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La conversion de Clovis fut un beau jour pour la religion catholique

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La conversion de Clovis fut un beau jour pour la religion catholique

La conversion de Clovis fut un beau jour pour la religion, ce jour où elle vit entrer dans son sein le chef victorieux d’un des peuples les plus célèbres parmi les barbares. Depuis la conversion de Constantin, il ne s’était pas accompli de fait aussi mémorable.

La nouvelle en fut accueillie par des transports de joie dans toute la catholicité. Cet événement était en effet pour elle un sujet de consolation bien légitime et de bien douces espérances. Pour en apprécier toute l’importance, n’oublions pas l’état dans lequel se trouvait en ce moment l’orthodoxie.

Persécutée en Orient par l’empereur Anastase, fauteur des erreurs d’Eutichès, sa position n’était pas plus heureuse en Occident. L’hérésie y dominait de toutes parts. On sait que l’Italie était soumise aux Goths, la Gaule narbonnaise, l’Aquitaine et l’Espagne aux Visigoths, la Gaule lyonnaise aux Bourguignons, l’Afrique aux Vandales, la Galice aux Suèves, la Pannonie aux Lombards, la Dacie aux Gépides. Or, presque tous ces peuples et leurs chefs eux-mêmes professaient les erreurs d’Arius, le reste appartenait à celles de Pelage.

Quant aux autres nations et à leurs rois, dans la Germanie et la Grande-Bretagne, ils étaient encore païens.

Ainsi, par l’effet d’une de ces crises terribles à travers lesquelles il avait plu à Dieu de la faire passer, l’Église, déchue de son influence, ne se trouvait subsister que de sa propre force morale. De toutes les dynasties existantes, pas une ne s’était encore ralliée à son autorité. Elle était comme livrée à la merci des sectes et de leurs passions. Le baptême de Clovis la plaçait tout à coup dans des conditions bien différentes. Non-seulement elle venait d’acquérir une protection redoutable à ses ennemis ; mais encore l’exemple d’un monarque, célèbre par ses conquêtes et son génie, pensait-elle avec raison, devait agir sur les autres rois barbares. Il ne pouvait manquer du moins d’entraîner le peuple franc, et de donner ainsi pour bouclier à sa sainte cause la nation la plus renommée pour son énergie. Ainsi, ses pertes réparées, sa prépondérance reconquise et bientôt même accrue, il n’était pas d’avantages dont le baptistère de Reims ne lui fît concevoir l’espérance. Il ne faut donc pas être surpris de la joie manifestée par le monde catholique à la nouvelle de cet événement, non plus que du titre de fils aîné de l’Église et de roi très-chrétien dont fut salué Clovis, et que ses successeurs se firent honneur de porter.

Les manifestations dont ce prince dut se voir entouré par les fidèles, on les imagine. Le saint prélat dont le zèle l’avait gagné à la religion ne pouvait être oublié. Nous avons une lettre de félicitations adressée au monarque par Avitus, évéque de Vienne et l’un des hommes les plus considérables de l’époque. Ce pontife en avait écrit une autre à Rémi, pour le glorifier du bien qu’il avait fait à l’Évangile par cette conversion merveilleuse. Cette dernière, dont parle Flodoard, n’est malheureusement pas arrivée jusqu’à nous. Mais ce dont Clovis dut surtout être flatté, au milieu du concert unanime de congratulations et de témoignages de dévouement dont l’environnait le clergé, c’est de la lettre que le prêtre Eumérius fut chargé de lui remettre de la part du pape Anastase.

