Ce n’est pas assez pour Satan de retenir dans son esclavage des multitudes d’idolâtres, il cherche encore à subjuguer les disciples de Jésus-Christ en les faisant tomber dans l’erreur par l’hérésie et le schisme.
On entend par hérésie une erreur fondamentale en fait de religion à laquelle on s’attache avec opiniâtreté. Quant au schisme, c’est une action par laquelle un chrétien se sépare de l’unité de l’Eglise en refusant de reconnaître l’autorité de ses pasteurs légitimes.
« Déchirer l’Eglise par le schisme, dit saint Jean Chrysostome, n’est pas un crime moindre que celui de la corrompre par l’hérésie. » (S. Jean Chrjrsost., t. XI, p. 86, édit. des Bénédictins.)
Aussi, on peut affirmer sans hésiter que le démon est l’instigateur des schismes, comme il l’est des hérésies, d’après Tertullien :
« C’est le démon, dit-il, qui a inspiré tous les hérésiarques. Les moyens qu’il emprunte pour réussir, c’est, en premier lieu, une sagesse toute profane qui se complaît dans ses propres forces et s’emporte à une présomption vaine ; une curiosité hautaine, laquelle, peu contente des lumières qui nous ont été accordées, s’opiniâtre à percer dans ce qu’il ne nous est pas donné de connaître et condamne ce qu’elle ne peut approfondir… Aussi, trouvez-vous à la tête de toutes les hérésies, des philosophes qui les imaginèrent ou les ont accréditées.
Esprits inquiets, amoureux de la nouveauté, plus amoureux encore d’eux-mêmes ; transfuges de la vérité catholique, à laquelle ils empruntent une partie de ses dogmes, pour en troubler l’autre par un faux alliage ; esprits ardents, infatigables à disputer et à écrire ; ils ne sont que des enfants rebelles qui déchirent le sein de leur mère et s’excluent de l’héritage.
Ne succédant à personne et tirant leur origine d’eux seuls, ils ont renoncé à la charité, à l’espérance de la foi, au patrimoine de famille. Par le seul nom d’hérétiques, c’est-à-dire de séparés, ils ont imprimé sur leur front le sceau de la nouveauté qui les accuse et les flétrit ; docteurs sans doctrine, qui, pour toute autorité, ont leur hardiesse et, pour toute science, leurs décisions précipitées. »
Après cela, nous ne devons pas nous étonner d’entendre Luther, le plus fameux hérésiarque de l’Occident, nous dire, dans ses ouvrages, qu’il avait des entretiens avec le prince des ténèbres :
« M’étant réveillé vers minuit, nous dit-il, le démon se mit à disputer avec moi au sujet de la messe, etc. »
Mais l’action du démon ne parut jamais dans aucun hérésiarque aussi clairement que dans Simon le Magicien, regardé par Saint Justin, Saint Irénée et Saint Épiphane comme le maître des hérésies et surnommé par Saint Ignace le fils de Satan. Dès le temps des Apôtres, Lucifer, jaloux des progrès de la religion chrétienne qui commençait à fleurir et à se propager de tous côtés, entreprit d’élever une nouvelle synagogue pour l’opposer à l’Église de Dieu.
Il prit pour instrument de son dessein Simon le Magicien et le chargea de lutter conte le Prince des Apôtres, afin que ce que l’un établissait par la vraie doctrine et l’esprit de Dieu, fût détruit par l’autre avec les sophismes de l’erreur et l’esprit de Satan. La dispute des deux antagonistes commença dans la ville de Samarie, d’où Simon était originaire et où il avait reçu le baptême des mains de Saint Philippe, diacre.
Saint Pierre et Saint Jean s’étant rendus dans cette ville pour imposer les mains aux fidèles par le sacrement de Confirmation, Simon fut surpris de voir que les Apôtres avaient le pouvoir de faire descendre le Saint-Esprit sur les néophytes et leur offrit de l’argent pour obtenir d’eux le même pouvoir ; mais saint Pierre lui remontra l’énormité de son audace et l’avertit de faire pénitence.
Ces paroles ne convertirent pas le magicien. Il sortit de la ville, parcourut plusieurs provinces, tâchant de pervertir tout le monde par sa fausse doctrine, qu’il appuyait des artifices de la magie. À la fin, il se rendit à Rome où Saint Pierre alla bientôt le rejoindre. À son arrivée, le Saint Apôtre fut profondément affligé d’apprendre que toute la population avait été séduite par les impostures, les enchantements et les artifices diaboliques de Simon.
Il faisait marcher des statues ; il prenait la figure d’un serpent et d’autres bêtes ; il passait à travers le feu sans se brûler ; il volait en l’air ; il convertissait les pierres en pain ; il ouvrait les portes fermées sans y toucher ; il brisait les chaînes des prisonniers et faisait d’autres prétendus prodiges qui excitaient l’admiration de tout le monde et le faisaient regarder comme un dieu.
Le Prince des Apôtres, voulant détromper les Romains, se hâta d’entrer en lice avec l’imposteur. Après plusieurs discussions, il lui proposa de faire apporter le corps d’un homme mort, ajoutant que celui des deux qui le ressusciterait serait reconnu pour prédicateur de la vraie religion. Simon y consentit et réussit d’abord, par son art diabolique, à obtenir que le défunt remuât la tête, de sorte que les assistants crurent qu’il lui avait rendu la vie ; mais, à la fin, on vit que le mort restait sans mouvement ni aucun signe de vie.
