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Le patriotisme chrétien reçoit de la foi son plus bel éclat

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Le patriotisme chrétien reçoit de la foi son plus bel éclat

Le Patriotisme chrétien vu par le vénérable Léon Dehon dans son discours prononcé à la distribution des prix en 1879.

Qu’est-ce que la patrie ?

Pour le commun des hommes, la patrie est le champ que déchire la charrue et qui donne au moissonneur le grain dont il se nourrit ; la patrie est la maison qui abrite la famille ; les bois qui bornent l’horizon ; le fleuve qui arrose la plaine ; les villages épars sur les coteaux voisins. La patrie va même au-delà ; elle s’étend jusqu’aux frontières et renferme dans son sein de grandes cités, de riches établissements industriels, de savantes écoles et de brillantes académies. La pairie a son histoire et ses glorieux souvenirs.

Tous les hommes aiment la patrie : elle donne le bonheur, le plaisir, la richesse.

Pour le chrétien, c’est plus que cela. Pour lui, le champ porte la bénédiction de Dieu ; le lien de la famille est l’effet d’un sacrement ; le foyer est un sanctuaire de prières ; le temple est là qui unit les membres de la cité dans la charité.

Pour le chrétien, le sol de la pairie a été trempé du sang des martyrs ; il porte les monuments des oeuvres de ses pères ; sa race a auprès de Dieu des ambassadeurs qui sont ses saints, et son histoire des faits d’armes qui sont les luttes de la patrie pour son Dieu.

Non, la foi n’éteint pas l’amour de la patrie ; elle l’éclaire et le fortifie, comme elle élève et grandit tout ce qui est noble et bon dans la nature.

L’homme religieux aime sa patrie en Dieu. Si elle n’a pas la vraie foi qu’il a la conscience de posséder, il s’efforcera de l’y conduire par sa parole, par ses oeuvres, par ses prières et par ses larmes ; il sera prêt à donner son sang pour elle.

Entendez St Paul :
« Je dis la vérité dans le Christ, je ne mens pas, ma conscience me rend témoignage dans l’Esprit-Saint : j’ai dans le coeur une tristesse grande et une douleur qui ne cesse pas ; car je souhaite d’être séparé du Christ par l’anathème, en faveur de mes frères qui sont mes parents selon la chair, qui sont israélites, de qui est l’adoption dès enfants, et la gloire, et le testament, et la législation, et le service, et les promesses ; de qui sont lès pères, de qui est le Christ selon la chair, le Christ, Dieu béni par-dessus toutes choses dans les siècles des siècles. »

Saint Paul nous donne à la fois une leçon et un exemple de patriotisme. La patrie, dit-il, c’est une grande famille, ce sont mes frères, mes parents selon la chair ; la patrie juive pour lui c’est plus que cela, c’est le peuple choisi de Dieu, le peuple des patriarches, le peuple de l’alliance, de l’arche sainte, des miracles divins, des prophéties, de la promesse et du Rédempteur, c’est le peuple de Dieu et du Christ.

J’ai entendu le Nubien presque inculte me dire : la patrie, c’est le Nil avec les palmiers de ses rivages.

Le Romain est fier de son sang, qui est aussi un don de Dieu et de sa foi, que lui apportèrent les apôtres ; sa patrie c’est, avec ses collines riches de traditions, et les ruines de son art antique qu’il ne dédaigne pas, la chaire et le sépulcre de Pierre, les catacombes, les basiliques et tous les trésors sacrés de la religion.

La Pologne ne sépare pas de l’amour de ses plaines et de la fierté de sa race le souvenir de Miécislas son premier roi chrétien, de Jagellon, de l’évêque Stanislas, son glorieux martyr, de Sobieski le héros dont Dieu se servit pour arrêter l’invasion musulmane.

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Pour l’Irlande, la patrie, ce ne sont pas seulement ses humides prairies et ses montagnes basaltiques, c’est le grand Patrick son apôtre, ce sont ses vieux monastères qui en avaient fait l’île des saints, ce sont les ancêtres qui ont lutté contre l’asservissement national, c’est l’ardent orateur O’Connel qui obtint à force d’éloquence le bill de l’émancipation.

