CHAPITRE IV : Ce chapitre parlera de la Justice de Dieu
I.Il ne faut pas scruter les jugements de Dieu
Sainte Thérèse récitant à l’office ces paroles du psalmiste : Vous êtes juste, Seigneur, et vos jugements sont équitables (ps. CXVIII, v. 137), se demandait comment un Dieu si juste lui accordait à elle, si indigne, tant de faveurs et de consolations, qu’Il refusait à des âmes qui lui paraissaient bien plus fidèles et plus dignes qu’elle. Soudain elle entendit cette parole qui fut la première de toutes celles que le Seigneur lui adressa dans toute sa vie :
« Sers-moi et ne t’occupe pas d’autre chose. » (Vie, ch. XIX.)
II.Dieu respecte la liberté de ses créatures
Françoise de la Mère de Dieu écrivait, le 18 octobre 1642, au P. Gibieuf, qui fut, après le cardinal de la Bérulle, supérieur des Carmels de France : Je suis dans un grand désir que tout le monde se rende à Dieu et je lui dis quelquefois ; Vous savez, ô mon Dieu, que si je pouvais attirer à Vous toutes les âmes, je le ferais. Mais d’où vient que vous, qui pouvez toutes choses, vous permettez qu’il y en ait tant qui se perdent ? Il me dit une fois :
« C’est que j’ai donné la liberté à l’homme et je lui en laisse la disposition, à moins que, volontairement, il ne me redonne cette liberté ; et alors je la prends et la fait se rendre à ce que je veux. »
Et Il me fit entendre quel grand bien c’est pour une âme de n’avoir plus de liberté et d’être captive de Lui. Il me fit connaître qu’Il prenait une nouvelle puissance sur moi pour que je sois de plus en plus captive et dépendante de Lui et de cette captivité me donnerait plus de liberté, m’affranchissant de tout ce qui pourrait m’empêcher de l’aimer. (Vie, ch. VIII.) Les passions seules asservissent, parce qu’elles font faire à l’homme ce qu’il voudrait ne pas faire ; au contraire, là où est l’Esprit Saint, là est la liberté : ubi Spiritus, ibi libertas. En effet, ceux qui renoncent à leur liberté pour se laisser conduire en tout par le Saint-Esprit, ne font, sous sa divine influence, que ce qu’ils se réjouissent de faire.
III.Réversibilité des grâces. Le compte qu’il faut en rendre
Je sentis, dit Françoise de la Mère de Dieu, la divine Majesté qui me paraissait n’être pas contente de la lâcheté et négligence de quelques âmes, qui ne cherchaient qu’à se satisfaire elles-mêmes et ne travaillaient point à Lui plaire et il me dit :
« Oh ! Combien perdent ces âmes par leur faute »,
me faisait comprendre que la grâce qu’Il leur voulait donner, Il la donne aux âmes fidèles (Vie, ch. XVI.)
C’est la sentence de l’Évangile : ôtez-lui la mine et donnez-la à celui qui en a dix… On donnera à celui qui à déjà et il sera dans l’abondance ; mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il a. (Luc, 19, 25, 26.) Dieu me fit entendre, dit encore Françoise, que venant juger l’âme, Il lui demande compte particulièrement de l’usage qu’elle a fait de sa vocation, de toutes ses actions, pensées, paroles et intentions, du temps qu’elle à passé sans l’employer à sa perfection. (Ibid.)
Mais à ceux qui sont fidèles, il est accordé grâces sur grâces.
« Ne vous étonnez pas, dit un jour la Sainte Vierge à Françoise, de ce que mon fils fait en vous, car lorsqu’Il a choisi une âme pour se communiquer à elle et qu’elle Lui est adhérente (unie de coeur et de volonté), on ne peut comprendre ce qu’Il opère, la favorisant à la place de tout ceux qui ne Lui donnent point lieu de régner en eux. » (Vie, ch. XI.)
Notre-Seigneur, dit Madeleine Vigneron, m’a fait connaître que son occupation dans l’Eucharistie était de présenter des grâces à toutes les personnes qui se trouvaient là présentes devant Lui et que, si quelques-unes les refusaient, Il les reprenait et en faisait largesse aux autres qui étaient fidèles à les recevoir. De sorte que si, dans cette assemblée, il n’y a qu’une âme fidèle à les bien recevoir, elle s’en retourne remplie de toutes les grâces des autres. (2epart., ch. XV.)
IV.Les bontés de Dieu rendent plus rigoureux les droits de sa justice
Le Père éternel donna à sainte Marie-Madeleine de Pazzi les instructions suivantes :
« Mon Verbe ayant pris sur Lui l’expiation des péchés du monde, il semble au premier coup d’oeil que la justice n’ait plus rien à faire, là où s’est déployée une si grande miséricorde…Elle ne laisse pas cependant d’exister toujours et même elle doit s’exercer dans l’avenir avec plus de rigueur et de sévérité. Car le verbe, ayant anéanti sur la croix tous les péchés des hommes, ne peut plus, pour ainsi dire, supporter la vue du moindre défaut dans la créature… Le sang et la mort de mon Verbe ayant comblé la créature de biens infinis, elle se trouve beaucoup plus étroitement obligée qu’auparavant à nous servir et à nous aimer, pour reconnaître l’amour avec laquelle nous l’avons créée et rachetée, d’où il suit que les fautes qu’elle commet dans son ingratitude sont plus grandes et exigent une plus grande punition. Il est vrai cependant, ma fille, que le sang et les mérites du Verbe, lorsqu’on les applique aux âmes souffrantes par le sacrifice de l’autel, diminuent beaucoup la rigueur de leurs peines, car la vue de ce sang m’est tellement chère qu’elle apaise facilement mon courroux. » (Ire part., ch. XXIII.)