« Nous nous félicitons, lui disait le souverain pontife, de voir votre conversion se rapporter au commencement de notre épiscopat. Le siège de saint Pierre ne peut que se réjouir dans une pareille circonstance… Après avoir appris toute la joie dont est rempli notre cœur paternel, croissez en bonnes œuvres, mettez le comble à notre bonheur et soyez notre couronne. Que l’Église, notre mère commune, se félicite d’avoir enfanté à Dieu un si grand roi. Continuez donc, glorieux et illustre fils, à réjouir cette tendre mère et soyez pour la soutenir une colonne de fer… Nous bénissons le Seigneur de vous avoir arraché à la puissance des ténèbres, et d’avoir pourvu aux besoins de la religion, en lui donnant pour défenseur un si grand roi qui pût ceindre le glaive du salut contre les attaques de l’impiété. Poursuivez donc, mon bien-aimé et glorieux fils ! Que le Tout-Puissant vous couvre de sa protection, vous et votre royaume… et vous fasse triompher de toutes les entreprises de vos ennemis »

Une chose digne de remarque dans cette lettre, c’est que les sentiments dont elle était l’expression, le père des fidèles les partageait avec son troupeau. Rien ne fait mieux juger, à mon avis, de la manière dont était appréciée par le monde catholique la conversion de Clovis, et des pensées d’avenir que l’on y rattachait. Il devait nécessairement résulter pour ce prince des avantages immenses d’un événement qui lui assurait de si nombreuses et si vives sympathies. Il ne tarda pas à en recueillir les premiers fruits. À l’époque de son mariage, sa domination s’était étendue jusqu’à la Seine.

La seule nouvelle de son baptême, dit Jules de Pétigny, sur la foi de l’auteur des Gestes des rois de France lui soumit les cités de la division Armorique, les deuxième et troisième Lyonnaises, et étendit son autorité jusqu’aux rives de la Loire.

Clovis répondit, il faut le dire, à l’attente générale par des œuvres dignes d’un roi chrétien. Les dommages causés par ses armes, il commença par les réparer. Il rechercha, pour les indemniser, les particuliers qui avaient eu le plus à souffrir des suites de son invasion. Il rendit à la liberté les prisonniers faits durant la guerre ; il fit restituer aux églises les biens dont on les avait dépouillées : plusieurs d’entre elles furent même enrichies de ses libéralités. Aux immunités dont il les gratifia, il eut soin d’ajouter pour les ecclésiastiques tous les privilèges dignes de la sainteté de leur ministère. C’est ainsi que la religion, à la faveur de sa protection spéciale, put bientôt respirer et voir ses plaies se cicatriser.

Une telle conduite aurait peut-être lieu de surprendre dans un roi barbare, converti depuis si peu de temps. Aussi l’influence du saint prélat s’y révèle-t-elle d’une manière non équivoque. On a vu quelle confiance il avait inspirée à ce prince. Elle était arrivée à ce point, que celui-ci ne touchait à rien de ce qui avait surtout rapport aux affaires religieuses, sans l’avoir d’abord consulté. Il se guidait de ses conseils, se prêtait docilement à ses exhortations, et comme il avait pour lui toute la tendresse d’un fils, il ne paraissait occupé que du soin de lui être agréable. Il lui donna pour son église de vastes possessions dans les Vosges et dans d’autres provinces. On rapporte, à ce sujet, je ne sais sur quel fondement, qu’il lui offrit la propriété de toutes les terres dont il pourrait faire le tour à cheval, pendant que lui-même ferait sa méridienne. On voyait, encore au Xe siècle, suivant le témoignage de Flodoard, les limites marquées par notre saint à son passage. Cet écrivain ajoute à son récit divers incidents par lesquels il aurait plu à Dieu de manifester, durant cette course, son approbation à la munificence royale. Je n’en citerai qu’un seul. Il s’agit d’un meunier que Rémi rencontra sur sa route. Cet homme, mû sans doute par des sentiments hostiles à l’Église, ne voulait pas avoir de redevances à lui payer, aimant mieux s’en acquitter envers le roi. Il repoussa donc le prélat, afin que son moulin ne fût pas compris dans l’enceinte de son domaine.

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« Puisque tu ne veux pus que nous le possédions ensemble, lui dit notre saint, après avoir fait longtemps d’inutiles efforts pour vaincre l’opiniâtreté du meunier, eh bien ! Il ne sera ni à toi ni à moi. »

et le moulin s’écroula tout à coup. Il a été impossible, depuis cette époque, d’en rebâtir un autre à sa place.

