est en lui ; on fuit le monde et tout ce qui est du monde pour s’attacher à Dieu.
Quand on a sous les yeux la pensée de la mort, on voit son néant, le néant des richesses, le néant de l’amour-propre, le néant des plaisirs charnels, le néant des satisfactions de l’esprit et du cœur ; on fuit tout pour s’attacher à Dieu. De quelle utilité ne sera donc pas pour vous, ma fille, la pensée de la mort, puisqu’elle vous fera fuir le péché et toutes sortes de péché ?
En quelque position que vous vous trouviez, la pensée de la mort vous sera salutaire.
Si vous êtes dans la peine, vous vous direz à vous-même en pensant à la mort : Courage, mon âme, la mort viendra bientôt ; si nous supportons bien ces peines, elle y mettra fin pour toujours.
Si vous êtes dans la joie, vous vous direz à vous-même en pensant à la mort : mon âme ! la joie que nous avons sur cette terre passera bientôt ; ne nous y attachons point, mais faisons le bien pour avoir une joie qui ne passera jamais.
Si vous êtes dans l’accablement et le dégoût, vous vous direz à vous-même en pensant à la mort : Allons, mon âme, travaillons avec ferveur, afin que la mort, à son arrivée, ne nous trouve point les mains vides.
Si vous êtes dans le péché, vous vous direz à vous-même en pensant à la mort : O mon âme ! sortons de cet état, revenons à la vie de la grâce pour ne point tomber dans l’éternelle mort, et demeurer unie à Dieu pour jamais.
Si vous commencez à marcher dans la voie du salut, si vous combattez depuis peu les combats du Seigneur, vous vous direz à vous-même : mon âme ! courage contre nos passions, courage contre Satan et le monde, courage contre nos faiblesses, luttons et marchons toujours, selon le désir de Dieu, dans le bien et la vertu pour acquérir la vie de l’éternité.
Si vous êtes déjà avancée dans la voie du bien et de la sagesse, vous vous direz à vous-même en pensant à la mort : mon âme ! acquérons toutes sortes de vertus, faisons-nous des trésors que la rouille et les voleurs ne feront point disparaître ; la mort peut arriver sans tarder, ne perdons pas de temps.
Si vous marchez à grands pas dans le chemin de la perfection, vous vous direz à vous-même en pensant à la mort : mon âme, qu’il est doux d’être uni à Dieu ! redoublons d’efforts pour mériter de le posséder à jamais, donnons-lui tout ce que nous avons, ne disposons de rien que pour lui, vivons pour lui, pour mourir en lui et vivre à jamais avec lui.
Ainsi, ma fille, la pensée de la mort ne fait pas seulement éviter le péché, elle fait encore pratiquer le bien, elle fait acquérir toutes sortes de vertus et mène, par conséquent, droit à la vie éternelle par la conservation et l’augmentation de la vie spirituelle par la grâce sanctifiante.
Pensez ainsi à la mort, ma fille, et quand l’heure de votre trépas viendra, vous ne tremblerez point comme les pécheurs, mais vous espérerez comme les justes ; vous ne serez point troublée comme les pêcheurs, vous serez calme comme les justes.
À l’heure de la mort, quels regrets pour le pêcheur qui a fait un si mauvais usage de la vie, qui a abusé de mes grâces, qui a commis plus de péchés qu’il ne porte de cheveux sur sa tête ! Quelle consolation pour le juste qui a consacré à Dieu tout son temps, son enfance, sa jeunesse, son âge mûr et sa vieillesse, qui a correspondu aux grâces de Dieu et qui a embelli son âme de toutes sortes de vertus !
À l’heure de la mort, quelle peine horrible pour le pécheur qui souffre dans tout son corps les douleurs de sa maladie ; dans son esprit les douleurs du remords de son iniquité ; qui doit se séparer pour toujours de ses parents, de sa famille, de ses biens, de tout ce qui lui est cher, et qui désespère d’obtenir son pardon et sa grâce.
Quelles douces consolations pour le juste qui voit dans ses souffrances une source de nouveaux
mérites, qui jouit de la paix de l’âme et qui met toute sa confiance en Dieu, qu’il aime de toutes ses forces.
À l’heure de la mort, quel effroi pour le pécheur qui entend déjà le jugement que Dieu prononce contre lui, qui entrevoit l’enfer entr’ouvert sous ses pas pour une éternité !
À l’heure de la mort, quelle fête pour le juste ! Il sait que Dieu est juste, bon et miséricordieux ; il sait que Dieu aime les âmes de bonne volonté, qu’il a promis la récompense de l’éternité au serviteur fidèle ; il s’abandonne à lui, remet son esprit entre ses mains divines et meurt en paix.
Oui, ma fille, autant la mort est terrible pour le pécheur, autant elle est douce pour le juste, qui, bien loin de la redouter, la désire de tout son cœur et avec raison. La mort, en effet, délivre le juste des tentations et du danger de perdre son salut : voilà pourquoi il la désire comme un bien et le plus précieux des biens.
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La mort le délivre des souffrances du corps, de l’esprit et du cœur : voilà pourquoi il la désire comme un bien et le plus précieux de tous les biens. La mort le délivre de sa misère, de sa pauvreté, de son dénuement. Il ne possède pas Dieu tant qu’il possède la vie, la mort va le lui donner : voilà pourquoi il la désire comme un bien et le plus précieux des biens, puisqu’elle va lui donner Dieu, le seul bien véritable.
Vivez dans la justice, ma fille, et vous désirerez mourir ; vivez dans la justice, et la mort sera pour vous pleine de douceur ; vivez dans la justice, la mort vous unira à Dieu pour toujours. »
Source : La vie et les œuvres de Marie Lataste Religieuse Coadjutrice du Sacré-Coeur – Abbé Pascal Darbins – Approbation de Mgr D’Aire – 1866