La philosophie a aujourd’hui perdu sa souveraineté et a été remplacée par une phraséologie telle que la « diversité » et l' »inclusivité ».
La philosophie dépend entièrement des philosophes, bien que l’amour de la sagesse ne se limite pas à ceux qui écrivent des livres et enseignent la philosophie. C’est à la fois une nécessité et un malheur.
Même une étude superficielle de l’histoire de la philosophie nous apprend qu’en général, les individus connus dans le monde sous le nom de philosophes se sont révélés être des dépositaires peu fiables de leur noble sujet. Ils étaient handicapés par le désir de dire quelque chose de nouveau, par l’envie de plaire, par la volonté de se conformer à la dernière mode et par l’amour de l’argent.
De ce fait, leurs philosophies ont été entachées par des attitudes qui sont ruineuses pour une philosophie saine. Par conséquent, la philosophie a acquis la réputation de n’être rien de plus que l’opinion d’une personne. Ainsi, la philosophie a perdu son statut universel et est devenue la propriété privée de chacun.
G.K. Chesterton dit, dans son essai « Le renouveau de la philosophie – Pourquoi » :
« La meilleure raison pour une renaissance de la philosophie est que si un homme n’a pas de philosophie, certaines choses horribles lui arriveront… frappé par un coup après l’autre de la stupidité aveugle et du destin aléatoire, il titubera vers une mort misérable sans autre réconfort qu’une série de mots d’ordre.«
Le maître du paradoxe exagérait-il en écrivant ces mots ? Si l’on considère la situation actuelle, il semble qu’il n’exagérait pas. Aujourd’hui, la philosophie a perdu sa souveraineté et a été remplacée par la phraséologie. Elle est devenue, poursuit Chesterton, « l’acceptation inconsciente des morceaux cassés d’une philosophie incomplète, brisée et souvent discréditée« .
Le mantra pro-avortement « pro-choix » n’est qu’un fragment d’une philosophie complète. Il reconnaît la réalité et la légitimité du choix, mais il est coupé de son objet. On peut choisir le mal aussi facilement que le bien. Dire que nous devrions « choisir le choix » est une forme de paralysie philosophique. Le choix consiste à choisir quelque chose. En tant que simple choix, il est terriblement incomplet. On pourrait dire que c’est le son d’une main qui tape dans la main.
Les disciples d’Ayn Rand sont d’ardents défenseurs de sa philosophie de l’individualisme et soutiennent que tout ce qu’elle a dit est vrai et que rien d’autre n’est vrai. Les partisans de feu Ruth Bader Ginsburg, juge à la Cour suprême, ont affirmé qu' »il n’y a pas de vérité sans Ruth« . Cette affirmation est vraie, mais uniquement d’un point de vue grammatical et non philosophique.
Pour les démagogues totalitaires, la philosophie n’est rien d’autre qu’une fabrication politique. Or, la philosophie n’est ni une phraséologie, ni une politique. Les mots d’ordre sont accrocheurs simplement parce qu’ils sont à la mode. Mais ils se démodent tout aussi facilement.
Dans le monde d’aujourd’hui, deux mots en particulier ont gagné une grande popularité malgré le fait que personne ne puisse leur trouver le moindre mérite.
La « diversité » est supposée être une philosophie acceptable et sympathique. Elle est utopique dans sa croyance infondée que des personnes d’origines, d’ethnies ou de races différentes peuvent être heureusement réunies et vivre dans une paix mutuelle. L’histoire nous dit le contraire.
La diversité en soi n’implique pas l’unité. Sans un facteur d’intégration qui maintient les choses en place, la diversité est comme une rangée de perles sans un fil qui les empêche de s’effondrer. La diversité, comme le choix, n’est qu’un élément d’une philosophie. Et pourtant, elle règne en maître et bénéficie de la protection du politiquement correct. Personne ne veut vraiment de la « diversité« , pas plus qu’il ne voudrait de la pagaille.
La « diversité » est étroitement liée à l' »inclusivité« . Ces deux pseudo-philosophies en un seul mot souffrent du même problème, à savoir l’absence d’un principe harmonieux d’intégration. Inclure tout le monde, les quakers et les nazis, les féministes et les violeurs, la police et la mafia, les panthères noires et les suprémacistes blancs, n’est ni souhaitable ni réalisable. C’est en fait un non-sens total. Si l’inclusion de tous est un beau rêve, dans la réalité, il est clairement irréaliste.
Essayer de vivre une vie en boitant sur un fragment de philosophie décrit l’une des « choses horribles« , comme le note Chesterton, qui peut arriver à une personne. D’où la nécessité d’une philosophie qui soit à la fois réaliste, cohérente et adaptée à tous les âges.
Une telle philosophie existe, mais elle est rejetée simplement en raison de son association avec l’Église catholique. Il est intéressant de noter que saint Thomas d’Aquin a adopté une grande partie de la philosophie du païen Aristote. Il a été critiqué par des membres éminents de l’Église pour cela (bien qu’il ait été disculpé par la suite).
L’Église précise que la philosophie n’est ni de la théologie, ni quelque chose qu’elle a inventé pour l’imposer à ses membres. Comme l’a fait remarquer le grand philosophe catholique Jacques Maritain, « la philosophie … est fondée sur la seule évidence [et] vit de la seule raison« . La philosophie s’adresse donc à tous. Elle n’est pas sectaire et n’est imposée à personne.
Plusieurs papes ont vivement recommandé la philosophie de saint Thomas d’Aquin. Cependant, ces exhortations ne prétendent nullement prouver la validité de sa pensée. Il s’agit d’approbations et non de preuves. Mais elles sont importantes dans la mesure où elles donnent à l’homme intelligent la confiance que représente la pensée de Thomas d’Aquin : une philosophie vraie, mais non fermée.
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Les papes ont approuvé quelque chose qu’ils trouvent digne en soi. Malheureusement, c’est une distinction que le monde a du mal à accepter. Il arrive néanmoins qu’un penseur, comme Maritain, Étienne Gilson, Josef Pieper, Peter Kreeft et d’autres, se rende compte de la valeur objective de la pensée de saint Thomas.
La philosophie est pour le monde et non du monde. C’est un modèle de pensée qui ne naît pas du désespoir, mais qui émerge de l’esprit humble et ouvert qui est enchanté par le mystère de l’être.
Cet article a été publié originellement par le National Catholic Register (Lien de l’article). Il est republié et traduit avec la permission de l’auteur.