V.La miséricorde méprisée est vengée par la justice
Dieu dit à sainte Catherine de Sienne :
« Tu le vois, ma fille bien-aimée, les hommes ont été régénérés dans le sang de mon Fils et rétablis dans la grâce : mais ils la méconnaissent et s’enfoncent de plus dans le mal ; ils me poursuivent de leurs outrages et méprisent mes bienfaits. Non seulement ils repoussent ma grâce, mais ils me la reprochent, comme si j’avais d’autres buts que leur sanctification. Plus ils s’endurciront et plus ils seront punis ; leur châtiment sera plus terrible qu’il ne l’aurait été avant la rédemption. N’est-il pas juste que celui qui a beaucoup reçu soit tenu de donner davantage à son bienfaiteur ? »
« Les hommes me sont bien redevables, eux qui ont reçu le trésor de ce sang précieux qui les a rachetés, et la dette est plus grande après la rédemption qu’avant. Ils me doivent l’amour envers le prochain ; ils me doivent des vertus sincères et véritables et s’ils ne s’acquittent pas, plus ils me doivent, plus ils m’offensent. Ma justice alors demande que je proportionne la peine à l’offense et que je rende plus terrible pour eux la peine de l’éternelle damnation. Aussi le mauvais chrétien est-il beaucoup plus puni que le païen. Le feu terrible de ma vengeance, qui brûle sans consumer, le torture davantage, et le ver rongeur de la conscience le dévore plus profondément. Quels que soient leurs tourments, les damnés ne peuvent perdre l’être ; ils demandent la mort sans pouvoir l’obtenir, le péché ne leur ôte que la vie de la grâce. » (Dialogue, ch..XV.)
VI.Les promesses de la miséricorde et les menaces de la justice
Le Seigneur se plaignit souvent à sainte Brigitte des désordres des pécheurs et lui fit connaître combien il est terrible pour eux de tomber entre les mains de sa justice :
« Je veux entrer dans leurs coeurs ; mais ils disent : nous aimons mieux mourir que de quitter nos volontés. Vois, ô mon épouse, de quelle trempe ils sont : je les ai faits, et d’une seule parole je pourrais les détruire ; cependant vois comme ils s’enorgueillissent contre moi. Maintenant, à cause des prières de ma Mère et de tous les saints, je suis encore si miséricordieux et si patient que je veux leur envoyer des paroles sorties de ma bouche et leur offrir ma miséricorde. S’ils veulent la recevoir, je serai apaisé et je les aimerai ; sinon, je leur ferai ressentir ma justice et ils seront confondus publiquement devant les anges et les hommes, et ils seront jugés comme des larrons. Comme des larrons pendus au gibet sont dévorés par des corbeaux, de même ceux-ci seront dévorés par des démons sans jamais se consumer ; comme ceux qui sont punis par le cep de bois ne trouvent aucun repos, de même ceux-ci seront en tout et partout environnés de douleur et d’amertume. Un fleuve de feu coulera en leur bouche ; de jour en jour, ils seront en proie à de nouveaux supplices. » (Liv. Ier, ch V.)
O mon Seigneur, dit Brigitte, donnez-leur la force d’éviter le péché et la grâce de vous aimer. Notre-Seigneur lui répondit :
« Ils sont accoutumés aux souillures et ne peuvent être enseignés que par les verges. Et plût à Dieu qu’ils se connussent et se repentissent de leurs fautes quand ils seront châtiés. » (Liv. IV, ch. CXXXI.)
O Seigneur, dit encore Brigitte, ne vous indignez-pas si je parle. Envoyez quelqu’un de vos amis qui les avertissent des périls prochains et terribles qui pendent sur leur tête.
« Il est écrit, dit Notre-Seigneur, que le mauvais riche du fond de l’enfer demanda qu’on envoyât quelqu’un pour avertir ses frères, afin qu’ils ne se perdissent pas comme lui, et il lui fut répondu : non, car ils ont Moïse et les prophètes pour les enseigner. Je dis maintenant de même : ils ont maintenant les évangiles, les prophéties, les exemples et les paroles des docteurs ; ils ont la raison et l’intelligence ; qu’ils en usent et ils seront sauvés ; car si je t’envoie, tu ne pourras pas crier si haut que tu sois entendue. Si j’y envoie mes amis, ils sont en si petit nombre qu’à peine les entendront-ils. Néanmoins j’enverrai mes amis à ceux qu’il me plaira, et ils prépareront la voie à Dieu. » (Liv. IV, ch. XXXVII.)