Quoi qu’il en soit, les seigneurs les plus puissants du royaume, à l’exemple du maître, rivalisèrent de libéralités envers l’envoyé du ciel. L’église de Reims en fut dotée de plusieurs terres considérables et devint bientôt ainsi la plus riche des Gaules. Il est vrai d’ajouter que Rémi n’avait voulu rien accepter du monarque avant que les autres églises eussent eu part à ses bienfaits. Le désintéressement dont il fit preuve en cette circonstance n’a pas besoin d’éloges. On s’arrêterait devant un tel acte isolé dans la carrière d’un homme. Peut-il en être de même ici où surabonderaient les faits de cette nature ? La vie de notre saint n’était qu’un détachement continuel. C’est ce qu’il nous serait aisé de justifier par une foule d’exemples. Nous nous bornerons à reproduire le fait suivant comme devant nous fournir également la preuve de son crédit auprès du roi.

Un des seigneurs les plus puissants de la cour, le comte d’Epernay, connu sous le nom d’Euloge, s’étant rendu coupable du crime de lèse-majesté (atteintes au souverain), il avait cherché à se soustraire par la fuite au châtiment qui lui était réservé. Parmi les églises jouissant le droit d’asile, celle de Notre-Dame de Reims était surtout réputée. Il s’y réfugia. Sachant le crédit de l’évêque, il le prie d’intervenir auprès du monarque pour en obtenir sa grâce. Rémi, touché du repentir témoigné par le suppliant, fait cette démarche. Le résultat dépassa toutes les espérances. Non-seulement Clovis accorda la vie à Euloge, mais encore il lui rendit les biens dont il avait été dépouillé par un jugement.

Soit lassitude d’un monde où il ne lui était plus permis de vivre avec honneur, soit effet de la grâce, le comte d’Epernay forma le projet de se retirer dans la solitude, pour y travailler à son salut. II s’en ouvrit à saint Rémi. Raffermi dans cette résolution par ses conseils, il voulut lui faire accepter pour son église ses possessions d’Épernay. Celui-ci les refusa. Il engagea même Euloge à les vendre pour en donner le produit aux pauvres. Vaincu cependant par ses instances et comprenant qu’il ne lui appartenait pas après tout de frustrer son église d’un avantage qu’on lui voulait faire, il consentit à recevoir cette propriété, mais à la condition d’en payer la valeur, sinon entière, du moins approximative ; et c’est ce qui eut lieu.

Une lettre de consolation de notre saint à Clovis fait placer à peu près à la même époque un malheur dont fut frappée la famille royale. Nous voulons parler de la mort d’Arboflède.

« Le sujet qui cause votre tristesse, disait le prélat, la mort de votre sœur, d’heureuse mémoire, m’afflige et m’afflige profondément. Mais ce qui nous doit être un motif de consolation, c’est quelle est sortie de ce monde plus digne d’envie que de pleurs. »

Cette princesse, encore à la fleur de l’âge, joignait aux charmes de l’esprit et de la beauté les avantages plus solides de la vertu. Elle avait, comme nous l’avons vu, reçu le baptême l’année précédente. Elle s’était depuis consacrée à Dieu. Clovis l’aimait tendrement, et sa perte lui causa une douleur inexprimable que le temps et les sentiments de religion réveillés dans son cœur par les touchantes exhortations du prélat parvinrent seuls à calmer.

Le frère s’était assez longtemps montré dans le monarque, par l’abattement profond où cet événement l’avait plongé ; le conquérant ne devait pas tarder à reparaître. Ce fut sur la Bourgogne qu’il porta d’abord ses prétentions.

On se rappelle que son mariage lui conférait des droits sur une partie de ce royaume. Résolu de les revendiquer par la force des armes, il s’unit secrètement à Gondégisil, lequel avait les mêmes griefs contre Gondebaud. On n’a pas oublié les maux dont ce prince usurpateur et parricide avait abreuvé Clotilde. Il semble que cette reine eût dû voir avec satisfaction une entreprise contre lui. Il n’en fut rien. Son cœur était trop miséricordieux pour que le moindre désir de vengeance y pût trouver accès. À peine eut-elle connaissance du projet de son époux qu’on la vit employer tous ses efforts à l’en détourner,

« Laissez, lui dit-elle, laissez respirer à l’abri de nouveaux malheurs la maison qui m’a mise au monde pour votre majesté. N’est-il pas indigne d’allumer la discorde entre deux frères ? Prenez garde que votre exemple ne dispose vos enfants à se mutiner les uns contre les autres. »

Que ces paroles fussent l’expression d’un cœur éminemment bon et généreux, c’est ce que l’on ne saurait nier. Mais il ne faut pas non plus se dissimuler combien elles devaient être impuissantes sur l’esprit du roi, pour le faire renoncer à une entreprise dont il avait déjà reconnu la nécessité.

