Jean-Baptiste de La Salle, le Saint patron des éducateurs, nous offre un manuel de vertus qui sera précieux pour ceux qui travaillent dans les écoles, mais pas seulement. Les « douze vertus d’un bon enseignant » sont des règles de vie pour quiconque s’occupe, de quelque manière que ce soit, de l’éducation des enfants.
On ne court pas le risque d’exagérer en disant que Saint Jean-Baptiste de La Salle a changé, et radicalement, la manière de scolariser : l’homme a amorcé une véritable révolution pédagogique dans la France du Roi Soleil. Par exemple, il a proposé de donner la préférence à l’enseignement dans la langue maternelle dans les écoles gratuites pour les enfants pauvres, en laissant de côté le latin sur lequel on insistait en vain et qui n’aurait pas été d’une grande utilité pour les enfants des bergers et des paysans.
Mais ce n’était pas sa plus grande intuition. Conscient de la faible qualité didactique de l’enseignement proposé dans les écoles populaires, le saint a institué un cours de formation pour les enseignants, ouvert à tous ceux qui souhaitaient s’y inscrire. En fait, il avait inventé la première école magistrale : une percée qui a véritablement changé le monde de l’éducation.
Jean-Baptiste de La Salle a laissé de nombreux textes pédagogiques, dont une liste des » douze vertus d’un bon maître » a été tirée à titre posthume : imprimée en 1785, elle a immédiatement connu une grande diffusion en raison de la bonté de ses enseignements.
Quelles sont donc ces douze vertus ? Analysons-les ensemble.
1 GRAVITÉ
Aujourd’hui, nous la définirions comme la capacité de savoir se mettre en valeur, avec un comportement autoritaire, mais sans excès. Il est évident qu’au XVIIIe siècle, le problème du maître de compagnie qui ne parvient pas à maintenir la discipline parce qu’il n’est pas très autoritaire n’existe pas ; au contraire, les conseils du saint vont dans le sens inverse, recommandant d’éviter les « accès de rage », les « regards menaçants« , « le ton impérieux, les paroles injurieuses ou dictées par l’ironie ». Au total, le bon maître « évitera de se faire craindre, car il cherche à attirer la confiance de ses élèves pour mieux connaître leurs vertus, les cultiver et les perfectionner » : un objectif difficile à atteindre si le maître terrorise tout le monde dès qu’il entre dans la classe.
2 SILENCE
Ce qui ne signifie évidemment pas le mutisme, mais « une sage discrétion dans l’usage de la parole : discrétion par laquelle le maître se tait quand il ne doit pas parler et parle quand il ne doit pas se taire« . Il est beaucoup plus efficace de proposer quelques concepts incisifs de la bonne manière que de s’étendre pendant des heures sur des digressions dénuées de sens, qui ne font qu’embrouiller les enfants.
3 HUMILITÉ
Disons-le ainsi : les salles de classe d’une école de campagne ne sont pas exactement le meilleur endroit pour quelqu’un qui veut étaler superbement sa culture. Le bon enseignant « ne se réjouit pas de ses dons naturels ni de l’éducation qu’il a pu acquérir ; il ne méprise ni ses collègues ni leur travail », et il n’a pas de préférence pour ses élèves, se réjouissant de la réussite des élèves prometteurs et abandonnant les autres à leur sort. L’humilité se répercute également sur la méthode de travail : le bon professeur évitera les maladresses et « recherchera l’uniformité dans les méthodes d’enseignement, en évitant les interprétations particulières, en considération […] des difficultés dans lesquelles il placerait le professeur qui lui succéderait éventuellement« .
4 PRUDENCE
Cette vertu « exige que l’on connaisse parfaitement à la fois l’affaire dont on s’occupe et les moyens nécessaires pour la mener à bonne fin« . D’une part, le professeur doit être en mesure d’offrir un enseignement irréprochable, c’est-à-dire qu' »il doit rappeler exactement à la mémoire les notions qui pourraient lui échapper et le déconsidérer devant ses élèves » : en d’autres termes, les bévues ne sont pas admises. En revanche, il doit veiller à réaliser son travail avec les meilleurs moyens dont il dispose, en évitant de s’exprimer « en des termes trop élevés que les élèves ne comprennent pas ou, au contraire, de manière bâclée« .
5 SAGESSE
Préparer une leçon, cela va sans dire, ne signifie pas simplement revoir les notions qui seront exposées en classe. Un bon professeur est celui qui a étudié à fond le sujet qu’il doit traiter et qui sait répondre aux questions de ses élèves : « La sagesse le guidera dans l’approfondissement des matières scolaires qu’il doit enseigner, et non seulement cela, mais aussi leur signification profonde ; sinon, il donnera à ses élèves des mots vides, ou des notions sans fondement et sans lien logique« .
