Le Pape François a présenté ses vœux ce lundi 8 janvier en présence des membres du corps diplomatique accrédité par le Saint-Siège.
Il a commencé par remercier tous ses membres et plus spécialement le Doyen du Corps, l’Ambassadeur George Poulides en rappelant également que la « famille diplomatique s’est agrandie récemment grâce à « l’établissement de relations diplomatiques avec le Sultanat d’Oman et à la nomination du premier Ambassadeur, ici présent« .
Il a commencé son discours en rappelant un mot qui résonne lors des deux principales fêtes chrétiennes « c’est le mot “paix”. Celle-ci est avant tout un don de Dieu : c’est Lui qui nous laisse sa paix (cf. Jn 14, 27), mais en même temps elle est notre responsabilité : « Heureux les artisans de paix » (Mt 5, 9). Travailler pour la paix.Ce mot est très fragile et, en même temps, exigeant et plein de sens. Je voudrais lui consacrer notre réflexion présente, en un moment historique où celle-ci est de plus en plus menacée, affaiblie et en partie perdue. D’autre part, il revient au Saint-Siège, au sein de la communauté internationale, d’être une voix prophétique et un appel à la conscience.«
Il continue en citant le célèbre message de Pie XII lors de la veille de Noël 1944 : « La Seconde Guerre mondiale touchait à sa fin après plus de cinq années de conflit et l’humanité – disait le Pape – éprouvait « une volonté toujours plus clair et plus ferme : faire de cette guerre mondiale, de ce bouleversement universel, le point de départ d’une ère nouvelle de profond renouveau ». Quatre-vingts ans plus tard, l’élan de ce “renouveau profond” semble s’être épuisé et le monde est traversé par un nombre croissant de conflits qui transforment peu à peu ce que j’ai appelé à plusieurs reprises la “troisième guerre mondiale par morceaux” en un véritable conflit mondial.«
Après ça, il a renouvelé son appel à la paix en Israël, Palestine au Liban soutenant la solution à deux États, l’un israélien et l’autre palestinien, avec un « statut spécial internationalement garanti pour la ville de Jérusalem, afin qu’Israéliens et Palestiniens puissent enfin vivre dans la paix et la sécurité.«
Puis le Pape attire l’attention de la Communauté internationale sur le Myanmar face à l’urgence humanitaire qui affecte les Rohingyas en appellant à « redonner de l’espoir à cette terre et un avenir digne aux jeunes« .
Il a ensuite parlé de la guerre en Ukraine, rappelant qu’il y a eu de nombreuses victimes et beaucoup de destructions, que le conflit s’enracine de plus en plus et qu’il ne peut être autorisé à se poursuivre, mais qu’il « doit prendre fin par la négociation, dans le respect du droit international.«
« J’exprime également également ma préoccupation quant à la situation tendue dans le Caucase du Sud entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, et j’exhorte les parties à parvenir à la signature d’un Traité de paix. Il est urgent de trouver une solution à la situation humanitaire dramatique des habitants de cette région » a signalé encore le Pape.