O France, notre patrie, qu’es-tu pour nous ? La terre de nos aïeux, Francs ou Gallo-romains ; la terre qu’ils ont choisie, la terre où les conduisit la Providence. Tu es le sol qui nous a nourris, le lieu où nous avons trouvé l’abri et le vêtement ; le champ des luttes et des victoires de nos ancêtres. Tu as bien d’autres charmes que ceux d’une patrie commune. Si tu n’étais pas mon pays de naissance, tu serais mon pays d’adoption.

J’ai visité les trois continents du vieux monde. J’ai parcouru l’Europe de Constantantinople à Dublin, j’ai vu le Bosphore et la Corne d’Or, les grands fleuves de l’Allemagne, les fiords et les forêts de la Norvège, les canaux de la Hollande, les cités industrielles de l’Angleterre, les paysages de l’Ecosse, l’Espagne et ses églises, l’Italie, son beau ciel, ses ruines et ses musées, et je proclame que tu restes pour moi le plus beau des royaumes après celui du ciel.

N’as-tu pas les grands sites des Alpes et des Pyrénées, l’Océan à l’ouest et la Méditerranée au midi, les riches cultures et les grandes industries de la Flandre, les prairies et les plages de la Normandie, la Bretagne à l’esprit sévère, aux moeurs primitives, la Touraine et ses monuments, la Bourgogne et sa côte d’or, la Provence et ses baies toujours embaumées où règne un printemps perpétuel ?

J’aime tout cela en toi. Tout cela charme mes yeux, mais je m’élève plus haut, j’ouvre l’histoire et je découvre une alliance indissoluble entre ce sol et les hommes de notre race qui l’ont défriché, défendu, cultivé, enrichi, orné, marqué de leur cachet et pour ainsi dire animé de leur vie.

Je m’émeus à la vue de cent périls encourus et je salue tes défenseurs glorieux, le gaulois Vercingétorix, Clovis et Charlemagne, Louis IX, Charles V, Bayard, Duguesclin, Jeanne d’Arc, François 1er, Louis XIV et son incomparable cortège.

J’admire ta richesse et je salue les grands moines qui l’ont défrichée, les abbayes qui les premières ont protégé les laboureurs et les grands ministres de la paix, Suger Sully, Colbert.

Je m’élève encore et je te vois briller au premier rang dans toutes les gloires de l’esprit, dans toutes les branches de l’art et tous les genres de la littérature. Je trouve en toi comme deux génies et comme un double peuple. Le cours de ton histoire a deux zéniths, l’un au XIIIe et l’autre au XVIIe siècle. J’avoue même que le premier fait plus encore que le second vibrer en moi la fibre patriotique. C’est bien le génie
franc dans toute sa pureté qui a produit nos gigantesques cathédrales, ce type architectural de la grandeur et de la poésie, Chartres, Reims, Amiens, Beauvais, St-Quentin et Notre-Dame de Paris; les grandes abbayes filles de Citeaux et de Cluny ; et ces rangées d’anges et de saints, statues si graves et si pieuses qui en ornent les portiques ; et les châsses des martyrs, chefs-d’oeuvre d’orfévrerie, et les miniatures des missels et des légendes.

C’est bien de l’esprit français que découle la prose joyeuse et fine de Villehardouin et de Joinville et la poésie chevaleresque et généreuse du Roman de Roncevaux et des épopées du temps.

La gloire du XVIIe siècle est moins purement nationale. Est-ce un réveil de la race gallo-romaine et une prédominance de cet élément premier de la population? est-ce le résultat de l’étude, l’influence des Médicis et comme une conquête intellectuelle de la France par l’Italie ? Toujours est-il que Rome et la Grèce ont leur part de l’honneur qui revient au grand siècle français. J’ai dit leur part, car ce ne sont pas de simples copistes, mais aussi de glorieux créateurs que Corneille et La Fontaine, Bossuet, Racine, Boileau, Molière, Claude Perrault, Lesueur, Le Poussin, Mansard et Le Nôtre.