VII.Dieu retient sa justice et épanche sa miséricorde
Le Fils de Dieu montra à la vénérable Marguerite du Saint-Sacrement deux fleuves qui sortaient de son côté ouvert l’un se répandait continuellement sur toute la terre et l’autre, qui de sa nature ne demandait qu’à prendre son cours, était arrêté par la main du Sauveur :
« Ce fleuve qui se répand, dit-Il, c’est ma miséricorde qui est ouverte aux pécheurs ; l’autre que je retiens de ma main, c’est ma justice, dont j’empêche les effets durant cette vie afin de donner lieu à la pénitence. C’est toutefois en telle sorte que ceux qui méprisent ma grâce tombent secrètement dans ma justice, qui, moins elle châtie par des peines manifestes, plus elle punit par des aveuglements secrets. » (Liv. V, ch. V.)
VIII.Les âmes fidèles doivent s’efforcer de faire contrepoids aux iniquités des pécheurs
« Ma fille, dit le Père éternel à sainte Marie-Madeleine de Pazzi, la malice des créatures est si grande que si ma colère n’était apaisée par mes élus et les épouses de mon Verbe, j’en tirerais une vengeance dont vous ne pourriez même pas supporter la vue. Ne vous laissez donc pas endormir par une lâche indifférence, mais appliquez-vous, conjointement avec mes élus, à expier tant d’outrages qui sont faits à moi et à ma vérité. Sachez que ceux qui ne font rien contre le péché s’en rendent en quelque sorte complice et que les iniquités des hommes crient vengeance avec plus de force que le sang d’Abel… »
Savez-vous à quoi ressemble la malice des créatures ? A un mur infranchissable qui s’élève entre elles et qui empêche mes grâces d’arriver jusqu’à leur coeur. O ma fille, ne cessez pas d’offrir à moi et à ma vérité le sang de mon Verbe Lui-même pour apaiser ma colère…
Voyez comme tous les hommes sont entre les griffes du démon ! Voyez comme sa gueule est ouverte pour les dévorer ! Bien loin de l’éviter ils vont s’y jeter d’eux-mêmes et il n’en est aucun qui lui échapperait, si mes élus ne les sauvaient par leur prière. Pour moi, j’écris dans un livre qui vous est inconnu, toutes les iniquités des méchants, et je mets en regard tous les secours qui leur ont été donnés par mes élus.
Au jour du jugement, j’ouvrirai ce livre devant mon Verbe, a qui j’ai donné le pouvoir de les juger, afin qu’ils voient la justice de leur condamnation aux peines éternelles. Je fais aussi enregistrer dans le plus grand détail toutes les bonnes actions de mes élus, pour en donner connaissance à toutes les créatures en ce grand jour, et leur faire voir que c’est à juste titre que je leur donne la gloire éternelle. » (IVe part., ch. XXI.)
IX.Les bons eux-mêmes portent la peine de leurs négligences et de leurs défauts
Un certain homme, très remarquable par sa science et fort habile en droit civil, quitta son pays et vint demander à Marguerite de Cortone de prier pour qu’il obtînt d’être consolé dans ses peines. Marguerite ayant prié obtint de Dieu cette réponse :
« Dis à cet homme qu’il s’est attiré la peine dont il souffre, non pour avoir eu l’intention de commettre le péché, mais pour sa négligence à l’éviter. Car au moment où il se sentit porté au péché, il a résisté à la tentation, mais il n’en a pas fui pleinement les occasions, et pour cela les imaginations mauvaises sont entrées dans son âme, qui l’ont empêché de recevoir mes grâces avec autant d’abondance que s’il eût été plus vigilant. Quant à cet abattement d’esprit dans lequel il se trouve, dis-lui d’en attribuer la cause à ce que, tout en désirant me servir, il conserve dans son coeur un attrait trop sensible aux hommes du siècle, et il a une grande présomption de ses qualités intellectuelles. » (Vie, ch. IX, § 17.)
X.La justice divine trouve encore à punir, même chez les âmes vertueuses qui ont fait une très précieuse mort
Au monastère d’Helfta mourut, pendant que vivait sainte Gertrude, une jeune religieuse qui avait eu une grande dévotion à Marie: munie de tous les sacrements, elle était à l’agonie lorsque de ses mains déjà mourantes elle prit le crucifix et salua les saintes plaies avec des expressions si tendres, et les couvrit de baisers si ardents que les assistants en éprouvèrent une merveilleuse componction. Elle fit ainsi diverses prières avec une admirable piété et s’étant un peu reposée, elle mourut à ce moment.
Gertrude ayant appris qu’elle avait dû être purifiée avant de sortir de son corps, demanda au Seigneur quelle souillure elle avait pu contracter par fragilité humaine. Le Seigneur lui répondit :
« Elle se complaisait quelque peu dans son propre sens et je l’en ai purifiée en permettant qu’elle trépassât avant que le couvent n’ait achevé la prière commune qui se disait pour elle ; ce qui lui causa une très vive anxiété, car elle craignit de perdre beaucoup de n’avoir pas eu les suffrages du couvent. Ainsi a-t-elle été purifiée de cette tache. »
Mais Seigneur, reprit Gertrude, ne pouvait-elle être purifiée de cette tache par la contrition du coeur lorsqu’elle demandait, au moment de sa mort, la rémission de tout ses péchés ? Le Seigneur répondit :
« Une contrition générale de la sorte n’a pu la purifier, parce qu’elle est restée quelque peu à son sens propre, en ne se rendant pas pleinement à ce qu’on lui enseignait. Il fallait donc qu’elle souffrit quelque chose pour être purifiée. » (Liv. V, ch. III.)