François s’est ensuite tourné auprès de l’Afrique en expliquant que « nous avons sous les yeux la souffrance de millions de personnes due aux multiples crises humanitaires dans lesquelles se trouvent divers pays subsahariens, en raison du terrorisme international, de problèmes sociopolitiques complexes et des effets dévastateurs provoqués par le changement climatique, auxquels s’ajoutent les conséquences des coups d’État militaires dans certains pays et de certains processus électoraux caractérisés par la corruption, l’intimidation et la violence.«
Il en profite de plus pour soulever les événements dramatiques au Soudan, où « malheureusement, après des mois de guerre civile, aucune issue n’est encore en vue, ainsi que les situations des personnes déplacées au Cameroun, au Mozambique, en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud. C’est précisément dans ces deux derniers pays que j’ai eu la joie de me rendre au début de l’année dernière, afin d’apporter un signe de proximité à leurs populations souffrantes, bien que dans des contextes et des situations différentes. Je remercie chaleureusement les Autorités de ces deux pays pour leurs efforts d’organisation et pour l’accueil qu’elles m’ont réservé. Le voyage au Soudan du Sud avait également un caractère œcuménique, puisque j’étais accompagné par l’Archevêque de Canterbury et le Modérateur de l’Assemblée générale de l’Église d’Écosse, témoignant ainsi de l’engagement commun de nos Communautés ecclésiales en faveur de la paix et de la réconciliation.«
Le Nicaragua est défini comme préoccupant, à cause de sa crise qui perdure ainsi qu’aux conséquences douloureuses pour la société nicaraguayenne et en particulier pour l’Eglise Catholique, le Saint Siège « ne cesse d’appeler à un dialogue diplomatique respectueux pour le bien des catholiques et de l’ensemble de la population.«
Le Pape explique ensuite avoir dressé, derrière ce tableau, « un monde de plus en plus déchiré, mais surtout se trouvent des millions de personnes – des hommes, des femmes, des pères, des mères, des enfants – dont les visages nous sont pour la plupart inconnus et que nous oublions souvent.«
« Les guerres peuvent se poursuivre grâce à l’énorme disponibilité des armes. Il convient de poursuivre une politique de désarmement, car il est illusoire de penser que les armements ont une valeur dissuasive. C’est plutôt le contraire qui est vrai : la disponibilité des armes encourage leur utilisation et augmente leur production. Les armes créent la méfiance et détournent les ressources. Combien de vies pourraient être sauvées avec les ressources destinées aujourd’hui aux armements ? Ne serait-il pas préférable de les investir dans une véritable sécurité mondiale ? » a alors questionné le Saint Père
Il a ensuite enchainé sur les fameux changements climatiques qui exigent « une réponse de plus en plus urgente et demande la pleine implication de tous et de toute la communauté internationale. Je souhaite donc que ce qui a été décidé à Dubaï conduise à « une accélération décisive de la transition écologique, à travers des formes qui […] soient mises en œuvre dans quatre domaines : l’efficacité énergétique, les sources renouvelables, l’élimination des combustibles fossiles et l’éducation à des modes de vie moins dépendants de ces derniers ».«
Puis d’embrayer sur les causes qui poussent des millions de personnes à abandonner leur terre « à la recherche d’un avenir de paix et de sécurité. En voyage, ils risquent leur vie sur des routes dangereuses comme le désert du Sahara, la forêt du Darién à la frontière entre la Colombie et le Panama, en Amérique centrale, au nord du Mexique, à la frontière avec les États-Unis, et surtout en mer Méditerranée. Cette dernière est malheureusement devenue au cours de la dernière décennie un grand cimetière, avec des tragédies qui continuent à se succéder, notamment à cause de trafiquants d’êtres humains sans scrupules. Parmi les nombreuses victimes, ne l’oublions pas, il y a beaucoup de mineurs non accompagnés.«
« La Méditerranée devrait plutôt être un laboratoire de paix, un « lieu où des pays et des réalités différentes se rencontrent sur la base de l’humanité que nous partageons tous », comme j’ai eu l’occasion de le souligner à Marseille, au cours de mon voyage, pour lequel je remercie les organisateurs et les Autorités françaises, à l’occasion des Rencontres Méditerranéennes. Face à cette immense tragédie, nous finissons facilement par fermer notre cœur, nous retranchant derrière la peur d’une “invasion” continue le Pape François.