Oui, ô France, j’aime la belle nature, tes arts, ton génie et ta gloire. Ce sont là des dons de Dieu, auxquels je tiens et que je défendrais autant qu’il en serait besoin.

Mais mon regard porte plus haut encore. Tu as d’autres attraits qui me captivent bien davantage. Tu es une nation baptisée ; tu es une nation d’élite parmi les nations chrétiennes. J’ai vu de prés des peuples
qui n’ont pas reçu ce don de Dieu ; et j’y ai vu régner, à côté de quelque épanouissement de la raison et même de l’art, l’esclavage, le vol et la corruption.

Toi, ô France, tu as été des premières parmi les nations qui ont répondu à la vocation du Christ, de celles qu’il a comblées de bienfaits, de celles à qui il a donné la civilisation, la justice, la paix et l’honneur en leur demandant en retour et pour leur propre avantage de recevoir la loi évangélique, de l’accepter, de l’embrasser, de la faire entrer dans leurs lois, dans leurs moeurs, de la défendre au besoin et d’assurer sa liberté.

Et parmi toutes les nations aimées du Christ et bénies dans le Christ, n’as-tu pas été la plus aimée et tout particulièrement bénie?

Le sang des martyrs est comme le baptême d’une terre. N’as-tu pas été arrosée du sang de Denis de Paris, de Pothin de Lyon, de Symphorien d’Autun, de Quentin et de tant d’autres ?

J’aime dans une nation la sagesse des évêques, la science des docteurs, la sainteté des vierges. N’es-tu pas la patrie d’Hilaire et d’Irénée, de Martin et de Remi, de Geneviève et de Jeanne d’Arc, de François de Sales et de Vincent de Paul ?

Trois grandes épreuves ont ralenti dans le cours des siècles la marche triomphale de l’Eglise, l’arianisme qui niait la divinité de Jésus-Christ et qui occupait la moitié de la chrétienté ; le mahométisme qui imposait par le cimeterre la superstition et le fanatisme et qui s’avança jusqu’aux portes de Rome ;
enfin le protestantisme qui, descendu du nord, menaçait d’envahir toute l’Europe chrétienne.

Je me sens incliné à aimer la chevaleresque nation que je verrai en ces luttes suprêmes la première à combattre pour le royaume du Christ.

J’ouvre l’histoire : à la tête des défenseurs de l’Église, je trouve la France. Avec Clovis, elle refoule les peuplades ariennes. Avec Charles-Martel, elle écrase le mahométisme à Poitiers. Non contente de l’avoir chassé de son sol, elle va le frapper au coeur. Les croisades naissent aux champs de Vezelay et de Clermont. Elles sont si françaises par leur esprit et par leur caractère, qu’en tout l’Orient le nom de Francs est resté pour désigner tous les enfants de l’Europe.

Vient enfin le protestantisme. Il est bientôt accepté par les cours debauchées du nord, et à prendre les choses humainement on se demande ce que serait devenue l’Église si la France aussi était tombée. Mais le Christ vivait au coeur des Français. La nation ne consentit point à s’en détacher et le peuple le plus aimant n’accepta le plus aimable des rois qu’après qu’il eût abjuré l’hérésie.

Mais, dans cette revue des siècles, j’oubliais un point capital. Le Christ a donné à son Eglise un chef visible qui le remplace, un chef qui nous donne la vérité sans mélange, avec l’assistance divine et qui nous dirige dans la voie du salut. Tous les enfants de l’Eglise ont à coeur l’indépendance de leur chef spirituel. Cette indépendance était menacée au VIIIe siècle par les rois lombards. La France vola au secours du chef de l’Eglise, et Pépin et Charlemagne assurèrent sa légitime liberté. Et depuis, cette liberté sacrée, la France a veillé à sa garde et la défend toujours par ses armes, par son sang, par son or et par sa parole.

Je passe sur les défaillances et les apostasies momentanées ; je pourrais éveiller des susceptibilités ombrageuses et ce serait mal à propos dans une fête scolaire.

Je dois dire cependant que la France moderne retient mon affection et me séduit encore par la vitalité inextinguible de sa foi et de son prosélytisme, et par le réveil toujours spontané de son coeur et de sa charité.