Sainte Gertrude demandait au Seigneur pourquoi la vierge E…, dont Il lui avait révélé la gloire avait éprouvé, en son agonie, une grande frayeur, reçut cette réponse :
« C’est mon excessive fidélité qui en a été cause. Quelques jours auparavant comme elle m’avait, dans sa maladie, prié par ton intermédiaire, de la recevoir après sa mort sans délai et que sur ta promesse, elle y comptait pleinement, j’ai voulu récompenser la confiance qu’elle montrait. Mais elle était d’un âge où l’on est rarement quitte de quelques négligences légères, comme de se plaire en des choses qui ne sont pas grandement nécessaires. Elle a dû se purifier de ses taches dans la maladie, et lorsque je l’appelai à la gloire, je n’ai pas souffert que ces douleurs, supportées avec tant de patience, ne lui donnassent pas aussitôt une gloire éternelle. C’est pourquoi j’ai permis qu’elle fût effrayée de l’aspect du démon, ce qui lui a tenu lieu de purgatoire tandis que ses autres souffrances restaient en elle comme un titre de sa gloire éternelle. »
– Et pendant ce temps où étiez-vous, ressource des désespérés? Dit Gertrude.
– « Je m’étais caché à sa gauche ; mais aussitôt qu’elle fut purifiée, je me suis présenté à elle, et l’ai prise avec moi
pour le repos et la gloire éternelle. » (Liv. V, ch. II.)
XI.Dieu, même en punissant le péché, tient compte des vertus du coupable
« Il arrive, dit le Seigneur à sainte Brigitte, que les justes pour leur plus grand mérite font une mort très pénible, afin que ceux qui ont aimé la vertu s’envolent au ciel délivrés de leurs péchés. Ainsi est-il écrit que le lion tua le prophète désobéissant et ne mangea point son corps, mais le garda. (III Rois, 24.)
S’il le tua ce fut par ma mission, afin que le prophète fût puni, mais ne mangea point son corps pour manifester les bonnes oeuvres de l’apôtre et afin que celui-ci étant purifié en cette vie, fut trouvé juste dans l’autre. » (Liv. V, ch. IX)
XII.Dieu corrige sévèrement les âmes fidèles mais Il corrige en Père
Jeanne-Bénigne Gozoz s’étant trop arrêtée à réfléchir sur son peu de mérites et sur ses infidélités, Notre Seigneur lui fit connaître que ce retour sur elle-même, qui dénotait sans doute trop peu de confiance en Dieu, ne Lui agréait pas :
« Tu veux toujours te plaindre et parce que je te gratifie avec des distinctions si merveilleuses, tu voudrais te voir sans défaut. Eh bien, je vais te punir rigoureusement ; choisis donc une de ces trois punitions : la première de ne trouver plus de satisfaction en rien que tu fasses et qui te soit offert ; la deuxième que tu sois attaquée de grands maux corporels ; la troisième que le prochain ne trouve plus en toi la douceur qu’il a trouvée jusqu’ici ici.»
Contre son ordinaire de laisser à Dieu le choix de tout ce qui la concernait, elle choisit soudain la première et la dernière, sentant une grande opposition et aversion à la deuxième ; A ce coup son Epoux se plaignit fortement :
« Eh quoi, dit-Il, ne pourrai-je donc point encore disposer de cette ingrate à mon élection et à ma volonté ! »
Alors, raconte-t-elle dans mes mémoires, Il me dit en termes exprès que je ne serais jamais sans souffrance corporelle. Je m’y soumis, Lui demandant un humble pardon et Lui promettant une soumission aveugle.
Au même instant ce Dieu « qui blesse et qui guérit, qui tue et vivifie » (Deuter., XXXII, 39) vint fondre sur moi par un torrent de grâces en me disant :
« Eh bien tu souffriras les trois châtiments. » Mais je n’eus pas lieu de me plaindre de cet arrêt, me trouvant d’autre part comblée de biens. (Vie. Ch. V.).
XIII.Les péchés des hommes attirent les châtiments divins
Le jour de la fête de la purification de Marie, Notre Seigneur dit à Marguerite de Cortone :
« Sache que le monde sera affligé de différentes tribulations pour les péchés dont il se rend coupable. La multitude des iniquités des hommes s’est tellement accrue en ce siècle que je puis te dire que c’est à peine si j’ose prier mon Père pour eux, et ma Mère elle même, l’avocate des pécheurs, redoute de le faire près de moi, son Fils, à cause de tant d’iniquités. »
Après cette révélation divine, les Sarrasins remportèrent la victoire, et des maux incalculables fondirent sur Rome, la Toscane, la Sicile, l’Angleterre, la France et sur beaucoup d’autres provinces. (Vie, ch. IX, § 32.)