Néanmoins, quelque juste que lui parût cette guerre, Clovis ne pensa pas devoir l’entreprendre avant d’avoir consulté son oracle ordinaire, l’évêque de Reims. Celui-ci, voyant dans l’exécution de ce projet un moyen de frapper l’hérésie ; n’hésita pas à le confirmer dans cette résolution. Il lui donna sa bénédiction, et, lui remettant un flacon de vin, il lui promit la victoire tant que ce vin suffirait à son usage de chaque jour. On ajoute que, par un effet de l’intercession de notre saint, ce vin était miraculeusement renouvelé à mesure que l’on y touchait, de sorte que le flacon demeurait toujours plein.

Gondebaud se trouvait alors à Lyon. Il est bon de dire que ce prince, quoique arien, permettait aux évêques catholiques de se réunir chaque année dans cette ville, le jour de la fête de saint Juste, pour y délibérer des affaires ecclésiastiques. Or ce jour approchait. L’assemblée, à l’instigation de saint Rémi qui jugeant la circonstance favorable, avait écrit à ce sujet à Etienne, évêque de Lyon, se porta auprès du roi pour en solliciter la permission d’engager une conférence avec les ariens. Avitus, évêque de Vienne, avait été choisi pour porter la parole au nom de ses collègues. Cette proposition embarrassa Gondebaud. Il tenait aux croyances de son peuple, et il n’ignorait pas le crédit dont les évêques jouissaient auprès de Clovis.

« Si votre croyance est véritable, leur dit-il, pourquoi n’empêchez-vous pas l’injustice du roi des Francs, qui m’a déclaré la guerre ? La vraie foi peut-elle s’accorder avec cette avidité du bien d’autrui et cette soif du sang des peuples ? Qu’il nous montre la vérité de sa foi par ses œuvres. »

« Seigneur, lui répondit Avitus avec une liberté respectueuse, les intentions et les motifs du roi des Francs nous sont inconnus. Mais l’Écriture nous apprend que Dieu renverse de leurs trônes les rois qui ont abandonné sa loi. Retournez, vous et votre peuple à la loi du Seigneur, mettez-vous en paix avec lui et vous n’aurez pas à craindre les entreprises des hommes. »

Soit que ce prince crût devoir user de ménagements à cause des difficultés de sa position, soit qu’il se reposât sur les lumières de Boniface, le plus éloquent de ses évêques, pour confondre les catholiques, il consentit à la conférence demandée. Elle se tint en sa présence. Le commencement de la relation de ces débats mérite d’être rapporté. C’est un hommage rendu à notre saint à l’invitation duquel ils avaient été engagés.

« Dieu, y est-il dit, pourvoyant au bien de son Église et inspirant pour le salut de son peuple le seigneur Rémi qui détruisait partout les autels des idoles et travaillait puissamment à la propagation de la vraie foi par le grand nombre des miracles qu’il faisait pour la confirmer, plusieurs évêques se sont réunis, avec l’agrément du roi, pour faire rentrer, s’il y avait moyen, dans l’unité de l’Église, les ariens, qui en étaient séparés. »

Nous n’entrerons pas dans les détails de cette célèbre conférence. Le dénouement en est connu. Contre l’attente, et de l’aveu même de Gondebaud, c’est sur les ariens que retomba la confusion.

Heureux du moins, si leur défaite eût servi à lui dessiller les yeux ! Heureux s’il avait embrassé la vérité dont il n’avait pu s’empêcher de reconnaître le triomphe ! Mais l’évidence ne fit qu’ajouter à l’endurcissement de cet autre Pharaon. Il persista dans son erreur.

