Entretien de Sœur Catherine, ermite depuis 25 ans dans les Alpes par RCF
Qui a inventé l’ermitage chrétien ?
Saint Antoine du désert est le père de la vie des ermites chrétiens, né en 250 et mort en 356 à l’âge de 105 ans, il perd ses parents à 18 ans et doit élever sa sœur seul, il a un peu de terre agricole, il décide de suivre la bible à la lettre et donne tout ses biens aux pauvres, après quelques travaux manuel, il décide de partir vivre 15 ans dans le désert.
Il est fêté sous le nom de saint Antoine le 17 janvier.
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Qu’avez-vous découvert au cours de ces années de solitude ?
Le premier bienfait a été une libération, un déconditionnement. La liberté de vaquer à Dieu ! Beaucoup de regards réducteurs nous enferment dans des rôles ou des étiquettes qui nous détournent de nous-même. Bien des façons de vivre en société nous » chosifient » au lieu de développer notre humanité. En solitude j’ai eu le temps de réfléchir, de mettre tout cela sous le regard de Dieu. Je crois qu’on ne peut vraiment se connaître que lorsqu’on se retrouve sous le regard bienveillant de Dieu. Par l’oraison, je me suis sentie libérée. Ma liberté, ce n’est pas celle de la » roue libre « , qui tourne sur elle-même sans aucun frein. C’est celle d’avancer sans percuter qui que ce soit, sur un chemin inconnu qui se découvre au fur et à mesure …
Et puis, quand on ne peut compter que sur soi-même, il est indispensable d’ être vrai quant à ses possibilités et ses limites. En société, on a tendance à se maîtriser pour faire bonne figure. En solitude, libéré du paraître, on peut s’avouer franchement ses faiblesses, ses torts ; on peut travailler sur soi jusqu’à la racine, on ne se contente pas d’une impeccabilité de surface. Et l’on s’émerveille de découvrir qu’en obéissant à un appel de Dieu, on rejoint ses aspirations les plus profondes. D’ailleurs, quand on a accepté d’unir sa vie à celle de l’Etre Parfait, s’il y a faute ou erreur, elle vous incombe toujours ! Impossible de ronchonner contre le Conjoint … ou contre la Supérieure, puisqu’il n’y en a pas !
La vie dans la nature a été pour moi rude mais positive. A mon arrivée j’étais en toute petite santé, et au lieu de m’abattre, cela m’a transformée. La vie dans la nature permet l’équilibre corps-âme-esprit ; équilibre entamé par la vie urbaine. S’oxygéner fait disparaître des pensées importunes, assainit le comportement, simplifie ou supprime certains problèmes spirituels. La vie dans la nature nous met à notre juste place dans l’univers, et dans les grands cycles de la vie ( tout comme le cycle liturgique d’ailleurs ).
Mais il faut dire que vivre dans un ermitage de montagne demande un gros engagement physique. Il faut marcher pour tout et tout porter sur le dos : l’eau ( la source est loin ), les provisions, matériaux, outils, livres, bougies … Et même le bois pour me chauffer : sur ce territoire protégé je n’ai le droit de tronçonner que le chablis ( les arbres abattus ). Marcher encore pour aller à l’Eucharistie : mais je ne peux pas dire que je porte le Saint-Sacrement, c’est Lui qui me porte … C’était tout de même très au-delà de mes forces. J’ai dû tout vivre dans l’offrande de chaque instant, pour tous ceux qui peinaient bien plus que moi, et j’ai eu plusieurs années d’extrême fatigue. Mais mon offrande a été acceptée ! Mon épuisement a mystérieusement fait place à un renouvellement complet de mes forces : j’y vois la puissance de la résurrection déjà à l’oeuvre.
Vivre en milieu sauvage a été désarçonnant mais enthousiasmant. Par exemple pendant plusieurs années, mes plus proches voisins ont été une meute de loups. Ils se sont installés à trente mètres de la grotte. Nous avons cohabité et appris à nous connaître : quelle étrange communauté et quel drôle de noviciat j’ai dû vivre ! … avec pas mal d’appréhension de mon côté. Jusqu’au jour où j’ai réalisé à quel degré de communion nous sommes parvenus. Un dimanche soir je disais les Vêpres à la chapelle. Juste après le Capitule ( un passage de la Parole de Dieu ), il y a un silence sacré pendant lequel on intègre la Parole. Au moment précis où j’allais chanter le répons, un des loups a chanté à ma place, en poussant un hurlement très doux et modulé. Il était venu m’écouter prier sans se faire voir. J’ai été saisie de voir à quel point ces bêtes étaient attentives, et capables de s’insérer avec autant d’à propos dans la liturgie.
Pour plus d’informations, retrouvez le blog de Sœur Catherine.