Le second dimanche de l’Avent, Notre-Seigneur dit à Marguerite:
« Je te dis que mon peuple ne me reconnait plus, qu’il m’oublie et n’a cure de moi. Cependant, ces mépris et ces offenses dont je souffre, je ne m’en plains pas auprès de mon Père, comme je le fais avec toi, afin de ne pas attirer sur lui les châtiments qu’il mérite, mais j’intercède afin de lui éviter une sentence de condamnation. Je t’avertis que les pécheurs auront à souffrir d’amères tribulations, car avant la fin de ce siècle, ils auront à essuyer les fléaux de la peste, de la famine et de la guerre. La puanteur de leurs vices, tant du corps que de l’esprit, est montée jusqu’à moi et je ne puis plus la supporter. Aujourd’hui la malice des chrétiens pour inventer de nouveaux crimes surpasse celles des Juifs au temps de ma passion. » (Ibid., ch. XI, § 9.)
XIV.Jugement d’un mauvais riche
Un homme noble, qui se souciait peu de Dieu, étant à table et blasphémant les saints, mourut subitement. Sainte Brigitte vit son âme comparaître au jugement et le Souverain Juge lui dit :
« Bien que je sache toute chose, réponds-moi, et que Brigitte entende ta réponse :
N’as tu pas entendu ce que j’ai dit : je ne veux point la mort du pécheur, mais sa conversion ? Pourquoi donc, le pouvant, n’est-tu pas revenu à moi? »
Il répondit :
« Certes je l’ai entendu, mais je ne m’en suis pas soucié ».
Le Juge dit derechef :
« N’as-tu pas entendu : allez, maudits, au feu éternel et venez mes élus ? »
– « Je l’ai entendu, mais je n’en croyais rien ».
Le Juge dit encore :
« N’as-tu pas entendu dire que j’étais juste Juge et éternellement redoutable ? Pourquoi donc ne m’as-tu pas craint ? »
-Je l’ai entendu, mais je m’aimais trop et j’ai fermé mes oreilles, j’ai endurci mon coeur afin de ne pas y penser.
– Le Juge dit :
« Il est donc juste que la tribulation et l’angoisse ouvrent ton esprit, puisque tu n’as pas voulu entendre quand tu le
pouvais ».
Alors l’âme fut rejetée et une voix fut entendue qui disait :
« Comme le premier principe de toute chose n’aura point de fin, de même ton malheur n’en aura point. » (Liv. VI, ch.
XXVIII.)
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XV.Jugement d’un religieux infidèle
Parlant d’un moine dissolu le Seigneur dit à sainte Brigitte :
« Le coeur de cet homme crie à moi comme par trois voix.
La première dit : Je veux faire mes volontés ; je dormirai et je me lèverai quand il me plaira, je parlerai selon mon bon plaisir. Ce qui est de mon goût entrera dans ma bouche. Je ne me soucie point de la sobriété, mais je cherche l’assouvissement de la nature; je lui donnerai tout ce qu’elle désire ; je désire avoir de l’argent en ma bourse, des vêtements moelleux. Quand j’aurai toutes ces choses, je serai content ; c’est en cela que je fais consister le bonheur.
La deuxième voix dit : la mort n’est pas si dure qu’on le dit ; le jugement n’est pas si sévère qu’il est écrit. Les prédicateurs nous menacent de choses terribles pour nous faire prendre garde à bien vivre, mais elles seront plus douces à raison de la Miséricorde divine. Pourvu que je puisse accomplir ici mes volontés, faire ce qui me plaît et jouir de ce qu’il y a de meilleur, que l’âme aille ou elle pourra.
La troisième voix criait : Dieu ne m’aurait point créé s’il n’eût voulu me donner le ciel ; Il n’aurait pas souffert, s’il n’avait pas voulu m’introduire dans la patrie des vivants. Je ne connais que par ouï-dire le royaume céleste, je ne sais si je dois croire ou non. Pour moi, le royaume céleste est ce que je tiens.
Voilà ce qu’étaient ses pensées et ses volontés.
« Je vais répondre à la première voix :
mon ami ta voix ne tend point au ciel ; tu ne te plais pas à considérer ma passion ; c’est pourquoi l’enfer t’est ouvert, car tu désires et tu aime les choses viles et basses.
Je réponds à la seconde voix :
mon fils, la mort te sera très dure, le jugement te sera intolérable ; il est impossible que tu l’évites ; tu auras une peine très amère, si tu ne te corriges.
Je réponds à la troisième voix :
mon frère, tout ce que j’ai fait, je l’ai fait par amour pour toi, afin que tu me fusses semblable, et que, si tu t’es retiré de moi, tu puisses revenir à moi. Or maintenant ma charité a été éteinte en toi ; mes oeuvres te sont à charge et à dégoût, mes paroles te semblent des fadaises, mes voies te paraissent difficiles ; c’est pourquoi il te reste un supplice amer et la compagnie des diables, si tu me tournes le dos à moi, qui suis ton très débonnaire Créateur et Seigneur. »
Or ce moine infidèle fut tué par ses ennemis et sainte Brigitte entendit le Seigneur lui dire :
« Va, maudit, aux incirconcis que tu as suivis, puisque tu n’as pas voulu entendre la voix de ton Père. » (Liv, ch. XIX.)
