Saint Bruno de Segni, un peu oublié aujourd’hui, a sacrifié sa carrière ecclésiastique pour la doctrine de la foi en corrigeant le pape. Cela est possible pour un saint.
Bruno de Segni est né dans le Piémont en 1045. Après avoir reçu une éducation bénédictine, il décida de rejoindre l’ordre et partit pour Monte Cassino.
À mi-chemin, à Sienne, Bruno tomba malade et dut rester dans la ville. Comme il venait d’être ordonné prêtre, l’évêque local le nomma chanoine de la cathédrale. C’est là que saint Bruno commença à rédiger des commentaires bibliques qui lui valurent une renommée pour sa connaissance de l’Écriture et sa sainteté personnelle.
Saint Bruno est entré dans la prêtrise au moment où les réformateurs de l’Église, comme le futur saint Grégoire VII, entreprenaient la plus grande réforme du clergé de l’histoire.
Les papes étaient engagés dans un conflit de longue date avec le Saint-Empire romain germanique, qui revendiquait le droit de nommer les évêques. En 1076, Grégoire convoque l’empereur à Rome, mais celui-ci refuse. Au lieu de cela, Henri convoqua son propre conseil de partisans, dont des évêques, qui déclara la papauté vacante.
Saint Grégoire excommunia Henri et tous les évêques qui le soutenaient. Il déclara même qu’Henri était déposé. L’empereur s’enfuit secrètement en Italie pour se réconcilier avec le pape. Saint Grégoire obligea l’empereur à attendre dans le froid hivernal pendant trois jours de jeûne et ne lui adressa la parole que s’il était pieds nus et habillé en pénitent. Enfin, il lui ordonna simplement de se présenter devant les nobles, qui déclarèrent Henri déchu.
Saint Grégoire convoqua ensuite un synode à Rome pour faire face à une autre crise : l’hérésie de Bérengère de Tours, qui niait la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. Il s’agissait de la première négation généralisée de la présence réelle dans l’histoire de l’Église. Le pape demanda à saint Bruno de parler et Bérengère se repentit à nouveau.
Le saint pape fut impressionné et fit élire saint Bruno évêque dans le diocèse de Segni, juste à côté de Rome. Bruno refusa, mais saint Grégoire lui ordonna d’accepter l’obéissance et le consacra personnellement.
Bientôt, Henri IV envahit l’Italie et un noble local de Segni enlève saint Bruno, mais celui-ci s’échappe à Rome à temps pour fuir avec le pape à Castel Santangelo. Les alliés normands de saint Grégoire chassèrent Henri de la ville, mais le peuple romain se souleva et saint Grégoire et saint Bruno s’enfuirent tous deux à Monte Cassino.
Bruno devint cardinal dans la pratique, sinon dans le nom, et participa à l’élection papale de 1088. Quatre papes ont maintenu Bruno à un niveau élevé dans la curie, notamment en tant que bibliothécaire papal et chancelier de l’Église romaine. Les archives montrent que Bruno était presque inséparable des quatre papes, voyageant avec eux presque partout où ils allaient.
Après la mort d’Urbain II, le nouveau pape Pascal II garda Bruno comme proche conseiller. Mais Bruno tomba malade en 1103 et, ayant fait face à la mort, demanda à devenir moine comme il l’avait toujours souhaité. Le pape approuva cette demande, accordant à Bruno le privilège inhabituel de rester évêque d’un diocèse et membre de la Curie tout en vivant en tant que moine à Monte Cassino. Cela provoqua un tollé parmi les laïcs de son diocèse, mais le fait que le pape l’ait approuvé est la preuve de sa grande confiance en saint Bruno.
Cinq ans plus tard, saint Bruno fut élu abbé. Mais tout s’arrête lorsque Henri V, devenu empereur, envahit l’Italie, enlève le pape et les cardinaux et les met en prison.
Au bout de 61 jours, Pascal II cède aux exigences d’Henri : le droit de nommer les évêques de ses terres et un couronnement impérial. Le pape promet sous serment de ne pas le punir pour les avoir enlevés. Deux jours après la signature, Pascal II couronne Henri V dans l’ancienne basilique Saint-Pierre de Rome.
Pour Bruno, cet accord était plus qu’une capitulation, mais un déni de l’enseignement constant du Magistère. Il tonna contre l’accord et qualifia la concession du pape à Henri non pas de privilegium mais de pravilegium, de perversion.
Il entreprend une campagne épistolaire auprès des cardinaux, des évêques et même du pape. Il condamne le traité mais admet que le pape et les cardinaux ont été contraints. Il signe humblement ses lettres Bruno Peccator-Episcopus, Servus Benedicti, Bruno l’évêque pécheur et esclave de saint Benoît.
Pascal se sentait lié par ce qu’il avait signé, mais avec le temps, il confirma le jugement des cardinaux et excommunia Henri. La position de Bruno était justifiée. Mais un mois plus tard, le pape révoqua le privilegium de Bruno. Le pape ordonna à Bruno de retourner à Segni et Saint Bruno obéit.
Bruno participa à un autre synode du Latran en 1116, où Pascal II condamna à nouveau l’accord. Bruno s’écria :
« Dieu merci, nous avons entendu le pape condamner de sa propre bouche ce privilège qui contenait de la perversité et de l’hérésie ! Si ce privilège contenait de l’hérésie, alors celui qui l’exposait était un hérétique« .
Le futur pape Gélase II se leva pour réprimander Bruno. Après l’intervention de plusieurs autres évêques, le pape lui-même se lève et se défend longuement. La position de Bruno avait été justifiée, mais le pape était mécontent de lui. La carrière monastique de Bruno et sa carrière à la Curie étaient toutes deux terminées.
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En 1122, le pape Calixte II parvint finalement à un accord avec Henri V, l’autorisant uniquement à nommer des évêques et à régler les élections contestées. L’année suivante, Calixte convoqua le premier concile du Latran, qui confirma l’accord, décréta la révocation des simoniaques et interdit à tout laïc de prendre possession d’un bien ecclésiastique ou d’en disposer.
Saint Bruno mourut moins d’un an plus tard. L’Église avait été radicalement réformée en un laps de temps relativement court, depuis la vente de la papauté en 1045 jusqu’au Concordat de Worms en 1122. Pendant un certain temps, le conflit entre l’Église et l’État s’apaise.
En 1183, le pape Lucius III canonise saint Bruno de Segni. Sa fête est fixée au 18 juillet dans le calendrier traditionnel.
Cet article a été publié originellement par CatholicExchange (Lien de l’article).