Le châtiment ne se fit pas attendre.

Clovis s’était avancé à la tête de son armée. Gondebaud marcha contre lui. La rencontre eut lieu sur les bords de l’Ouche, près de Dijon. Après un combat opiniâtre, les Bourguignons furent mis en fuite et leur roi, poursuivi par son infatigable adversaire, fut obligé d’aller se renfermer dans les murs d’Avignon.

Assiégé bientôt dans cette place et réduit à la dernière extrémité, il se vit contraint, pour conserver ses États et l’existence, de solliciter la paix par l’intermédiaire d’Aridius, son conseiller intime. Elle lui fut accordée à force de trésors, et moyennant un tribut annuel auquel il fut en outre soumis.

Ainsi fut terminée cette guerre commandée par la politique, d’accord avec les intérêts de l’Église. Bien que nul historien n’en fasse mention, on a lieu de croire que la liberté pour les catholiques de Bourgogne fut une des principales clauses stipulées dans le traité imposé par le vainqueur à Gondebaud. On ne saurait, dans tous les cas, douter de l’échec subi par l’arianisme dans toute l’étendue de ce royaume, par suite de la défaite de son protecteur. Quant à Clovis, rentré dans ses États, chargé d’un butin immense et couvert de gloire, il offrit l’exemple d’une humilité à laquelle son orgueil avait jusque-là peu habitué. Rapportant à Dieu le succès de son expédition, on le vit, en reconnaissance des faveurs dont il en avait été comblé, fonder une église en l’honneur des apôtres saint Pierre et saint Paul. Il paraît, il est vrai, y avoir été engagé par les conseils des bienheureux Clotilde et Rémi. Mais ce consentement à se dépouiller en quelque sorte de sa gloire pour l’attribuer à une puissance supérieure, de la part d’un conquérant superbe et accoutumé à se regarder conme l’unique auteur de ses prospérités, n’en est pas moins admirable.

Pour revenir à notre saint, que nous avons dû quitter un instant, afin de relater dans leurs principales circonstances des événements sur lesquels son action se faisait si efficacement ressentir, par les conseils dont il n’avait cessé d’entretenir le roi et les prières dont il l’avait accompagné, pour attirer la bénédiction du ciel sur ses armes, dédommagé de ses travaux par les succès dont ils étaient suivis, loin de laisser amollir son courage, il n’en montrait, si c’est possible, que plus d’ardeur à poursuivre son œuvre de régénération. Cette œuvre était celle de Dieu : rien n’y pouvait mettre obstacle. Mais si quelque chose en pouvait hâter l’accomplissement, c’était, avec le secours du ciel, le zèle infatigable du prélat. On va voir les principaux actes par lesquels il continuait à soutenir, vers ce même temps, la mission dont la Providence l’avait chargé.

La métropole de Reims comptait onze évêchés sous sa juridiction. C’étaient ceux de Soisson, de Châlons-Sur-Marne, de Vermandois, d’Arras, de Cambrai, de Tournay, de Senlis, de Beauvais, d’Amboise, de Térouanne et de Boulogne. Bien que cette juridiction sur la plupart d’entre eux fût tout à fait précaire, à cause de. leur occupation par des peuplades étrangères au christianisme, l’accroissement de ferveur parmi les fidèles ayant rendu nécessaire une nouvelle organisation dans l’administration religieuse de sa province, Rémi résolut de leur en adjoindre un douzième, afin de mieux pourvoir aux besoins spirituels des populations. Il érigea en évêché l’église de Laon, qui dépendait auparavant de celle de Reims. Et ce nouveau diocèse, non content de l’avoir fondé d’une portion du sien, il voulut encore le doter d’une part de son patrimoine et des possessions qu’il avait reçues du roi Clovis, prouvant ainsi à ses néophytes, pour me servir del’expression d’Hincmar, qu’il désirait leur salut et non leurs richesses. Il donna Génébaud pour pontife à cet évêché.