XVI.Jugement d’un damné et d’un élu
Sainte Brigitte voyait au jugement divin deux démons d’un aspect très hideux. L’un dit au Juge :
« Donnez-moi pour épouse cette âme qui m’est semblable. »
Le Juge lui dit :
« Quel droit y as-tu ? »
Le démon répondit :
« De quelle espèce est cette âme, à qui est-elle semblable, aux anges ou aux démons ? »
Le Juge reprit :
« Bien que je sache toutes choses, cependant pour l’amour de mon épouse ici présente, dis comment cette âme est semblable à toi. »
Le démon dit :
« Je ne veux rien voir qui vous appartienne ; elle aussi n’a pas voulu voir, quand elle le pouvait, ce qui concernait le salut de son âme, mais elle s’amusait aux choses temporelles. Comme moi elle n’a rien voulu entendre qui fût à votre honneur… Tout ce qu’elle a pu prendre, elle l’a retenu et l’eût gardé plus longtemps, si vous eussiez permis qu’elle vécut davantage… ses désirs insatiables étaient sans bornes, sa cupidité était telle que toute la terre ne pouvait l’assouvir ; telle est ma cupidité, car si je pouvais perdre toutes les âmes du ciel, de la terre et du purgatoire, je le ferais. Sa poitrine est aussi froide que la mienne, car elle ne vous aima jamais, ni ne prit goût à vos avertissements…Dès le commencement de ma création, ma volonté s’est tournée contre Vous, de même la volonté de cette âme fut toujours contraire à vos commandements… Donc puisque nous sommes semblables en tout, jugez-nous et unissez-nous. »
Alors un ange pris la parole :
« Seigneur, depuis que cette âme fut unie à un corps je la suivis toujours. Maintenant je la laisse comme un sac vide de toutes sortes de biens. Elle réputait vos paroles à mensonge ; elle croyait que votre jugement était faux, elle réputa votre miséricorde pour néant. Il est vrai, elle fut fidèle dans le mariage, mais par affection à celle à qui elle était unie ; elle allait à la messe, mais pour ne pas être rejetée par les chrétiens, et aussi pour obtenir la santé et pour conserver les richesses et les honneurs du monde. Or, Seigneur, vous lui avez donné plus que ne méritaient ses services ; vous lui avez donné des enfants, la santé, la richesse, et vous lui avez épargné les infortunes quelle redoutait… Vous lui avez donné cent pour un ; tout ce qu’elle a fait a été récompensé. Je la quitte maintenant, vide de toutes sortes de biens. »
Le démon parla à son tour :
« Ô Juge, puisqu’elle a suivi mes volontés, jugez qu’elle me soit unie… »
Le Juge dit :
« Que l’âme dise ce qu’il lui semble de votre mariage avec elle.»
Elle dit au Juge :
« J’aime mieux être dans les peines de l’enfer que de venir dans les joies du ciel, afin que Vous, ô Dieu, vous n’ayez en moi aucune consolation. Vous m’êtes tant à haine que je ne me soucie point de mes peines, pourvu que vous n’ayez aucune joie de moi. »
Et le démon reprit :
« J’ai les mêmes sentiments ; j’aime mieux être éternellement tourmenté que de jouir de votre gloire, si vous devez avoir de là quelque contentement. »
Alors le Juge s’étant tourné vers moi, Brigitte, qui voyait tout ceci, me dit :
« Malheur à cette âme ! Elle est pire que le larron ; elle a eu son âme vénale ; elle a été insatiable des immondices de la chair ; elle a trompé son prochain ; c’est pourquoi tous crient vengeance contre elle ; les anges détournent leur face, les saints fuient sa compagnie.»
Puis s’adressant au démon, le Juge lui dit :
« Si vous vous humiliiez, je vous donnerais la gloire ; si cette âme eût demandé pardon avec résolution de s’amender au dernier moment de sa vie, jamais elle ne fût tombée entre tes mains ; mais parce qu’elle a persévéré jusqu’à la fin en ton obéissance, la justice veut qu’elle soit éternellement avec toi. Néanmoins les biens qu’elle a faits en sa vie, s’il y en a quelqu’un, restreindront ta malice et t’empêcheront de la tourmenter autant que tu veux. »
Comme le diable semblait se réjouir grandement, le Juge lui dit :
« Pourquoi te réjouis-tu tant de la perte d’une âme ? Dis-le, de sorte que mon épouse, ici présente, l’entende. »
Le démon dit :
« quand cette âme brûle, je brûle plus ardemment ; plus je la tourmente, plus je suis tourmenté. Mais parce que Vous l’avez rachetée de votre sang, que vous l’avez tellement aimée que vous vous êtes donné à elle, lorsque par mes suggestions je puis vous l’arracher, je me réjouis. »
Le Juge lui dit :
« ta malice est grande. Mais regarde, je le permets. »
Et voici qu’une étoile montait au plus haut des cieux, et le démon la voyant devint muet. C’était l’âme du Frère Algotte, prieur et docteur en théologie, qui ayant été trois ans aveugle et tourmenté de la pierre, finit ses jours heureusement.