Alors Saint Pierre se mit en prières et le ressuscita à la vue de tout le monde, qui reconnut la véracité du Saint Apôtre et l’imposture de Simon. Celui-ci, dépité du succès obtenu par Saint Pierre et du mépris que les Romains commencèrent à concevoir pour lui, leur déclara avec un accent indigné que, puisqu’ils étaient assez insensés pour l’abandonner, afin de croire à Pierre, il commanderait à ses anges de l’enlever en l’air devant eux, et qu’il monterait au ciel, d’où il leur enverrait des calamités étranges, pour les châtier de leur incrédulité.
Il assigna donc un dimanche pour le jour de son ascension.
Le Prince des Apôtres jeûna le samedi et enjoignit à tous les fidèles d’avoir également recours au jeûne, afin de lui obtenir la grâce de triompher d’un ennemi si funeste. Le jour venu, une multitude de peuple s’assembla pour être témoin du prodige annoncé par Simon, qui monta sur un lieu éminent, et les démons l’enlevèrent dans l’air, comme s’il eût volé vers le ciel. À ce spectacle, tous les assistants, ravis d’admiration, se mirent à crier que Simon était le vrai Dieu.
Quant à Saint Pierre, voyant l’émotion du peuple, la vanité de son adversaire et les artifices de Satan, il leva les yeux au ciel et commença de prier avec beaucoup d’humilité et de confiance en la puissance et en la bonté de Dieu. Sa prière finie, il commanda aux esprits infernaux de le laisser choir sur place.
Aussitôt, le magicien tomba à terre et se rompit les jambes dans sa chute. Le Saint Apôtre ne voulut pas qu’il se tuât en tombant pour lui donner le loisir de se repentir. Mais le misérable imposteur demeura impénitent jusqu’à la fin, et il mourut le lendemain à Aricia, village près de Rome, où il s’était fait transporter après sa chute. (Le R. P. Ribadeneira, Vie de saint Pierre.)
Bien que les autres hérésiarques ne présentent pas aux peuples qu’ils veulent pervertir les prodiges diaboliques qui secondaient Simon le magicien, ils ne laissent pas pour cela de faire l’œuvre du démon, en corrompant les mœurs, en faisant perdre la foi et en privant les chrétiens des principaux moyens de salut, qui ne se trouvent que dans l’Église catholique.
« La révélation que j’ai faite de mon évangile, disait Luther lui-même, a eu pour résultat de tuer la vertu, d’étouffer la justice, de bâillonner la pudeur, de mettre la vérité en lambeaux, de mutiler la foi, d’ouvrir la porte à des iniquités sans fin, de chasser toute dévotion et de ne laisser au monde que l’hérésie. » (Témoignage d’Aurifaber, l’un des fidèles disciples de Luther.)
Comment n’être pas ému de pitié au spectacle de ces multitudes d’âmes chrétiennes, jetées en dehors de la vraie foi par la faute d’une poignée d’hommes pervers, qui réussirent, au seizième siècle, à troubler les consciences et à bouleverser l’Évangile de Jésus-Christ ! Que sera-ce si nous joignons à ces millions de protestants le nombre plus considérable, peut-être, des victimes d’un Photius et d’un Cérulaire, lesquelles, schismatiques de nom, sont aujourd’hui hérétiques de fait ?
La charité d’une part, et de l’autre notre piété filiale envers l’Église et le Cœur de Jésus si amèrement blessé par les outrages de tant de chrétiens égarés, nous commandent, sans doute, de travailler, par nos efforts et nos prières, au retour à la foi des grands peuples hérétiques, plongés encore dans les ténèbres de l’erreur ; mais les hommes qu’en un tel milieu nous devons surtout tâcher d’arracher à l’erreur, ce sont les hommes influents qui, par leur condition, leur éducation, leur valeur personnelle, dirigent ces vastes courants d’opinion auxquels les masses populaires ne savent pas résister.
Qu’on se figure, par exemple, en Angleterre, en Allemagne, en Russie et ailleurs, les principaux d’entre les citoyens entraînés vers l’Église catholique par l’impulsion décisive de la grâce et jaloux de céder à cette action victorieuse. Avec quelle facilité, avec quel élan, les populations entières seraient, elles aussi, comme emportées, presque à leur insu, et amenées en masse au bercail du vrai Pasteur !
À lire aussi | Les Saints Anges nous rendent de grands services pour l’éternité
Ce n’est pas tout ; la conversion de ces grands peuples n’entraînerait-elle pas à sa suite l’Asie, l’Afrique et tout ce qui reste dans le monde d’infidèles ou de païens ? Et pour ne parler ici que d’une nation, est-ce que le retour sincère de la Grande-Bretagne à la foi catholique, est-ce que son prosélytisme, son influence coloniale, sa libéralité, mis sans arrière-pensée au service de la véritable Église, n’ébranleraient pas sous peu les fausses divinités sur leurs autels, et ne ruineraient pas un jour l’empire idolâtrique tout entier dans la plus grande partie de l’univers ?
Redoublons donc nos prières et nos efforts, afin d’obtenir un si heureux, un si vaste résultat pour la gloire de Dieu et le salut de ces millions d’âmes que l’hérésie et le schisme ont détachées de l’Église de Jésus-Christ ; prions avec ferveur et persévérance, afin qu’elles rentrent au bercail et ne forment plus qu’un seul troupeau sous la conduite de l’unique et vrai Pasteur.
Source : Guerre à Satan, l’éternel ennemi du genre humain – Missionaire Apostolique – 1892
Merci.