6 PATIENCE
De toute évidence, c’est au moins depuis le XVIIIe siècle qu' »il n’y a plus les enfants instruits du passé, Madame ». Avec résignation, le pédagogue conseille à ses enseignants de « ne pas se laisser importuner par les manières grossières, les mauvaises blagues et les grossièretés des élèves et de leurs parents« .
Mais ce n’est que l’impolitesse rampante qui met à l’épreuve la patience des travailleurs scolaires. Le maître vertueux est prêt à « répéter souvent et avec insistance les mêmes avertissements, toujours avec bonté et affection, afin de les inculquer dans la mémoire des élèves« , malgré la fatigue que l’on peut ressentir à revenir cinquante fois sur le même sujet. Tout le monde n’apprend pas à la même vitesse, mais il ne faut pas baisser les bras : « à force d’instructions, d’avertissements, de répétitions, on arrive, tôt ou tard, au but que l’on se fixe« .
7 CONFIDENTIALITÉ
Selon le pédagogue, il y a une limite à la confidentialité opportune : l’enseignant prudent évitera toute attitude qui pourrait amener les enfants « à former des jugements imprudents susceptibles de diminuer le respect et la réputation dont l’enseignant a besoin pour influencer positivement ses élèves et mériter leur estime« .
8 DOUCEUR
Il ne fait pas du bon travail, ce professeur qui « se présente toujours mécontent de ses élèves, pour quelque raison que ce soit, ou de mauvaise humeur, glacial, qui n’ouvre la bouche que pour prononcer des mots mortifiants, désagréables, menaçants, voire insultants« . C’est un comportement inutile et délétère ; au contraire, l’enseignant s’efforcera de s’adresser à ses élèves avec « affection, douceur, bienveillance, manières captivantes et persuasives ; il évitera de durs ordres intransigeants, il en adoucira même la dureté« .
9 LE ZELE
Ne jamais s’asseoir sur ses lauriers, il faut le dire : l’enseignement est une profession en constante évolution. Afin de toujours donner le meilleur, le bon professeur « ne se limitera pas aux leçons déjà préparées » qui sont écrites dans le manuel, mais évaluera de temps en temps la classe et l’occasion de « proposer avec inventivité » quelque petite variation sur le thème, qui « n’étant pas prévue, fait ordinairement plus d’impression qu’une proposition avec méthode, à laquelle les élèves sont parfois habitués« .
10 SURVEILLANCE
Tant pour éviter les accidents que pour prévenir les mauvais comportements, l’enseignant doit toujours avoir le plein contrôle de ce que font les élèves. « Mais toujours avec prudence, pour ne pas donner l’impression de les surveiller« , et sans tomber dans la paranoïa : « la surveillance ne doit pas être anxieuse, méfiante, suspicieuse, fondée sur des conjectures infondées« , notamment parce qu’il ne sert à rien d’avoir une classe d’élèves qui vont tout droit parce qu’ils ont le souffle coupé.
11 PIÉTÉ CHRÉTIENNE
Une recommandation qui peut sembler étrange à ceux qui pensent à la pratique quotidienne de ceux qui enseignent dans les écoles publiques ; mais dans les écoles chrétiennes fondées par le saint, le professeur était à la fois enseignant et catéchiste. Et il est certain que l’éducateur qui « récite ou laisse réciter des prières à la hâte » et sans enthousiasme, et « néglige ou accomplit distraitement certaines pratiques de dévotion, comme prendre de l’eau bénite, faire un signe de croix« , ne fait pas un bon travail de catéchèse : la foi ne s’enseigne pas par le laisser-aller.
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12 GÉNÉROSITÉ
Que vaut le travail d’un individu qui ouvre un monde d’opportunités infinies à un enfant, l’accompagnant dans ce merveilleux voyage vers l’âge adulte ? Celui de l’enseignant est un travail d’une valeur incommensurable : « et bien qu’il procure à son prochain des avantages d’une importance infinie, il le fait avec un parfait désintéressement, loin d’en tirer un profit personnel« . L’enseignement est une mission : « excellente, très laborieuse et, par nature, pas toujours gratifiante aux yeux des hommes, car peu appréciée ». Mais le bon enseignant ne se soucie guère des honneurs mondains : « son vrai souci est que ses élèves récoltent des fruits abondants, afin qu’il puisse dire, comme saint Paul : « Pour moi, je travaillerai volontiers, je me consumerai pour vos âmes« .
Cet article a été publié originellement en italien par Aleteia ( Lien de l’article ).
Pourquoi ne pas renvoyer à l’ouvrage en français :
Les douze vertus d’un bon maître / par saint Jean-Baptiste de LA SALLE, expliquée par le frère Agathon , Paris : A. Mame, 1896, 1 vol. (151 p.).
L’édition de 1838 est numérisée sur le site : https://www.google.fr/books/edition/_/doIpjVgtC8IC?hl=fr&gbpv=1
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