Notre-Seigneur dit au démon :
« A qui est-elle semblable? »
Le démon répondit :
« elle est plus brillante que le soleil, comme je suis plus noir que la fumée ; elle est toute pleine de douceurs et jouit de l’amour divin et moi je suis plein de malice et d’amertume. »
Notre-Seigneur lui dit :
« Quelles pensées en as-tu dans ton coeur et qu’est-ce que tu voudrais donner pour qu’elle fût en ta puissance ? »
Le démon répondit :
« Je donnerais toutes les âmes qui sont descendues en enfer depuis Adam jusqu’à maintenant pour avoir celle-là et
je voudrais endurer les peines les plus dures, comme si on me donnait tant de coups de poignards qu’il ne restât pas sur moi l’espace de la pointe d’une aiguille. »
Notre-Seigneur reprit :
« Ta fureur est grande contre moi et contre mes élus, et moi je suis si charitable que, s’il en était besoin, je mourrais encore, et j’endurerais pour chaque âme et pour chacun des esprits immondes le même supplice que j’ai enduré une fois sur la croix pour toutes les âmes. »
Puis Il dit à cette âme qu’on voyait comme une étoile :
« Viens, ma bien aimée, jouir des contentements indicibles que tu as tant désirés ; viens à la douceur qui ne finira jamais ; viens à ton Dieu et Seigneur que tu as tant de fois appelé de tes désirs. Je me donnerai à toi moi-même, moi en qui sont tous les biens et toutes les douceurs. »
Alors Notre-Seigneur se tournant vers moi, Brigitte, qui voyais tout cela en esprit, me dit :
«Ma fille, tout ceci a été fait en un instant, mais parce que tu ne peux entendre les choses spirituelles que par des similitudes, j’ai voulu te les montrer ainsi, afin que l’homme comprenne combien je suis rigoureux aux méchants et combien débonnaire aux bons. » (Liv. VI, ch. XXXI.)
XVII.Jugement, purification et délivrance de l’âme d’un soldat
Un démon apparut au jugement divin, qui tenait l’âme d’un défunt toute tremblante.
Voici de la proie, dit-il au Juge, votre ange et moi avons suivi cette âme depuis sa naissance jusqu’à la fin de ses jours, lui pour la sauver, moi pour la perdre.
Elle est à la fin tombée dans mes mains, mais votre justice ne s’est pas prononcée ; c’est pourquoi je ne la possède pas avec assurance. Je la désire avec autant d’ardeur qu’un animal affamé et si tourmenté par la faim qu’il mange ses membres. Pourquoi est-elle tombée en mes mains plutôt qu’en celles de son ange ?
Le juge répondit :
« Parce que ses péchés sont en plus grand nombre que ses bonnes œuvres. »
Le démon dit :
« j’ai un livre tout plein de ses péchés. Le nom de ce livre est Désobéissance. En ce livre sont sept livres et chacun a trois colonnes, et chaque colonne n’a pas moins de mille paroles et souvent plus. »
Puis sur l’ordre du Juge, le démon énuméra en détail les péchés d’orgueil, de cupidité, d’envie, d’avarice, de paresse, de colère et de volupté commis par le défunt.
Quand il eût fini son accusation, la Mère de Miséricorde s’approcha, et invitée par son divin Fils à parler, elle dit au démon :
« Sais-tu toutes les pensées des hommes ? »
– Non, répondit le diable, je ne connais que celles qui se manifestent par les œuvres extérieures et ce que je puis en conjecturer.
– La Sainte Vierge reprit : « Qu’est ce qui peut effacer les écrits de ton livre ? »
– une seule chose, qui est la charité ; quiconque l’obtient, soudain l’écriture de mon livre est effacée.
– « Dis-moi, poursuivit Marie, quelqu’un peut-il être si méchant et si corrompu qu’il ne puisse venir à résipiscence pendant qu’il vit ? »
– Il n’y à personne, répondit le démon, qui s’il le veut, ne le puisse avec la grâce ; Quand un pécheur, quel qu’il soit, change sa mauvaise volonté en une bonne, tous les démons ne sauraient le retenir.
Alors la Mère de Miséricorde dit à ceux qui étaient autour d’elle :
« Cette âme à la fin de sa vie s’est tournée vers moi et m’a dit :
Vous êtes Mère de Miséricorde. Je suis indigne de prier votre Fils, parce que mes péchés sont trop grands et trop nombreux. Je vous supplie donc d’avoir pitié de moi, car vous ne refusez jamais votre Miséricorde à qui vous la demande. Je me tourne donc vers vous et je vous promets, si je vis, de me corriger, de tourner ma volonté vers votre Fils et de n’aimer que Lui… »
Le diable reprit : Je n’ai rien su d’une telle volonté.
– Se tournant vers le Juge, la Sainte Vierge lui dit : O mon Fils, que le démon ouvre maintenant son livre et qu’il voie s’il y a quelque chose d’effacé. »
Et le démon dut reconnaître que tous les péchés de cette âme étaient effacés.
Le Juge dit alors au bon ange qui était là présent :
« Où sont donc les bonnes œuvres de cette âme. »
Et le bon ange les énuméra.
Et le diable cria, s’adressant à Marie : Malheur, malheur, vous m’avez déçu. J’ai perdu, je suis vaincu.
