Un jour que le Saint Benoît était dans sa cellule, le petit Placide, un des moines du saint homme, sortit pour aller puiser de l’eau dans le lac.
Mais, en y plongeant le vase qu’il tenait à la main, il ne prit pas assez de précaution ; son corps
suivit le vase, et il tomba. Bientôt le flot l’eut emporté, et déjà le pauvre enfant se trouvait loin du bord, environ à la portée d’une flèche.
Du fond de sa cellule, l’homme de Dieu connut aussitôt le funeste accident ; il appela Maur en toute hâte, et lui dit :
« Mon frère, courez vite ; cet enfant qui est allé puiser de l’eau est tombé dans le lac ; déjà le flot l’entraîne au loin. »
Alors éclata un étonnant prodige qui ne s’était pas renouvelé depuis l’apôtre saint Pierre :
Matthieu 14 :
28 Pierre prit alors la parole : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux. »
29 Jésus lui dit : « Viens ! » Pierre descendit de la barque et marcha sur les eaux pour aller vers Jésus.
Après avoir sollicité et reçu la bénédiction de son Père, Maur courut au plus vite exécuter ses ordres. S’imaginant qu’il marchait sur la terre, il parvint rapidement à l’endroit où le flot avait entraîné Placide ; il le saisit par les cheveux, et s’en retourna avec la même vitesse.
A peine eut-il touché au rivage qu’il revint à lui, regarda derrière, reconnut qu’il avait couru sur les eaux, et, dans sa stupéfaction, il frissonna en pensant qu’il venait de faire ce qu’il n’eût point osé se permettre.
De retour vers l’abbé, il lui raconta ce qui venait de se passer. Ce prodige, Saint Benoît ne l’attribua pas à ses mérites, mais à l’obéissance de Maur.
Maur, de son côté, soutenait que cela ne s’était effectué qu’en vertu du commandement du Saint abbé, et qu’il ne pouvait avoir part à un miracle qu’il avait fait sans le savoir. Dans cette amicale contestation d’une humilité réciproque, l’enfant arraché aux flots survint comme arbitre, et dit :
« Lorsqu’on me retirait de l’eau, je vis au-dessus de ma tête la mélote* du Père abbé, et je m’imaginai que c’était lui-même qui m’arrachait du sein des flots. »
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La mélote était une peau de mouton ou de brebis avec sa toison. Les premiers anachorètes se couvraient les épaules d’une mélote, et vivaient ainsi dans les déserts. Saint Paul dit que les anciens justes étaient couverts de melotes et de peaux de chèvre.
Source : Saint Grégoire le Grand – Les dialogues – Par l’Abbé Henry – 1851