Que celui-là doute de l’avenir de la France qui doute du coeur de son Dieu.

Pour moi, j’espère en Celui qui a dit à une grande coupable : « Il t’est beaucoup pardonné, parce que tu as beaucoup aimé ». Et je ne doute pas que le Christ n’aime encore — dût-il châtier beaucoup pour le
montrer — la nation qui, chaque jour, lui prouve encore son amour; la nation qui plus que toute autre est ingénieuse à nourrir et vêtir le Christ dans la personne de ses pauvres ; la nation qui lutte avec elle-même depuis cinquante ans pour donner à tous ses enfants l’enseignement chrétien dans cette lutte, hier encore, ces dix justes n’étaient-ils pas deux millions ; la nation enfin qui garde une fécondité merveilleuse
d’apostolat, et qui jette en ce moment même ses prêtres au milieu des régions inhospitalières de l’Afrique centrale comme une semence de chrétiens destinée à mourir bientôt pour produire un germe nouveau.

Cette patrie aimée, chers enfants, votre devoir est de la servir généreusement. Ce n’est pas seulement un enthousiasme factice et variable qu’elle attend de vous, c’est un noble et austère dévouement, c’est un labeur constant et assidu.

Vous lui devez le service de la prière, et qui le lui donnera si ce n’est vous, qui êtes, par vos familles et par votre éducation, de la race des hommes qui prient? Vous lui devez l’exemple et la pratique de la foi dans nos temples, dans nos prières solennelles, dans nos manifestations destinées à affirmer au grand jour les croyances d’un grand peuple.

Vous lui devez une vie forte, une vie d’hommes de caractère et de travail. Les carrières ouvertes à l’activité humaine sont diverses : l’un produit, l’autre échange ; celui-ci administre, juge ou gouverne ; cet autre défend la frontière menacée ; cet autre encore développe les sciences, invente des instruments nouveaux, fait des livres, des tableaux, des oeuvres d’art.

L’âme de toute carrière, le principe qui l’honore et la féconde, c’est le vrai courage qui se témoigne par un effort prudemment médité et noblement soutenu. Vos devanciers de l’enseignement chrétien sont l’espoir et le salut de la France. Sans doute, ils n’ont pas tous répondu à l’attente de Dieu et de leurs maîtres, quelques-uns se sont arrêtés aux vanités et aux folies du monde et leur vie passée avec un reste de foi suffisant peut-être pour leur propre salut est devenue à présent stérile pour la patrie.

Beaucoup se préparent dans le silence du travail et reprennent les traditions chrétiennes dans les administrations, dans l’armée, dans la magistrature et dans l’industrie. Il y en a qui sont mêlés à la vie politique et non sans éclat. D’autres se révèlent dans nos congrès d’économie charitable, comme des sauveurs qui nous rapportent le secret perdu de la paix sociale et de l’union du travailleur et du patron.

Vous les suivrez dans ces carrières. Vous servirez la pairie dans l’agriculture ou l’industrie, dans les lettres ou les arts, dans la guerre ou l’apostolat. Si vous êtes à la tête d’un groupe de travailleurs, vous chercherez la solution chrétienne de la grande question sociale. Vous trouverez des devanciers et des modèles.

Il y a quinze jours à peine, le glorieux Pontife Léon XIII, dans un bref qui nous montre sa haute sagesse et son zèle pratique, signalait aux patrons avides de dévouement le noble exemple des frères Harmel du Val-des-Bois. Si vous suivez la carrière des lettres, vous trouverez encore dans nos universités catholiques (que Dieu conserve !) une direction à vos généreux efforts et une atmosphère de paix et de lumière surnaturelle admirablement favorable au travail. S’il ne vous est pas donné de produire de vos mains des chefs-d’oeuvre d’art national, vous saurez de vos dons prodigues encourager le grand art religieux qui renaît.

Source : Du patriotisme chrétien – Par M. l’Abbé Mathieu archiprêtre de Saint-Quentin & M. l’Abbé Dehon

Publié par Napo

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