Il explique également que cela « n’empêche pas que les migrations doivent être réglementées pour accueillir, promouvoir, accompagner et intégrer les migrants, dans le respect de la culture, de la sensibilité et de la sécurité des populations qui prennent en charge l’accueil et l’intégration. D’autre part, il faut aussi rappeler le droit de pouvoir demeurer dans sa patrie et la nécessité qui en découle de créer les conditions pour qu’il puisse s’exercer effectivement.«
François en profite pour rappeller que la paix éxige aussi le respect de la vie, « de toute vie humaine, à partir de celle de l’enfant à naître dans le sein de la mère, qui ne peut être supprimée, ni devenir objet de marchandage. À cet égard, je trouve regrettable la pratique de la dite mère porteuse, qui lèse gravement la dignité de la femme et de l’enfant. Elle est fondée sur l’exploitation d’une situation de nécessité matérielle de la mère. Un enfant est toujours un cadeau et jamais l’objet d’un contrat. Je souhaite donc un engagement de la Communauté internationale pour interdire cette pratique au niveau universel. À chaque moment de son existence, la vie humaine doit être préservée et protégée, tandis que je constate avec regret, en particulier en Occident, la diffusion persistante d’une culture de la mort qui, au nom d’une fausse piété, rejette les enfants, les personnes âgées et les malades.«
D’après le Pape, le chemin de la paix passe donc par « le dialogue politique et social, car celui-ci est la base de la coexistence civile d’une communauté politique moderne. L’année 2024 verra la convocation des élections dans de nombreux États. Les élections sont un moment fondamental dans la vie d’un pays car elles permettent à tous les citoyens de choisir de manière responsable leurs dirigeants. Les paroles de Pie XII, plus que jamais actuelles, résonnent :
« Exprimer son opinion sur les devoirs et les sacrifices qui lui sont imposés ; ne pas être contraint d’obéir sans être écouté : voilà deux droits du citoyen qui trouvent leur expression dans la démocratie, comme son nom même l’indique. C’est à la solidité, à l’harmonie, aux bons fruits de ce contact entre les citoyens et le gouvernement de l’État que l’on peut reconnaître si une démocratie est vraiment saine et équilibrée, et quelle est sa force de vie et de développement ». »
Le Saint Père explique aussi les augmentations « des actes antisémites survenus ces derniers mois est particulièrement préoccupante. Je rappelle une nouvelle fois que ce fléau doit être éradiqué de la société, notamment par l’éducation à la fraternité et à l’acceptation de l’autre. L’augmentation des persécutions et des discriminations à l’encontre des chrétiens, en particulier au cours de la dernière décennie, est tout aussi préoccupante. Il s’agit souvent, bien que de manière non sanglante mais socialement importante, de phénomènes de lente marginalisation et exclusion de la vie politique et sociale et de l’exercice de certaines professions, qui se produisent même dans des pays traditionnellement chrétiens. Dans l’ensemble, plus de 360 millions de chrétiens dans le monde subissent un niveau élevé de persécution et de discrimination en raison de leur foi, et de plus en plus sont contraints de fuir leur pays d’origine.«
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Enfin, en conclusion, le Pape expplique aussi que la paix passe par l’éducation qui est le principal investissement pour l’avenir d’une société ainsi que pour les jeunes générations « J’ai encore bien vivant le souvenir des Journées Mondiales de la Jeunesse qui se sont déroulées au Portugal en août dernier. Tout en remerciant encore une fois les Autorités portugaises, tant civiles que religieuses, pour leur engagement dans l’organisation, je garde dans mon cœur la rencontre avec plus d’un million de jeunes, venus du monde entier, pleins d’enthousiasme et de volonté de vivre.«
« À notre époque, une partie du défi éducatif concerne l’utilisation éthique des nouvelles technologies. Celles-ci peuvent facilement devenir des instruments de division ou de diffusion de mensonges, les fake news comme on les appelle, mais elles sont aussi un moyen de rencontres, d’échanges mutuels et un important vecteur de paix. « Les remarquables progrès des nouvelles technologies de l’information, en particulier dans la sphère numérique, présentent des opportunités enthousiasmantes et des risques graves, avec de sérieuses implications pour la poursuite de la justice et de l’harmonie entre les peuples » » continue le saint père.
Il rappelle finalement que l’Eglise se prépare également cette année au Jubilé qui commencera à Noël 2024, en remerciant par avance les autorités italienne qui permet l’accueil de nombreux pèlerins permettant de tirer des fruits spirituels de la démarche jubilaire. « Aujourd’hui, peut-être plus que jamais, nous avons besoin de l’année jubilaire. Face à tant de souffrances, qui provoquent désespoir non seulement chez les personnes directement touchées mais dans toutes nos sociétés ; face à nos jeunes qui, au lieu de rêver d’un avenir meilleur, se sentent souvent impuissants et frustrés ; et face à l’obscurité de ce monde qui semble se répandre au lieu de reculer, le Jubilé proclame que Dieu n’abandonne jamais son peuple et garde toujours ouvertes les portes de son Royaume.«