Mais les soins donnés par notre saint à sa métropole ne lui faisaient point perdre de vue les intérêts des autres diocèses. Ceux de Cambrai, de Tournay, de Noyon et d’Arras, ayant plus particulièrement attiré son attention, à cause de l’état de souffrance où s’y trouvât encore le catholicisme, il en dédia les cathédrales à Marie. Persuadé de l’empire que devaient exercer sur les âmes les vertus de cette bonne mère, pour laquelle il avait une dévotion extrême, il cherchait à étendre, autant que possible, son culte et sa gloire. Hâtons-nous d’ajouter qu’il ne fut pas trompé dans sa confiance. Ces églises, relevées de leurs ruines, devinrent bientôt des plus florissantes.

Cependant, on n’en avait pas entièrement fini avec l’dolâtrie. Une partie de la tribu des Saliens, sur laquelle régnait Clovis, avait refusé d’embrasser la foi chrétienne, et s’était retirée au-delà de la Somme, sous la conduite de Ragnacaire : ce prince faisait sa résidence à Cambrai. Il restait encore au paganisme les autres tribus dont se composait la confédération franque : les Francs, dits maritimes, en formaient la principale ; ils occupaient le pays des Morins ou Moriniens, situé le long des côtes, entre Calais et Terouanne. Calaric, qui régnait sur eux, avait fait de cette dernière ville le siège de son petit royaume. Cologne et Le Mans étaient les capitales des autres tribus.

Gémissant de voir ces peuples encore soumis à la puissance des ténèbres, Rémi leur envoya quelques évêques pour les conquérir à la lumière. Cette mission, dont notre saint était en quelque sorte l’âme et que le roi Clovis appuyait de son autorité, ne pouvait manquer d’avoir les meilleurs résultats. Le succès en était en outre garanti par le choix des hommes chargés de la remplir. On cite, comme les plus remarquables, saint Waast et saint Aumond, appelé aussi Antimond.

Celui-ci, après avoir été élevé au sacerdoce, s’était retiré dans une solitude, auprès de Reims, où il menait une vie de cénobite dans toutes ses austérités. C’est au fond de cette retraite que Rémi, édifié de ses vertus et charmé de l’étendue de ses connaissances, était venu le chercher pour l’employer à la propagation de la foi.

« Allez, lui avait-il dit, en le sacrant évêque de Térouanne, vous trouverez un peuple dur et attaché à ses anciennes superstitions ; mais par la puissance de votre parole, qui est plus pénétrante qu’un glaive, vous parviendrez à triompher de son obstination. »

L’issue de cette entreprise répondit aux prévisions de notre saint. On ne se figurerait pas les humiliations et les dégoûts de toutes sortes qu’Antimond eut à essuyer de la part de ces infidèles ; mais les difficultés ne le découragèrent pas : n’opposant, suivant l’Esprit de Jésus-Christ, que la douceur et la patience aux mauvais traitements dont il était l’objet, il finit par se concilier l’estime et l’affection de ce peuple, et par le convertir à l’évangile.

Saint Waast nous est déjà connu. Nous l’avons vu catéchiser le roi mérovingien, lors de son passage à Toul, après les événements de Tolbiac. Il est superflu de dire que ce monarque l’avait, depuis ce jour, en grande vénération, pour la sainteté de sa vie et la supériorité de son esprit. Il l’avait recommandé à l’évêque de Reims. De son côté, Rémi était un trop juste appréciateur du mérite pour ne pas l’avoir distingué par lui-même. Nous avons vu qu’il le connaissait déjà et qu’il avait une grande affection pour lui. Jugeant de quelle utilité ses lumières pourraient être à la cause de la religion, il le donna pour évêque à la ville d’Arras, Waast se montra digne, à tous égards, de la charge qui lui était confiée et son zèle eut bientôt amené dans ce pays le triomphe de la loi divine ; il gouverna cette église jusqu’à ce que le roi Clovis se fut rendu maître de toute cette contrée par la mort de Ragnacaire. Il fut alors appelé par le bienheureux Rémi à régir le diocèse de Cambrai avec celui d’Arras : c’était vers l’an 511. À cette époque fut achevée la conversion des Francs.

Source : Thomas Prior Armand Histoire de saint Rémi – 1846

Publié par Napo

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