Le Juge dit au démon : « Je te permets maintenant de voir la vérité et la justice ; dis, que ceux qui sont ici l’entende, quelle est ma volonté et quel doit être le jugement de cette âme. »
Le démon répondit : qu’elle soit purifiée de telle sorte qu’il n’y reste aucune tache ; car elle ne peut arriver à Vous avant qu’elle soit purifiée. Combien de temps sera-t-elle en mes mains ?
Le Juge répondit :
« Je veux que tu n’entres point en elle, mais tu dois la purifier jusqu’à ce qu’elle ait enduré la peine selon la grandeur de sa faute. Elle doit voir ses péchés et ses abominations ; elle doit te voir en ta méchanceté ; elle doit voir les peines terribles des autres âmes. Elle doit entendre les malheurs horribles, parce qu’elle à voulu entendre les cris épouvantables et les moqueries des démons. Elle sera brûlée d’un feu très ardent, tant au-dedans qu’au dehors, de sorte qu’il n’y aura pas la moindre tache qui ne soit effacée par ce feu ; elle souffrira une grande rigueur de froid, parce qu’elle brûlait de l’ardeur de ses passions et elle était glacée dans ma charité ; elle sera aux mains du démon, afin qu’il n’y ait pas la moindre pensée qui ne soit purifiée. Et comme elle aurait voulu vivre en son corps jusqu’à la fin du monde, elle devra être dans la souffrance jusqu’à la fin du monde. Celui qui me désire ardemment et aspire à quitter le monde pour être avec moi mérite d’avoir le ciel sans peine, les épreuves de la vie présente lui servant de purification ; celui qui craint la mort et pour la mort elle-même et pour les peines qui la suivent, celui-là mériterait une peine plus légère ; mais celui qui désire vivre jusqu’au jour du jugement par amour pour cette vie, mérite d’être retenu dans le purgatoire jusqu’au jour du jugement. »
Alors la Vierge Marie, pleine de miséricorde, dit :
« Béni soyez-vous, mon Fils, pour votre justice qui est unie à la miséricorde. Bien que nous voyions et sachions toutes choses en vous, néanmoins pour l’instruction des autres, dites-nous quel remède on peut appliquer pour diminuer un si long temps, et quel remède pour éteindre un feu si ardent, et délivrer cette âme des mains du démon.?
– Il y a trois choses, répondit le Fils, qui abrégeront la peine, éteindront le feu et l’arracheront aux mauvais esprits ;
la première, si par quelque peine on expie ses injustices ;
la deuxième par de très grandes aumônes car, par l’aumône, les flammes sont éteintes comme le feu par l’eau ;
la troisième par les messes et sacrifices et par les prières de ses amis. »
La Mère de Miséricorde reprit alors : En quoi lui profitent maintenant les bonnes œuvres qu’il a faites pour vous ? »
– Le fils répondit : « Il n’y aura pas la moindre parole dite pour mon honneur, pas la moindre bonne pensée qui n’aie sa récompense. Tout ce qu’il a fait pour l’amour de moi est maintenant devant lui et lui sert de soulagement dans ses peines; et moindre sont les rigueurs du feu. »
La Mère de Dieu intercéda encore, alléguant que cette âme avait certaines pratiques en son honneur, comme de jeûner la veille de ses fêtes, de réciter son office, de chanter ses louanges, et elle obtint que cette âme ne vît point les démons dans toute leur horreur, qu’elle n’entendît point les paroles qui l’eussent couverte de confusion, qu’elle ne ressentît point le froid glacial qu’elle avait mérité par sa froideur pour Dieu.
Puis les saints intercédèrent à leur tour et obtinrent que les démons n’aient pas le pouvoir de l’aveugler et de l’empêcher de se consoler par la pensée que ses maux prendraient fin et que la gloire lui serait donnée.
Cette âme était celle d’un soldat, doux et ami des pauvres.
Sa femme fit pour lui de grandes aumônes.
Quatre (jours ou mois ?) après cette vision, sainte Brigitte la vit derechef comme un jeune enfant très beau et à demi vêtu. La sainte intercéda pour elle et le Juge lui dit :
« des larmes de charité m’ont été présentées pour elle. Qu’on la porte au séjour du repos que l’œil n’a point vu , que l’oreille ne peut entendre, qu’elle-même, si elle était en la chair, ne pourrait comprendre ; là ou il n’y a point de ciel au dessus ni de terre au dessous; là ou la hauteur est incompréhensible, la longueur indicible, la largeur admirable et la profondeur inexprimable ; là où Dieu est sur toute chose, autour et au-dedans de toutes choses, où il régit et contient toutes choses sans être contenu par aucune. »
Alors sainte Brigitte vit que cette âme montait au ciel, aussi brillant qu’une étoile. (Liv. V, ch.XL.)
XVIII.Dieu, quand il punit ses intimes, les punit en père
Jésus dit à sainte Marguerite-Marie :
« Lorsque tu feras des fautes, je les purifierai par les souffrances, si tu ne le fais pas par la pénitence, et je ne te priverai de ma présence pour cela, mais je te la rendrai si douloureuse qu’elle tiendra lieu de tout autre supplice. » (Ed. Gauthey, 11, p. 564.)
Source : Recueil d’Apparitions de Jésus aux Saints et aux Mystiques – Ch III – Abbé Auguste Saudreau.